• l’année dernière
Avec Alexandre Macé-Dubois, journaliste et auteur de "À en devenir fou - Dans la peau d'un schizophrène" publié aux éditions Phébus.

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##CA_BALANCE-2023-10-09##

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Transcription
00:00 - C'est Lidée Réquiem pour Info 1976 et on va parler des fous justement.
00:05 Avec vous Alexandre Massé-Dubois, journaliste et auteur de "Avant de devenir fou dans la peau d'un schizophrène" aux éditions Phoebus.
00:12 Bonjour Alexandre Massé-Dubois.
00:15 Alors vous avez eu un projet assez dingue, c'est le cas de le dire.
00:18 Vous vous êtes infiltré dans un hôpital psychiatrique, vous vous êtes fait passer pour un fou.
00:23 Et ça vous a permis un petit peu d'explorer cet univers des asiles psychiatriques.
00:31 - Oui exactement, alors j'ai fait cette expérience puis cet ouvrage pour plusieurs raisons.
00:35 J'ai des amis qui sont passés par l'hôpital psychiatrique et qui m'ont raconté un peu comment ça se passait à l'intérieur.
00:40 Donc des prises de traitement extrêmement lourdes, un manque d'accompagnement, de psychothérapie.
00:46 Et puis en tant que journaliste comme vous, je pense qu'on a à s'en suivre régulièrement les tribunes signées par les psychiatres eux-mêmes, par les infirmiers,
00:54 qui dénoncent le manque de moyens de la psychiatrie.
00:58 La psychiatrie c'est le paroi pauvre de la médecine.
01:00 Et je suivais également tous les ans les rapports de Dominique Simono qui est la compteur générale des lieux de privation et de liberté.
01:07 - Mais vous avez voulu aller vous voir vérifier sur le terrain.
01:11 Donc racontez-nous un petit peu la genèse de... parce que bon c'est pas évident de se faire baisser pour un fou quand même.
01:17 Enfin ça dépend des gens mais...
01:18 - Non c'est pas évident.
01:20 Je me suis entraîné, j'ai rencontré des malades, je me suis re-signé, j'ai vu des documentaires,
01:27 voilà pour être vraiment de la peau du personnage que je voulais incarner devant le psychiatre.
01:32 Et puis je...
01:34 - Donc vous vous entraînez pour aller voir un psychiatre.
01:36 - Voilà exactement.
01:37 - Vous l'avez trouvé sur internet. Vous avez choisi un psychiatre bien noté c'est ça ?
01:41 - Oui, ça spécialisé dans la schizophrénie puisque c'est le rôle que je voulais incarner.
01:46 Et je m'attendais à ce que ça dure plusieurs semaines, voire plusieurs mois, que ça prenne beaucoup de séances.
01:52 En fait au bout de 12 minutes le psychiatre a décidé de me faire interner.
01:57 - 12 minutes ?
01:58 - Voilà, le diagnostic a été très rapide.
02:00 - Vous avez bien joué la comédie.
02:01 - Oui, oui, après je veux pas accabler ce psychiatre ni les psychiatres en règle générale.
02:06 Je pense qu'il y a une responsabilité pénale aujourd'hui qui peut engager les psychiatres.
02:10 Donc ce psychiatre a considéré que je représentais un danger pour mon intégrité ou celle des autres.
02:15 - Il faut préciser qu'ils sont quand même responsables si vous arrive quelque chose.
02:18 - Exactement, exactement.
02:19 Exactement, c'est pour ça que je veux pas accabler cette profession et que les psychiatres,
02:22 tout comme les infirmiers que j'ai pu rencontrer, sont victimes du système.
02:28 Donc d'un système qui ne gère que par le traitement,
02:30 mais d'un système aussi à bout de souffle et de moyens.
02:34 La psychiatrie c'est un secteur sinistré.
02:36 - On va en parler.
02:37 Alors vous commencez quand même votre livre en disant aux gens que j'ai trompés,
02:41 à qui j'ai menti et honte aimant, à ceux qui me le pardonneront.
02:44 Parce que c'est vrai qu'il y a une question éthique qui se pose.
02:47 Vous êtes pas le premier, c'est vrai, à vous infiltrer comme ça dans un hôpital psychiatrique.
02:51 Mais ça interroge.
02:53 - Il y a une question éthique, évidemment.
