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00:00 Bonjour à toutes et à tous.
00:05 On ne vous fait pas attendre.
00:07 On enchaîne.
00:08 Donc, je suis Maïté Darnot, je suis journaliste pour Libération
00:13 et je suis correspondante à Lyon.
00:15 Et j'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui,
00:18 rapprochez-vous d'ailleurs s'il vous plaît,
00:21 Michel Ménard, qui est ancien député, président socialiste du
00:26 Conseil départemental de la Loire-Atlantique et qui est
00:29 président de Département solidaire, qui est une association que vous
00:33 allez nous présenter tout à l'heure.
00:35 Et j'ai aussi le plaisir d'accueillir Géraldine Chavrier,
00:38 qui est avocate et professeure agrégée de droit public à Paris 1
00:43 Panthéon-Sorbonne, qui est spécialiste de la
00:46 décentralisation, des différents échelons
00:49 territorials, de ce que la décentralisation implique
00:52 pour ces différentes collectivités, également de la démocratie
00:56 locale et de l'expérimentation.
00:58 Elle avait été membre d'un groupe chargé par le Conseil d'État pour
01:03 faire un rapport à ce sujet au Premier ministre en 2019.
01:06 Voilà, donc ensemble, ça va être assez court.
01:10 On a une demi-heure, mais ça va quand même nous
01:12 permettre d'aborder un sujet qui peut sembler un petit peu
01:14 technique, mais qui est vraiment stratégique, si je puis dire,
01:18 notamment en matière d'expérimentation.
01:21 Donc, l'intitulé de cet échange est une interrogation vers une
01:28 telle gouvernance décentralisée, de quelle manière les laboratoires
01:34 locaux peuvent permettre de relancer la décentralisation.
01:39 Je vais m'adresser à vous en premier.
01:43 Vous partez d'un constat qui est partagé, que la décentralisation
01:49 s'est essoufflée.
01:50 Donc, quand on se pose cette question de l'essoufflement,
01:55 on se demande logiquement comment on pourrait relancer ce processus,
01:59 le réformer.
02:00 Dites-nous-en un peu plus, s'il vous plaît.
02:03 On va peut-être commencer par le constat qui est la panne de la
02:06 décentralisation.
02:07 C'est-à-dire qu'en effet, ça s'essouffle.
02:08 On ne peut pas le nier, alors qu'on a une frénésie de
02:12 textes depuis 2010.
02:13 Et si on regarde la façon dont les choses se sont passées,
02:16 on s'est dit, tiens, on va modifier les institutions,
02:19 l'architecture territoriale locale pour que ce soit plus efficace.
02:23 Donc on a intercommunalisé Outrance, Outrance à marche forcée.
02:27 On a spécialisé les niveaux de collectivité.
02:30 On a fusionné les régions de façon autoritaire.
02:33 Et finalement, le président de la République nous annonce
02:36 maintenant qu'il a un grand projet pour la décentralisation et qui
02:39 va modifier l'architecture territoriale.
02:41 C'est-à-dire qu'on a l'impression que tout ce qu'on a fait,
02:43 qui ont quand même beaucoup bousculé les territoires,
02:46 c'était gratuit.
02:47 Et de fait, la fusion des régions, ça ne servait à rien.
02:49 Pour les compétences, même chose.
02:51 On a chargé la barque des compétences.
02:53 Quand on ne sait plus quoi transférer,
02:55 on crée des collectivités chefs de file dont on ne sait pas
02:57 ce que c'est réellement.
02:59 Et on arrive, après la loi de 3DS, à ce constat
03:04 qu'on n'avance toujours pas dans la décentralisation.
03:08 Alors on nous dit, oui, mais c'est parce qu'un droit
03:09 constitutionnel constant, on ne peut rien faire.
03:11 Mais en fait, le problème, il est culturel.
03:14 On a déjà tout ce qu'il faut en droit.
03:16 On le verra quand je répondrai à cette question
03:18 de qu'est-ce qu'on peut faire.
03:19 On a tout ce qu'il faut en droit, mais il est culturel.
03:21 C'est-à-dire est-ce qu'on est prêt à passer
03:23 d'une décentralisation de pure gestion,
03:26 gérer les compétences que je vous accorde,
03:29 à une vraie décentralisation avec un vrai pouvoir de décision ?
03:31 Et vous avez parlé de l'expérimentation aujourd'hui.
03:34 En 2003, quand le président Chirac a révisé la Constitution,
03:37 il a dit, et en fait, je le cite de mémoire,
03:41 qu'il voulait faire souffler le vent de l'initiative locale
03:44 par l'expérimentation et par l'innovation.
03:47 Qu'est-ce qui s'est passé ?
03:48 -Donc ce n'est pas une idée neuve ?
03:50 -Non, ça date de 2003, l'expérimentation.
03:52 Qu'est-ce qui s'est passé ?
03:53 On va dire que si on prend les vraies expérimentations,
03:56 celles des collectivités, c'est-à-dire que vous avez le droit,
03:59 parce que vous trouvez que votre compétence,
04:01 elle n'est pas assez efficace,
04:02 vous avez le droit de déroger la loi et au règlement.
04:04 On en a peut-être eu 3.
04:06 Le RSA, la facturation sociale de l'eau,
04:08 puis maintenant, si on compte comme ça,
04:09 la recentralisation du RSA.
04:11 On a adopté une loi organique en 2021
04:14 pour faciliter les expérimentations
04:16 pour qu'on puisse faire de la différenciation.
04:17 Après, il ne s'est rien passé.
04:19 Il ne s'est rien passé parce que la décentralisation,
04:21 c'est pas un problème de contenu,
04:23 c'est même pas un problème de contenant,
04:26 c'est un problème de règles générales
04:27 de la décentralisation.
