LE MARI AVAIT DEUX FEMMES _ ⚠️ Face au crime _ Documentaire Crime District

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LE MARI AVAIT DEUX FEMMES _ ⚠️ Face au crime _ Documentaire Crime District
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00:00 Nous sommes à Chalons-en-Champagne, près de Reims, dans l'est de la France.
00:04 Cet homme, c'est Mohamed Benelal.
00:07 Depuis dix ans, il est torturé par une question.
00:10 Où est Karima, sa soeur cadette, âgée de 38 ans, disparue en 2005 ?
00:16 Ma soeur, ce n'est pas dans ses habitudes de disparaître comme ça.
00:23 Là, ça fait dix ans. Vous vous rendez compte ? Dix ans.
00:29 Mon père est parti, à son dernier souffle.
00:33 Parce qu'elle est devenue ma fille.
00:34 J'imaginais le pire.
00:36 Il s'est passé un drame.
00:38 Depuis une décennie, le grand frère de la disparue a tout tenté
00:46 pour avoir une explication sur cette absence incompréhensible.
00:50 Là, on est au commissariat de Chalons-en-Champagne.
00:55 C'est là que je venais régulièrement
00:58 pour signaler la disparition de ma soeur Karima.
01:01 À l'époque, alors que le grand frère se ronge les sens,
01:05 la police ne donne pas suite, car Karima est majeure.
01:09 Elle est donc libre d'aller où bon lui semble, selon la loi.
01:12 Ils ne m'ont pas en prends au sérieux.
01:14 Sur le coup, j'étais vraiment en colère.
01:16 Je suis venu plusieurs fois.
01:17 Je venais pratiquement une fois par mois, deux fois.
01:19 C'était toujours le même discours.
01:22 Après la colère, Mohamed décide de consulter Maître Gérard Chemla.
01:33 C'est un avocat pénaliste spécialisé dans les disparitions criminelles.
01:37 Moi, dans cette affaire, je vais rencontrer au départ
01:41 Mohamed Benelal et sa femme,
01:44 qui viennent me voir au milieu de l'année 2009
01:47 pour essayer de comprendre ce qu'ils peuvent faire
01:49 pour que le dossier avance.
01:52 Mohamed Benelal se présente comme un garçon extrêmement sensible,
01:55 très doux.
01:56 Et lorsqu'il arrive chez moi, il est totalement désorienté.
01:59 C'est une inquiétude légitime, selon l'avocat,
02:03 car la sœur de son client était très attachée à sa famille
02:06 et n'avait aucune raison de couper les ponts.
02:09 Karima gardait des liens avec sa famille.
02:12 Elle téléphonait en moyenne une à deux fois par semaine.
02:15 Et puis, elle avait des liens avec ses frères,
02:18 puisqu'elle n'avait pas de sœur,
02:19 et surtout avec son frère Mohamed.
02:22 Après avoir consulté l'avocat,
02:26 Mohamed tente un ultime recours,
02:28 cette fois devant la justice.
02:30 Étant donné qu'on n'a pas de nouvelles de ma sœur Karima,
02:36 on a décidé de faire un courrier au procureur de la République.
02:39 Alors voilà, monsieur le procureur de la République,
02:42 depuis septembre 2005, ma sœur Benelal Karima a disparu.
02:47 C'est une de ses collègues de travail
02:49 qui m'a contacté pour me signaler sa disparition.
02:52 J'attendais que les choses bougent,
02:54 mais sans vraiment avoir d'espoir.
02:56 Cependant, le courrier ne reste pas lettre morte.
03:00 En 2007, deux ans après la disparition de Karima,
03:04 les autorités se mobilisent.
03:06 Une information judiciaire est ouverte.
03:08 Pour tenter de comprendre,
03:11 les policiers se penchent alors sur la vie de Karima.
03:14 Et tout de suite, les enquêteurs se rendent compte de la difficulté.
03:19 Dans cette histoire, ils vont découvrir deux familles,
03:21 deux clans radicalement opposés et devenus ennemis.
03:25 Et au milieu, il y a un homme avec deux amours dans sa vie.
03:29 Pour comprendre ce qui a pu se passer,
03:39 la police judiciaire explore le passé de la disparue.
03:42 Karima vivait à Soyo, près d'Angoulême.
03:46 Discrète, elle habitait au deuxième étage de cet immeuble.
03:49 Elle était aide-documentaliste dans ce lycée.
03:53 Une existence bien rangée qui ne la prédestinait en rien
03:57 à disparaître ainsi, selon son frère.
03:59 La vie de Karima, c'était une vie normale,
04:03 comme toutes les jeunes femmes, une vie sans histoire.
04:06 Elle a eu une vie sans histoire.
04:09 Elle n'a jamais consommé de l'alcool, elle n'a jamais fumé de sa vie.
04:12 Elle n'avait aucun problème à risque, aucun.
04:16 De nature indépendante, Karima avait quitté le foyer familial
04:20 pour s'installer à Angoulême.
04:21 C'était une fille qui avait la tête sur les épaules.
04:25 On a une cousine à Angoulême, elle a voulu partir là-bas, la voir.
04:28 Après, elle nous a dit "voilà, j'ai trouvé du travail, je vais rester.
04:31 C'est pas loin, on a de la famille.
04:33 Voilà, elle est en sécurité pour nous, là."
04:35 Les policiers le découvrent.
04:39 C'est à Angoulême que Karima fait une rencontre
04:42 qui va définitivement changer le cours de sa vie.
04:46 Il s'appelle Karbal Dandouni.
04:48 C'est un Marocain.
04:50 Dans sa famille, l'homme a laissé de bons souvenirs.
04:53 Voici Naïma, l'une des sœurs de Karbal.
04:57 Donc là, c'est Karbal.
05:01 L'endroit où il y a Karbal, il faut que tout le monde rigole,
05:05 que tout le monde s'amuse.
05:06 C'est cette photo, regardez.
05:08 J'ai trouvé vraiment génial parce qu'il était mort de rire.
05:13 C'est vrai qu'il aimait bien jouer avec ses petites sœurs.
05:15 Pour Naïma, son frère était avant tout un bon vivant,
05:20 comme en témoigne ce film de famille.
05:22 Il faisait de la musique, on était autour de lui,
05:25 en train de chanter, en train de danser.
05:27 C'est vrai que nous, on est une famille, on fait beaucoup la fête.
05:29 L'homme paraît jovial.
05:41 Pourtant, dès le début de la liaison, la belle famille ne l'accepte pas.
05:46 Car pour les proches de Karima, le futur gendre ne veut pas se marier par amour.
