Il se posait en nouvel Alexandre et il finit face contre terre. Lui, le puissant, le richissime duc de Bourgogne, devant qui les ambassadeurs s’inclinaient en lui donnant du grand-duc d’Occident, fut retrouvé deux jours après sa mort, survenue le 5 janvier 1477, nu et défiguré. Ainsi trépassa Charles le téméraire à la bataille de Nancy. Une journée avait suffi pour réduire à néant dix ans de règne.
Charles de Bourgogne a laissé dans l’histoire un souvenir contrasté, à la fois sportif et lettré, d’un caractère emporté, quoique raffiné dans ses manières ; un prince passionné par la guerre, mais qui la concevait comme un tournoi, ce qui causa sa perte et celle de son duché.
L’année précédente, son projet d’une grande Bourgogne allant de la mer du Nord à l’Italie s’était déjà fracassé contre les redoutables carrés suisses, à Grandson et à Morat. Il n’avait visiblement pas retenu la leçon, ce que va nous expliquer notre invité Laurent Charles.
Charles de Bourgogne a laissé dans l’histoire un souvenir contrasté, à la fois sportif et lettré, d’un caractère emporté, quoique raffiné dans ses manières ; un prince passionné par la guerre, mais qui la concevait comme un tournoi, ce qui causa sa perte et celle de son duché.
L’année précédente, son projet d’une grande Bourgogne allant de la mer du Nord à l’Italie s’était déjà fracassé contre les redoutables carrés suisses, à Grandson et à Morat. Il n’avait visiblement pas retenu la leçon, ce que va nous expliquer notre invité Laurent Charles.
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01:06 Chers amis téléspectateurs de TVL, bonjour et bienvenue dans Passez-Présent,
01:11 votre émission historique présentée en partenariat avec la revue d'histoire européenne.
01:16 Il se posait en nouvel Alexandre et il finit face contre terre.
01:20 Lui, le puissant, le richissime duc de Bourgogne, devant qui les ambassadeurs s'inclinaient en lui donnant du grand duc d'Occident,
01:27 fut retrouvé deux jours après sa mort, survenu le 5 janvier 1477, nu et défiguré.
01:33 Ainsi, trépassa Charles le Téméraire à la bataille de Nancy.
01:37 Une journée avait suffi pour réduire à néant dix ans de règne.
01:41 Charles de Bourgogne a laissé dans l'histoire un souvenir contrasté, à la fois sportif et lettré,
01:46 d'un caractère emporté, quoique raffiné dans ses manières, un prince passionné par la guerre,
01:51 mais qui la concevait comme un tournoi, ce qui causa sa perte et celle de son duché.
01:56 L'année précédente, son projet d'une grande Bourgogne allant de la mer du Nord à l'Italie,
02:01 s'était déjà fracassé contre les redoutables carrés suisses à Granson et à Morat.
02:06 Il n'avait visiblement pas retenu la leçon, ce que va nous expliquer notre invité.
02:11 Laurent Chang, bonjour.
02:13 Bonjour.
02:14 Vous êtes journaliste, écrivain, vous avez fondé les éditions Le Polémarque, spécialisé dans la littérature militaire,
02:21 et vous tenez depuis plus de 10 ans la rubrique "Champ de bataille" de notre confrère et ami Eléments.
02:27 Et vous avez publié, entre autres, un remarqué von Rundstedt, paru en 2020 chez Perrin,
02:33 et sujet donc de notre émission aujourd'hui, un opuscule sur Charles le Téméraire, paru en 2022 chez Infolio.
02:42 Alors, avant de rentrer vraiment dans la vie de Charles le Téméraire, je voudrais fixer un peu le contexte géopolitique, si on peut dire, de l'époque.
02:52 Que représente à la naissance de Charles, en 1433, la maison de Bourgogne, le duché de Bourgogne ?
02:59 À cette époque, en 1433, la Bourgogne c'est d'ores et déjà un état qui s'est affranchi du royaume de France.
03:10 Le vasselage est derrière le duché.
03:16 C'est un état indépendant qui s'étend depuis le nord de l'actuel Bénélux jusqu'aux Alpes.
03:24 Et qui englobe aussi bien des terres francophones, comme la Bourgogne elle-même, la Franche-Comté,
03:35 que des terres rhénanes, qui font d'ailleurs de Charles le Téméraire un fédétaire du Saint-Empire en Messe Germanique,
03:45 en ayant des possessions le long du Rhin, au nord de Cologne.
03:50 C'est donc une vraie puissance qui fait de l'ombre aussi bien au Saint-Empire que au royaume de France.
03:57 Plus particulièrement au royaume de France, bien entendu, puisque la Bourgogne à l'origine est un duché octroyé par Jean II à son fils Philippe le Hardy,
04:09 qui est le fondateur de la dynastie des Valois de Bourgogne, dont Charles sera le dernier maillon.
04:16 Et géopolitiquement, vous ajoutez à cela une alliance qui est très circonstancielle et très variable dans les formes qu'elle prend avec le royaume d'Angleterre,
04:29 bien sûr qui forme une union de revers avec le royaume de France.
04:34 N'oublions pas que nous sommes encore dans les derniers feux de la guerre de Cent Ans avec Charles le Téméraire.
04:42 Mais l'histoire, la saga de la dynastie des Valois de Bourgogne est indissociable également de la guerre de Cent Ans, bien entendu.
04:51 Les quatre ducs de Bourgogne ont fait leur carrière, si j'ose dire, aussi en profitant des avantages que leur offrait la guerre de Cent Ans.
05:03 – Donc vous dites que c'est une vraie puissance, une vraie puissance militaire, politique, financière, intellectuelle également ?
05:10 – Absolument, de toute façon il suffit d'aller se promener aujourd'hui à Beaune, à Dijon, à Bruxelles, à Gans, Bruges, Liège,
05:19 même si Liège n'a pas gardé forcément un très bon souvenir aussi, notamment de Charles, puisque les Liégeois, pas seulement eux d'ailleurs,
05:26 les Gantois aussi ont pas mal souffert de leur esprit de rébellion vis-à-vis du duc.
05:34 Mais aujourd'hui encore, il reste effectivement énormément d'édifices et d'œuvres d'art de cette grande épopée des Valois de Bourgogne,
05:48 et puissance économique également, parce qu'intellectuel c'est… on ne peut pas dire qu'on ait énormément…
05:56 on ait gardé le souvenir d'un grand penseur, d'un grand philosophe qui était à la cour des ducs.
06:02 Par contre on a beaucoup d'artistes, parce qu'effectivement Charles, son père en particulier, et plus encore d'ailleurs Philippe Le Bon,
06:08 était très épris d'art, de culture.
06:14 – Donc c'est une cour flamboyante, mais qui fait vraiment pièce à la cour de France.
06:20 – Ah mais c'était même d'ailleurs considérée à l'époque comme la première cour d'Europe.
06:24 – La cour la plus puissante d'Europe.
06:25 – Certainement, et même indépendamment de la puissance, la plus fastueuse, la plus riche et la plus fastueuse.
06:32 C'est d'ailleurs une des raisons qui feront que, par exemple, Charles ne réussira jamais,
06:37 peut-être que je m'avance un peu, Charles ne obtiendra jamais le titre de roi des Romains,
06:42 qui était un marche-pied vers le titre d'empereur du Saint-Empire Romain Germanique.
06:48 C'est parce que Charles, d'ailleurs comme son père Philippe Le Bon avant lui,
06:52 va se mettre à dos l'empereur Frédéric III par le faste, par la grandeuse, la pompe,
06:59 dont il entoure chacune de ses visites, notamment une qui est très connue à Trèves,
07:05 à laquelle va participer Frédéric III, qui devait être finalement,
07:10 ça devait être la rencontre qui allait faire définitivement basculer la Bourgogne à l'Est,
07:20 dans le sens où Charles allait devenir roi des Romains,
07:24 ce qui aurait permis à son fils de prétendre à la couronne d'empereur.