02:55 Je me suis posé la question et j'ai ressenti de la culpabilité.
02:58 Maintenant l'infiltration c'est emmener le lecteur là où il ne peut pas aller.
03:03 Mais après avec cette culpabilité, j'ai décidé très rapidement
03:07 de reverser une partie de mes droits d'auteur à une association
03:09 qui intervient en hôpital psychiatrique justement.
03:12 Voilà, ça me décharge une partie de la culpabilité.
03:15 Mais évidemment, c'est une démarche journalistique avant tout.
03:18 - Donc 12 minutes, vous vous retrouvez avec votre ordonnance,
03:22 direction l'hôpital psychiatrique.
03:24 Alors là ça n'a pas été du premier coup.
03:26 Il y a eu une première tentative et puis l'admission.
03:29 Et là, c'est pour ceux qui connaissent ce film mémorable,
03:32 "Vols au-dessus d'un nid de coco",
03:34 vous arrivez dans un monde complètement surréaliste.
03:37 - Oui, surréaliste.
03:38 Je pense que personne ne peut se douter du drame qui se passe derrière ces murs.
03:43 C'est un bâtiment, personne ne peut soupçonner d'ailleurs
03:45 que c'est un hôpital psychiatrique.
03:47 Il n'y a à peine écrit.
03:49 Et oui, je suis arrivé dans un monde que je ne connaissais pas
03:53 et que personne ne connaît.
03:55 Et c'est le but de cet ouvrage.
03:58 C'est témoigner du quotidien.
04:01 - Qu'est-ce que vous voyez quand vous arrivez ?
04:04 - Je vois des murs aseptisés,
04:08 je vois des couloirs vides
04:10 et je vois des gens qui font les sopas.
04:13 C'est ce qui m'a marqué vraiment le plus, c'est l'ennui.
04:16 Il y a une télé qui ne fonctionne pas,
04:18 il y a quatre chaises,
04:19 il y a un baby qui fout de 100 balles
04:21 il y a une odeur de mort, une odeur d'ennui.
04:25 C'est absolument sinistre.
04:27 Et il y a un psychiatre qui me disait que,
04:31 après, dans l'ouvrage où je fais intervieweur des psychiatres,
04:34 il me disait que la psychiatrie c'est la seule spécialité
04:37 qui pense qu'on va soigner les gens à les enfermants,
04:39 à les enfermants derrière les murs.
04:41 - Vous dites clairement que c'est une prison.
04:43 - C'est une prison, c'est une prison.
04:45 D'ailleurs je pense que ce n'est pas anodin
04:47 que Dominique Simono, tous les autres,
04:49 font face à un rapport sur les lieux de privation et de liberté,
04:52 et qui est les prisons, tout comme les hôpitaux psychiatriques.
04:55 Maintenant, ce que disait Nelly Blay en 1880,
05:00 la différence entre un détenu et un patient,
05:03 c'est que le détenu lui connaît la durée de sa peine.
05:07 - Il y a des entretiens avec les psychiatres,
05:09 mais très peu finalement, et très froid.
05:13 - C'est très froid, et en effet c'est deux fois cinq minutes par semaine.
05:18 - Seulement.
05:20 - Seulement, et donc pour beaucoup de patients que j'ai rencontrés,
05:23 à qui j'ai parlé, c'est juste...
05:25 C'est expédier en cinq minutes, c'est juste pour dire
05:29 "bon ça va, on continue le traitement".
05:31 Il y a des gens que j'ai rencontrés qui étaient là depuis un an, depuis deux ans.
05:34 - Ce qui frappe aussi, c'est que vous devenez clairement
05:37 la plupart du temps un numéro de chambre.
05:39 On ne vous appelle même plus par votre nom.
05:41 - Oui, pour moi les patients qui sont hospitalisés aujourd'hui,
05:45 déjà ils ont été invisibilisés par la société,
05:47 on les met à l'écart, ils sont mis au bord de la société.
05:49 Mais dans l'hôpital psychiatrique c'est pareil,
05:51 ce sont des numéros de chambre.
05:53 Je trouve qu'il y a quelque chose de très déshumanisant,
05:56 en fait, dans ces pratiques-là.
05:59 - Mais ça vient d'où ?
06:01 Ça vient du système, ou ça vient d'un manque de moyens,
06:05 d'un manque de formation du personnel ?