04:29 Alors si vous me demandez qu'est-ce qu'on peut faire,
04:31 votre question, ça, qu'est-ce qu'on peut faire ?
04:34 Je pourrais vous répondre qu'il faut réviser la Constitution,
04:38 qu'il faut améliorer la libre administration
04:39 des collectivités,
04:40 qu'il faut modifier la loi organique
04:42 relative à l'autonomie financière,
04:44 qu'il faut prévoir dans la Constitution
04:46 une compensation au moins partiellement glissante
04:49 pour qu'il n'y ait pas des restes à charge
04:50 pour les départements qui se retrouvent
04:51 dans des situations horribles.
04:53 Mais c'est pas non plus ça qu'il faut faire.
04:55 La solution, elle est dans un alinéa de la Constitution,
04:59 celui qui dit que les collectivités territoriales
05:02 ont vocation à prendre les décisions
05:04 pour l'exercice des compétences
05:06 qu'elles sont le mieux à même d'exercer.
05:08 -Est-ce que c'est le principe de la libre administration ?
05:11 -C'est le principe qui va au-delà,
05:12 c'est le principe de la subsidiarité,
05:14 et c'est le principe de la subsidiarité ascendante.
05:17 C'est-à-dire que si vous attendez de l'Etat
05:19 que la décentralisation ait voulue,
05:22 ça fait 30 ans qu'on l'attend.
05:23 Ca fait 30 ans. En dépit de l'accélération des réformes,
05:26 il se passera rien.
05:27 En revanche, si cette fois-ci,
05:29 ce sont les collectivités locales qui font la décentralisation,
05:33 et je vais vous dire comment dans une seconde, ça changera.
05:35 Comment ? On sait qu'il y a au moins un truc qui a changé,
05:38 si je peux me permettre.
05:39 C'est la loi 3DS.
05:40 La loi 3DS, elle nous dit que vous pouvez
05:44 demander une différenciation,
05:45 c'est-à-dire demander des compétences
05:47 qui ne sont pas les mêmes que celles des autres collectivités
05:49 de la même catégorie,
05:50 ou vous pouvez demander est-ce que le droit s'adapte
05:54 à votre particularité locale pour mieux gérer les compétences.
05:58 Et puis la loi NOTRe, et puis proposée aux régions,
06:01 ce qui a été étendu au département par la loi 3DS,
06:05 qui est que vous pouvez demander
06:07 une modification de votre organisation,
06:10 de votre fonctionnement ou de vos compétences.
06:12 Et il y a une procédure, vous saisissez le Premier ministre,
06:15 et puis si ça concerne la loi,
06:17 vous saisissez aussi le président de l'Assemblée nationale
06:19 et du Sénat.
06:20 Mais c'est ce qu'il faut faire,
06:21 c'est ce qu'a fait la région Île-de-France.
06:22 Moi, j'ai accompagné la région Île-de-France
06:24 juridiquement sur leurs projets politiques.
06:26 Ils ont apporté 45 propositions à l'Etat.
06:29 45 propositions dans le domaine du logement,
06:33 dans le domaine de l'environnement,
06:35 dans le domaine de la santé,
06:37 dans le domaine de la sécurité,
06:38 dans le domaine des transports,
06:40 dans le domaine de l'éducation nationale.
06:42 Alors on peut ne pas être d'accord
06:43 avec tout ce qu'ils proposent, c'est pas la question.
06:46 La question, c'est qu'on a fait quelque chose,
06:48 on est allé regarder précisément,
06:50 est-ce qu'on fait de l'expérimentation ici ?
06:52 Est-ce qu'ici, on demande une différenciation ?
06:54 Expérimentation, je vais être prudent,
06:56 je suis pas sûre que ça va marcher.
06:58 Je suis une collectivité territoriale responsable.
07:00 Je propose qu'on expérimente d'abord
07:02 et on voit ce qu'on fait après.
07:03 Ou de la différenciation.
07:05 Mais moi, collectivité territoriale,
07:06 je suis pas dans la même situation que l'autre.
07:08 Donc je demande à ce que le droit s'adapte à ma situation.
07:12 Ou alors il s'agit de compétences de l'Etat.
07:14 Et c'est ça qui est bien,
07:15 c'est que dans le droit, on vous dit
07:16 "Mais vous pouvez différencier quand c'est vos compétences,
07:19 "vous pouvez expérimenter quand c'est vos compétences."
07:22 Mais au nom de quoi on n'aurait pas le droit
07:23 de demander à l'Etat de modifier sa compétence étatique
07:27 qui a un impact fort sur le territoire local ?
07:29 Eh bien, c'est ce qu'a fait la région Ile-de-France.
07:31 La régionalisation du SMIC, on est pour, on est contre,
07:34 mais ce qu'ils disent, c'est "Moi, en Ile-de-France,
07:37 "le SMIC, c'est trop bas."
07:39 Et puis ça échelonne après.
07:41 Donc ce que je veux, c'est que vous expérimentiez
07:45 dans votre compétence une régionalisation du SMIC.
07:47 C'est pas la mienne, j'ai pas le droit de vous l'imposer,
07:49 mais je fais cette proposition-là,
07:51 ça nous impacte fortement.
07:53 Faites comme avec l'encadrement des loyers, expérimentez.
07:56 -Est-ce que vous pensez à un autre exemple ?
07:58 Vous venez de citer le SMIC.
08:00 Qu'en est-il, au final, de ces 45 propositions à l'Etat ?
08:03 Elles ont été négociées une par une ?
08:06 -Alors pas du tout. Ce qu'on a fait,
08:07 et c'est ce qu'il faut faire, parce que quand je vous dis
08:09 la subsidiarité ascendante,
08:11 c'est ça qui va faire bouger l'Etat,
08:13 vous avez une autre collectivité, une autre région
08:15 qui est en train de faire la même chose de son côté,
08:18 et j'en ai une autre qui m'a saisi de 2 petites questions,
08:20 mais qui sont essentielles pour elle.