07:31 Et Frédéric III sera tellement ulcéré par le déploiement de richesse des bourguignons
07:39 qu'il se sauvera de nuit pour ne plus avoir à rencontrer Charles.
07:44 – Et alors, quelle est la capitale de la Bourgogne ?
07:47 – C'est Dijon. – C'est quand même Dijon.
07:50 – Mais il est certain que si on analyse la vie des 4 ducs de Bourgogne,
08:00 Dijon est leur capitale, mais c'est plus une capitale symbolique
08:04 qu'une véritable capitale administrative.
08:06 Si on doit trouver un vrai et puissant, c'est quand même plutôt Bruxelles.
08:10 – Plus de Bruxelles.
08:11 – Alors, je disais, Charles naît en 1433, il succède à son père en quelle année ?
08:18 – Alors, officiellement il succède en 1467,
08:21 ce qui fait que son règne est relativement court,
08:23 1467-1477, 10 ans.
08:28 En fait, il prend plus ou moins la régence en devenant
08:30 le lieutenant général des armées du duché en 1465.
08:34 Son père est affaibli, malade,
08:37 Philippe le Bon voit qu'il n'est plus en mesure de gouverner.
08:45 Il s'est également rapproché de son fils,
08:48 puisque les deux ont été très longtemps en bisbille, en opposition,
08:56 puisque Charles a passé plusieurs années en exil en Hollande
08:59 pour ne plus avoir à rencontrer son père.
09:02 Ils se sont rapprochés, ils se sont réconciliés,
09:04 et donc à partir de 1465, c'est vraiment Charles qui gouverne.
09:09 – Alors, il y en a un autre qui était aussi fâché avec son père d'ailleurs.
09:13 – Oui, c'est ça, des stats parallèles.
09:16 – Voilà, c'est les ados rebelles de l'époque, c'est Louis XI,
09:20 qui lui, également, va passer du temps en Bourgogne.
09:24 – Oui, parce qu'effectivement, vous avez raison,
09:27 d'ailleurs, Charles va se fâcher avec Philippe, son père,
09:32 parce que Philippe va accueillir le dauphin Louis,
09:37 donc le futur Louis XI, fils de Charles VII,
09:40 qui est en guerre ouverte avec son père.
09:43 Louis est très ambitieux, il n'a qu'une envie,
09:50 il sait que son père est fatigué, son père n'en finit plus de mourir,
09:55 pour ainsi dire. – Charles VII.
09:57 – Voilà, Charles VII, c'est ça, l'ex-roi de Bourges.
10:03 Et donc, à un moment, Louis est obligé de fuir le Royaume de France
10:09 pour échapper aux policiers que lui envoie son père,
10:13 et il va se réfugier à Génape, qui est donc possession de son oncle Philippe,
10:18 et là, de 1461 à 1466, il va vivre pensionné par le duché de Bourgogne.
10:24 Au départ, Philippe est un peu embarrassé par cette situation,
10:27 mais comme il est lui-même en guerre avec Charles VII,
10:31 parce qu'à ce moment-là, la Bourgogne est vraiment en guerre avec le Royaume de France,
10:37 il finit par y trouver son intérêt, mais il faut savoir que Louis reste Louis,
10:42 et durant les six ans où Louis va être chez les Bourguignons,
10:49 il va tout faire pour monter Philippe contre Charles,
10:54 si bien que Charles va effectivement se retirer pour ne plus avoir à supporter,
11:00 à tel point d'ailleurs que Philippe va faire des concessions territoriales à Louis,
11:06 que Charles va s'empresser, une fois arrivé au pouvoir, de récupérer, c'est ça.
11:11 De la même manière que Louis s'était aussi fâché avec son père
11:16 à cause de sa liaison avec Année Sorel.
11:20 Il y avait et des raisons d'ordre familial et des raisons d'ordre politique.
11:25 Pareil pour Charles et son père Philippe.
11:27 – C'est vrai que les deux hommes ont un destin, l'un ne va pas sans l'autre.
11:31 Au niveau caractère, ils sont très très différents les deux cousins ?
11:34 – Alors ils sont très différents parce que Louis est un être froid, réfléchi, méthodique,
11:44 calculateur, l'univers c'est la ragne, tout le monde connaît son surnom.
11:49 Tandis que Charles est un garçon qui est lui aussi très réfléchi, taciturne,
11:55 mais qui s'emporte très vite.
11:57 C'est un garçon qui, et il va le prouver lors de son règne,
12:03 se laisse dévorer par son ambition et son orgueil.
12:07 C'est quelqu'un qui est persuadé d'avoir effectivement un destin, une mission.
12:12 Lui-même vit entouré de personnages mythologiques et se croit lui-même
12:17 appelé à être un futur personnage mythologique, ce qu'il est plus ou moins devenu d'ailleurs.
12:21 Ce qui n'est pas du tout le cas de Louis.
12:24 Louis est un bigot superstitieux qui vit le corps recouvert de breloques et d'amulettes.
12:34 Donc ça c'est le côté irrationnel du personnage,
12:37 mais à côté de cela c'est un machiavélien dans l'âme, et il le prouvoit.
12:42 – Justement vous parlez d'orgueil et d'ambition, quelle est l'ambition de Charles ?
12:48 – Charles reprend tout simplement l'ambition qui était déjà celle de son père.
12:52 On l'oublie souvent mais le royaume de l'autaringie, l'idée ne vient pas…
12:57 Pour répondre à votre question, Charles son ambition c'est de recréer finalement
13:01 le royaume de l'autaringie.
13:03 – Une autaringie qui correspond à son règne.
13:06 – C'est la Lorraine du temps d'avant le découpage effectué par les enfants de Charlemagne.
13:13 C'est-à-dire que c'est effectivement cette terre qui va de la mer du Nord aux Alpes,
13:18 ce qu'on appelle aujourd'hui finalement la banane européenne.
13:21 C'est-à-dire toute cette terre qui est entre Meuse et Rhin,
13:25 qui s'arrête à peu près au Rhône,
13:27 ou qui peut se poursuivre d'ailleurs jusqu'au nord de l'Italie.
13:31 Donc son ambition à lui, la première c'est celle-là, c'est de recréer un royaume.
13:35 Alors on peut dire royaume de Bourgogne, royaume de l'autaringie.
13:39 Les textes nous montrent que les termes peuvent varier,
13:43 ce n'était pas si important que cela.
13:45 Mais son ambition aussi à lui suprême, c'est de devenir,
13:47 comme je vous le disais tout à l'heure, roi des Romains.
13:49 Ce qui ne lui permettrait probablement pas à lui-même,
13:51 mais qui permettrait à son héritier de prétendre à devenir empereur
13:56 du Saint-Empire romain germanique, sachant que cette élection se faisait…
14:00 donc vous aviez des grands électeurs qui étaient largement sous-douayés.
14:03 On sait que François 1er a perdu contre Charles le Quint
14:06 parce qu'il n'a pas versé suffisamment d'argent pour être élu.
14:10 Donc ça c'était vraiment la grande ambition de Charles Le Temer.
14:13 Mais n'oublions pas qu'en fait cette ambition, son père Philippe Le Bon l'avait déjà.
14:19 – L'avait déjà.
14:20 – De certaines manières le plus beau personnage de cette tétralogie,
14:26 Philippe Le Hardy, j'en sens peur, Philippe Le Bon et Charles Le Temer,
14:30 que moi personnellement privé je n'appelle que Charles Le Hardy,
14:33 puisque on en est encore bien mâts sûr.