06:07 Qu'est-ce qui fait qu'on arrive justement à déshumaniser
06:10 alors qu'il y aurait un besoin majeur d'humanité dans ce cas précis ?
06:15 - Oui, et tous les psychiatres,
06:17 enfin la majeure partie des psychiatres le disent.
06:19 Je pense que donner...
06:21 Aujourd'hui c'est un système qui...
06:23 C'est ce qu'on me disait,
06:25 après ce que les psychiatres me disaient,
06:27 c'est un système qui ne dure que par le traitement,
06:29 que le médicament a pris le juge sur l'humain.
06:31 Mais ça n'arrange personne.
06:33 C'est pour ça que je ne veux pas accabler les psychiatres.
06:35 C'est un système qui, faute de moyens,
06:37 faute de moyens financiers, sauf de moyens humains,
06:39 va utiliser les médicaments, les traitements.
06:43 Mais tout le monde en revit, les psychiatres,
06:45 tout comme les patients, en revient,
06:47 de plus d'accompagnement, de plus de psychothérapie,
06:49 une écoute, une bienveillance.
06:51 Mais le problème c'est que l'hôpital psychiatrique,
06:53 comme les médicaments, c'est une solution d'urgence.
06:55 Et ce n'est pas une solution pérenne.
06:57 - Vos comparses, là vous en parlez beaucoup,
06:59 parce que c'est aussi une expérience de plein de rencontres,
07:03 des rencontres humaines.
07:05 Ils vous le formulent, ça, qu'ils auraient besoin d'écoute avant tout ?
07:09 Et peut-être de moins de médicaments,
07:11 parce qu'ils sont finalement complètement embués
07:13 dans leur traitement chimique ?
07:15 - Ils sont embués dans leur traitement,
07:17 qu'ils prennent matin et soir.
07:19 La plupart d'entre eux ne savent pas d'ailleurs ce qu'ils prennent.
07:21 Je leur ai posé la question,
07:23 ils ne savent pas le nom des médicaments,
07:25 mais ils les prennent très docilement,
07:27 ils sont très résignés.
07:29 Après, oui, j'ai vu, j'ai remarqué,
07:31 et je leur ai posé la question,
07:33 évidemment, ils ont besoin d'être écoutés.
07:35 Ils ont besoin d'être écoutés, et puis ils ont besoin d'être aidés également.
07:37 Ce qui m'a marqué également,
07:39 ce sont tous ces patients
07:41 qui marchent pieds nus dans les couloirs,
07:43 dans la cour, dans une cour pleine de crasses,
07:45 qui ont les pieds noirs,
07:47 qui n'ont pas de chaussures, qui n'ont pas de chaussettes,
07:49 qui ont simplement le pyjama bleu
07:51 qu'on leur a donné à l'entrée.
07:53 Donc, ils ont besoin
07:55 d'une bienveillance, d'une écoute,
07:57 et puis ils ont besoin d'affaires,
07:59 ils ont besoin qu'on les aide.
08:01 - Vous dites d'ailleurs qu'il y a très peu d'affaires,
08:03 il y a très peu de moyens.
08:05 À un moment donné, il y a un des patients
08:07 qui se blesse, et là,
08:09 il n'y a rien pour le soigner.
08:11 Il s'ouvre la cheville dans l'escalier,
08:13 et il n'y a rien.
08:15 - Il n'y a rien, et à ce moment-là, il va prendre du papier toilette
08:17 pour essayer
08:19 d'éplonger son sang,
08:21 et j'ai essayé de l'aider.
08:23 Et les infirmiers sont complètement dépassés.
08:25 D'une part, ils ne sont pas assez nombreux,
08:27 il n'y a plus de formation
08:29 en psychiatrie dans le diplôme infirmier
08:31 depuis quelques années.
08:33 Donc, ils ne sont pas formés.
08:35 Ils font des horaires pas possibles,
08:37 ils sont extrêmement mal payés.
08:39 Ça, c'est aussi un vrai scandale.
08:41 Donc, les patients infirmiers
08:43 sont complètement délaissés.
08:45 - Alexandre Massé-Dubois,
08:47 vous parlez de médicaments,
08:49 c'est le retour systématique,
08:51 le recours systématique
08:53 aux médicaments, et d'ailleurs, vous-même,
08:55 vous arrivez, on vous donne un calmant,
08:57 mais on ne vous laisse pas le choix pour dormir,
08:59 sauf qu'on oublie de vous parler des effets secondaires.