05:51 À son arrivée en Goulême, on va très vite lui présenter un jeune homme
05:54 dont elle tombe amoureuse, qui est un jeune sans papier,
05:58 qui est là clandestinement et qu'en réalité, on lui présente
06:02 pour qu'elle l'épouse.
06:04 Et moi, je dis honnêtement, je l'ai vu,
06:07 je savais que c'est quelqu'un qui cherchait des papiers.
06:10 Voilà. C'est un ressenti encore.
06:13 Je ne juge pas les gens, c'est un ressenti.
06:15 C'est comme ça. Je lui dis voilà ce que je ressens.
06:17 Avant même le mariage, les deux familles commencent à se déchirer.
06:22 Car du côté du futur époux, on n'a pas du tout la même version des choses.
06:27 Je sais que Karima, il a contacté sa famille, mais ils étaient contre.
06:31 Sa famille ne voulait pas ce mariage.
06:33 Pourquoi ?
06:34 Il va se marier avec elle pour les papiers.
06:36 Donc, du coup, ils ont refusé.
06:39 Mais Karima, elle a continué le chemin avec Karbal.
06:43 Donc, il est parti vivre avec elle.
06:45 Mon frère, il voulait renoncer à ce mariage.
06:47 Il a dit moi, je ne veux pas.
06:49 Et je me rappelle jusqu'à la veille, le mariage, il était déjà fixé à la mairie.
06:53 Il ne voulait plus.
06:56 Et moi et mon mari, on le suppliait.
07:00 Karbal ne veut pas se marier.
07:01 Et elle lui a dit, s'il te plaît, tu te maries avec moi, mais je te promets,
07:05 quand tu auras un enfant, je te quitte.
07:07 Finalement, la cérémonie a lieu.
07:11 Karbal Dandouni, Marocain de 26 ans, épouse Karima en 1998.
07:18 Aux yeux de Karima, Karbal représente l'homme de sa vie.
07:22 Plutôt beau mec et bien habillé, il présente bien.
07:29 Il est charmeur.
07:30 C'est clair que pour Karima, c'était une rencontre importante.
07:35 C'est le premier homme et le seul homme de sa vie.
07:37 Elle était amoureuse.
07:39 Elle était clairement amoureuse.
07:40 Karbal Dandouni, arrivé en France dans les années 90.
07:45 Le jeune homme est issu d'une famille marocaine de dix enfants.
07:49 Karbal, c'est le fils de la maison, dans une famille riche de beaucoup de femmes.
08:00 C'est un garçon qui est élevé en ayant tous les droits, sans aucune limite.
08:05 Et sans aucune censure.
08:07 Ébloui par la forte personnalité de Karbal, Karima accepte tout de lui.
08:14 Karbal est un être qui est assez autoritaire, qui a une vision assez simple des rapports sociaux et de la hiérarchie homme-femme.
08:23 Donc, il trouve Karima et à partir du moment où il la prend pour épouse, Karima doit être une femme soumise, obéissante, docile.
08:32 Une jeune mariée soumise à son mari.
08:35 Mais jusqu'à quel point ?
08:36 Les policiers le découvrent.
08:38 Avant la disparition, le couple était au bord de l'explosion.
08:42 Car la personnalité de Karbal ne fait pas l'unanimité, notamment lorsque la famille de Karima rend visite au couple dans leur nouvel appartement à Angoulême.
08:55 Là, ça se passe très mal.
08:57 Karbal se montre extrêmement dur avec la famille.
09:01 Il se montre dur avec Karima.
09:03 Ça se passe vraiment pas bien.
09:05 Pour la famille, il y a une chose qui est évidente.
09:08 Ce garçon est un voyou qui ne s'intéresse pas vraiment à leur soeur.
09:12 À partir de là, Karima est en fait en situation de choisir entre son mari et sa famille.
09:19 Petit à petit, elle va choisir Karbal au détriment de sa famille chanonnaise, ce qui fait que les rencontres vont cesser de se passer.
09:28 Pourtant, quelques mois plus tard, Karima va rendre à son tour visite à Mohamed et lui avouer un terrible secret.
09:36 C'est quand elle est venue, j'ai vu sa tête, des cicatrices au visage.
09:43 Elle qui était coquette et j'ai l'impression de ne pas reconnaître ma soeur.
09:49 En effet, depuis quelques temps, Karima vit un véritable calvaire.
09:56 Elle subit des violences quotidiennes de la part de son mari.
09:59 Karbal se montre extrêmement brutale avec elle et Karima en apporte la preuve à son frère,
10:05 comme sur ses certificats médicaux datés de 1999 qui font froid dans le dos.
10:10 Hématome orbitaire gauche.
10:15 Douleur à l'épaule gauche.
10:19 Edem et chymose.
10:23 Chaque certificat a donné lieu à des incapacités temporaires de travail.
10:27 Ça montre qu'il l'a batté.
10:32 Je vois violemment, même.
10:36 Il est allé jusqu'à lui porter des coups de tournevis.
10:41 Il lui a transpercé un poumon, on l'a envoyé à l'hôpital.
10:44 On a donc quelqu'un qui est d'une violence régulière.
10:47 Ça, c'était l'acte le plus grave, mais il y en a eu d'autres.
10:50 Quand elle venait, elle se plaignait qu'elle était battue.
10:52 Alors nous, on lui a dit, c'était battu.
10:54 Tu restes, tu restes à Châlons.
10:56 Là, on est avec toi.
10:58 Après, elle restait.
11:02 Je vous dis, oui, je reste.
11:04 Il l'appelait.
11:05 Moi, je me souviens, elle a eu un coup de fil.
11:06 Elle est partie aussitôt.
11:08 Elle a pris le train pour rentrer.
11:09 Il avait une emprise psychologique sur ma soeur.
11:13 Et dès qu'il l'appelait, dès qu'elle l'appelait, elle partait.
11:18 Une violence conjugale que Karima dissimule devant ses belles soeurs.
11:23 Quand je vois des traces, parce qu'on voit des bleus et tout,
11:26 je suis tombée.
11:27 Jamais il m'a dit qu'Arma, il m'a tapée.
11:30 À plusieurs reprises, elle aurait pu déposer plainte,
11:32 partir, s'enfuir, être protégée par la police, par sa famille,
11:36 parce qu'elle était libre, elle pouvait bouger.
11:39 Je crois même qu'elle a fait des voyages au Maroc à plusieurs reprises,
11:41 ce qui prouve qu'il n'était pas tortionnaire.
11:44 C'est le problème de l'ambivalence d'une femme battue.
11:46 Karima, à la fois, elle veut déposer plainte,
11:49 à la fois, elle veut que ça cesse.