14:35 – On va parler des surnoms.
14:36 – Philippe Le Bon c'est déjà lui qui a l'idée de se faire couronner.
14:43 L'indépendance de la Bourgogne, de la Grande Bourgogne, c'est lui.
14:47 Et Charles ne fait que reprendre cette idée.
14:51 – Alors je demande à propos des surnoms,
14:53 votre livre porte le titre "Charles le Temeraire",
14:57 mais il a eu plusieurs surnoms, "le Travaillant", "le Hardy", "le Terrible", "le Guerrier".
15:03 Donc vous c'est "le Hardy".
15:04 – En fait c'est "le Hardy" comme l'était son aïeul, Philippe Le Hardy,
15:11 qui obtient d'ailleurs ce titre par sa participation à la bataille de Poitiers en 1356,
15:16 auprès de son père.
15:17 C'est d'ailleurs là que l'histoire de la Bourgogne va se jouer,
15:20 parce que Jean II donne en fait le duché à son fils Philippe,
15:27 pour l'avoir soutenu et d'ailleurs avoir été fait prisonnier avec lui.
15:31 Et c'est de là, c'est d'une défaite française que va démarrer l'histoire de la Bourgogne,
15:36 cette histoire qui ne durera qu'un siècle finalement.
15:40 Et Charles reprend aussi ce titre à son compte.
15:44 – Et on l'a appelé "le Temeraire" plus tard.
15:46 – Alors "le Temeraire" c'est plus tard en fait, vous voyez bien,
15:50 le Hardy c'est plutôt valorisant, le Temeraire c'est un courage qui est mal employé.
16:00 Ça confine à la folie, en tous les cas ça confine à la déraison.
16:06 Le travailleur ou le travaillant c'est pareil, ce n'était pas un compliment.
16:10 Parce qu'on considérait qu'un aristocrate se devait d'être oisif,
16:13 ce qu'il n'était absolument pas.
16:16 Le guerrier oui, en l'occurrence on en reparlera certainement aussi.
16:19 Mais oui il a été Hardy, ça n'en a pas fait malheureusement un grand vainqueur.
16:25 – Autre titre que vous employez c'est le terme de "Grand-Duc d'Occident".
16:29 Donc là c'est un titre à la raspaille qui fait rêver.
16:32 – C'est vrai, ça c'est vrai.
16:33 – Est-ce que ce titre avait réellement existé ?
16:36 – Alors ce titre avait existé, il n'a été octroyé qu'à Charles et à son père,
16:41 Philippe Lebon.
16:44 Les sources authentiques manquent un peu,
16:48 mais les historiens sont d'avis que ce titre,
16:52 Philippe se l'est octroyé lui-même après l'avoir entendu
16:57 par des émissaires ottomans ou sarrazins.
17:02 Ce terme qui effectivement laisse à penser que ceux qui l'ont proféré
17:07 viennent d'ailleurs que de l'Occident.
17:12 Philippe l'aurait récupéré parce qu'il ne l'aurait plus,
17:15 après qu'une délégation, je vous dis, Maroc, Empire Ottoman,
17:22 on ne sait pas trop, lui ait donné ce titre de "Grand-Duc d'Occident".
17:28 – "Grand-Duc d'Occident".
17:29 – Qui ne pouvait que le flatter, et lui plaît.
17:31 – Ben oui.
17:32 – Qui rejoignait en tous les cas son objectif qui était de se faire couronnier roi.
17:37 – Alors, vous parliez du grand rêve de reconstituer la loterangie,
17:43 mais il y a la Lorraine, un petit duché, un petit duc,
17:48 que représente la Lorraine à l'époque ?
17:51 C'est puissant, c'est grand ?
17:53 – Non, la Lorraine ce n'est plus que le reliquat
17:58 de ce qu'avait pu être la loterangie.
18:00 C'est un duché qui est très morcelé, qui va néanmoins
18:05 de la frontière luxembourgeoise actuelle jusqu'à la ligne bleue des Vosges,
18:10 si vous voulez, mais qui est très morcelé, dont le capital est Nancy.
18:18 Mais c'est aussi un duché qui est indépendant,
18:23 qui est indépendant du royaume de France et du Saint-Empire romain germanique,
18:28 même si les ducs de Lorraine sont vassaux.
18:33 – Ils sont vassaux de ? – Non, du Saint-Empire.
18:38 Donc ce n'est plus une puissance à ce moment-là,
18:43 mais ils vivent dans le souvenir de ce qui a été une puissance,
18:48 effectivement, plus tôt au Moyen-Âge.
18:51 La Lorraine est hors du cadre de la guerre de Cent Ans par exemple.
18:58 Mais effectivement, le problème pour Charles, c'est qu'entre ces terres de Pardelun
19:03 et ces terres de ça, c'est-à-dire entre la Bourgogne historique,
19:06 celle que nous connaissons finalement nous aujourd'hui,
19:08 Franche-Comté, Bourgogne, Jura et autres,
19:10 et ce qu'on appellera aujourd'hui le Benelux,
19:13 eh bien il y a cette terre qui se refuse à lui
19:17 et qui l'empêche de faire la jonction et donc de créer une terre homogène.
19:23 Et donc une partie de son action va consister à,
19:28 si ce n'est à la conquérir dans un premier temps,
19:31 à mettre dans sa poche le jeune duc René II,
19:35 qui a 22 ans en 1473, quand une alliance à protectora est signée
19:44 entre Charles et René, qui va faire que la Lorraine va devenir
19:48 une sorte de, oui, un protectora, c'est-à-dire que c'est une autoroute.
19:52 – Et ce René II, on décrit comme un personnage très beau, chevalier.
19:57 – René ? – Oui.
19:58 – Oui, absolument, c'est un très beau jeune homme, c'est un Anjou.
20:02 – Une figure mythologique également.
20:05 – Oui, pour les Lorrains, naturellement, pour les Lorrains.
20:09 Un jeune homme fluet, blond, peau très blanche, yeux très clairs aussi.
20:15 Pas chevalier, puisqu'en fait il ne sera fait chevalier qu'à la bataille de Mora.
20:20 – Ok. – Attendez.
20:22 Oui, à la bataille de Mora.
20:23 – Mais il a quelque chose comme d'un héros arthurien.
20:25 – Il a quelque chose, c'est exactement ça.
20:27 D'ailleurs, quand on voit la nanceïde qui est la grande histoire médiévale,
20:31 le geste des ducs de Lorraine, on pourrait croire effectivement
20:37 à une enluminure présentant un Gauvain ou un Yvan, un Perceval.
20:43 Vous avez tout à fait raison.
20:45 Très différent physiquement là aussi de Charles.
20:48 – Oui, Charles, on le sait, on a ce portrait connu.
20:51 – Oui, ce n'est pas le plus flatteur, mais il est déjà dans sa phase descendante.
20:55 – Oui, il y a un portrait aussi assez frappant,
20:57 on le voit avec une espèce de barbe grisâtre, mal rasée.
21:00 C'est assez surprenant pour un portrait de courant.
21:03 – C'était un vœu qu'il avait fait après sa première défaite contre les Suisses à Grand-San.
21:08 – On en reparlera.
21:09 – Il ne se raserait plus tant qu'il n'aurait pas écrasé le Bernois.
21:12 – Ok.
21:13 – Qu'il n'a jamais fait.
21:15 – Physiquement, on sait comment il était, il était grand ?
21:17 – Non, il n'était pas très grand, il était trapu.
21:21 Comme vous l'avez dit, il était très sportif, donc il avait une vraie musculature.
21:25 Il avait un teint assez basané, des cheveux très sombres, des yeux sombres également.
21:30 – Il a des ascendances portugaises.