09:01 - Exactement,
09:03 c'était du Tertio, c'est un très lourd
09:05 psychotrope qu'on donne
09:07 à tous les patients.
09:09 Après, je pense que le médicament peut être utile
09:11 en cas de crise,
09:13 mais ce n'est pas une solution à long terme,
09:15 et je pense qu'il faut aussi prévenir les patients
09:17 des effets secondaires.
09:19 J'ai vu un soir,
09:21 un homme arriver à l'hôpital,
09:23 certes,
09:25 il venait sûrement de faire une crise,
09:27 mais il était en bonne santé, il était bien.
09:29 Pendant une semaine, je l'ai vu
09:31 par terre, la logopédote,
09:33 ne pouvait plus se nourrir.
09:35 Je pense que, encore une fois,
09:37 le médicament, ça doit être une solution d'urgence,
09:39 mais après, il faut un accompagnement.
09:41 - Ça veut dire que vous pouvez à peu près
09:43 entrer un peu fou et sortir
09:45 très fou de ce genre d'endroit ?
09:47 - Oui, et ça, ce n'est pas moi qui le dis,
09:49 il y a
09:51 beaucoup de psychiatres,
09:53 le psychiatre Roger Jotis qui disait ça.
09:55 - Oui, que vous citez dès le départ, d'ailleurs.
09:57 - En 1976, qui comparait
09:59 l'asile psychiatrique
10:01 à une fabrica-fou.
10:03 - Sauf que ça n'a pas changé en presque 50 ans.
10:05 On n'a pas fait de progrès.
10:07 - Ça n'a pas changé, c'est ce que dénoncent
10:09 les psychiatres.
10:11 Il y a un autre psychiatre, je vais citer un autre psychiatre
10:13 qui s'appelle Jean Houry,
10:15 qui disait, en 1998,
10:17 qu'il fallait soigner l'hôpital,
10:19 avant de soigner les malades.
10:21 Pour soigner les malades, il faut soigner l'hôpital.
10:23 - Il y a aussi la question du consentement,
10:25 parce que tous les médicaments,
10:27 à un moment donné,
10:29 est-ce qu'on accepte
10:31 de les prendre ?
10:33 Ou on est interné et on n'a pas le choix ?
10:35 - Je pense que beaucoup n'ont pas le choix,
10:37 ou alors que beaucoup ne sont pas au courant
10:39 non plus de leurs droits.
10:41 Moi, je suis rentré en soins libres,
10:43 il y a plusieurs types d'hospitalisation.
10:45 - Il y a deux statuts juridiques, hein, soins libres et...
10:47 - Après, il y a les soins sous
10:49 contrainte, donc il y a la demande d'un tiers,
10:51 il y a
10:53 l'hospitalisation d'office.
10:55 - Alors la demande d'un tiers, ça veut dire quoi ?
10:57 Mon mari
10:59 m'ennuie à la maison, je le trouve un peu dingue,
11:01 je peux l'envoyer en hôpital psychiatrique comme ça ?
11:03 Ou c'est plus complexe ?
11:05 - C'est un peu plus compliqué, c'est un peu plus complexe.
11:07 Non, il faut un avis médical.
11:09 - Apparemment, en douze minutes,
11:11 on vous envoie à l'asile, donc ça laisse,
11:13 ça interroge.
11:15 - J'ai rencontré un patient qui avait
11:17 tout juste 18 ans, que son père
11:19 avait fait interné,
11:21 parce que, sur la base d'un
11:23 certificat médical, on lui avait
11:25 dit qu'il était schizophrène. Je l'ai rencontré,
11:27 le premier soir, il m'a dit,
11:29 je ne suis pas malade,
11:31 je ne suis pas fou,
11:33 je ne suis pas schizophrène,
11:35 et pourtant, il avait été hospitalisé
11:37 à la demande de son père.
11:39 Et il est resté,
11:41 peut-être encore, parce qu'on lui a donné
11:43 des traitements extrêmement lourds, dès le début.
11:45 - On continue à parler de cette expérience
11:47 folle avec vous, dans quelques instants.
11:49 Alexandre Massé, Dubois. - Oui, et puis surtout,
11:51 avec vous, chers auditeurs, comme d'habitude,
11:53 0826 300 300, on attend vos réactions
11:55 au standard, et puis, réagissez sur Facebook,
11:57 sur Youtube, ou en direct à la radio,
11:59 0826 300 300. A tout de suite.