11:51 Et en même temps, elle ne veut pas perdre son mari.
11:53 C'est son mari, elle n'en a qu'un.
11:55 Elle aimerait bien le garder.
11:57 Puis elle ne veut en plus, surtout pas, qu'une autre le lui prenne.
12:02 Une femme battue donc, et silencieuse,
12:06 mais aussi une épouse qui ne peut pas donner d'enfant à Karbal Dandouni.
12:11 Le premier devoir d'une femme, c'est, en tout cas dans son esprit
12:15 et dans sa culture, dans ce qu'elle a appris, c'est de donner des enfants.
12:18 À partir du moment où elle ne peut pas le faire, c'est vécu comme un handicap.
12:21 Un handicap qui l'a fait particulièrement souffrir,
12:25 car Karima nourrit une véritable passion pour les enfants.
12:28 Elle adorait les enfants, elle avait une envie d'enfants.
12:32 Dès qu'il y avait un enfant, quelque part, c'était la première,
12:35 elle allait le prendre dans ses bras.
12:36 C'était sa passion.
12:38 Je vois la naissance de mon vieux.
12:41 Dès qu'il est arrivé au monde, ce bébé-là, elle l'adorait,
12:44 elle s'occupait de lui.
12:45 Elle était obsédée par cette idée d'avoir des enfants.
12:48 Il était capable de tout faire pour avoir des enfants.
12:53 Cette stérilité du couple est aussi difficile à accepter pour Karbal,
12:58 qui souhaite plus que tout devenir père.
13:01 Dans sa stratégie, il voulait prendre une femme qui lui donne des enfants.
13:05 À partir du moment où cette femme ne peut pas lui donner d'enfants,
13:07 il va les voir ailleurs.
13:10 Karbal, c'est un homme à femme.
13:11 Karbal, il collectionne les aventures, il collectionne les maîtresses.
13:15 Et forcément, Karima, elle est tout sauf sotte.
13:18 Elle le sait, elle l'apprend.
13:19 Et la relation ne fait que se détériorer au fil du temps.
13:22 Sans enfants, le couple se délite.
13:25 C'est alors que Karbal va trouver une solution très personnelle.
13:30 Chaque année, Karbal rend visite à sa famille à Casablanca, au Maroc.
13:37 C'est là, en 2002, qu'il rencontre une jeune femme,
13:41 une amie de la famille.
13:42 Entre eux, c'est la passion.
13:44 - Il la croise dans la rue avec des amis, etc.
13:50 Et il la drague, mais d'une manière plutôt jolie.
13:53 Comme beaucoup de blédards, comme on dit,
13:57 il voulait une fille de là-bas.
13:59 La jeune femme qui émoustille tant l'homme marié, c'est elle.
14:05 Elle s'appelle Rabia. C'est une jolie femme brune.
14:09 Aujourd'hui, elle n'a rien oublié de cette rencontre.
14:12 C'est la première fois qu'elle accepte de s'exprimer devant une caméra.
14:15 - Je rencontre Karbal l'année 2002,
14:23 parce que lui, il descend au Maroc.
14:29 Son père, c'est le cousin de le mari de ma tante.
14:34 Après, lui-même, moi aussi, on est en même heure.
14:40 Un an plus tard, Karbal se marie religieusement avec elle.
14:44 - Il l'épouse devant un imam, Rabia, qui lui donne deux enfants, deux fils.
14:50 Les enfants restent au Maroc.
14:52 Il revient à Angoulême et il informe Karima qu'il a pris une seconde épouse
14:58 et qu'il lui a donné des enfants.
15:00 Rabia, de son côté, sait très vite que son mari a une autre femme en France.
15:05 Karbal, bigame, ce n'est pas du tout un souci, selon ses soeurs.
15:11 C'est plutôt une fierté.
15:12 - Les hommes, ils aiment bien être aimés par plusieurs femmes.
15:15 Donc, il était aimé par les deux femmes.
15:19 Ça ne le dérangeait pas vraiment.
15:23 Depuis la France, Karima, elle, vit ce second mariage comme une véritable humiliation.
15:31 Le fait qu'il prenne une seconde épouse et que cette seconde épouse lui donne
15:36 les enfants, les enfants que Karima ne lui a jamais donnés et pour cause,
15:41 c'est évidemment un séisme pour cette jeune femme.
15:44 Elle prend dans la figure ce qu'elle ne peut pas donner à Karbal, des enfants.
15:49 Donc, c'est un drame.
15:51 C'est un drame absolu, cette histoire de Rabia.
15:54 Rabia et Karima, deux jeunes femmes que tout oppose.
16:00 D'un côté, Karima, indépendante et travailleuse.
16:03 De l'autre, Rabia, plus traditionnelle, originaire de la campagne marocaine.
16:09 Toutes les deux amoureuses de Karbal.
16:11 Mais malgré ce trio, Karima n'aurait quitté Karbal pour rien au monde.
16:21 - Elle ne voulait pas quitter, elle ne voulait pas divorcer.
16:24 Elle l'a dit, elle dit "je ne me divorcerai pas".
16:27 Moi, je me l'ai dit, qu'elle ne divorcerait pas.
16:29 Voilà, point barre.
16:31 A Angoulême, quelques années après leur mariage, Karima et Karbal
16:34 vivent pourtant séparément.
16:36 Mais Karima a toujours une envie d'enfant.
16:39 Alors, en 2005, son mari lui fait une incroyable proposition,
16:42 élever l'un de ses fils.
16:44 - Dandouni propose à Karima d'aller au Maroc, récupérer son fils de trois mois,
16:49 de le ramener en France et de le confier à Karima afin qu'elle l'élève.
16:54 Et vu ce que j'ai compris, c'est qu'il lui a dit "voilà, tu viens,
16:58 on va te laisser cet enfant là, comme ça, elle va le chercher en fait.
17:01 C'est pour aller le chercher". Elle lui a acheté des cadeaux.
17:03 Karima, qui adore les enfants, voit dans cet étrange projet
17:08 sa dernière chance de devenir mère.
17:10 Un bébé cadeau, en fait.
17:12 Ça ne plaît pas du tout à Rabia.
17:14 - Ma belle-mère, elle me dit "oui, fais attention parce que Karima,
17:19 il veut le prendre, mon fils".
17:21 Mais moi, je refuse, non.
17:23 Je ne veux pas donner.
17:25 Jamais, moi, je donne mon fils à quelqu'un.
17:27 C'est qui Karima pour moi ?
17:28 Ce n'est pas ma soeur, ce n'est pas ma tante.
17:32 Pourquoi je donne mon fils ?