21:32 – Des ascendances portugaises, absolument, par sa mère Isabelle de Portugal.
21:38 En outre, il souffrait de quelques infirmités, mais il était très soigné,
21:44 très soigné, comme je vous disais, très physique aussi, très sportif, de taille moyenne.
21:51 – Alors, je reviens sur votre livre "Charles Temerhaire et les Suisses".
21:55 – Oui.
21:56 – Alors, pourquoi les Suisses ? Qu'est-ce qu'ils viennent faire là-dedans ?
22:00 – Ils viennent là-dedans ne serait-ce que parce que l'éditeur est Suisse.
22:03 – Ah, il fallait bien trouver.
22:05 – Les Suisses sont en fait ceux qui vont…
22:08 Ce sont eux qui vont mettre à bas l'édifice patiemment construit
22:14 par les bourguignons depuis un siècle.
22:17 Parce que le financier des opérations, c'est Louis XI,
22:25 mais la force militaire qui à trois reprises, même à quatre reprises,
22:31 va bousculer jusqu'à son trépas.
22:35 Charles, ce sont les Suisses.
22:37 – Vous voulez dire que Louis XI va se servir des Suisses pour affaiblir…
22:40 – Complètement. C'est d'ailleurs la méthode.
22:43 – Parce qu'ils se sont affrontés une seule fois ?
22:46 – Une seule fois, lorsque Louis est couronné roi.
22:53 D'ailleurs c'est le père, c'est Philippe le Bon,
22:56 c'est le père de Charles qui pose la couronne sur le crâne.
23:02 Lorsqu'il est fait roi, il y a rapidement une ligue du bien public,
23:10 c'est-à-dire une fronde des grands nobles
23:13 qui se dresse contre Louis XI et ses prétentions
23:16 à déjà régner en monarque absolu.
23:21 Et cette ligue est dirigée par Charles le Téméraire.
23:26 Elle ne va pas durer longtemps, mars à octobre 1465,
23:30 suffisamment longtemps pour que Louis prenne une grosse raclée à Montlhéry,
23:37 face aux Suisses d'ailleurs, face à des soldats stipendiés par la ligue.
23:44 Et Charles va récupérer les terres que Philippe avait négligemment cédées à Louis
23:52 dans ces moments de maladie, la Picardie si vous voulez.
23:59 Et donc Louis va comprendre deux choses.
24:02 1. Face à Charles, il ne faut pas qu'il se dresse,
24:07 il ne faut pas qu'il envoie ses armées.
24:09 Et 2. Il a vu ce que valaient les Suisses, donc il a l'argent,
24:13 il y a les Suisses, les Suisses sont tout aussi inquiets
24:18 de la puissance montante que représente la Bourgogne de Charles,
24:24 donc les deux vont s'associer.
24:26 – Alors que représente la Suisse à l'époque ?
24:28 Ce n'est pas le petit État paisible que l'on connaît aujourd'hui ?
24:31 – Non, c'est au contraire un État… on ne va pas parler d'un État,
24:34 ce sont 8 cantons, le plus gros étant le canton de Dernes,
24:38 Genève, Lausanne, il faut oublier, on est très très loin encore
24:42 de la Suisse, ce sont donc les 8 cantons,
24:48 qui sont très majoritairement germanophones,
24:53 groupés autour des Alpes, et c'est Berne qui mène le bal,
24:56 l'ours bernois qui domine.
24:59 Ce sont des populations très rugueuses qui ont pour habitude,
25:03 en dehors des saisons agricoles, d'envoyer des hommes se battre,
25:09 à la fois pour assurer l'ordre public à l'intérieur des cantons
25:15 et pour apporter des richesses.
25:17 Ce sont des mercenaires et des pillards.
25:19 Ce sont d'excellents soldats, d'excellents combattants,
25:24 mais la Suisse est également une… les cantons,
25:28 on va dire les 8 cantons, plutôt que de dire la Suisse à cette époque.
25:31 Les 8 cantons ont également des prétentions d'hégémonie
25:35 au centre des Alpes, et notamment d'hégémonie économique.
25:42 Ils lorgnent à la fois sur la plaine du Rhin et sur l'Italie du Nord,
25:48 via la Savoie, dont le canton de Vaud était propriété.
25:55 Donc c'est un petit état turbulent, militaire,
25:59 apro-gain, qui est pauvre, mais qui aspire,
26:04 via le commerce ou la guerre, à s'enrichir.
26:07 Et qui voit d'un très mauvais œil l'arrivée de Charles de Temerhaire
26:13 à ses frontières, via l'appropriation de l'Alsace, la Haute Alsace.
26:20 – Alors, comment tout va s'enchaîner d'une manière fatale ?
26:24 Charles de Temerhaire, vous l'avez dit, fait accord avec…
26:28 – S'y gissement de tissus, alors, pardon.
26:30 – Oui, avec René, il devient le protecteur de la Lorraine.
26:34 Donc là, le but étant de faire rentrer la Lorraine dans la Bourgogne.
26:37 – Oui.
26:38 – Et qu'est-ce qui va se passer pour que finalement tout se fracasse ?
26:40 – Alors c'est vraiment un enchaînement…
26:42 – Oui c'est ça, on a l'impression que c'est presque soudain.
26:45 – C'est soudain, et en même temps il y a quelque chose de tragique,
26:49 mais au sens vraiment grec.
26:50 On a vraiment l'impression que les dieux à un moment se retournent,
26:53 et tout s'emboîte, presque logiquement.
26:57 Charles avait vraiment l'ambition d'ailleurs de faire de Nancy
27:00 la capitale de son futur royaume, ou grand-duché comme vous voulez.
27:05 Donc ça n'aurait pu être Dijon.
27:09 Charles va d'abord… d'abord se met à dos René,
27:12 alors que René aurait été favorable, on le sait, à une entente,
27:17 comme un accord qui aurait été profitable aux deux.
27:20 Charles prend l'enfant comme il le surnomme de haut,
27:25 et bien entendu René va s'en souviendra.
27:30 Dans le même temps où Charles s'enfonce en Rénanie
27:36 pour soutenir un siège d'un an autour de la petite ville de Neuss,
27:42 pour une histoire vraiment de querelle, on peut presque dire de clocher,
27:46 puisque ça fait intervenir l'évêque de Trèves,
27:50 il mène cette guerre, il va s'enliser pendant un an dans ce siège,
27:54 parce que, comme je vous disais tout à l'heure,
27:57 comme il lorgne sur le Saint-Empire, il veut être présent.
28:02 Et son orgueil fait qu'il n'y arrive pas, mais il reste sur place.
28:06 Dans le même temps, il a… ou à peu près dans le même temps,
28:11 il a renfloué les dettes de six gisements de Tyrol, Habsbourg,
28:16 les Habsbourg sont originaires d'Argovie en Suisse,
28:19 juste à côté de l'Alsace, d'accord ?
28:21 Il n'est pas bien d'ailleurs que les ducs de Lorraine,
28:23 les premiers ducs de Lorraine étaient alsaciens, maison d'Alsace.
28:26 Charles renfloue six gisements de Tyrol en lui rachetant l'hôte Alsace.
28:33 Mais les Alsaciens le vivent mal, parce qu'il met en place un baï,
28:39 Peter von Hagenbach, Pierre d'Hagenbach,
28:42 qui a des méthodes très autoritaires,
28:50 qui vont très mal passer auprès des cités.
28:52 L'Alsace c'est une union de cités, indépendante, d'accord ?
28:58 Bon c'est pareil, ils sont dépendants du Saint-Empire romain germanique,
29:02 mais le Saint-Empire romain germanique c'était très lâche,
29:04 comme vous le savez, donc chacun vivait sa vie.
