Agents de sécurité dans les quartiers sensibles : «Il ne vont évidemment pas remplacer la police», assure Mathieu Zagrodzki

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Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au CESDIP et spécialiste des questions de sécurité, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils s'intéressent au déploiement dans certaines villes d'agents de sécurité privés pour assurer une présence dissuasive dans les quartiers sensibles.
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Transcript
00:00 Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le chercheur et spécialiste des questions de sécurité, Mathieu Zagrodski.
00:05 - Oui, chercheur au CESDIP, le centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales rattachées à l'université de Versailles.
00:12 Bonjour Mathieu Zagrodski. - Bonjour Dimitri.
00:14 - Bienvenue sur Europe 1. Alors encore une attaque terroriste en France ce week-end.
00:17 Un mort de blessé, un pays profondément choqué qui se demande comment un profil aussi identifié a pu passer à l'acte.
00:24 Voilà qui alors dit un peu plus encore le climat sécuritaire, marqué ces dernières semaines par le drame de Crépol.
00:29 Le symbole de cette insécurité du quotidien qui peut conduire un jeune homme de 16 ans à la mort.
00:34 Alors cette insécurité du quotidien, elle prend sa source Mathieu Zagrodski, en grande partie, pas seulement bien sûr,
00:40 mais dans les quartiers dits politiques de la ville. Et pour la contenir, cette violence, dans l'espoir aussi de la réduire,
00:46 la ville de Toulouse déploie depuis quelques mois, dans le célèbre quartier du Mirail, des agents de sécurité privés,
00:52 en complément de la police. Alors Toulouse le fait, bientôt ce sera Nice à partir de janvier, et puis Montpellier.
00:57 Ces agents de sécurité d'un genre nouveau Mathieu Zagrodski, qui sont-ils ? À quoi vont-ils servir exactement ?
01:04 - Alors, nouveau pas tant que ça, parce que Paris a un dispositif de ce type depuis, pour ou prou, le milieu ou la fin des années 2000.
01:12 Bon, vous l'avez dit, ce sont des agents de sécurité, donc ils ne peuvent pas accomplir des miracles.
01:17 - On va les décrire peut-être pour commencer, parce qu'on a l'image d'agent de sécurité d'un type en costume noir,
01:21 c'est pas tout à fait ça, c'est plutôt le profil "suge", c'est-à-dire cette police de transport.
01:25 - Oui, exactement. Ce sont des gens en uniforme, qui suivent une formation qui dure 140 heures, pour les agents de sécurité privée,
01:32 et qui sont déployés effectivement dans le parc social de ces villes, pour y faire des rondes,
01:40 pour éventuellement évincer des individus qui occupent, je dirais, de manière gênante les espaces,
01:47 éventuellement verbaliser des violations du code du règlement intérieur de ces lieux.
01:53 - Ah, ils peuvent verbaliser ? - Alors oui, sur certaines toutes petites infractions liées à la salubrité,
02:00 ils peuvent par exemple... D'ailleurs, il y a un processus d'assermentation qui est en cours pour les agents à Nice.
02:06 Après, ils ne vont évidemment pas remplacer la police, parce qu'ils n'ont pas de pouvoir d'enquête, de contrôle d'identité,
02:13 de perquisition, c'est évidemment un supplétif, plutôt un complément aux forces publiques de sécurité.
02:19 - Alors là par exemple, si on prend le cas niçois, donc ça va partir de janvier, des équipes de 3 à 4 agents,
02:24 parfois avec des chiens, en ronde, de 15h jusqu'à 2h du matin, bref, c'est être là dans les dents creuses de la sécurité, si je puis dire,
02:32 c'est-à-dire, parce que la police nationale ne peut pas être présente partout, par exemple dans ce fameux quartier du Moulin,
02:37 à Nice, où ça va être expérimenté. - Non, effectivement, la police ne peut pas être présente partout,
02:42 même s'il y a une remontée des effectifs depuis le milieu des années 2010, néanmoins, ce n'est pas possible d'assurer une présence permanente sur un lieu.
02:53 Donc encore une fois, j'utilisais ce terme de supplétif ou de complément, c'est un complément dans l'intervention éventuelle sur des nuisances,
03:02 mais aussi sur la visibilité au quotidien, parce qu'en fait, il y a aussi une demande de la part de la population,
03:07 c'est que les services de sécurité soient accessibles, visibles, présents et susceptibles de prévenir un certain nombre d'actes.
03:16 - Alors, c'est pour faire ce qu'à Nice, on appelle de la sûreté résidentielle, donc c'est surtout à destination des habitants du quartier
03:23 qui subissent la loi, d'un petit nombre d'individus, c'est vraiment l'histoire du quartier de la Monnaie, un roman sur Isère,
03:28 c'est ce qu'on est en train de raconter, mais est-ce que ça marche ? Est-ce qu'une présence, qu'on espère dissuasive,
03:34 est-ce que dans les faits, en pratique, ça fonctionne ? Est-ce qu'on a des exemples, Mathieu Zagrodski ?
