Le procès du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, poursuivi pour prise illégale d’intérêts, s’est achevé ce jeudi devant la Cour de justice de la République qui rendra sa décision le 29 novembre. L’accusation avait réclamé mercredi une peine d’un an de prison avec sursis. Le décryptage de notre journaliste Marie-Amélie Lombard-Latune.
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00:00 Toujours intéressant de regarder ce qui se passe à la fin d'un procès.
00:03 Là aussi, en début d'après-midi, jeudi,
00:08 aussi curieux que ça puisse paraître,
00:10 Éric Dupont-Moretti avait du mal à quitter la salle.
00:12 Il a parlé avec ses avocats, passé un coup de fil,
00:15 de nouveau échangé avec son équipe,
00:16 avant de quitter les lieux direction la chancellerie.
00:18 Au banc des prévenus, pendant huit jours,
00:20 il était obligé de se plier aux règles,
00:22 de ne prendre la parole que quand le président l'a lui donnée.
00:24 Alors désormais, il redevient le patron ministre à plein temps.
00:27 En tout cas, jusqu'au 29 novembre,
00:30 date où la Cour de justice de la République doit rendre son jugement.
00:33 On a deux éléments factuels pour répondre.
00:37 Un, ses avocats ont plié derrière l'axe.
00:39 Deux, le procureur général a, lui, requis un an de prison avec sursis.
00:43 Alors pour mémoire, la prise illégale d'intérêt
00:44 est passible de cinq ans d'emprisonnement, c'est le maximum.
00:47 Ça va donc discuter ferme pendant le délibéré
00:49 entre les douze députés ou sénateurs et les trois juges professionnels.
00:53 Condamné, ne pas condamné,
00:55 tous ont bien en tête qu'une condamnation
00:57 signée en principe pour Éric Dupond-Moretti,
00:58 c'est sa mise à l'écart du gouvernement.
01:00 Ces derniers jours, on a beaucoup spéculé.
01:03 Un exemple de ces cogitations ?
01:04 La Cour de justice pourrait condamner le ministre,
01:06 mais le dispenser de peine.
01:08 C'est déjà arrivé, elle l'a fait à deux reprises
01:10 dans les sept affaires qu'elle a eues à juger depuis 1993.
01:13 Ce serait une petite portée tourate
01:15 qui s'entrouverait pour le garder sot,
01:16 une façon peut-être pour lui d'échapper à la règle claire,
01:20 c'est ce qu'a encore dit Élisabeth Borne récemment,
01:22 qui veut qu'un ministre condamné doit démissionner.
01:25 Puis toujours au chapitre des hypothèses,
01:27 on essaye évidemment d'entrer dans la tête d'Emmanuel Macron,
01:30 qui depuis trois ans a soutenu mordicus en ministre de la justice.
01:34 Deux versions irréconciliables continuent de s'opposer.
01:39 Pendant tous les débats,
01:40 elles n'ont cessé effectivement d'entrer en contradiction.
01:42 Celle de l'accusation qui décrit un avocat devenu garder sot,
01:45 voulant régler ses comptes avec des magistrats.
01:47 Puis celle de la défense qui balaye cette fable
01:49 et retourne l'accusation.
01:50 N'est-ce pas plutôt des magistrats de leur syndicat en tête
01:53 qui auraient voulu obtenir la tête du ministre ?
01:56 Personne n'a vraiment marqué de point décisif,
01:58 n'a apporté de preuves irréfutables.
02:00 Il n'y a pas eu de témoignage clé, de véritable coup de théâtre.
02:04 J'ai beaucoup regardé les parlementaires pendant ces huit jours.
02:09 Il faut bien le dire, ils restaient assez énigmatiques,
02:12 drapés dans la robe noire qu'ils avaient revêtue pour l'occasion.
02:15 Les étiquettes politiques, bien évidemment,
02:17 transparaissaient dans leurs questions.
02:18 Daniel Obono, scrupuleusement calme,
02:22 ne posait pas les mêmes questions que les députés de la majorité
02:25 ou des sénateurs LR.
02:26 De prime abord, les parlementaires ne sont guère fans
02:29 de cette cour de justice de la République qui juge des politiques,
02:32 mais qui se mêle de la façon dont le gouvernement a géré la crise du Covid.
02:36 Pour le reste, je dirais que c'est un peu mystère et boule de gomme.
02:38 Franchement, Éric Dupond-Moretti a été comme il est souvent.
02:44 C'est-à-dire, il grogne, oui, il bouge,
02:46 il lève les yeux au ciel quand il n'est pas d'accord ou pas content.
02:49 Il a ce côté ours mal léché.
02:51 Mais il ne faut pas exagérer non plus.
02:52 Il n'a pas explosé ni éructé.
02:54 À la fin, il semblait même lessivé.
02:56 Il l'a dit, c'est le procès de sa vie, son honneur est en jeu.
02:59 On peut le croire sur ce point.
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