29:09 Et il travaille beaucoup avec les Suisses,
29:14 Melouse faisant partie à cette époque des cantons,
29:19 de la confédération, ce qu'on n'appelait pas encore la confédération.
29:22 Et les Suisses vont venir à l'aide des Alsaciens,
29:25 quand les Alsaciens vont se rebeller contre Hagenbach,
29:28 au point d'ailleurs en 1414 de le décapiter.
29:32 Et là, en voyant cela, René va à son tour rompre.
29:39 – Avec Charles.
29:40 – Avec Charles, et Charles va devoir rentrer en urgence,
29:43 remettre de l'ordre en Lorraine, remettre de l'ordre en Alsace,
29:46 et entrer en Suisse pour faire le ménage.
29:51 Et c'est là que tout va s'effondrer.
29:54 – Et donc on a un enchaînement de trois batailles.
29:57 – Oui, en fait il y en a quatre.
30:00 – Donc on va arriver à la bataille de Granson, ça se situe où Granson ?
30:04 – Granson ça se situe dans le canton de Vaud,
30:06 l'actuel canton de Vaud, ça se visite toujours,
30:10 le champ de bataille est toujours accessible,
30:13 il est délimité par des bornes et vous pouvez suivre très fidèlement
30:18 le déroulé de la bataille.
30:21 – Comment elle se déroule ?
30:24 – Au départ, Charles prend possession de la petite forteresse de Granson
30:31 et il fait exécuter tous les gardes.
30:35 Et c'est ce qu'il va mettre là pour le feu aux poudres, vraiment.
30:40 Et la bataille se situe un peu plus à l'est,
30:45 vous avez une plaine qui est bordée par une forêt.
30:51 Là les bourguignons, très sûrs de lui, Charles installe ses troupes.
31:00 Les fameux piquets suisses s'installent face à lui.
31:07 Il envoie sa cavalerie qui ne parvient pas à enfoncer les carrés suisses.
31:17 Et Charles croit bon de faire une manœuvre, une fausse manœuvre de retrait,
31:21 un petit peu à la manière finalement de la bataille de Cannes,
31:23 vous savez où le centre se replie en espérant que l'ennemi va se laisser aspirer.
31:28 Sauf que, voyant cela, la troupe ne comprend pas et croit que Charles se sauve.
31:36 Et là ça va être la débandade, d'autant plus que les réserves suisses fondent
31:42 depuis la forêt environnante en surplomb.
31:45 Et ça va être la curée, la première curée le 2 mars 1476.
31:50 – Des grosses pertes ? – Pas énormément.
31:52 Fuite et perdue. Mais pour le prestige de Charles,
31:59 c'est effectivement une claque qui va lui laisser une marque pendant longtemps.
32:05 – D'ailleurs il y a un historien, je crois du 19ème siècle,
32:08 qui a rimé avec les trois batailles, donc Grançon, où il perdit ses possessions.
32:13 – Ses possessions, c'est vrai.
32:15 – Alors vous parliez des piquets, vous parliez de la cavalerie, qu'elle…
32:18 – C'est là qu'il a perdu une grande partie de son trésor.
32:20 – Il a perdu son trésor ? – Partie.
32:23 – Il a abandonné son trésor sur place.
32:24 – Il fera pareil à Mora, remarquez bien la prochaine bataille dont on va parler.
32:27 Mais oui, dont une grande partie se trouve aujourd'hui au musée de Berne.
32:32 Au musée de Berne vous avez de très très belles pièces
32:34 du trésor personnel de Charles de Ténére.
32:36 – De Charles de Ténére, conservateur suisse.
32:39 Donc un petit mot sur l'armée bourguignonne.
32:43 Qu'est-ce qu'elle représente ? C'est une armée de qualité ?
32:47 – C'est une très belle armée qu'on peut considérer
32:53 comme la première d'Europe occidentale, au du moins,
32:56 dans ses effectifs, dans sa modernité, dans sa forme, dans ses moyens.
33:00 Parce qu'on sait bien que Charles VII avait le 1er signé un édit
33:06 pour la création de compagnie d'ordonnances.
33:09 Mais on sait aussi que ces armées-là n'étaient pas des armées vraiment permanentes.
33:13 Une fois les opérations terminées, on renvoyait les soldats,
33:18 ce qui fait que souvent ils se transformaient en écorcheurs, en routiers.
33:21 Et c'est à ce moment-là que ça dégénérait
33:23 et qu'ils se livraient à toutes les exactions sur les populations,
33:26 une fois que les guerres étaient terminées.
33:29 Charles essaye au contraire de monter une armée permanente,
33:33 donc de soldats, donc véritablement soldés, avec une très grande…
33:38 Il adore en fait l'armée, il adore… c'est presque pour lui…
33:44 C'est un plaisir pour lui que de passer ses troupes en revue,
33:51 on ne fait pas de manœuvres mais de voir quand même les exercices.
33:54 Donc c'est une armée qui est très bien structurée, très forte, très riche,
33:58 très richement dotée, notamment un parc d'artillerie, le 1er de son époque.
34:04 Mais elle a un talon d'achille, c'est que c'est une armée
34:09 qui ne tient finalement que par l'aura de Charles,
34:15 ce n'est pas une armée nationale.
34:17 Contrairement par exemple, les Suisses ce n'est pas une armée nationale,
34:20 mais ce sont des citoyens qui ont le sentiment très fort
34:25 d'avoir des intérêts communs.
34:27 Dans le cas de l'armée bourguignonne,
34:30 ce sont des soldats qui viennent de toute l'Europe et qui servent un monarque.
34:37 Et si ce monarque vient lui-même à faillir, c'est l'armée qui faillit.
34:41 Et les qualités de chef militaire de Charles, est-ce que c'est un bon tacticien ?
34:46 Elles ne sont pas avérées.
34:49 A grandsons, ma foi, c'était un garçon infiniment cultivé,
34:54 grand lecteur de traités de tactique, stratégie.
35:02 A cette époque-là, on ne faisait pas le distinguo.
35:05 Donc très connaisseur notamment des classiques grecs et romains,
35:10 Dégès, Frontin, César, Plutarch, Thucydide, très familier.
35:19 On voit quand même qu'à grandsons, il a essayé une manœuvre qui a échoué.
35:24 Par la suite, que ce soit à Mora ou à Nancy,
35:27 on n'est plus du tout chez un redoutable tacticien.
35:31 Alors justement, Mora, où son cœur se brisa, d'après ces historiens,
35:36 vous allez me rappeler le nom.
35:38 Philippe de Valière le cite.
35:41 Maintenant, la paternité exacte, je ne la garantirai pas.
35:44 D'accord.
35:45 Donc Mora, là c'est la bataille, il y a une image célèbre,
35:50 d'ailleurs on le voit en fuite après Mora.
35:53 Oui, tableau de Burnaud.
35:55 Comment ça se passe Mora ?
35:58 Mora, c'est encore une petite forteresse au bord d'un lac,
36:02 mais pas en Suisse pour rien.
36:05 Et là, Charles est persuadé, donc il revient à la charge,
36:09 il est persuadé que cette fois-ci les Suisses ne tiendront pas
36:15 face à ce qu'il a appelé la "haie verte",
36:18 c'est-à-dire face à la ligne de front qu'il leur oppose,
36:23 mixte d'artillerie, d'infanterie et de cavalerie.
36:28 Sauf qu'il l'a mal située, il l'a mal positionnée,
36:32 qu'il n'a pas envoyé d'hommes faire des reconnaissances
36:39 et qu'en fait il va se faire déborder tout simplement.
36:42 Les Suisses vont attaquer, vont contourner la haie.
36:46 Et là ça va être la curée véritable.
36:49 Grandson n'aura pas été un massacre,
36:51 Mora va être un véritable massacre.