12:01 - On se retrouve en direct sur Sud Radio
12:03 avec Alexandre Massé Dubois, auteur de
12:05 "En devenir fou", aux éditions Phoebus.
12:07 Alexandre Dubois, qui est journaliste,
12:09 et qui s'est fait passer pour un fou, et qui a
12:11 passé une semaine, donc, dans un
12:13 hôpital psychiatrique,
12:15 0826 300 300,
12:17 et les auditeurs réagissent, Estéban.
12:19 Puisque nous avons un appel d'Alexis,
12:21 qui nous appelle depuis Puton, région parisienne.
12:23 Bonjour, Alexis. - Bonjour, vous m'entendez bien ?
12:25 - Oui, on vous écoute, Alexis.
12:27 - Alors, moi, j'avais une question pour Alexandre.
12:29 Est-ce que
12:31 tu as parlé de pérennité,
12:33 donc, dans ton discours,
12:35 est-ce que tu as entendu parler de la père-aidance
12:37 entre, donc, entre citoyens
12:39 qui sont passés par l'hôpital psychiatrique,
12:41 et qui s'entraident, souvent, ils ont la même
12:43 pathologie, et ils s'entraident entre eux,
12:45 dans la vie de tous les jours,
12:47 et dans les associations.
12:49 Est-ce que vous avez entendu parler de ça ?
12:51 - Bonjour, Alexis.
12:53 J'en ai entendu parler, oui, oui, puisque j'ai
12:55 beaucoup discuté avec des associations
12:57 qui interviennent
12:59 en milieu psychiatrique,
13:01 mais aussi des associations, voilà, qui veulent
13:03 remettre l'usager au centre,
13:05 au centre du débat,
13:07 finalement,
13:09 au centre du système.
13:11 Donc, j'ai entendu parler de cette initiative.
13:13 En effet, il y a des initiatives
13:15 qui existent, et en effet,
13:17 qui permettent, finalement, d'écouter
13:19 le patient,
13:21 d'écouter l'usager de la psychiatrie.
13:23 Et c'est une manière,
13:25 en effet, pour moi, de remettre
13:27 le patient au centre du système,
13:29 de l'écouter.
13:31 - Merci, en tout cas. Merci, Alexis.
13:33 - Merci. - D'autres
13:35 auditeurs réagissent, et c'est Stéphane, c'est un sujet
13:37 qui semble passionné. - On a pas mal de réactions
13:39 ce midi, puisque nous avons Nadine,
13:41 qui nous appelle depuis Bordeaux. Bonjour, Nadine.
13:43 - Bonjour. Voilà,
13:45 moi, je vous appelle parce que j'ai connu
13:47 cette affaire de psychiatrie,
13:49 j'aurais jamais cru, d'ailleurs.
13:51 Donc, c'est ma jeune
13:53 fille qui n'était pas bien, et qui est, oui, un psychologue.
13:55 La psychologue, elle,
13:57 elle a parlé plusieurs fois, et j'ai essayé
13:59 de lui parler aussi. Elle n'a jamais voulu m'écouter.
14:01 Moi, je n'ai voulu que je
14:03 participe
14:05 aux entretiens
14:07 de ma fille, et
14:09 elle l'a envoyée voir un psychiatre.
14:11 Et puis, ça a été un grenage
14:13 d'anxiolithique.
14:15 Les anxiolithiques ont fait qu'elle a baissé,
14:17 on a baissé, parce qu'on a vu qu'on
14:19 nous a dit, il faut faire attention
14:21 à l'anxiolithique. Elle s'est retrouvée
14:23 à faire une tentative de suicide.
14:25 Elle a été hospitalisée, en grenage.
14:27 Après, il y a eu des médicaments
14:29 très lourds, et maintenant,
14:31 l'oraleptique, vous voyez.
14:33 Et en fait, moi, je me suis
14:35 posé la question, mais qu'est-ce qui a fait que ?
14:37 Parce que c'est une jeune fille qui
14:39 avait, enfin, sérieuse,
14:41 sérieuse, et en fait,
14:43 j'ai,
14:45 avec des médecins qui
14:47 m'ont fait faire des tests,
14:49 elle a une maladie de celiac, c'est pour ça qu'elle
14:51 ne se sentait pas bien dans sa tête, elle avait des problèmes.