08:23 Donc comment on fonctionne ?
08:25 D'abord, politiquement, il faut cibler.
08:30 Et c'est ça, ce que vous avez fait aujourd'hui,
08:31 vous avez parlé d'innovation et d'expérimentation.
08:34 Il faut inventer juridiquement,
08:36 il faut que vous regardiez vos compétences
08:38 et que vous disiez "Qu'est-ce que je peux faire mieux ?
08:41 En quoi je suis gênée ?"
08:43 Alors ça peut être n'importe quoi.
08:44 La région de France, ça peut aussi être
08:46 le nombre de vélos dans les trains.
08:49 Je veux pouvoir fixer le nombre de vélos dans mes trains.
08:51 Ca peut être aussi bête que ça, mais c'est un problème parfois.
08:56 Donc vous regardez politiquement ce dont vous avez besoin.
08:59 Et ensuite, vous faire un travail extrêmement complet.
09:02 C'est-à-dire que vous essayez de cibler.
09:03 Est-ce que c'est de l'expérimentation ?
09:04 Est-ce que c'est de la différenciation ?
09:06 Est-ce que c'est de la délégation ?
09:07 Par exemple, ils demandent la délégation
09:09 de la gestion des fonds verts
09:10 ou la délégation du Fonds interministériel
09:12 de prévention de la délinquance ?
09:13 Est-ce que c'est du transfert de compétences ?
09:14 Et quand vous avez fait ça,
09:16 le seul moyen de vous en sortir pour faire bouger
09:18 la décentralisation, c'est de rédiger quasiment.
09:21 Parce qu'on va vous dire "Oui, mais vos propositions,
09:25 "constitutionnellement, c'est compliqué,
09:26 "législativement, c'est compliqué."
09:28 Vous faites le job de l'Etat.
09:29 Vous prenez les textes, vous regardez quelle disposition.
09:33 Et après, qu'est-ce qui se passe ?
09:34 Vous saisissez le Premier ministre,
09:36 vous saisissez le président des chambres,
09:39 et le débat politique peut commencer.
09:41 C'est-à-dire que soit il veut même pas vous rencontrer,
09:43 il se tait. Bon, d'accord.
09:44 Soit, plus probablement, il va y avoir quand même
09:46 des dialogues, la collectivité, l'exécutif va se déplacer,
09:50 ils vont discuter.
09:51 Et là, le Premier ministre n'est pas obligé
09:52 de vous répondre immédiatement,
09:53 il peut très bien ne pas donner suite.
09:55 Mais au bout d'un an, vous avez un rapport
09:58 sur la réponse qui a été donnée aux demandes
10:01 qu'ils ont reçues pendant l'année.
10:02 Et ça, c'est vraiment une façon de faire avancer les choses.
10:06 Parce qu'imaginez, là, on a 45 propositions
10:09 dans la région de France.
10:10 C'est difficile quand on est un gouvernement
10:12 qui vient dire "Moi, j'ai modifié la loi organique
10:14 "pour permettre de la différenciation.
10:16 "Moi, j'ai fait un grand changement
10:17 "dans la décentralisation,
10:18 "j'ai autorisé la différenciation avec la loi 3DS,
10:21 "mais j'ai 45 demandes et je réponds pas."
10:23 Et si, en plus, vous avez la région,
10:25 j'ai failli donner son nom, une autre région,
10:27 qui fait la même chose,
10:29 et si vous avez les départements,
10:30 parce que les départements peuvent faire la même chose,
10:31 au nom de quoi vous ne regarderiez pas vos compétences
10:34 pour voir qu'est-ce qui gêne, qu'est-ce qui va pas,
10:36 qu'est-ce que vous voudriez changer,
10:38 et vous adressez des demandes à l'Etat.
10:40 Si vous attendez que la décentralisation
10:42 se fasse par l'Etat, on aura toujours le même problème,
10:45 ça sera du contenant du contenu.
10:46 Si c'est vous qui proposez,
10:47 vous pouvez faire avancer la décentralisation
10:50 et vous provoquer une situation de crise.
10:51 Comment l'Etat peut ne pas répondre à 45 demandes ici,
10:55 à 28 demandes ici, à 3 demandes là ?
10:58 Ca sera pas possible.
10:59 -Donc il faut que ce soit un mouvement collectif, en somme ?
11:01 -Il faut que ce soit une subsidiarité ascendante.
11:03 Les collectivités territoriales,
11:05 on est à 30 ans de décentralisation,
11:08 elles sont devenues majeures, elles sont responsables,
11:11 elles peuvent innover,
11:12 et au lieu de le faire sur le terrain entre elles,
11:15 il faut qu'elles l'imposent maintenant,
11:16 parce qu'on a un outil juridique,
11:18 on a une procédure de remontée de demandes
11:21 de changement du droit.
11:23 -Avant de vous poser la dernière question,
11:25 je voudrais vous adresser.
11:27 Michel Ménard, quel regard vous portez
11:28 sur ce que vient de dire Géraldine Chavrier
11:31 sur cette nécessité d'un élan collectif,
11:35 non pas d'un passage en force,
11:37 mais en tout cas de l'établissement d'un rapport de force
11:40 qui peut s'avérer productif, in fine ?
11:44 -Bonjour à toutes et à tous.
11:46 Ces informations nous sont très utiles,
11:50 et d'ailleurs, nous avons créé un département solidaire.
11:53 Moi, je suis président du département de l'Ouar Atlantic,
11:55 mais j'assume au nom des collègues
11:57 la présidence de cette association
11:59 pour porter nationalement
12:03 un certain nombre de sujets
12:05 qui ne sont pas portés
12:07 par l'association Département de France.