36:53 Parce que beaucoup de soldats bourguignons vont essayer de fuir
36:57 en passant par le lac, ils vont se noyer
37:00 et les autres vont être massacrés.
37:02 Les Suisses ne font pas de prisonniers.
37:04 C'était une coutume à l'époque, comme vous le savez,
37:07 c'était de rançonner les nobles, les riches, les aristocrates.
37:12 Les Suisses ne s'embêtent même pas avec ça.
37:14 D'ailleurs c'est amusant, les Suisses vont, à Grandson,
37:18 quand ils tombent sur le trésor, ils vont se partager le trésor
37:20 sans avoir vraiment conscience de l'infinie richesse
37:22 qu'ils ont entre les mains, tout simplement parce que
37:25 ce sont des hommes bruts, on va dire rustres,
37:28 qui viennent de leur montagne.
37:30 - Deux conceptions de la guerre qui s'opposent.
37:32 - Et puis ils ne savent même pas les trésors qu'ils ont dans les mains.
37:35 Et à Mora c'est un peu la même chose.
37:37 Et là on a aussi l'action du duc René II
37:44 qui avec sa cavalerie va porter les stockades
37:48 à peu près au centre des lignes.
37:54 Et d'ailleurs c'est là qu'il va se faire adouber,
37:56 à la veille de la bataille.
37:58 Il va devenir chevalier à ce moment-là.
38:00 - Et donc troisième grande...
38:03 - Et Charles donc c'est encore une fois obligé de fuir.
38:05 - Obligé de fuir, troisième grande défaite,
38:07 Nancy où il perdit la vie cette fois-ci.
38:09 Donc là il est acculé à la ville,
38:11 et en même temps il assiège la ville.
38:13 - Alors c'est compliqué effectivement,
38:15 parce que ça va se faire en plusieurs temps,
38:19 dès lors que René II rompt avec son protecteur,
38:27 René va reprendre pied à Nancy,
38:30 va devoir repartir,
38:32 les bourguignons vont reprendre possession de la ville, etc.
38:36 Au moment où s'engage la bataille de Nancy,
38:40 René II est reparti en Alsace et en Suisse
38:44 pour lever les troupes,
38:46 avec d'ailleurs l'argent de Louyanz,
38:48 et Charles assiège Nancy,
38:53 qui est repassée une nouvelle fois sous contrôle des Lorrains.
38:56 Mais l'armée de Charles n'est plus que l'ombre d'elle-même,
39:00 après les deux grandes saignées,
39:03 enfin plutôt les deux grandes défaites dont la saignée de Morat,
39:06 et Charles va se retrouver effectivement pris lui-même entre...
39:11 On ne va pas dire entre deux feux,
39:13 parce que Nancy, assiégée, va assister à la bataille.
39:18 Mais ses troupes sont tournées vers la ville de Nancy,
39:22 et René va arriver par le sud, par les Vosges.
39:29 Et Charles va encore une fois commettre des erreurs,
39:38 si vous voulez,
39:40 ce n'est pas l'heure de faire un cours de tactique,
39:43 mais encore une fois,
39:46 il va mal positionner son artillerie,
39:49 il ne va pas trop sûr de lui,
39:52 ou trop désespéré peut-être,
39:54 il ne va pas envoyer d'équipe de reconnaissance,
39:58 il se positionne au sud de Nancy,
40:02 à un endroit où en fait,
40:05 la vue du sud lui est masquée,
40:07 et par un village, et par des forêts.
40:10 Si bien que René d'Or a beau jeu, avec ses forces,
40:13 qui sont très majoritairement suisses,
40:15 Strasbourgeois aussi, mais très majoritairement suisses,
40:17 et puis Lorrain,
40:18 de contourner par l'ouest cette fois,
40:21 la ligne bourguignonne,
40:26 et de ruer par le haut.
40:28 Et donc, il va tout emporter en quelques heures,
40:31 et Charles va se battre comme un beau diable,
40:34 mais à la fin de la journée,
40:36 il va être acculé au bord de l'étang Saint-Jean,
40:38 qui à l'époque était sous les murailles,
40:42 et être, on ne sait pas avec certitude qui l'a battu,
40:47 mais il va être percé de plusieurs coups de lance.
40:50 - Donc là, effectivement, c'est la fin du rêve et du règne,
40:57 et va se développer assez rapidement,
41:01 une mémoire très négative souvent,
41:05 comme on peut le voir en France,
41:07 et tout simplement même dans les manuels scolaires,
41:10 il y a encore quelques années.
41:12 - Oui, parce que, bien sûr, Louis XI ne va faire qu'attiser,
41:18 pas attiser, mais il va entretenir cette image négative,
41:24 et puis après, la République va reprendre effectivement cette image,
41:32 même si d'ailleurs, Walter Scott va en faire un personnage,
41:36 parce que Walter Scott n'en fait pas non plus un très beau personnage dans son roman,
41:40 il incarne la figure du traître,
41:42 ce qui est un non-sens,
41:45 parce que là, nous n'avons pas le temps de développer,
41:48 mais la saga des Bourguignons,
41:51 la saga des Palois de Bourgogne,
41:54 c'est effectivement celle d'une indépendantisation progressive,
41:58 d'une émancipation progressive de terres, du Royaume de France,
42:03 on n'est pas dans le cadre d'un État-nation,
42:06 et en plus, on est dans le cadre d'un État qui contient des terres
42:11 qui ne sont pas vassales du Royaume de France.
42:14 Dès Philippe Lehardi, dès le mariage qu'il contracte,
42:18 il acquiert des terres qui sont hors du Royaume de France,
42:22 plus au nord, ce qui est l'actuel pays basse, si vous voulez,
42:26 et qui sont par contre, qui ont des comptes à rendre au Saint-Empire Romain Germanique.
42:31 Donc c'est un non-sens, mais dans l'image effectivement républicaine,
42:36 Jacobine, Stato-Nationale,
42:38 ou même avant cela, dans l'idée de la monarchie absolue,
42:43 Charles Temeraire fait figure effectivement de félon, de traître, d'ennemi.
42:49 – Et on va lui donner le nom de Temeraire, donc bien ancré ?
42:53 – Oui, c'est ça, il faudra quelques siècles pour que ça s'ancre,
42:58 mais c'est au 18ème siècle que ça va s'ancrer dans les mémoires,
43:04 et qu'on va l'appeler ainsi.
43:06 – Alors est-ce que c'est vraiment la fin de la Bourgogne,
43:10 telle qu'il l'arrivait, elle va être absorbée par le Royaume de France en combien de temps ?
43:15 – Oui, à la mort de Louis XI, en 1483,
43:22 la Bourgogne va être rattachée au Royaume
43:28 par le mariage de Marie d'Autriche Bourgogne, la petite-fille de Charles Quint,
43:33 avec un héritier de Louis.
43:36 Donc là, la Bourgogne, à ce moment-là, va rentrer dans le Giron,
43:39 une partie va rentrer dans le Giron français,
43:41 mais entre-temps, Marie de Bourgogne, la fille de Charles,
43:48 va épouser Maximilien, archiduc d'Autriche, fils de l'Empereur,
43:55 quel Empereur s'était souvent refusé à Charles,
43:58 mais là, va quand même ouvrir les bras à Marie,
44:01 et Marie va devenir archiducieuse d'Autriche,
44:03 et à ce moment-là, la Bourgogne va perdurer,
44:09 c'est plutôt, je dirais, à travers la Croix de Saint-André,
44:12 c'est plutôt le rêve bourguignon qui va durer,
44:15 même si une partie, bien sûr, de la Bourgogne,
44:18 les Franches-Comtés vont rester habsbourgeois,
44:21 vont rester autrichiens.