17:34 Avant d'aller au Maghreb, Karima savait-elle qu'elle n'aurait
17:38 aucune chance de récupérer le fils de Karbal.
17:41 - Une chose est certaine, c'est que Karima et Dandouni partent au Maroc
17:47 le 14 juillet 2005.
17:49 - Elle est partie volontairement, contente de partir parce qu'elle
17:53 est enfin à voir cet enfant.
17:55 - Elle est partie, elle n'est jamais revenue.
17:57 Elle n'est jamais revenue.
17:59 Alors, que s'est-il passé à l'été 2005 pendant ce voyage au Maroc ?
18:08 Pourquoi Karima n'a-t-elle plus donné signe de vie ?
18:11 La jeune femme a-t-elle été piégée ou a-t-elle volontairement disparue ?
18:21 Tout commence le 14 juillet 2005.
18:24 Persuadée d'aller chercher l'enfant de Karbal, Karima part avec lui
18:29 en voiture pour son pays natal.
18:31 Passage par Algeciras, la ville espagnole, puis traversée
18:35 de la Méditerranée en ferry.
18:37 Direction Tanger.
18:40 Le couple se serait alors séparé.
18:43 Karima devant aller voir sa famille à l'est du pays.
18:46 Un mois plus tard, les deux époux se retrouvent au port de Tanger
18:50 pour le retour, accompagnés de deux sœurs de Karbal et de leur mari.
18:54 On ne reverra jamais Karima.
18:57 Selon Karbal, il se serait disputé avec Karima dans la voiture
19:02 sur le chemin du retour.
19:03 Il l'aurait alors déposé à la gare de Bordeaux et n'aurait plus
19:07 jamais eu de nouvelles de sa femme.
19:09 - Mon sentiment, c'est qu'il s'est débarrassé de Karima
19:16 entre Tanger et Casablanca.
19:20 Moi, mon avis, c'est que tout a été calculé pour se débarrasser
19:24 de Karima, étant donné qu'elle voulait...
19:26 Ma soeur, elle ne voulait pas divorcer.
19:27 - Karima a disparu et n'est jamais réapparu nulle part.
19:30 Son compte en banque n'a jamais fonctionné.
19:32 Elle n'a jamais donné de signe de vie.
19:34 Son téléphone portable n'a pas été utilisé.
19:35 Elle a disparu, corps et biens, de la surface de la Terre.
19:39 Le 4 juin 2009, le mari soupçonné par sa belle-famille
19:44 est mis en examen pour homicide volontaire.
19:48 Les enquêteurs tentent alors d'en savoir plus.
19:51 Et là, surprise, Carbal est bien connu des services de police.
19:55 - Les enquêteurs vont s'apercevoir que, sans en faire un assassin,
20:00 c'est quand même un type qui est...
20:01 Voilà, qui a un casier, qui est pas sympathique,
20:05 qui n'est pas très fréquentable, qui a déjà des histoires.
20:08 Et donc, la personnalité même de M. Naudy intéresse
20:12 ses enquêteurs.
20:12 Un extrait de son casier judiciaire montre plusieurs démêlés
20:17 avec la justice.
20:18 Escroquerie, importation non autorisée de stupéfiants,
20:23 trafic, outrage à une personne chargée d'une mission de service public,
20:28 violence avec usage ou menace d'une arme.
20:32 Pour l'avocat de Carbal, cela ne signifie pas du tout
20:37 qu'il soit un tueur.
20:39 - C'est le casier judiciaire habituel de quelqu'un qui a certainement
20:45 fréquenté des petits loups-barres et puis, il a commis des bêtises
20:47 avec eux.
20:48 - C'est quelqu'un qui a vécu d'expédients, de petits boulots,
20:52 de trafic.
20:55 C'est quelqu'un qui vit non pas en marge, mais qui vit dans
20:59 les zones grises de la société.
21:01 Aux enquêteurs, Carbal va livrer le récit de son retour en France.
21:07 D'après lui, il a quitté le Maroc avec Karima et Ismaël,
21:12 le fils né de son union avec Rabia.
21:14 - En me voyant passer avec le petit clandestinement,
21:18 Karima a joué là-dessus en voulant qu'on se remette ensemble
21:22 et que je revienne vers elle.
21:25 Elle voyait qu'on n'était pas loin de Bordeaux.
21:27 Elle cherchait absolument à accaparer le petit.
21:30 C'est ce qui a provoqué la dispute.
21:32 Après la dispute à la gare de Bordeaux, Karima aurait disparu.
21:37 Mais Carbal ne se retrouve pas pour autant célibataire.
21:42 Avec son enfant, il retrouve Rabia, sa deuxième femme,
21:45 revenue en France par ses propres moyens.
21:47 Quand il apprend cette double vie, le frère de la disparue est effondré.
21:52 - Il apprend qu'une autre femme avec un enfant vit avec Carbal
22:01 à Soyeaux, c'est à côté d'Angoulême, verso de la famille d'Andoni.
22:06 Plus étonnant, avec Rabia, Carbal se comporte comme si Karima,
22:10 sa première femme, était partie pour toujours.
22:12 - Dans la foulée, la première chose qu'il va faire,
22:16 il va dans l'appartement de Karima
22:19 et il va vider une partie de l'appartement pour y récupérer des affaires
22:24 qui sont des affaires de première nécessité.
22:26 Il reçoit sa femme et son fils.
22:28 Il a besoin d'un peu de meubles, il a besoin d'un peu d'éléments
22:30 et il va les rechercher.
22:32 Et ça, ça va se passer
22:34 pratiquement au surlendemain de son arrivée à Angoulême.
22:40 Mais ce n'est pas tout.
22:42 - Et il va aussi vider l'appartement des affaires, des vêtements de Karima,
22:48 dont il va jeter une partie dans un conteneur.
22:51 C'est à dire qu'il est tellement sûr qu'elle ne reviendra jamais
22:55 qu'il va faire le ménage.
22:56 Une attitude qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un mari
23:01 qui vient d'éliminer sa première femme
23:03 pour pouvoir couler des jours paisibles avec sa seconde épouse.
23:07 Une accusation qui ne tient pas selon Naïma, la soeur de Karbal.
23:15 - Cette accusation vers Karima, c'est faux
23:20 parce qu'elle était jaloux et on ne devait pas toucher Karima.
23:24 Malgré ses problèmes avec elle.
23:26 Quand il aime quelqu'un, il l'aime jusqu'au bout.
23:29 Et même s'il y a des malentendus,
23:31 il reste quand même quelqu'un qu'il avait aimé un moment.
23:34 Il ne peut pas aller jusqu'à le tuer.
