Fabrice Fries, PDG de l’AFP : » Notre seul parti pris est celui des faits »

  • l’année dernière
L’agence française d’information, parmi les trois plus grandes au monde, est sous le feu des critiques pour sa couverture de la guerre entre le Hamas et Israël

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00:00 - Votre invité média, Céline Baye d'Harcourt, dirige l'une des plus grandes agences mondiales d'information, l'AFP, l'agence France Presse.
00:07 Elle est au cœur d'une polémique depuis le déclenchement de la guerre au Proche-Orient, critiquée pour un présumé manque d'impartialité.
00:13 - Bonjour Fabrice Friese. - Bonjour.
00:15 - L'AFP est présente dans plus de 150 pays, en 6 langues, 2 400 collaborateurs.
00:20 Vous publiez 4000 dépêches par jour, mais aussi des photos, des vidéos, destinées essentiellement, et c'est important de le dire, aux médias.
00:27 Combien de journalistes de votre agence sont présents dans la bande de Gaza et en Israël ?
00:31 - Aujourd'hui, nous avons une soixantaine de journalistes dans la région. Textes, photos, vidéos, en 6 langues, comme vous l'avez dit.
00:38 En temps normal, nous avons un bureau à Jérusalem avec 20 salariés. À Gaza, nous avons 9 salariés, dont 7 journalistes et à Ramallah, 4.
00:47 Ils vont envoyer donc des envoyés spéciaux pour renforcer cette équipe.
00:52 - C'est le plus gros contingent, entre guillemets, envoyé par l'AFP pour couvrir une actualité ?
00:57 - En ce moment, en Ukraine, nous avons de manière permanente 35 journalistes sur place.
01:02 Donc c'est plus important pour couvrir le conflit israélien à masse.
01:08 - Est-ce le conflit le plus difficile que l'AFP ait eu à couvrir ?
01:13 - C'est ce que disent tous les rédacteurs en chef de tous les grands médias internationaux qui se réunissent entre eux.
01:19 Ils ont des groupes WhatsApp et je sais que pour beaucoup, c'est une sorte de thérapie de groupe tellement c'est difficile.
01:25 - À cause de quoi ? À cause du danger ? À cause de la manipulation de l'information ?
01:30 - Un peu tout ça, mais surtout de la charge historique et passionnelle de ce conflit qui traverse ce pays depuis maintenant 70 ans,
01:40 qui oppose les Israéliens aux Palestiniens. Donc c'est un conflit extrêmement passionnel.
01:47 Donc il est normal que ça résonne dans les rédactions.
01:50 - Alors ça résonne au sein de l'AFP également ? Est-ce qu'il y a des tensions ou en tout cas des débats peut-être vifs entre certains journalistes de l'AFP ?
02:00 - Des tensions, des débats. Il y en a surtout les grands sujets et donc c'est normal qu'il y en ait là.
02:05 Notre rôle, c'est de rester sur notre ligne qui n'est pas toujours comprise.
02:10 Le métier d'agentier n'est pas très connu précisément parce qu'on ne s'adresse pas au grand public.
02:16 Notre rôle, c'est de vous fournir à vous, journalistes des médias, de l'information brute, primaire.
02:23 Et ce que vous voulez, ce sont des faits corroborés par des sources précises et de la mise en contexte.
02:29 - Sauf que les dépêches de l'AFP se retrouvent parfois telles quelles sur Internet.
02:33 - Oui, c'est un hommage qui nous est rendu. Mais le rôle des médias, si ce n'était que ça, vous n'existeriez pas.
02:40 Votre rôle, c'est d'avoir une ligne éditoriale, d'apporter un commentaire, de faire des éditoriaux,
02:47 des papiers qualitatifs à très haute valeur ajoutée.
02:51 Et notre rôle, c'est d'apporter cette information primaire, vérifiée,
02:57 ce qui est aussi très important dans le contexte de désinformation massive que nous vivons.
03:01 - Pour vous, c'est un commentaire de dire que le Hamas est un groupe terroriste, ce que l'AFP refuse de faire ?
03:06 - C'est un qualificatif. Et donc, depuis 20 ans, la règle interne de l'Agence, c'est de ne pas utiliser ce qualificatif.
03:14 - Pour personne ? Pour aucun groupe ? - Pour aucun groupe, ni aussi horrible soit-il.
03:18 Donc, on ne l'a pas utilisé pour Al-Qaïda, pour le groupe Daesh, pour Boko Haram.
03:25 Donc, c'est une règle qui est très connue à l'Agence, qui n'est absolument pas contestée,