12:10 Nous sommes des départements de gauche.
12:12 Tous les départements de gauche ne sont pas membres
12:15 de l'association, mais d'année en année,
12:17 il y en a un peu plus parce que nous avons l'intérêt
12:20 de partager en commun des expérimentations,
12:24 des innovations.
12:25 -Vous avez 13 membres dans votre association.
12:27 -18, maintenant. -18, maintenant. OK. D'accord.
12:30 -18, et nous travaillons au partage d'expériences
12:35 régulièrement entre nos différents départements
12:38 sur les sujets que nous expérimentons
12:43 ou sur les innovations que les uns et les autres pratiquent,
12:47 et puis nous portons au débat national
12:50 un certain nombre de propositions
12:52 en travaillant avec des parlementaires
12:55 avec qui nous sommes en lien.
12:57 Moi, ce que je constate, quand même,
12:58 c'est que pour l'instant, je suis très demandeur
13:02 de voir ce que vont devenir
13:05 les 45 propositions d'expérimentation
13:09 de la région Île-de-France,
13:11 parce que moi, je vois quand même en permanence
13:15 l'administration d'Etat qui nous explique toujours
13:18 que ce n'est pas possible.
13:21 Par exemple, il y a 3, 4 ans, en Loire-Atlantique,
13:25 on voulait créer avec un bailleur social
13:30 et d'autres collectivités
13:32 dans une commune de l'agglomération hollandaise
13:34 une opération innovante pour les seniors,
13:37 de logements seniors,
13:39 donc pour des personnes retraitées
13:42 avec de faibles retraites.
13:46 On a franchi quasiment toutes les étapes
13:48 jusqu'au moment où c'est arrivé au ministère du Logement
13:51 où on nous a dit que l'expérimentation
13:53 était très intéressante,
13:55 qu'il fallait qu'elle se fasse dans le cadre actuel.
13:58 Et donc, évidemment, par définition,
14:00 l'expérimentation ne pouvait pas se faire
14:03 avec la réglementation actuelle,
14:04 et donc on a réussi à retomber,
14:09 tant bien que mal, en créant des résidences autonomies,
14:13 mais c'était pas le projet de départ.
14:15 Et donc on a quand même en permanence
14:18 l'administration d'Etat
14:20 qui n'est pas très ouverte sur les expérimentations.
14:25 Et donc ça, c'est une difficulté majeure.
14:26 Et puis on a une autre difficulté, quand même.
14:29 Ce sont les questions financières, quand même.
14:32 Parce qu'on nous a transférés au fil du temps
14:35 un certain nombre de compétences.
14:38 L'ERSA, par exemple, chez moi,
14:41 alors que c'était un transfert à l'euro près
14:45 de cette compétence,
14:47 maintenant, l'Etat compense à 48%.
14:52 Les allocations RSA dans mon département,
14:55 cette année, ça va être 190 millions d'euros, à peu près.
14:58 Eh bien, on ne va être compensés qu'à 48%.
15:01 Et donc il y a aussi une asphyxie financière,
15:03 et c'est particulièrement vrai, d'ailleurs, pour les départements,
15:06 puisqu'on n'a plus aucune autonomie fiscale.
15:09 Moi, je dis régulièrement à mon opposition
15:11 qu'on ne peut plus s'engueuler que sur les dépenses.
15:14 Sur les recettes, on les constate.
15:16 Donc on constate les dotations d'Etat,
15:19 une part de DGF, une part de TVA.
15:22 On constate les droits de mutation,
15:24 ce qu'on appelle les DMTO.
15:26 Et c'est avec ces recettes que nous constatons
15:29 que nous devons établir notre budget.
15:31 Alors je peux mettre un peu plus sur la protection de l'enfance,
15:33 mais il va peut-être falloir que je mette un peu moins
15:36 sur les collèges ou sur les personnes âgées.
15:38 Donc on est de plus en plus en situation de gestion
15:43 et de moins en moins en capacité d'agir,
15:47 d'innover, d'expérimenter.
15:49 Et ça, c'est une difficulté majeure.
15:51 Depuis la dernière loi de décentralisation,
15:55 qui n'était pas très aboutie, mais 2004, quand même,
15:58 où on a eu un certain nombre de transferts,
16:00 on a constaté que des lois de recentralisation
16:04 ou de spécialisation...
16:05 Alors la création des grandes régions, la loi NOTRe,
16:09 ont surtout spécialisé
16:11 les différents niveaux de collectivité locale.
16:15 On a perdu la clause de compétence générale
16:17 au niveau des départements.
16:18 Donc on ne peut plus agir sur tous les sujets
16:21 qui nous intéresseraient.
16:22 Et puis, depuis 2017, c'est encore pire,
16:25 puisqu'on nous asphyxie financièrement.
16:28 Il y a eu, à un moment donné,
16:29 ce qu'on appelait le pacte de chaos.
16:30 C'est-à-dire qu'il fallait que les départements
16:32 signent avec l'Etat un engagement
16:35 de ne pas augmenter les dépenses
16:37 de plus de 1,5%, 2% par an.
16:41 Donc on était contraints financièrement.
16:43 Là, on est contraints d'une autre façon,
16:45 puisqu'on n'a plus de levier fiscal.
16:46 Donc on constate les recettes
16:50 et on fait avec ce qu'on peut faire.
16:52 Et donc la capacité d'agir est de plus en plus réduite.
16:58 -Sur l'aspect financier, Géraldine Chavrier,
17:01 l'assèchement dont parle M. Ménard,
17:04 c'est une difficulté supplémentaire
17:06 pour cette action collective ?
17:08 -On est beaucoup plus que de la difficulté supplémentaire.
17:10 Là, on est dans l'étranglement.
17:12 J'ai vu pour les départements,
17:13 cette année, ça va être compliqué.