23:38 C'est grave.
23:41 Karima a-t-elle été assassinée ou bien a-t-elle choisi de partir ?
23:48 Comme l'aide documentaliste ne donne aucun signe de vie,
23:52 la police judiciaire la cherche au Maroc,
23:54 dans les hôpitaux psychiatriques, les prisons, les morgues.
23:57 Sans aucun résultat.
24:02 Pour élucider le mystère de la disparition,
24:04 les enquêteurs retracent alors l'itinéraire retour du couple.
24:08 Si Karima est bien rentrée en France avec son mari,
24:11 comme l'affirme Karbal,
24:13 elle a rempli obligatoirement un bordereau de sortie du territoire.
24:17 - Quand on sort du pays, on remplit des documents douaniers.
24:20 Un état civil, les adresses, enfin des documents
24:27 que tous les voyageurs connaissent et qu'on remplit à chaque fois
24:30 qu'on passe une douane.
24:31 En tout cas, qu'on rentre dans l'espace Schengen.
24:34 Les policiers finissent par mettre la main sur un document
24:38 au nom de Karima Benelal et daté d'août 2005.
24:43 Mais Karima est-elle bien la signataire de cette fiche ?
24:47 Pour le frère de la disparue, aucun doute.
24:50 - Elle n'aurait jamais écrit ça.
24:53 Elle avait une écriture plus fine, plus raffinée.
24:55 Elle n'avait pas d'écriture comme ça.
24:56 Ce n'est pas l'écriture de quelqu'un qui a fait des études, ça.
25:01 Pour Maître Chemlin, c'est encore plus net.
25:03 Il s'agit tout simplement d'un faux.
25:06 - Vous avez sur ce document le numéro de passeport de Karima
25:13 ou son numéro de carte d'identité.
25:14 Et puis, vous avez là des choses.
25:17 Pays de résidence habituelle, France.
25:19 F, R, A, N, C, C, D, I, S, E.
25:21 Profession secriteur.
25:24 Secriteur.
25:25 Est-ce que vous imaginez une secrétaire commettre des fautes
25:29 de cette nature ?
25:30 C'est évident que ce n'est pas Karima.
25:32 On n'a d'ailleurs aucun mot qui soit de son écriture à elle.
25:38 Si cette fiche manuscrite n'est pas de la main de Karima,
25:42 alors qui a bien pu se faire passer pour elle en se servant
25:46 de son passeport ?
25:47 - On demande à une graphologue de déterminer qui a rempli
25:53 la fiche de douane de Karima.
25:57 Et l'expertise graphologique, à ce moment-là,
26:00 détermine que le bordereau de Karima a été rempli
26:05 par deux mains différentes.
26:06 La main de M. Dondouni et la main de Rabia.
26:11 Rabia, la seconde épouse de Karbal, la mère de l'enfant
26:16 que Karima devait adopter, entre guillemets.
26:19 Cette Rabia aurait-elle effectué le trajet retour en France
26:22 à la place de Karima en signant de sa main le bordereau
26:25 de sortie du territoire ?
26:27 Les policiers en sont convaincus.
26:29 Mais l'enquête va connaître une catastrophe.
26:31 - Lorsqu'il y a une expertise graphologique,
26:35 il y a le document qu'on veut expertiser et on prend des documents
26:39 qui sont remplis par les personnes.
26:40 On va vérifier l'écriture.
26:43 Rabia écrit quelque chose à la demande du juge.
26:45 Il y a un numéro de scellé qui est marqué.
26:47 C'est là que le policier en charge des scellés commet une erreur.
26:53 Il pose un mauvais numéro sur le document attribué à Rabia.
26:57 Résultat, les expertises sont annulées.
27:00 Le graphologue affirme que la seconde écriture n'est pas
27:03 celle de Rabia, l'autre épouse de Karbal.
27:05 Mais alors, si Rabia n'est pas l'auteur de ce document,
27:09 à qui appartient cette seconde écriture ?
27:11 - Il y a eu une inversion de scellé.
27:15 L'experte en graphologie ne peut rien conclure.
27:17 Elle ne peut plus dire si la fiche a été écrite d'une main ou de deux mains.
27:22 Elle n'est incapable de dire si c'est Rabia qui l'a remplie,
27:25 si c'est Karima qui l'a remplie.
27:26 Pour l'accusation, l'unique preuve matérielle du dossier s'effondre.
27:31 Reste cependant certains témoignages cruciaux sur le chemin
27:35 du retour du Maroc vers la France.
27:37 - Il y a une sœur qui explique que sur une aire de repos,
27:43 après le passage des frontières,
27:45 elle va voir Karbal jeter dans une poubelle
27:51 un passeport rouge.
27:52 Un passeport rouge, c'est-à-dire un passeport européen
27:57 qui ne ressemble pas au passeport marocain qui est de couleur verte.
28:01 Rabia, la Marocaine, aurait-elle usurpé l'identité de Karima,
28:06 la Française, pour passer la frontière avec son fils ?
28:09 - Je ne vais pas vous dire si c'était le passeport de Karima
28:12 parce que je ne l'ai pas vu.
28:13 Maintenant, est-ce que deux plus deux font quatre ou non ?
28:17 Pour les enquêteurs, en tout cas, un scénario commence alors à se dessiner.
28:21 - On a fomenté ce piège mortel qui consistait à amener Karima
28:26 sur le territoire marocain, à la faire disparaître,
28:29 à l'exécuter, faire disparaître son corps et donner à Rabia
28:32 sa place, son passeport et se présenter à la douane
28:35 avec le passeport de Karima et s'y repasser pour Karima.
28:37 Tel aurait été le plan échafaudé par Karbal pour parvenir à ses fins.
28:45 Lors des auditions des proches de la famille d'Andouni,
28:47 plusieurs éléments confortent les enquêteurs dans cette hypothèse.
28:51 Naïma, la sœur de Karbal, dresse le portrait d'un homme impulsif
28:56 qui passe à l'acte rapidement.
28:57 - D'une manière générale, c'est un violent avec lequel
29:02 on ne peut pas discuter.
29:03 Il s'emporte rapidement.
29:04 On évite de rester en sa présence plus de dix minutes,
29:08 car à la moindre vexation, il s'énerve et il faut qu'il ait raison.
29:12 Je sais par contre qu'il a déjà frappé mes sœurs M'Barka et Fouzia.
29:15 Quant à Fouzia, l'aînée de la famille présente lors de l'embarquement à Tangier,
29:23 elle livre un témoignage clé.
29:26 Elle affirme que Rabia était bien là et non pas Karima.