03:29 qui est bien connue de nos clients médias.
03:31 Mais je comprends que ce soit difficile de faire comprendre ça au grand public,
03:36 surtout dans ce contexte très émotionnel que je comprends parfaitement.
03:40 - Mais pourquoi cette règle ?
03:42 - Cette règle, c'est parce que, précisément, notre rôle, c'est d'apporter des faits et de ne pas les qualifier.
03:47 C'est votre rôle, vous, médias, de les qualifier.
03:49 Le Hamas n'est pas considéré, c'est un fait, ce n'est pas mon jugement comme citoyen,
03:54 mais là, vous interrogez le responsable d'une agence de presse.
03:57 Le Hamas n'est pas considéré comme une organisation terroriste, ourbi et torbi.
04:02 - Il parlait par l'Union européenne, la France, les États-Unis.
04:05 - Donc, c'est exactement ce que nous disons quand nous parlons du Hamas.
04:07 Nous disons que le Hamas, qualifié d'organisation terroriste par l'Union européenne, Israël, les États-Unis et quelques autres,
04:15 parce que nos clients sont les médias du monde entier,
04:19 certains médias diront d'eux-mêmes, et ça ne nous pose naturellement aucun problème,
04:26 que le Hamas est un groupe terroriste.
04:27 D'autres reprendront notre définition, ou d'autres le définiront comme un mouvement islamiste palestinien.
04:33 - Et là, il y a eu des débats sur cette règle-là à l'AFP ?
04:37 - Aucun. Cette règle est très bien comprise.
04:39 C'est pour ça qu'on a été un peu médusés de voir l'ampleur qu'avait prise cette polémique.
04:44 - Alors, je voudrais qu'on revienne quand même sur ce qui s'est passé le 17 octobre.
04:47 Vous avez pris pour argent comptant à l'AFP une affirmation du Hamas
04:50 selon laquelle des centaines de personnes auraient été tuées dans une frappe israélienne contre un hôpital.
04:54 Or, rien ne permet aujourd'hui encore de savoir qui a tiré ce missile, on n'en connaît pas l'origine.
04:59 Là, vous avez relayé une fake news d'un groupe qui venait de tuer des centaines d'Israéliens.
05:05 Comment pouvez-vous donner crédit à une telle formation ?
05:09 Et comment pouvez-vous donner cette info sans l'avoir vérifiée, surtout ?
05:12 - Alors, on a donné la source, qui était le Hamas.
05:15 Ça, c'est très important. On ne l'a pas donné comme un fait établi.
05:19 On aurait dû dire que nous n'avions pas eu les moyens de vérifier par nous-mêmes cette information.
05:24 Donc ça, c'était une erreur.
05:26 Nous avons très vite demandé à la partie israélienne de commenter.
05:31 Ils nous ont dit dans le quart d'heure qu'ils allaient revenir vers nous.
05:33 Ils ont mis trois heures à revenir en démentant.
05:37 Entre-temps, l'information était partie.
05:39 Il se trouve que moi, j'étais ce jour-là au Liban et j'ai vu,
05:43 je voyais tous nos collaborateurs qui regardaient sur les réseaux sociaux cette nouvelle,
05:48 que nous n'avions, comme agence, pas encore donnée.
05:50 Donc c'est ça, la difficulté de l'agentier sur le terrain, c'est la pression du temps réel.
05:55 - Est-ce que vous avez fait évoluer vos règles depuis ce que vous qualifiez d'erreur ?
05:59 - Bien sûr. Sur ces attributions, on a plutôt rappelé les règles de sourcines
06:05 qui sont inhérentes à tout travail d'agence.
06:07 - Mais vous comprenez, Fabrice Friss, que certains puissent ne plus vous faire confiance,
06:12 doutent de votre crédibilité et donc de votre impartialité ?
06:15 - Je pense qu'ils ont tort.
06:17 Ils devraient, au contraire, apprécier ce travail extrêmement précieux que fait l'agence,
06:25 qui ne peut pas prendre parti, son seul parti pris, c'est celui des faits.
06:30 C'est un travail extrêmement difficile et précieux.
06:33 Et on devrait être fiers, y compris en France, du travail fantastique
06:37 que font les journalistes sur le terrain, parce qu'ils le font dans des conditions extrêmement difficiles.
06:41 - Merci d'être venu sur France Info pour ces explications, Fabrice Friss.
06:45 déléguée de l'agence France Presse. Merci beaucoup à tous les deux.
06:48 *musique*

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