17:15 Ce que je peux vous dire, c'est que les représentants
17:17 du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
17:19 sont venus au mois de septembre.
17:21 Ils vérifient que la charte européenne
17:23 de l'autonomie locale est respectée.
17:25 Il n'y a pas de sanctions devant le juge,
17:26 mais ils vérifient chaque fois que la France respecte
17:29 le principe d'autonomie des ressources
17:32 et des ressources suffisantes par rapport aux compétences.
17:35 Bien là, devinez ce qu'ils en ont conclu.
17:37 On n'a pas encore le rapport,
17:38 mais ils ont été très clairs sur le fait que maintenant,
17:40 la France ne respecte pas la charte européenne
17:43 de l'autonomie locale qu'elle a ratifiée.
17:44 Et c'est pour ça que moi, je suis favorable.
17:47 Alors, s'il y a une révision de la Constitution
17:49 telle qu'annoncée par le président,
17:51 mais on sait très bien qu'avec les conditions
17:52 de majorité actuelles, voilà,
17:54 mais s'il y a une révision, ce qu'il faut,
17:57 c'est même plus...
17:59 Parlons presque pas du principe constitutionnel
18:01 d'autonomie financière. C'est important,
18:03 mais on peut le faire, on peut recréer de l'autonomie fiscale
18:07 sans toucher au principe.
18:08 Ce qu'il faut, c'est créer, dans l'article 72
18:11 concernant l'obligation de compensation,
18:13 une clause de revoyure, par exemple, au bout de 10 ans,
18:17 pour regarder le pourcentage de compensation
18:19 10 ans plus tard. Vous dites, on est parti de l'euro près,
18:21 on arrive à 48 %,
18:23 et il faut qu'il y ait une loi organique
18:24 qui fixe ce qui peut paraître comme convenable.
18:26 C'est-à-dire une compensation glissante dans le temps
18:30 avec une marge de manoeuvre,
18:32 parce que ça dépend aussi de la façon
18:33 dont gèrent les départements ou les régions.
18:36 Donc il y a une partie...
18:37 On peut faire quelque chose à supposer qu'il y ait une envie.
18:40 Et je voudrais revenir sur ce que vous disiez,
18:41 c'est-à-dire on fait les choses et l'administration s'arrête.
18:45 Et c'est pour ça qu'avec la région de France,
18:46 on a fonctionné autrement.
18:48 Ca va pas rappeler de bons souvenirs aux départements,
18:51 ou pas, mais la métropole de Lyon,
18:54 ça a quand même été l'expérience de la disparition
18:57 du département sur le territoire,
18:58 une fusion avec l'intercommunalité.
19:00 Et comment ils l'ont fait ? Comment ils l'ont imposé ?
19:02 Ils sont arrivés devant le Premier ministre
19:05 avec un projet de loi complètement écrit.
19:09 Tout est réglé.
19:10 C'est-à-dire que l'administration qui vous dit
19:12 "Non mais attendez, monsieur, c'est constitutionnellement
19:13 "pas possible, il faut le faire dans tel cadre,
19:16 "c'est trop compliqué."
19:17 Vous arrivez, et ça a été très dur pour 45 questions,
19:21 j'y ai passé, je crois, 125 heures.
19:25 Vous arrivez avec "C'est comme ça, regardez,
19:28 "c'est conforme à ça."
19:30 Vous modifiez l'article "elle, her, ceci, cela" comme ça,
19:34 vous écrivez ça comme ça, et il n'y a pas de souci.
19:38 Alors évidemment qu'ils vont pas dire oui à 45 questions.
19:41 Simplement, vous leur coupez la réponse habituelle
19:45 qui est "C'est trop compliqué, c'est pas constitutionnel."
19:48 Et vous créez une obligation,
19:50 vous avez une procédure juridique,
19:52 il faut délibérer, l'Assemblée locale doit délibérer,
19:55 puis saisir le Premier ministre,
19:56 et puis il y a un rapport à la fin de l'année.
19:59 Donc en fait, quand vous êtes un chef de l'Etat,
20:02 que vous êtes élu en disant "Je vais faire de la différenciation"
20:05 et que vous recevez 45 demandes,
20:07 vous n'allez pas satisfaire 45 demandes.
20:09 Mais si vous en satisfaisiez zéro,
20:11 après avoir fait tout ce qu'il a fait avec la loi 3DS, etc.,
20:14 ça va quand même se remarquer un peu.
20:16 Donc c'est vraiment pour moi le fonctionnement d'avenir.
20:19 Et peut-être même, par rapport à vos questionnements de finances,
20:23 que l'expérimentation peut permettre de gagner
20:25 des marges de manoeuvre financière.
20:26 Peu envisagé, comment exercer autrement une compétence
20:29 pour être plus efficace, pour dépenser moins ?
20:31 Ça peut aussi servir à ça.
20:33 -Donc votre conseil, c'est d'arriver avec quelque chose
20:34 de tout ficelé. -Complètement ficelé.
20:37 L'étape d'avant, c'est quand même d'expérimenter.
20:38 On revient au thème d'aujourd'hui.
20:41 Donc département solidaire,
20:43 votre leitmotiv,
20:46 c'est l'élaboration d'actions collectives.
20:48 Vous faites notamment des ateliers de partage de bonnes pratiques.
20:52 Est-ce que vous pouvez me donner un exemple concret
20:54 de ces bonnes pratiques,
20:56 qui sont des choses qu'on a essayées sur un territoire,
20:58 qui fonctionnent, qu'on essaie de partager
21:00 avec les 17 autres membres que soi,
21:05 et qui pourraient peut-être donner lieu ensuite,
21:07 en ayant recours à une spécialiste comme Mme Chavrier,
21:10 à un package qu'on va aller vraiment pousser
21:14 jusqu'au décideur national ?
