Avec Caroline Brémaud, médecin, ancienne cheffe de service des urgences de l'hôpital de Laval.
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##LE_FAIT_DU_JOUR-2023-12-14##
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00:00 Ici Sud Radio, les Français parlent au français.
00:08 Je n'aime pas la blanquette de veau.
00:14 Sud Radio Bercov dans tous ses états.
00:17 Depuis le 1er décembre, Caroline Bremont n'est plus chef du service des urgences de l'hôpital de Laval.
00:23 Décision conjointe du directeur et du président de la communauté médicale de l'établissement,
00:27 la raison officielle invoquée, une gouvernance unifiée au sein du département de médecine d'urgence.
00:34 Qu'en termes galants ces choses là sont dites.
00:36 Mais apparemment ça ne s'est pas passé comme ça.
00:39 On en parle tout de suite.
00:41 Sud Radio Bercov dans tous ses états.
00:44 Le fait du jour.
00:46 Grande Sophie, du courage, du courage, du courage.
00:48 Je crois que c'est la vertu la plus importante, on l'a souvent dit.
00:52 Elle n'est pas très très très très actuellement très très présente sur le marché, il faut bien le dire.
01:00 Alors qu'est-ce qui s'est passé avec Caroline Bremont ?
01:02 Bonjour Caroline Bremont.
01:04 Bonjour.
01:06 Vous étiez jusqu'au 1er décembre chef du service des urgences de l'hôpital de Laval.
01:11 Je voudrais juste montrer les réactions qu'il y a eu, parce que nous avons reçu ici des tweets, des messages.
01:17 Alors comme ça, je dis "cette décision est totalement injuste, inacceptable, abjecte et totalement déloyale.
01:24 Elle contrevient à la liberté d'expression.
01:26 Union départementale FO 53, je rappelle, de l'hôpital de Laval et Hermann Hien.
01:30 Yannick Favénin, député de Laval, si on veut la faire taire c'est proprement injuste et tout à fait anormal.
01:36 Si vraiment c'est une sanction, c'est inconsidéré.
01:40 Et puis beaucoup d'autres aussi, voilà.
01:43 Qu'est-ce qui se passe alors exactement ?
01:46 Et c'est vrai, on a fait une enquête, vous étiez populaire.
01:52 Alors c'est une décision administrative, comme pour arriver dans tous les hôpitaux, ou c'est autre chose ? Caroline Brémoux.
01:58 Merci déjà de m'accueillir dans votre émission.
02:02 En fait, il y a la raison officielle que vous venez d'évoquer, et puis il y a une raison officieuse.
02:09 Et en fait, ça fait deux ans que je prends la parole pour dénoncer l'effondrement du système de santé,
02:14 particulièrement de l'hôpital public.
02:16 Et ça fait deux ans que je reçois des messages pour me dire que je prends un risque pour ma carrière,
02:21 que c'est dangereux d'être un lanceur d'alerte.
02:25 Et donc ce qui devait arriver arriva.
02:28 Je me suis fait démettre de mes fonctions au 1er décembre.
02:31 Et pour moi, ça ressemble à une sanction déguisée, parce que la raison qui est invoquée, elle ne tient pas debout.
02:37 C'est-à-dire qu'on s'appuie sur un audit d'octobre 2021.
02:42 Et cet audit a été fait avant que l'hôpital de Laval soit en difficulté au niveau des nuits,
02:46 et que la nuit en soit fermée ou régulée, question sémantique.
02:50 Et dans ce rapport, il est dit qu'effectivement, ça serait mieux d'avoir un chef unique,
02:55 pour urgences Samus Mur, mais il est dit aussi que ce chef unique devrait travailler dans les deux services,
03:02 aux urgences et aux Samus Mur.
03:03 Et la personne qui a été choisie, en fait, ne remplit pas cette condition.
03:07 - D'accord. Alors justement, revenons à ça.
03:09 Mais enfin, Caroline Brémeau, vous dites que le système de santé des hôpitaux ne va pas bien en France.
03:13 Mais attendez, on nous dit, tous les princes qui nous gouvernent nous disent le contraire.
03:17 Tout va pour le mieux dans cette France, cher pays de nos enfances.
03:21 Alors, qu'est-ce que vous dénoncez exactement ?
03:23 Je sais que vous n'êtes pas la seule.
03:25 Quand vous dites que le système est en train de s'effondrer et il ne va pas,
03:28 quelles sont les principales failles pour vous ?
03:31 - En fait, il y a des failles dans tous les maillons de la chaîne.
03:34 C'est-à-dire qu'avant l'arrivée aux urgences, il y a des failles au niveau de l'accès aux soins,
03:38 au niveau des médecins généralistes ou des spécialistes en ville.