29:30 Confirmez-vous la présence de Rabia au sein du véhicule de Karbal
29:38 à l'occasion du voyage retour pour la France le 24 août 2005.
29:42 - Dans la voiture où se trouvait mon mari, il y avait bien Karbal et Rabia
29:47 avec leur enfant Ismaël.
29:49 Quand Naïma, l'autre sœur de Karbal, est auditionnée par les enquêteurs,
29:55 elle charge également son frère.
29:57 - Dès que je rentre dans le bureau de la police, il me dit "écoutez,
30:02 ça c'est avant de commencer à écrire.
30:03 Vous savez pourquoi vous êtes là ?
30:06 Non, je ne sais pas pourquoi je suis là.
30:08 Vous êtes là parce que votre frère a tué sa femme, Karima,
30:15 et l'a enterrée au Maroc.
30:16 Karbal, pour la police, Karbal c'était un assassin.
30:20 Et c'est devenu pour nous aussi.
30:22 On a enfoncé Karbal, oui, oui.
30:24 Après plusieurs versions, Rabia, la seconde épouse,
30:28 confirme aussi qu'elle était bien là, dans la voiture de son mari
30:32 pour rentrer en France.
30:33 Pas de corps, pas d'aveu, mais des témoignages à charge.
30:44 Karbal d'Andouni est renvoyé devant la cour d'assises.
30:48 Le 9 décembre 2013, un angoulême s'ouvre son procès.
30:53 Dans le box, il continue de clamer son innocence.
30:57 Ce qui n'étonne en rien les partis civils.
31:03 On aurait bien aimé avoir la vérité, mais ça, je n'y compte pas trop.
31:05 Parce que nous avons depuis cinq années affaire à quelqu'un qui ment
31:10 et qui n'a absolument pas envie de dire ce qui s'est passé.
31:13 Donc, fraissant.
31:14 Karbal d'Andouni ne change pas de version et son attitude
31:20 ne séduit pas du tout la cour.
31:22 Le procès se déroule mal pour lui.
31:24 Il se déroule mal pour lui parce qu'il se défend mal.
31:27 Sa personnalité est un petit peu hautaine.
31:31 Il est content de lui.
31:34 Il est un peu, non pas hableur, mais il est un peu méprisant.
31:38 Mais le plus incroyable est ailleurs.
31:41 Alors que devant la police, frères et sœurs avaient accablé l'accusé.
31:45 À la barre, le clan d'Andouni fait machine arrière toute.
31:50 Tous les membres de la famille, sans aucune exception,
31:53 affirment qu'ils ont menti devant les enquêteurs.
31:56 Moi, je savais que Rabia n'est pas venu avec Karbal.
32:01 Tout le monde le savait.
32:02 Karbal est venu et Rabia est venue après.
32:05 J'ai monté un scénario.
32:07 J'ai réussi à les faire convaincre
32:11 et dire que Rabia, elle était avec Karbal.
32:16 Mais comment expliquer de tels faux témoignages
32:20 de toute une famille devant la police?
32:23 On les a aidés, on les a aidés.
32:26 Il ne fallait pas.
32:27 Mais c'est ça notre problème, de notre famille.
32:30 C'est ça. On parle beaucoup.
32:31 Parfois, même on ne pose pas la question, on peut dire n'importe quoi.
32:36 Si la famille a changé d'avis, c'est aussi parce que l'accusé
32:40 leur a juré qu'il n'était pour rien dans ce crime.
32:43 Je vais parler, je dis s'il te plaît, confie-toi à moi.
32:47 Dis-moi juste, est-ce que tu as quelque chose dedans?
32:49 Il dit, je te jure, ma sœur, sur la tête de mes parents,
32:53 elle a dit que je n'ai rien fait.
32:54 Tuer Karim, c'est impossible.
32:57 Elle a dit, enlevez-la de votre tête.
32:59 Je crois.
33:00 Pour le frère de Karim, les revirements du clan d'Andouni
33:04 sont très suspects.
33:05 Le même discours de la sœur jusqu'à la dernière.
33:09 Toute la famille, même discours.
33:11 Ils ont appris une leçon le soir, il l'aura peut-être le lendemain matin.
33:14 Tout le monde est venu expliquer que Karbal est un petit saint,
33:18 un cuisinier, justement. Ça s'appelle un système de défense.
33:21 Je ne peux pas croire une demi seconde
33:23 que la totalité de cette famille ait pu baisser les bras
33:28 de cette façon par rapport à un enquêteur
33:31 qui n'est pas quelqu'un qui les a hypnotisés
33:34 pour leur faire croire des choses qui étaient fausses.
33:35 De son côté, Rabia, qui avait confirmé sa présence
33:40 dans la voiture de son mari, assure aussi qu'elle a menti,
33:43 car elle aurait subi des pressions policières.
33:46 La police, quand elle est entrée, voilà, la dame,
33:50 elle est entrée dans ma chambre.
33:51 Ça, mais quand il m'a dit, on va arrêter toi et ton mari.
33:58 C'est pour moi, c'est un grand cauchemar.
33:59 Jamais je pense un jour, je vais arrêter.
34:03 On veut protéger toi, moi, parce que Dandoni,
34:09 il a tué sa femme.
34:10 Peut-être ça arrive pour toi aussi.
34:13 Elle m'a dit, tu fais encore quoi?
34:16 Tu es avec Dandoni dans le bateau, dans sa voiture.
34:20 On est libéré.
34:24 À la barre, Rabia dit être arrivée seule depuis le Maroc,
34:28 en Europe, en septembre 2005, après avoir traversé la frontière
34:31 grâce à un passeur.
34:33 Mais cette belle unanimité chez les Dandoni
34:38 ne semble pas du tout convaincre les jurés.
34:41 Pire encore, elle est contre-productive,
34:44 selon l'avocat de l'accusé.
34:46 On avait l'impression que cette famille,
34:50 dans ses rétractations, qui paraissait maladroite,
34:53 essayait de sauver un frère.
34:55 Ça a été accablant.
34:57 Quand vous avez quelqu'un qui a déclaré des choses
35:01 extrêmement claires à la police,
35:02 et qui tout d'un coup devient amnésique
35:04 quand il arrive à la barre de la Cour d'assises,
35:06 quand vous avez quelqu'un comme Rabia qui dit
35:08 "j'ai pas dit ça" ou "j'ai dit ça parce qu'on m'a forcé",
35:11 le procès prend une direction qui est extrêmement claire,
35:14 qui va vers la condamnation.
35:17 Carbal, d'Andouni, condamné à 25 ans de réclusion criminelle
35:21 par la Cour d'assises de la Charente,
35:23 a décidé de faire appel.