21:16 -L'expérimentation, on ne la porte pas nécessairement
21:19 dans les 18 départements.
21:20 C'est un, deux, trois départements,
21:22 et puis après, on partage nos expériences.
21:24 J'ai un exemple abouti,
21:28 puisque la Loire-Atlantique
21:31 avait créé le contrat jeunes majeurs.
21:36 Et donc, ça a été repris ensuite dans la loi Taquet.
21:39 Et donc, maintenant, c'est applicable
21:41 dans tous les départements.
21:42 Donc, on peut, en ayant prouvé du bien fondé
21:46 de cette expérimentation,
21:47 parfois, avoir la traduction dans la loi
21:51 d'une expérimentation qui devient applicable
21:55 sur tout le territoire.
21:57 En l'occurrence, ça pourrait être applicable
21:58 que sur une partie,
22:00 mais là, en l'occurrence, c'était le cas.
22:03 Les 2 expériences qui ont déjà été citées,
22:06 revenus jeunes ou accompagnement renforcé
22:11 des allocataires du RSA,
22:12 ce sont 2 expérimentations qui sont menées actuellement.
22:17 En Loire-Atlantique,
22:19 nous menons également cette expérimentation
22:21 avec le revenu jeune,
22:22 alors avec un an d'écart avec la métropole de Lyon,
22:25 puisque nous, nous avons été élus en juin 2021.
22:30 Nous avons mis en place ce dispositif
22:32 et nous espérons bien,
22:35 en partageant d'ailleurs notre expérience
22:36 avec la métropole de Lyon,
22:38 prouver l'utilité de ce revenu jeune
22:42 près de l'Etat et arriver à un moment donné
22:44 à ce qu'il y ait un dispositif de revenu.
22:48 Ca peut être le revenu de base,
22:49 ça peut être le RSA à partir de 18 ans.
22:53 Enfin, on peut trouver différentes modalités
22:58 de soutien aux jeunes de 18 à 24 ans.
23:00 Nous, nous portons cette expérimentation
23:02 pour que les jeunes sans ressources
23:06 et sans soutien familial
23:07 ne se retrouvent pas complètement démunis.
23:11 Sur l'expérimentation,
23:13 l'accompagnement renforcé des allocataires du RSA,
23:16 nous sommes 3 départements de gauche
23:18 à porter cette expérimentation.
23:20 Il y a l'île Évilène, il y a le Grand Lyon,
23:22 la métropole de Lyon et donc la Loire-Atlantique.
23:25 Et donc nous, on a souhaité aller au bout
23:28 de cette expérimentation, même s'il y avait des débats
23:32 avec la loi qui arrivait directement après,
23:34 parce qu'on a dit on va faire la preuve
23:36 que sans sanctions, sans conditionnalité,
23:40 on peut, en accompagnant mieux les allocataires du RSA,
23:45 améliorer la situation d'un certain nombre d'entre eux.
23:48 -Et d'ailleurs, là-dessus, avant que la loi ne passe,
23:51 vous avez prévenu, il y avait eu un communiqué de presse commun.
23:54 Donc ça, c'est quelque chose qui est important
23:55 dans l'action de départements solidaires.
23:58 Il y a aussi des cycles de rencontres
24:00 entre les directeurs de la communication des départements.
24:03 Et c'est pas anodin, ça, je l'ai noté,
24:04 parce que quand vous faites un communiqué de presse commun
24:07 à 3 départements qui sont membres de cette expérimentation RSA-Jeunes,
24:12 les 3 seuls départements ou collectivités,
24:13 puisque l'une, c'est la métropole de gauche,
24:18 des gauches à expérimenter ça
24:19 face à une majorité de départements de droite,
24:23 vous commencez à être un contre-pouvoir.
24:26 C'est pas juste un participant qui dit "Ça me va pas comme ça".
24:29 Vous êtes 3 à dire "Nous, on le fait parce que...
24:31 "On veut prouver ça."
24:32 Et ça, c'est important, ce travail de plaidoyer aussi.
24:35 -Oui, alors il y a eu un débat au groupe de gauche
24:38 de l'Assemblée des départements de France
24:41 pour savoir si on expérimentait ou pas,
24:42 si on répondait à...
24:44 Là, du coup, c'était une expérimentation
24:46 à l'initiative de l'Etat.
24:48 Et si nous y sommes allés, les 3 départements cités,
24:53 c'est parce qu'on s'est dit qu'il faut pas qu'on laisse
24:55 la droite seule sur cette expérimentation
24:57 où il y aurait une vision
25:00 de l'accompagnement en contrepartie
25:04 d'un certain nombre d'heures de travail ou d'activité
25:07 avec le risque de sanction des allocataires.
25:09 On a dit qu'on souhaitait faire la preuve
25:13 que sans conditionnalité, on peut avoir des résultats.
25:17 -On en a parlé lors du précédent débat
25:19 et qu'on vous parlait du fait que l'expérimentation
25:21 peut aboutir à des objets légitatifs.
25:23 C'est le débat d'après, donc je vous invite d'avance à rester.
25:26 Avant qu'on laisse quelques minutes
25:28 pour les questions au public,
25:29 j'ai une dernière question à vous adresser
25:31 très rapidement à vous deux.
25:33 C'est les éventuelles limites de ces pistes.
25:35 Vous parliez...
25:36 On parle de différenciation, d'adaptabilité.
25:39 Chaque collectivité va prendre un enjeu
25:42 et l'adapter un petit peu à ses besoins.
25:45 Est-ce que ça risque pas de renforcer
25:47 des disparités territoriales
25:49 et de voir de créer une forme de concurrence entre territoires ?
25:52 Géraldine Chabrier.
25:54 -Pour ce qui est de la concurrence en général,
25:56 c'est un argument d'individus
26:00 qui conçoivent la décentralisation comme une privatisation.