03:43 On sait tous qu'on met du temps à avoir un rendez-vous avec son médecin traitant
03:47 quand on a la chance d'en avoir un.
03:49 On sait tous qu'on met du temps à avoir un rendez-vous avec l'hostalmo.
03:52 Le dermatom, on n'en parle même pas.
03:54 On sait tous que pour avoir des aides à domicile pour les personnes âgées
03:57 qu'on maintient à leur domicile, c'est compliqué aussi.
04:00 Ensuite, aux urgences, c'est saturé.
04:04 On a tous des images de gens qui passent des heures sur des brancards,
04:08 24, 48, 72 heures sur un brancard.
04:11 On manque de médecins, donc les urgences sont fermées la nuit dans beaucoup de territoires.
04:15 Et donc, ça veut dire qu'il faut faire 30, 40, 50 minutes de route en plus
04:19 pour avoir un accès aux soins, alors qu'on sait que dans l'urgence vitale,
04:23 chaque minute compte.
04:25 Et puis, on sait qu'après, pour être hospitalisé, il n'y a pas de lit dans les hôpitaux.
04:29 Donc, soit on fait sortir les gens plus vite que nécessaire,
04:32 et deux jours après, ou même le soir même, on les retrouve aux urgences.
04:36 Soit on a des décès.
04:39 Et en fait, ces choses-là, on peut les mesurer parce que
04:43 depuis quelques temps, on a une augmentation de la mortalité infantile,
04:48 on a une diminution...
04:50 - Il y a une augmentation constatée, Karolyn Brimow,
04:54 il y a une augmentation constatée de la mortalité infantile ?
04:57 - Oui, il y a un papier qui vient juste de sortir il y a très peu de temps,
05:01 qui est un marqueur fort.
05:03 Et les soignants en bonne santé aussi régressent, et ça c'est un marqueur fort.
05:07 - Oui. Alors justement, on parlait des urgences, puisque c'est votre métier, bien sûr,
05:12 et votre pratique. Vous dites qu'il y a beaucoup d'hôpitaux en France
05:16 où les urgences fermaient la nuit, alors qu'il y a une urgence,
05:19 donc il ne faut pas tomber malade, ou avoir un accident,
05:21 ou avoir quoi que ce soit, une crise de la nuit, quoi.
05:24 - C'est ça. En fait, il y a des hôpitaux où il y a des fermetures sèches,
05:27 où là vraiment il ne se passe rien, et puis il y a des hôpitaux comme le mien
05:31 où on est en nuit régulée, c'est-à-dire qu'il n'y a que l'urgence vitale
05:34 qui est prise en charge par le médecin du SMUR,
05:36 parce qu'il n'y a plus de médecin de l'urgence.
05:38 Mais dans mon hôpital, ce que je dénonce, c'est que les nuits où on est en régulation,
05:42 on ne prend pas en charge SOS AVC.
05:44 Et ça veut dire qu'en Mayenne, dans toute la Mayenne,
05:47 quand on est fermé l'été 20 nuits par mois,
05:49 on ne prend pas en charge les AVC dans tout le département,
05:52 et donc les gens doivent faire plus d'une heure de route pour être pris en charge,
05:55 alors qu'on sait que l'AVC est le premier pourvoyeur de cas psy d'adulte.
05:59 - Oui, l'AVC, si ça ne se soigne pas, si ça ne se prend pas très vite,
06:03 on sait très bien ce qui se passe.
06:05 Mais dites-moi, ce qui se passe en Mayenne, ce qui se passe dans votre hôpital,
06:09 au fond, donc, ce qui embête, c'est que vous soyez la feuille de température,
06:15 que vous donniez un peu la température en disant "voilà ce qui se passe",
06:19 et c'est ça, les lanceurs d'alerte doivent être dénoncés,
06:21 surtout circuler, il n'y a rien à voir, c'est ça ?
06:24 - Parce qu'en fait, en toile de fond, on me dirait, je mets des guillemets pour me protéger,
06:30 mais que je pourrais nuire à l'attractivité du territoire.
06:33 - Ah, ça pourrait nuire à l'attractivité du territoire, oui.
06:37 - L'entreprise, elle dirait que les actifs n'ont pas envie de venir travailler en Mayenne,
06:43 parce que, il n'y a pas de médecin traitant, ce n'est pas de ma faute,
06:46 parce qu'on ne prend pas en charge les AVC la nuit, quand on est en nuit régulée,
06:50 et donc ils ne vont pas venir s'installer dans ce territoire-là.
06:52 Sauf que ces grandes entreprises, au lieu de mettre la pression sur le gouvernement
06:56 pour faire en sorte qu'on ait les moyens de soigner les gens dignement partout en France,
07:01 et bien ils préfèrent faire la terre.