35:24 Je vous rappelle que les jurés l'ont condamné
35:27 pour l'assassinat de son ex-femme Karima,
35:29 dont le corps n'a jamais été retrouvé.
35:32 À l'annonce du verdict, Carbal insulte les partis civils.
35:37 Carbal a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle
35:41 par la Cour d'assises de la Charente.
35:43 À l'annonce du verdict, Carbal insulte les partis civils.
35:47 À ce moment-là, les masques tombent.
35:51 Et vous avez un Carbal d'une agressivité extraordinaire,
35:56 avec un masque sur le visage,
35:58 qui insulte la famille Ben El Al.
36:00 Il nous a regardés en disant que "Allah"
36:04 je vais le dire en arabe en premier,
36:06 "Allah e harg ba kourtik"
36:09 ça veut dire la traduction "que Dieu brûle".
36:12 "Ton père et ta sœur en enfer".
36:14 Quand on dit ça, ça concerne aux gens qui sont morts.
36:18 Pour Mohamed, qui à l'époque vient de perdre son père,
36:22 cette insulte réservée aux personnes décédées
36:25 est une forme d'aveu.
36:27 Karima, elle est morte Karima.
36:29 Voilà. Il l'a tué Karima.
36:32 25 ans de réclusion criminelle.
36:36 Pour certains, le verdict semble très sévère.
36:41 Car dans ce dossier,
36:43 manque tout de même des preuves irréfutables.
36:45 C'est une affaire qui est remarquable,
36:47 au sens propre du terme,
36:49 parce qu'elle marque les annales judiciaires,
36:52 les annales du fait divers.
36:53 C'est assez rare que quelqu'un parte en prison
36:55 sans qu'on ait retrouvé le corps,
36:57 sans qu'il y ait d'arme, sans qu'il y ait d'aveu,
36:58 sans qu'il y ait de sainte de crime.
37:00 Carbal fait donc appel de sa condamnation.
37:08 A Angoulême,
37:10 les sœurs de Dandouni sont persuadées
37:16 que lors du second procès,
37:18 on prouvera l'innocence de leurs frères.
37:21 Car Karima, d'après ses belles-sœurs,
37:27 avait une personnalité trouble, dirons-nous.
37:30 En tout cas, très énigmatique.
37:32 Moi, dès le premier jour,
37:34 je n'arrivais pas à m'entendre avec elle.
37:36 Parce que je trouvais qu'il n'était pas net, déjà.
37:38 Je ne la sentais pas.
37:39 Pourtant, il ne m'a rien fait.
37:40 Il ne m'a rien fait, à moi, personnellement.
37:43 Il ne m'a jamais manqué de respect,
37:44 il ne m'a jamais insulté,
37:45 mais je ne la sentais pas.
37:47 Selon les deux sœurs,
37:49 Karima ne pouvait pas s'empêcher de mentir.
37:52 Avant de disparaître,
37:54 il prétendait qu'elle était enceinte.
37:56 Une fois qu'il est parti au Maroc,
37:58 il a dit à tout le monde qu'il était enceinte
37:59 de six mois, je ne sais pas.
38:00 Il est toujours enceinte.
38:01 C'était quoi son intérêt ?
38:02 C'était quoi son but de toutes ces mentions ?
38:04 C'est une maladie, la mythomanie.
38:06 C'est une maladie.
38:07 Donc, elle était mythomane, c'est tout.
38:09 Mythomane et plus inquiétant encore,
38:12 en proie à des hallucinations.
38:15 Il dit, Naïma, je te jure, je vois une femme blanche.
38:19 Il sonne ou il frappe.
38:21 Et quand j'ouvre, il me jette de l'eau sur moi.
38:24 Je dis, Karima, c'est juste des illusions,
38:26 peut-être que ce n'est pas vrai.
38:27 Il me dit, non, non, je te jure, c'est vrai.
38:29 J'ai peur et tout.
38:31 Une femme psychologiquement vulnérable, donc,
38:34 qui aurait pu disparaître d'elle-même,
38:37 comme elle en aurait eu l'habitude.
38:40 Elle disparaissait.
38:42 Elle disparaissait quelques mois.
38:44 Personnellement, j'avais l'habitude quand même
38:45 qu'elle disparaissait.
38:47 Et aussi, il nous parlait d'un voyage au Canada.
38:50 Il disait qu'il envisageait d'aller au Canada.
38:55 Des failles psychologiques, dont Karima
38:58 aurait elle-même été bien consciente.
39:02 Elle a une angoisse dans la vie.
39:04 C'est qu'elle pense qu'elle est possédée.
39:06 Elle est possédée par des esprits, des démons,
39:09 des djinns, comme on dit dans la culture du Maghreb.
39:13 Et le grand combat de sa vie, c'est de se faire désenvouter.
39:18 C'est une femme qui est fragile, qui se cherche.
39:21 Au-delà de ses faiblesses, Karima se serait livré
39:24 à des activités illégales.
39:28 Entre la France et le Maroc, son pays d'origine.
39:32 Il est avéré que Karima avait le projet d'organiser
39:37 un mariage blanc pour un monsieur qui habite à Marrakech
39:42 et qui devait épouser une dénommée Sandrine,
39:45 une amie de Karima.
39:48 Un mariage blanc, une union de complaisance
39:51 dans le but de faciliter l'accès à la nationalité française
39:55 à l'un des deux conjoints.
39:58 En échange de ce service, Karima et son amie
40:01 devaient percevoir plusieurs milliers d'euros.
40:04 Comme l'attestent ces documents, un projet de mariage blanc
40:07 a bien été organisé entre ces deux personnes.
40:10 Une piste explorée par les enquêteurs, puis abandonnée.
40:15 Cette jeune femme n'a pas voulu continuer.
40:18 Aucun argent n'a été versé.
40:21 Tout s'est arrêté de cette façon-là.
40:24 Que Karima ait pu, dans le cadre de sa vie personnelle,
40:27 avoir des comportements qui n'étaient pas toujours
40:30 parfaitement conformes à la loi, ça me paraît possible.
40:34 Par contre, le fait de mettre ça en évidence,
40:37 c'est simplement une fausse piste
40:40 sur laquelle on a essayé d'entraîner tout le monde.
40:47 En octobre 2014, s'ouvre à Bordeaux
40:50 le procès en appel de Karbal Dandouni.
40:53 Avec ses éléments, le projet avorté de mariage blanc
40:56 et une victime mythomane qui aurait pu disparaître.
40:59 But de l'opération pour la défense,
41:02 faire vaciller l'intime conviction des jurés.