26:03 Les collectivités territoriales, ce sont des personnes publiques
26:05 qui défendent l'intérêt général.
26:08 Je pense pas qu'il y ait une question
26:10 de concurrence de territoire.
26:12 Il peut y avoir une émulation,
26:13 parce que c'est ce que vous disiez tout à l'heure,
26:15 il y en a qui font, et ensuite,
26:17 ça s'ASM.
26:20 En revanche, je sais pas ce que vous en pensez,
26:22 mais vous pensez que les collectivités
26:24 vont se mettre en concurrence ?
26:26 Je crois pas que c'est la démarche d'une collectivité.
26:28 Ça peut être la démarche d'une entreprise,
26:29 mais pas d'une collectivité.
26:30 Pour l'égalité, c'est très simple.
26:33 Il faut faire attention,
26:34 mais pour l'instant, la différenciation, c'est quoi ?
26:37 C'est le fait de se fonder
26:40 sur une différence de situation objective, nous dit la loi,
26:44 et la réponse, la différenciation,
26:47 devrait être proportionnée,
26:49 et même strictement proportionnée
26:51 à la différence de situation.
26:52 C'est-à-dire que qu'est-ce qu'on fait
26:54 avec de la différenciation ?
26:56 On s'adapte à sa spécificité.
26:58 Donc on traite différemment des situations différentes.
27:01 Dans d'autres Etats européens,
27:03 on a l'obligation de traiter différemment
27:05 des situations différentes pour des raisons de justice,
27:08 parce que c'est inégal que de dire
27:11 "je fais une loi absolument identique pour tout le monde",
27:14 pour lui, ça va bien se passer,
27:16 pour lui, je vais vraiment l'avant-d'âcher,
27:17 mais alors celui-là, je suis désolée,
27:20 ça va pas rentrer dans la norme, mais c'est comme ça.
27:22 Donc le principe de différenciation,
27:25 si vous l'envisagez comme il est envisagé actuellement,
27:28 c'est-à-dire avec l'idée d'une France égalitaire et unitaire,
27:31 ce n'est qu'appliquer différemment des normes
27:34 à des situations différentes pour s'adapter convenablement,
27:38 pour ne pas handicaper ou ne pas favoriser excessivement.
27:41 Et le Conseil constitutionnel, pour finir en 1995,
27:45 avait été saisi d'une loi d'orientation
27:48 et d'aménagement du territoire
27:49 par laquelle les normes locales s'adaptaient...
27:53 Les normes nationales, pardon, s'adaptaient
27:55 à des situations locales.
27:57 Et le Conseil constitutionnel, donc, on avait dit
27:59 "ça va violer le principe d'égalité",
28:00 et le Conseil constitutionnel avait répondu
28:03 que non seulement, plus exactement que,
28:06 loin de méconnaître le principe d'égalité,
28:09 il permettait de le mettre en oeuvre.
28:12 C'est-à-dire que la différenciation,
28:16 si c'est pas "tiens, j'ai envie de faire ceci,
28:18 "tiens, j'ai envie de faire cela",
28:19 si c'est "j'ai objectivement un besoin ou une différence
28:24 "et ma norme n'est pas adaptée à ce besoin
28:27 "ou à cette différence,
28:29 "donc je demande que la norme soit strictement adaptée à ça,
28:32 "il n'y a pas de risque."
28:34 -Sur cette question-là et cette nécessité d'équité
28:37 que vient de souligner Géraldine Chavrier,
28:39 est-ce que vous voulez nous dire quelques mots très rapidement,
28:41 puis après on prend une ou deux questions.
28:43 -Géraldine a parfaitement répondu.
28:44 Je pense mieux que je ne pourrais le faire.
28:46 C'est simplement,
28:48 est-ce que des principes égalitaires
28:51 applicables sur tous les territoires
28:53 amènent à l'égalité réelle ?
28:55 Non.
28:57 Les réponses ne peuvent pas être les mêmes
28:59 en milieu rural, en milieu urbain,
29:01 sur la question de la mobilité, par exemple.
29:05 Est-ce que les réponses doivent être les mêmes
29:08 dans le GR sans Corrèze ou à Paris intra-muros ?
29:12 Non. On voit bien, quand on prend quelques exemples comme ça,
29:16 qu'on s'aperçoit tout de suite que les réponses
29:19 doivent être différenciées en fonction de la situation.
29:23 Donc...
29:24 Et de la même manière, j'entends parfois
29:27 qu'il faudrait recentraliser
29:30 la politique de la protection de l'enfance
29:32 parce qu'elle n'est pas exercée de la même manière
29:34 dans tous les départements.
29:36 Qui peut me dire que quand c'était la DAS,
29:38 ça fonctionnait parfaitement et c'était parfaitement égalitaire ?
29:42 Qui peut me dire que la politique de santé,
29:45 qui est une politique d'Etat,
29:47 est exercée de façon égalitaire sur l'ensemble des territoires ?
29:50 On parle de déserts médicaux.
29:52 Il y a quand même bien des endroits où il y a des déserts médicaux
29:54 et d'autres endroits où ce n'est pas tout à fait la même chose.
29:57 Donc on voit bien que la question de la différenciation
30:01 peut être une réponse
30:03 à l'enjeu d'atteindre une égalité réelle.
30:08 On doit avoir les mêmes droits,
30:10 quel que soit l'endroit où on habite.
30:12 -Donc s'adapter aux spécificités
30:14 et non pas renforcer les disparités
30:16 comme ça peut être soulevé, en tout cas, comme limite.
30:20 Merci infiniment.
30:22 On se tourne vers le public.
30:24 Si vous avez des questions
30:26 à poser à nos interlocuteurs.
30:29 Tris.
30:30 (Propos inaudibles)
30:36 -Bonjour.