07:03 Et donc, cette accumulation de ces personnes-là,
07:07 le gouvernement qui ne veut pas mettre l'argent,
07:09 parce que c'est Bercy qui tient les cordons de la bourse,
07:11 et on arrive à son mot.
07:15 - Attendez, car on est vraiment Bercy, c'est le gouvernement ?
07:17 Bercy, que je sache, est dirigé par le ministre des Finances,
07:22 qui fait partie du gouvernement, jusqu'à preuve du contraire.
07:24 - Oui, mais ce que je veux dire, c'est que souvent on tape sur le ministre de la Santé,
07:27 mais c'est même au-delà de la santé finalement, c'est sur Bercy qu'il faut se centrer.
07:33 - Il faut aller faire pression.
07:35 Et dites-moi, aujourd'hui, alors, vous, votre statut aujourd'hui, vous faites quoi ?
07:41 Vous n'êtes plus chef, mais vous êtes toujours dans le service ?
07:44 - Oui, le directeur a mis le souhait que je reste médecin au sein de l'établissement.
07:49 - Et vous, vous restez ?
07:52 - Oui, je reste, parce que j'aime bien être là où Jean-Kiki le montre,
07:55 parce que je sais que je suis au bon endroit.
07:57 - Oui, je comprends.
07:59 Et dites-moi, alors, pour vous, vous regardez cela,
08:02 et effectivement, comme toujours, le premier qui dit la vérité, il sera exécuté,
08:07 Cassandre, on connaît, ce n'est pas nouveau,
08:10 mais vous vous dites au fond, aujourd'hui, ce qu'il faudrait faire,
08:14 c'est se faire pression sur Bercy, sur les finances,
08:17 parce qu'au fond, on a réduit, parce que ça fait des années qu'on dénonce là,
08:21 mais on a l'impression que rien ne change.
08:24 L'histoire des urgences est quand même...
08:26 Moi, il m'est arrivé d'aller avec un ami, enfin un ami qui était aux urgences,
08:29 c'est vrai que quelquefois, c'est assez hallucinant, pas partout, mais dans certains hôpitaux.
08:34 Donc, vous vous dites, qu'est-ce qu'il faut faire ?
08:36 Comment peut-on réagir, vous, au niveau du personnel ?
08:40 Oui, comment on fait ?
08:41 Alors, moi, ce que je propose, en fait, c'est que, déjà, ce soient les citoyens qui s'emparent du sujet,
08:47 et il faut aussi, et je vous remercie de m'avoir invité,
08:50 qu'il y ait une prise de conscience collective,
08:52 que ce n'est pas chacun dans son département qui a un problème,
08:54 mais que déjà, la problématique, elle est nationale.
08:57 Quand déjà, il y a une prise de conscience des citoyens,
08:59 que la problématique est nationale, et qu'on n'est pas centré sur son territoire,
09:02 peut-être on pourra faire quelque chose de constructif,
09:05 et puis, moi, je proposais de faire carrément les gilets blancs de la santé,
09:10 à l'image des gilets jaunes, pour dire qu'il faut un mouvement citoyen qui soit fort, qui marque,
09:15 et pour montrer que tout le monde est dans l'opposition de ce qu'on nous demande de faire.
09:21 On a demandé cet été, aux hôpitaux, de réduire de 5% leur budget.
09:24 Ce n'est pas entendable. Le président avait fait des voeux sur la santé.
09:27 Je ne sais pas ce qu'il nous a souhaité, mais on est en décembre, et les voeux...
09:32 - Vous avez demandé, très récemment, aux hôpitaux de réduire de 5% leur budget, c'est ça ?
09:36 Au niveau national ? - Oui.
09:38 - C'est intéressant, c'est très encourageant tout ça.
09:42 - C'est scandaleux. Et donc, il faut vraiment qu'il y ait...
09:45 Nous, quand on râle les soignants, on ne nous entend pas, ou peu,
09:48 ou alors, si on met en place des choses, c'est vraiment minime et anecdotique.
09:53 Il faut vraiment que la population se sédie de la gravité de la situation,
09:58 parce que la santé, ça concerne tout le monde, quel que soit son statut social,
10:03 quelles que soient les relations qu'on peut avoir.
10:05 Alors oui, on peut avoir des petits passe-droits quand on a des amis,
10:07 pour avoir des rendez-vous plus vite, mais votre AVC, où que vous soyez en France,
10:12 vous avez besoin d'être pris en charge en urgence.
10:15 Et vous allez vous connaître un truc chouette, le jour où vous faites votre AVC,
10:19 dans un endroit où l'hôpital est fermé la nuit parce qu'il n'y a pas de moyens,
10:22 vous serez comme tout le monde, à attendre une heure pour avoir votre IRM
10:25 et qu'on vous mette le traitement approprié.