14:53 Oui, tout à fait, madame. C'est horrible.
14:55 Ils ont fait des recherches,
14:57 j'ai dit à un psychiatre, écoutez, faites des recherches.
14:59 Elle a été entreprise
15:01 par beaucoup de choses,
15:03 au blé, elle a été en tolérance au lactose,
15:05 et elle se sentait petite, elle n'était pas
15:07 très bien des fois,
15:09 je voyais ses yeux, elle avait des creux,
15:11 elle a des anémies,
15:13 un peu. Et non, non,
15:15 elle me rigolait au nez, la psychiatre,
15:17 effectivement, maintenant, elle a des neurologies.
15:19 En fait, elle était allergique, c'est ça ?
15:21 Elle est tolérante, mais c'est comme des allergies,
15:23 c'est antérieur,
15:25 c'est en fait, c'est provoqué par des
15:27 problèmes de tête,
15:29 de mal de tête,
15:31 ou d'être pas bien,
15:33 on n'est pas bien quand on a des maladies.
15:35 Sauf pour la bourrée de calmant ?
15:37 En fait, ils n'ont jamais
15:39 recherché vraiment ce qu'elle avait,
15:41 vraiment, et oui,
15:43 elle a des intolérances
15:45 assez importantes. Moi, j'essaye de l'enlever,
15:47 le pain, tout ce qui est pain et
15:49 lactose, parce que
15:51 tout ce que j'ai fait, des examens,
15:53 très très approfondis,
15:55 par un médecin qui m'a dit "faites-lui ça",
15:57 et j'ai l'intolérance,
15:59 l'association d'intolérance
16:01 m'a dit qu'effectivement, ça peut
16:03 provoquer des schizophrénies.
16:05 Dans son cas, effectivement, ça lui donne
16:07 des schizophrénies, mais c'est pas
16:09 lié à une maladie, c'est une maladie
16:11 qui est faite de
16:13 d'intolérance, vous voyez,
16:15 d'intolérance qui, si elle enlève tout,
16:17 elle guérira, quoi. Mais c'est très
16:19 difficile à...
16:21 - Merci Nadine.
16:23 - Et donc, ils ne veulent pas rechercher.
16:25 - Merci Nadine, en tout cas, de votre témoignage.
16:27 Alexandre, ça pose évidemment plein de questions,
16:29 ça interroge le manque de moyens,
16:31 parfois de l'amateurisme peut-être,
16:33 et aussi la dépendance à ces médicaments.
16:35 Vous en avez vu, justement,
16:37 sortir de là et être complètement
16:39 dépendant ? - Oui,
16:41 j'ai reçu beaucoup de témoignages
16:43 depuis la sortie du livre,
16:45 et j'ai rencontré quelqu'un
16:47 qui me disait qu'il avait passé 20 ans,
16:49 20 ans à un hôpital psychiatrique.
16:51 Et il en est sorti,
16:53 il y a eu un suivi, un accompagnement.
16:55 Et il m'a dit "j'ai perdu 20 ans de ma vie".
16:57 Donc, encore une fois,
16:59 je dis qu'il y a une solution d'urgence,
17:01 mais derrière, il faut qu'il y ait un accompagnement.
17:03 - Mais on en sort, quand même ?
17:05 - Pour certains, non.
17:07 Pour certains, c'est
17:09 une prison à vie.
17:11 Moi, j'ai eu la chance de sortir très rapidement,
17:13 mais certains y sont encore.
17:15 Tous les gens que j'ai pu rencontrer,
17:17 qui étaient d'une humanité absolument incroyable,
17:19 certains y sont peut-être encore.
17:21 La psychiatrie,
17:23 c'est un secteur
17:25 vraiment sinistre,
17:27 la psychiatrie, c'est 30%
17:29 de postes vacants,
17:31 c'est une fermeture de 60% des lits
17:33 depuis 40 ans.
17:35 Il y a une crise de vocation, une crise de formation,
17:37 et il y a un recours
17:39 aux médicaments à tout prix.
17:41 C'est pas une moindre résorte psychiatrique.
17:43 Il y a une étude qui est sortie
17:45 il y a quelques années,
17:47 la consommation d'antidépresseurs
17:49 chez les enfants entre 6 et 17 ans
17:51 a augmenté de 70%.