30:38 Cliquez. Ca marche ?
30:41 Vous m'entendez ?
30:42 Oui. Je ne suis pas un spécialiste du droit de différenciation,
30:45 mais quand j'entends votre discours,
30:47 j'ai l'impression que ça se rapproche vachement
30:50 de la notion du handicap.
30:51 Aujourd'hui, il y a une loi en France
30:53 qui est une obligation légale, mais qui n'est pas appliquée
30:54 dans les départements,
30:56 qui est la loi sur l'accessibilité numérique,
30:58 avec des amendes qui sont proposées
31:00 ici dans les départements.
31:01 On voit que ce n'est pas appliqué,
31:03 et avec l'obligation d'éditer un schéma pluriannuel de 3 ans
31:06 avec un plan d'action
31:08 pour, en fait, finalement, changer culturellement
31:10 les organismes,
31:12 donc les départements, les régions, l'Etat.
31:14 Ca concerne 35 000 sites publics.
31:17 Moi, je pense que si on appliquait ce schéma pluriannuel,
31:19 on arriverait culturellement, c'est un de ces organismes,
31:22 juste en appliquant la loi,
31:23 à peut-être avoir cette vision de la différenciation.
31:26 Donc ma question, tout simplement,
31:28 c'est est-ce que vous pensez que ce serait un point de départ ou pas ?
31:31 Et est-ce qu'il ne faudrait pas changer culturellement
31:33 à l'intérieur des structures, cette vision,
31:35 pour l'appliquer de façon plus large ?
31:38 -Voilà. J'allais vous dire, en fait, le son est...
31:43 J'ai compris que c'était numérique, c'est ça ?
31:46 -Vous avez une loi sur l'accessibilité numérique
31:48 qui oblige chaque organisme en France publique qui est soumis
31:52 à éditer un schéma pluriannuel de 3 ans
31:55 dans lequel vous devez avoir les actions
31:57 pour améliorer l'accessibilité au sens large
32:00 et l'accessibilité numérique dans les organisations.
32:04 L'accessibilité est une vision de cette différenciation,
32:07 et aujourd'hui, ce n'est pas appliqué,
32:09 parce qu'en fait, culturellement, on n'a pas cette vision des gens.
32:13 Donc pourquoi n'applique-t-on tout simplement pas cette loi
32:16 et on n'édite pas ce schéma pluriannuel
32:19 qui permettrait justement que l'ensemble des personnes
32:22 dans un organisme aient cette vision-là
32:24 et qu'on puisse l'appliquer ou le demander
32:27 de façon plus générale ?
32:28 -Si je comprends bien, c'est cette idée de méthode
32:31 de planification pluriannuelle
32:33 que vous proposeriez d'appliquer à la différenciation
32:38 dans les territoires, dans les départements ?
32:40 -Ce que je dis, c'est que si on appliquait cette loi,
32:42 que si on n'applique pas, on a des amendes,
32:45 je pense qu'on pourrait diffuser plus facilement
32:49 cette vision de comment différencier
32:51 pour avoir une meilleure égalité.
32:53 Et voilà. Donc c'est ma question.
32:55 -Si vous n'êtes pas au courant de la loi, je ne sais pas,
32:57 mais est-ce que vous ne pensez pas
32:58 que la rédaction de ce schéma pluriannuel...
33:00 -Sur ce principe...
33:01 -Oui, c'est pas tellement qu'on n'est pas au courant de la loi,
33:03 c'est le lien avec la différenciation.
33:05 C'est-à-dire que le schéma régional,
33:08 le schéma doit déjà, à l'intérieur du schéma, différencier.
33:13 Et ça, on n'a pas besoin de toucher à quoi que ce soit.
33:15 Ca doit être un réflexe.
33:16 C'est ce que vous vouliez dire.
33:18 Il doit y avoir un réflexe culturel.
33:19 À l'intérieur du schéma, on doit différencier.
33:22 Et à partir du moment où il y a des schémas
33:26 dans différentes collectivités,
33:28 la différenciation, elle doit être instinctive.
33:31 C'est-à-dire qu'il n'y a pas une loi...
33:33 Je ne la connais pas dans le détail,
33:34 mais la loi n'impose pas le contenu exact.
33:37 -Non, pas le contenu, mais qu'il soit publié sur le site.
33:40 Et on doit y avoir accès.
33:41 Et on doit l'avoir accès dans le bas de page
33:43 de tous ces sites-là.
33:44 -Oui.
33:45 Et par rapport à la différenciation, c'est...
33:49 -Ce que je dis, c'est que tant qu'on ne différenciera pas,
33:51 on n'aura pas cette vision-là,
33:52 on n'arrivera pas à rendre les sites publics accessibles,
33:56 c'est-à-dire à ne jamais discriminer personne.
33:59 C'est pas ce qu'on fait aujourd'hui.
34:00 C'est-à-dire qu'on a du handicap.
34:02 Et on a de l'exclusion,
34:03 on a un tiers des personnes qui ont aujourd'hui
34:05 complètement exclu la citoyenneté à cause du numérique.
34:08 Et on n'applique pas cette loi-là.
34:10 C'est-à-dire qu'en fait, ce que je vois,
34:12 pourquoi on ne l'applique pas, c'est que culturellement,
34:14 on n'a pas cette vision de la différenciation.
34:17 Et on se dit, on verra ça plus tard,
34:18 parce qu'en fait, ça va changer notre façon de voir le monde.
34:21 On n'applique pas.
34:22 -Je vous remercie pour cet apport.
34:23 Du coup, je suis navrée de devoir interrompre l'échange,
34:25 mais on est largement au-delà de notre demi-heure
34:27 qui est passée très vite en votre compagnie.
34:30 Je vous remercie de nouveau d'avoir participé à cet échange.