44:23 D'ailleurs, ce qui explique que les Franches-Comtés,
44:25 les couleurs soient noires et or aujourd'hui, encore,
44:27 ce qui sont les couleurs autrichiennes.
44:29 - Et concernant Charles, on dit que son corps a été récupéré,
44:35 son tombeau officiel est à Bruges ?
44:39 - Je crois que le tombeau officiel est à Bruges.
44:41 - Quand est-il arrêté ? Est-ce que son corps a vraiment été retrouvé ?
44:43 Ou est-ce qu'il y a une légende qui s'est construite ?
44:45 - Alors, son corps a bien été retrouvé,
44:47 deux jours après sa mort, on fait venir René,
44:53 au bord de cet étang, et il est identifié.
44:57 Son corps est mutilé, son visage est fendu en deux.
45:03 On le reconnaîtra à un ongle incarné,
45:07 et aussi au fait qu'il avait des mains très soignées,
45:09 des ongles très longs et pointus.
45:11 On va le reconnaître à cela.
45:13 Un page d'origine italienne va l'identifier.
45:17 Il est ramené à Nancy, après toute une cérémonie,
45:21 toute une pompe funèbre, durant laquelle René II
45:27 va rendre hommage, il faut le souligner ça, à Charles.
45:31 Charles est enterré à Nancy, à la Collégiale Saint-Georges,
45:35 avec un de ses meilleurs amis et un de ses conseillers,
45:39 un chevalier de sa garde rapprochée, qui s'appelait
45:43 Guillaume de Rubempré.
45:45 Et ce n'est que 70 ans plus tard que Charles le Quint,
45:49 1550, donc oui, c'est ça, trois quarts de siècle après,
45:53 que Charles le Quint va obtenir de pouvoir exhumer le corps
45:58 pour le rapatrier à Bruges, en terre impériale.
46:02 Sauf qu'on sait aujourd'hui qu'effectivement,
46:06 les corps étaient mélangés à 70 ans plus tard,
46:10 en grand état de putréfaction.
46:13 Donc on sait aujourd'hui, en plus le tombeau s'était affaissé,
46:17 donc plus personne ne croit aujourd'hui qu'il y a
46:21 les restes de Charles à la cathédrale de Bruges.
46:25 La Collégiale a depuis été détruite par Stanislas,
46:30 roi de Pologne devenu duc de Lorraine,
46:33 beau-père de Louis XV.
46:36 Moi je suis de ceux qui sont bien persuadés que
46:40 les restes infimes de Charles se trouvent toujours
46:44 sous le parterre de Fleur qui est aujourd'hui
46:47 à la place de l'ancienne Collégiale Saint-Georges,
46:51 au centre de Nancy, à deux pas de la statue équestre de René II.
46:55 Voilà, que je vous invite à venir visiter.
46:57 – Et à Nancy, il y a toujours une croix à l'endroit où…
47:01 – Ah, c'est plus une croix, vous avez un magnifique monument
47:05 qui date de, si ma mémoire est bonne, de 1926.
47:09 Il y a toujours eu effectivement une croix.
47:11 Bon, l'étang a été depuis asséché.
47:14 Vous êtes aujourd'hui dans un quartier nancyen,
47:17 près de la gare, d'ailleurs vous avez le quai de la Bataille qui longe.
47:22 Mais vous avez un très très beau monument art déco
47:25 qui rend hommage aussi bien au bourguignon colorain.
47:29 Et vous avez aussi, dans le vieux centre-ville,
47:38 dans la Grand-Rue, devant la maison où le corps de Charles
47:45 fut recueilli et nettoyé, un marquage 1477 en pavé,
47:53 une mosaïque si vous voulez, sur le trottoir,
47:57 un pavage qui rappelle également que de l'étang de Saint-Jean
48:01 à cette maison, le corps de Charles avait été déplacé.
48:06 - Merci Laurent Chang pour cet entretien
48:10 et cette réhabilitation de Charles le Téméraire.
48:15 - Je l'assume.
48:16 - Ça valait le coup.
48:17 - Je dois être Laurent, je l'assume.
48:19 - Non mais... et puis je rappelle donc votre ouvrage,
48:23 Charles le Téméraire, plein de jolis,
48:27 petit ouvrage mais très bien fait
48:29 avec plein de jolies petites illustrations.
48:31 Et très très rapidement, on s'aperçoit que jusqu'en 1917,
48:35 il y a des représentations encore,
48:38 je vois une représentation de la bataille de Mora.
48:40 - Ah mais pour les Suisses, c'est très important.
48:42 Pour les Suisses, ce sont des batailles fondatrices
48:45 de l'identité Suisse, avec Sempart et Morgarten
48:49 qui sont des batailles plus anciennes.
48:51 Mora et... oui oui bien sûr, Mora et Grandson
48:54 sont des batailles très importantes.
48:56 - On n'a malheureusement pas le temps de parler de la Suisse,
48:58 vous reviendrez pour en parler.
49:00 En attendant, vous allez retrouver Christopher Lanne
49:02 et la petite histoire.
49:03 Vous n'oubliez pas bien sûr de cliquer sur le pouce levé
49:05 sous la vidéo et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
49:09 Merci et à bientôt.
49:11 - Bienvenue dans la petite histoire.
49:18 Pour cet épisode, on va parler d'une bataille.
49:21 J'aime bien quand on parle des batailles, au moins,
49:23 il se passe quelque chose, il y a de l'action
49:25 et là en l'occurrence, c'est important puisqu'il s'agit
49:27 de la bataille de Castillon, 1453,
49:30 qui a fait perdre la Guyenne, c'est-à-dire la région
49:32 actuelle de Bordeaux, aux Anglais,
49:35 et qui a mis un terme militairement parlant
49:37 à la guerre de Cent Ans.
49:39 Vous avez vu, en plus, on brise de l'anglois,
49:41 alors ça vaut le coup. Allons-y.
49:43 [Générique]
50:04 Donc, bataille de Castillon, 453.
50:07 Que s'est-il passé juste avant, puisqu'il faut remettre
50:10 dans le contexte encore une fois,
50:12 la France a presque été intégralement libérée
50:14 de l'occupation anglaise.
50:16 Ce, depuis l'arrivée miraculeuse,
50:18 providentielle, de Jeanne d'Arc.
50:20 Ceux qui ont suivi mon cours savent de quoi je parle,
50:22 et ceux qui ne l'ont pas encore suivi,
50:24 je vous mets un petit lien ici, voilà.
50:26 Le roi de France, Charles VII,
50:28 a fait la paix avec les Bourguignons,
50:30 ça c'est déjà une très bonne chose, Paris a été
50:32 repris, et la Normandie aussi,
50:34 suite à la célèbre bataille de Formigny,
50:36 en 1450.
50:38 Il ne restait aux Anglais sur le continent que Calais,
50:40 bon ça c'est pas très important,
50:42 et la Guyenne, je l'ai dit, c'est la région de l'actuel Aquitaine.
50:44 La Guyenne avait pourtant déjà
50:46 été réoccupée par les Français
50:48 après la prise de Bordeaux en 1451,
50:50 donc deux ans plus tôt.
50:52 Et la guerre de Cent Ans, ma foi, aurait pu s'arrêter ici.
50:54 Mais les Bordelais,
50:56 vous connaissez les Bordelais,
50:58 ils se sont vite à coquiner avec les Anglais,
51:00 suite à cette occupation,
51:02 et ils se sont vite lassés de la présence française,
51:04 puisque les Anglais
51:06 ménageaient leurs droits communaux,
51:08 leur autonomie, et leur acheter du vin.
51:10 On va pas se mentir.