10:27 Et ça, c'est pas entendable.
10:29 Donc moi, quel que soit son bord politique, quel que soit sa tête sociale,
10:32 j'appelle les gens à se révolter, parce que l'accès aux soins,
10:36 c'est un droit fondamental, ça fait partie de ce qui nous identifie,
10:41 c'est notre carte d'identité de la France, c'est d'avoir un accès aux soins performant.
10:47 Mais ce qui est étonnant, parce que tout le monde est concerné par la santé,
10:51 tout le monde, à un moment donné, a connu, que ce soit un membre de la famille,
10:54 un ami, une connaissance, etc., qui a dû partir en urgence, etc.
10:59 Comment ce service d'urgence n'est-il pas la première des urgences ?
11:06 Et comment vous comprenez, franchement, les gens devraient le savoir, ça ?
11:12 Oui, ils savent, mais en fait, ils se sentent démunis,
11:15 ils ne savent pas par quel bout le prendre.
11:18 Et puis à chaque fois qu'on a l'impression que ça commence à monter,
11:21 la mayonnaise a monté au niveau des citoyens, le gouvernement fait une annonce,
11:25 une annonce qui va endormir le monde, comme en janvier on a eu les voeux sur la santé,
11:30 ça a endormi tout le monde, et puis après on est passé aux retraites,
11:32 et puis après c'était l'été, et puis voilà, c'était passé.
11:34 Donc à chaque fois, il y a des effets d'annonce pour dire "on vous a entendu,
11:39 il va se passer quelque chose", mais non, il ne faut vraiment pas croire ce qu'on nous dit,
11:43 il faut croire ce qu'on voit, les actes, parce que les paroles, c'est trop facile.
11:47 - Bien sûr, alors Caroline, le collectif Interhospitaux, à votre propos, a dit
11:52 "il fallait la faire taire, c'est plus facile de lui couper la tête
11:56 que de travailler sur la problématique de l'attractivité".
11:59 Que veulent-ils dire par l'attractivité ?
12:02 - Bah en fait, moi je fais partie d'un désert médical, dans mon département,
12:08 et ce que je vous disais tout à l'heure, quand on me reproche de nuire à l'attractivité,
12:14 qu'est-ce qui fait l'attractivité d'un territoire ?
12:17 C'est l'offre de soins.
12:19 Et donc quand vous êtes dans un...
12:21 Il y a l'offre de soins, il y a l'accès au logement, il y a l'accès au loisir,
12:25 et puis il y a tout ce qui est dessert par le train ou par la route.
12:29 - Transport, etc.
12:31 - C'est vrai que pour l'accès aux soins, ils sont tellement démunis,
12:34 parce que ça fait tellement d'années qu'il ne se passe rien,
12:36 qu'on aurait déjà eu le temps de former des médecins et des infirmiers,
12:39 que finalement personne ne fait rien, et on se dit "on va plutôt enterrer le problème".
12:43 Que d'essayer de le résoudre.
12:45 Donc on va cacher la problématique, pour qu'on fasse croire à tout le monde que tout va bien.
12:51 Mais c'est un département magnifique, et moi j'adore y vivre,
12:54 mais il y a une problématique d'accès aux soins, comme dans beaucoup de départements en France,
12:58 et il ne faut pas nier, il faut se battre bec et ongle pour la résoudre.
13:02 - En parodie à Molière, on pourrait dire "Tartuffe, cachez ce soin que je ne saurais voir".
13:07 C'est ça qui est en train de se passer, et c'est assez terrifiant.
13:10 Merci Caroline Brébeau, j'espère que franchement, et on le dit tous,
13:15 et vous auditeurs de Sud Radio, résistants de Sud Radio,
13:18 vous avez intérêt à vous mobiliser partout, partout.
13:21 Il n'y a aucune raison que la France, qui il y a 20-25 ans,
13:24 avait le système de santé, qu'on considérait le premier du monde, soit devenue dans cet état.
13:28 Il faut savoir pourquoi, mais pas seulement savoir pourquoi, agir en conséquence.
13:32 Les mots c'est bien, les actes c'est beaucoup mieux.
13:34 - On remercie Caroline Brébeau d'avoir été avec nous,
13:37 médecin, ancienne chef du service des urgences de Laval.
13:41 On continue cette émission sur Sud Radio, nous sommes ensemble jusqu'à 14h.
13:44 On va parler d'Europe dans un instant. A tout de suite sur Sud Radio.
13:48 Sud Radio Bercov, dans tous ses états. Appelez maintenant pour réagir 0826 300 300.