41:05 En procès d'appel, il va jouer sur les incohérences du dossier,
41:09 notamment sur le fait qu'il manque des pièces,
41:12 sur le fait que les soeurs de Mme Dandouni
41:15 ont menti, il va essayer de jouer sur le fait
41:18 que les petits mensonges de son client
41:21 en premier instant ne sont que des petits mensonges.
41:24 Son client devrait bénéficier du doute,
41:27 le doute bénéficie à l'accusé.
41:30 C'est aussi, bien sûr, l'avis des soeurs Dandouni
41:33 qui abordent le procès en appel avec confiance.
41:36 On attendait qu'ils soient innocents.
41:39 On était sûrs de nous.
41:42 On était sûrs qu'il allait sortir.
41:45 Même lui, il était sûr.
41:48 Il a dit aux surveillants, il était sûr de lui.
41:51 Il a dit qu'il n'avait rien fait.
41:54 Il n'y a pas de preuves, il n'y a rien.
41:57 - Cette fois-ci, la presse et la Charente Libre
42:00 s'interrogent sur les faiblesses de l'accusation
42:03 et reposent la question.
42:06 Et si Karima finalement n'avait pas été assassinée par son mari?
42:09 - Je crois qu'il y a 40 000 disparitions en France par an.
42:12 C'est énorme.
42:15 Et peu de disparitions suspectes.
42:18 Je suis parti aussi des statistiques.
42:21 Les statistiques disant que les cas de disparition
42:24 étaient quand même assez fréquents dans notre pays.
42:27 Et pas que dans notre pays.
42:30 Et que quand il n'y a pas de corps,
42:33 on doit construire une accusation sur d'autres choses.
42:36 - Ce n'est pas du tout l'avis de Maître Chemla.
42:39 Pour qui cette stratégie de la défense est bancale
42:42 malgré l'absence de cadavres?
42:45 - Il y a des gens qui disparaissent dans des conditions
42:48 qui sont des conditions criminelles.
42:51 Après, soit la disparition peut s'expliquer par un crime
42:54 et on a des éléments qui sont suffisants et on doit juger les gens.
42:57 Soit effectivement, on reste dans des doutes
43:00 qui ne permettent pas de les juger.
43:03 Et c'est des fois où le doute cède devant l'évidence.
43:06 - L'avocat général Pierre Nalbert
43:31 fait un réquisitoire implacable.
43:34 Il reprend un par un tous les éléments
43:37 qui avaient permis de condamner M. Dandouni en première instance.
43:40 Et le verdict tombe.
43:43 On appelle M. Dandouni
43:46 et de nouveau condamné à 25 années de réclusion criminelle.
43:50 - Carbal Dandouni est reconnu coupable
43:53 d'avoir orchestré un tour de passe-passe meurtrier
43:56 entre ses deux épouses.
43:59 - Ces mensonges ne peuvent pas avoir d'autre explication
44:02 que ce qu'ils cachent derrière.
44:05 Et ce qu'ils cachent derrière, c'est qu'il s'est débarrassé
44:08 de sa femme.
44:11 Le plus important, c'était de récupérer Rabia en France
44:14 et de faire venir son fils.
44:17 Et de substituer une femme à l'autre.
44:20 - Si M. Chemla reste convaincu de la culpabilité de Dandouni,
44:26 on ne sait toujours pas ce qui est arrivé à Karima.
44:29 C'est un mystère qui suscite encore de très nombreuses interrogations.
44:32 - L'accusation n'a jamais pu amener
44:40 la preuve formelle, définitive,
44:43 irréfutable de sa culpabilité.
44:46 A tout le moins, le doute aurait dû bénéficier davantage
44:49 à M. Dandouni qu'il ne l'a fait en réalité.
44:52 Pour autant, le jury populaire en a décidé autrement.
44:55 Le jury est souverain.
44:58 Les pièces réquisitoires de l'avocat général
45:01 ont été jugées suffisamment convaincantes
45:04 pour que M. Dandouni retourne purger 25 années
45:07 de réclusion criminelle.
45:13 Aujourd'hui, Rabia vit seule.
45:16 Seule à Angoulême avec les enfants qu'elle a eus avec Karbal.
45:19 Certains qu'on sut alors qu'il était en détention.
45:22 Et elle n'accepte toujours pas l'incarcération de son époux.
45:26 - J'espère qu'un jour, il va l'éviter.
45:29 J'espère qu'elle va trouver la vérité.
45:32 Est-ce qu'il est disparu?
45:35 C'est vrai qu'il est mort.
45:38 Mais il est mort et il est où?
45:41 Nous aussi, on cherche la vérité.
45:44 On veut savoir s'il est disparu ou bien tué.
45:47 C'est ça que nous cherchons.
45:50 ...
45:53 - Loin de son pays natal, Rabia n'aurait jamais envisagé
45:56 une telle vie.
45:59 - J'ai perdu tout.
46:02 En plus, ici, je n'ai pas de famille.
46:05 Je ne connais personne sur le lit.
46:08 25 ans, c'est comme un cauchemar.
46:11 J'accepte pas.
46:14 A l'école, dans la rue,
46:17 partout, c'est la dame sans mari
46:20 qui l'a condamnée pour s'assailer sa femme.
46:23 ...
46:26 - Rabia n'a jamais été mise en cause par la justice.
46:29 Et pourtant, selon Mohamed,
46:32 elle sait forcément quelque chose sur ce qui est arrivé à Karima.
46:35 - Je ne sais pas quel rôle elle a,
46:38 mais elle a un rôle là-dedans.
46:41 Pour moi, c'est si vieille,
46:44 elle ne parlera jamais aussi.
46:47 Je sais certainement qu'ils ne vont jamais parler,
46:50 mais elle a un rôle là-dedans.
46:53 - Et toujours, et encore, cette question "qu'est-il"
46:56 est devenue de Karima.
46:59 Mohamed, qui le 1er avait alerté les autorités judiciaires,
47:02 ne parvient pas à faire le deuil de sa soeur.
47:05 - Mme Séné condamnée 25 ans.
47:08 Je préfère savoir ce qu'elle a fait de notre soeur.
47:11 On ne sait pas ce qu'elle est devenue Karima.
47:14 Ma soeur, on ne sait pas ce qu'elle est devenue.
47:17 Je ne peux pas dire qu'on n'est pas satisfaits à 100%.
47:20 Rabia a pris la place de Karima dans le bateau, dans la vie.
47:23 Elle a pris sa place.
47:26 Elle y a pris sa vie, en fait.
47:29 Ils y ont pris sa vie.
47:32 ...
47:35 ...
47:38 [Musique]

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