17:53 62%
17:55 entre 2014 et 2021.
17:57 - Mais vous dites à un moment donné dans votre livre
17:59 que c'est finalement pas un problème tant que ça
18:01 d'argent, mais de mauvaise gestion
18:03 des deniers. C'est qu'on devrait faire
18:05 tout simplement autrement. On rappelle quand même que la santé
18:07 mentale, c'est le premier poste de l'assurance maladie.
18:09 - Exactement. C'est
18:11 près de 24 milliards d'euros par an.
18:13 C'est pas moi qui
18:15 le dit, ce sont les psychiatres.
18:17 Vincent Girard, à Marseille, qui me disait
18:19 qu'il y avait une mauvaise utilisation,
18:21 qu'il y avait un pognon de dingue,
18:23 qu'il y avait une mauvaise utilisation des deniers publics,
18:25 qu'il y avait beaucoup de bureaucratie,
18:27 qu'il y avait beaucoup de rapports
18:29 à faire. Et c'est vrai que je voyais
18:31 au quotidien les infirmiers qui n'avaient
18:33 pas le temps de s'occuper des patients et qui passaient
18:35 leur temps à faire des rapports.
18:37 Donc je pense qu'en effet, c'est
18:39 au-delà d'un manque de moyens, c'est aussi
18:41 un système, tout un système
18:43 qui ne jure que par le médicament.
18:45 - On imagine à quel point ça doit être aussi
18:47 difficile pour ces personnels
18:49 qui sont là
18:51 par empathie aussi, parce qu'on n'est pas
18:53 là par hasard et qui sont finalement
18:55 impuissants. - Exactement. Et à la fin
18:57 de l'ouvrage, je fais intervenir une infirmière
18:59 qui
19:01 m'explique que c'était son rêve
19:03 d'être infirmière en psychiatrie,
19:05 mais qu'elle a été dégoûtée. Dégoûtée par
19:07 le milieu, par le système, dégoûtée
19:09 par les médicaments, par ce système-là.
19:11 C'était son rêve
19:13 et elle m'a expliqué
19:15 que le soin avait pris
19:17 le dessus, avait remplacé le prendre soin.
19:19 Donc voilà, que dans ce milieu
19:21 ça n'arrange personne et tout le monde est victime.
19:23 Les psychiatres, les infirmiers
19:25 et les patients, tout le monde est victime
19:27 de ce système et du manque de moyens.
19:29 - Je le disais tout à l'heure, il y a eu aussi des rencontres.
19:31 Quel était le profil
19:33 entre guillemets des personnes que vous
19:35 avez rencontrées dans cet hôpital ?
19:37 - Ça allait de 18 à 75 ans.
19:39 Ça pouvait être...
19:41 C'étaient des personnes qui auraient pu être
19:43 mes parents, mes amis, mes frères et soeurs.
19:45 Il n'y a pas de profil type.
19:47 Ce qui est sûr, c'est que les gens que j'ai rencontrés
19:49 m'ont apporté énormément de choses
19:51 et l'ouvrage
19:53 leur est dédié
19:55 parce que si ça peut faire
19:57 évoluer les mentalités
19:59 et si ça peut
20:01 faire réaliser...
20:03 - Ça veut dire, vous dites, ça peut être
20:05 vous, moi, mes parents... Ça veut dire
20:07 que tout le monde peut basculer à un moment donné ?
20:09 Il y avait un ancien millionnaire,
20:11 vous le décrivez... - Exactement.
20:13 Aujourd'hui, il y a une personne sur quatre
20:15 qui est touchée dans sa vie par des
20:17 problèmes de cet ordre-là.
20:19 Donc tout le monde peut être concerné.
20:21 Tout le monde peut être concerné.
20:23 Comme l'enquête de Victor Castaner
20:25 sur les Ehpad. Évidemment, c'est une problématique
20:27 qui nous touche tous, la psychiatrie.
20:29 - Merci en tout cas.
20:31 Alexandre Massé-Dubois, je rappelle
20:33 le titre de votre ouvrage,
20:35 "En devenir faux", aux éditions "Phébus dans la peau d'un schizophrène".
20:38 En tout cas, vous en êtes sorti
20:40 et bon courage à ceux
20:42 qui y sont et à ces soignants
20:44 soignants qui sont extrêmement courageux en tout cas merci à vous.

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