51:12 Donc, les Bordelais, mécontents
51:14 que la France ait récupéré la Guyenne,
51:16 se sont mis en catimini
51:18 à négocier avec les Anglais, à faire revenir les Anglais,
51:20 et sont entrés en révolte.
51:22 Le roi d'Angleterre, Henry VI, va donc répondre
51:24 à leur demande, et envoyer
51:26 un corps expéditionnaire de 3000 hommes
51:28 commandés par John Talbot,
51:30 le même John Talbot dont on a parlé
51:32 pour le siège d'Orléans.
51:34 Sauf que là, il est vieux, il a 80 balais le mec.
51:36 Face à cela, Charles VII va envoyer
51:38 lui aussi une armée puissante,
51:40 forte d'au moins 8000 hommes,
51:42 renforcée par des cavaliers bretons
51:44 et des francs-archers, qui sont
51:46 des soldats de métier, c'est une innovation
51:48 de l'époque. Et surtout,
51:50 une puissante artillerie de 300 canons
51:52 commandée par Jean Bureau.
51:54 Et ça aussi, l'artillerie, c'est une autre innovation
51:56 de l'époque, puisque avant, l'artillerie
51:58 était surtout utilisée pour les sièges,
52:00 et là, Charles VII, ce qu'il a à sa disposition,
52:02 c'est une véritable artillerie de campagne.
52:04 Donc, l'armée française va entrer en Guyenne,
52:06 elle va mettre le siège devant la ville
52:08 de Castillon, et installer
52:10 un camp retranché, un peu en retrait,
52:12 où l'artillerie va être minutieusement
52:14 positionnée. Les Castillonnais
52:16 qui subissent le siège des Français
52:18 vont appeler les Anglais, vont prévenir
52:20 Talbot, Talbot va donc
52:22 décider de répondre à leur demande, et il va
52:24 envoyer une armée de 6000 hommes
52:26 renforcée par des Gascons. Lorsque les Anglais
52:28 arrivent à Castillon, les Français
52:30 qui sont en train de mettre le siège
52:32 devant la ville, vont se replier
52:34 vers le camp retranché. Les Anglais arrivent,
52:36 les Castillonnais leur disent "ben voilà,
52:38 les Français se sont repliés, donc Talbot
52:40 suppose que les Français
52:42 sont en train de battre en retraite, et il pense
52:44 que c'est le bon moment pour les attaquer,
52:46 pour se lancer à leur poursuite. Il décide
52:48 donc de se lancer à leur poursuite,
52:50 sans attendre son artillerie qui
52:52 était empétrée dans des chemins boueux,
52:54 il se lance à la poursuite des Français,
52:56 et lorsqu'il les rencontre,
52:58 nous y arrivons, c'est la bataille
53:00 de Castillon qui commence. Nous sommes le
53:02 17 juillet 1453,
53:04 alors il n'y a pas de témoins directs
53:06 qui ont rapporté cette bataille, c'est pourquoi
53:08 il faut prendre tous ces faits
53:10 avec des pincettes. Néanmoins,
53:12 ce qui est sûr, c'est que les Anglais,
53:14 une fois qu'ils sont arrivés dans la plaine
53:16 de la Colle, à proximité du
53:18 camp retranché des Français, ont été
53:20 accueillis par un feu nourri d'artillerie.
53:22 Alors ça a été une surprise totale
53:24 pour eux, ils arrivent, ils savent pas à quoi
53:26 s'attendre, ils pensent se retrouver face à des Français
53:28 en fuite, et là, boum ! Les Anglais
53:30 sont totalement déboussolés, ils font
53:32 descendre leurs cavaliers pour éviter que les
53:34 chevaux soient tués sous eux,
53:36 et ils lancent tout de même plusieurs offensives.
53:38 Malgré l'artillerie, les
53:40 Anglais font quand même preuve de détermination,
53:42 ils lancent plusieurs assauts qui sont
53:44 tous repoussés. Et au bout d'un
53:46 moment, les Bretons, qui étaient en soutien
53:48 des Français et qui étaient à l'arrière,
53:50 vont décider de rejoindre
53:52 les Français, et là on ouvre les portes du
53:54 camp, et l'assaut est donné sur les
53:56 Anglois. L'attaque est puissante,
53:58 soutenue auparavant par l'artillerie,
54:00 donc autant vous dire que les Anglais
54:02 sont totalement éparpillés, désorganisés,
54:04 c'est la panique,
54:06 et ils se mettent déjà à battre en retraite
54:08 et à fuir. Les Anglais s'enfuient,
54:10 donc certains vont jusqu'à se noyer
54:12 en masse dans la Dordogne,
54:14 et d'autres se replient dans Castillon.
54:16 C'est une victoire totale pour les Français,
54:18 une victoire décisive, le bilan,
54:20 côté Français, il est léger, une centaine
54:22 de tués et blessés, et côté Anglais,
54:24 3 à 4 000 pertes,
54:26 c'est-à-dire les tués, les blessés,
54:28 et les prisonniers compris. Durant cette
54:30 bataille, John Talbot, je vous l'ai dit,
54:32 qui avait 80 ans, qui restait sur son
54:34 cheval, a été tué lui aussi,
54:36 parce que depuis sa capture, il n'avait
54:38 plus le droit de porter d'armes,
54:40 et de porter de signes distinctifs de sa
54:42 fonction. C'est pourquoi il a été pris pour un simple
54:44 soldat, et il a été abattu comme un autre.
54:46 Deux jours plus tard,
54:48 les Français mettent le siège devant Castillon,
54:50 et la ville tombe, donc on récupère
54:52 pas mal de prisonniers, les Anglais qui s'étaient
54:54 repliés sur Castillon, et ensuite
54:56 vient le tour de Bordeaux, les Français
54:58 continuent leur avancée, mettent le siège
55:00 devant Bordeaux, et la ville se rend
55:02 sans combattre le 14 octobre
55:04 1453. Et voilà,
55:06 c'est fait, les Anglais sont
55:08 rejetés à la mer, définitivement,
55:10 bondé barra, et la Guyenne
55:12 redevient française, et le
55:14 restera. Je l'ai dit, c'est la victoire qui
55:16 clôt militairement parlant
55:18 la guerre de Cent Ans, mais cette victoire,
55:20 qui va intervenir quelques semaines seulement
55:22 après la chute de Constantinople,
55:24 n'aura pas eu un retentissement
55:26 digne des grandes défaites
55:28 de Crécy ou d'Azincourt.
55:30 Néanmoins, grâce à cette victoire française
55:32 décisive, et bien, la
55:34 guerre de Cent Ans est pratiquement terminée,
55:36 les Anglais ne possèdent plus sur
55:38 le continent que Calais.
55:40 Calais tombera un siècle plus tard
55:42 en 1558.
55:44 C'est une grande victoire française, Castillon,
55:46 ce sont des noms à retenir, puisqu'à
55:48 l'école, aujourd'hui, on nous parle de Crécy,
55:50 d'Azincourt, de Poitiers, trois
55:52 grandes défaites, et puis sans parler des défaites
55:54 ultérieures, mais là, concernant cette
55:56 période de la guerre de Cent Ans, c'est
55:58 vraiment Crécy, Poitiers, Azincourt.
56:00 Et on ne parle jamais, jamais,
56:02 de Pathey, de Castillon,
56:04 de Formigny, de
56:06 toutes ces victoires françaises qui sont venues
56:08 finalement clore la guerre de Cent Ans
56:10 à notre avantage, qu'on a quand même gagné
56:12 cette guerre. Voilà, c'est tout pour moi,
56:14 j'espère que vous avez mieux compris
56:16 comment s'est terminée militairement la guerre
56:18 de Cent Ans, grâce à cette victoire
56:20 décisive des Français à Castillon.
56:22 [Musique]
56:24 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
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