03:38 - C'est assez difficile à évaluer et encore une fois, on n'a pas tant d'expérience que ça en France,
03:44 parce que je le rappelle, la seule expérience un petit peu durable, c'est celle de Paris.
03:48 Je ne suis pas en mesure de vous dire est-ce que c'est efficace tous les jours, est-ce que tous les problèmes sont résolus ?
03:53 Évidemment et probablement que non. Néanmoins, il y a une demande de ça et la preuve en est qu'aujourd'hui,
04:01 ce dispositif parisien qui s'appelle le GPIS, c'est le Groupement Parisien Inter-Bailleur de Surveillance,
04:05 et donc ce sont les bailleurs parisiens qui contribuent financièrement à ce groupement d'intérêt économique,
04:11 a été étendu à la petite couronne, parce qu'à la base, c'était réservé à environ la moitié des arrondissements parisiens,
04:16 les arrondissements périphériques parisiens majoritairement, et aujourd'hui, vous avez des communes limitroves,
04:22 comme au Bervilier par exemple, qui bénéficient de leur présence.
04:25 Ce qui veut dire qu'il y a quand même une attente assez forte de la population, mais aussi des élus locaux pour ce type de dispositif.
04:31 - Oui, mais on rappelle, ces agents-là n'ont pas les pouvoirs des forces de police, ils ne peuvent pas interpeller, etc.
04:39 - Ils peuvent interpeller, mais en flingue en délit. S'ils observent un flingue en délit, mais ils ne peuvent pas mener une interpellation dans une enquête par exemple.
04:45 - Mais qui va les payer ces gens-là, ces agents de sécurité ?
04:48 - Alors, généralement, sur le dispositif NISSOI, je n'ai pas regardé, mais globalement, c'est ce que vous avez dit,
04:53 c'est qu'ils interviennent au service des résidents du parc social, donc en fait, ce sont les bailleurs sociaux, généralement, qui s'associent,
04:59 qui mettent de l'argent dans un pot commun pour... - Qui co-financent.
05:03 - Qui co-financent, voilà exactement. Le modèle parisien, c'est un groupement d'intérêts économiques,
05:07 où vous avez un certain nombre de bailleurs sociaux qui se sont associés pour recruter ces agents.
05:12 - En tout cas, on voit que le modèle prospère. Toulouse l'a lancé, Nice va s'y mettre, bientôt Montpellier également.
05:19 Une question pour vous aussi également, Mathieu Zagrodski, à propos de cette attaque terroriste samedi soir à Paris.
05:23 Alors, vous n'êtes pas un spécialiste du terrorisme, je ne vais pas vous lancer là-dessus, mais ceci dit,
05:28 ce qui va se passer, très probablement, et on le voit déjà, c'est-à-dire qu'on avait un profil très identifié,
05:33 quelqu'un qui avait été condamné, qui était dans le collimateur de la DGSI notamment,
05:38 et puis voilà, une vidéo de revendication authentifiée, on voit qu'il y a un discours très construit, très délirant,
05:43 et on voit que cet homme a pu opérer très librement, qu'il n'était pas suivi.
05:47 Ça va être le procès de la police incapable, là, qui va être lancé, d'après vous ?
05:51 Je ne sais pas si ça va être le procès de la police ou celui de la justice, en fait,
05:56 ou c'est celui du suivi des personnes qui sortent du radar de la justice.
06:03 Il y en a de plus en plus, parce qu'il y a une vague de condamnations autour de 2015 et après 2015.
06:10 Alors, certaines personnes pour des faits extrêmement graves et donc qui sont emprisonnées pour des durées longues,
06:15 mais parfois des personnes pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste,
06:20 pour complicité, donc ça ce sont des gens qui ont pris quelques années et qui commencent à sortir.
06:24 Et c'est tout l'enjeu, en fait, dans une société libérale, dans une démocratie libérale comme la nôtre,
06:28 c'est qu'à partir du moment où vous avez purgé votre peine, vous n'êtes plus censé être sur le radar des pouvoirs publics.
06:34 On ne peut pas obliger un malade à prendre ses médicaments, par exemple.
06:37 Voilà, c'est ce qu'on a appris à travers cette histoire, notamment.
06:39 Tout à fait, et donc il y a le principe de liberté individuelle qui prévaut.
06:44 Et c'est là, en fait, l'équilibre qui est difficile à trouver dans nos démocraties,
06:47 c'est comment on fait pour continuer à surveiller ou être en garde sur ces gardes
06:53 par rapport à des gens qui sont sortis de prison.
06:55 - Merci beaucoup de votre lumière ce matin Mathieu Zagrodski.
06:57 Je vous rappelle, vous êtes chercheur au CESDIP,
06:59 Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales.

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