SMART TECH - La grande interview de Mathieu Vidal (Villes Internet)

  • il y a 9 mois
Mercredi 3 janvier 2024, SMART TECH reçoit Mathieu Vidal (président, Villes Internet)

Category

🗞
News
Transcription
00:00 (Générique)
00:06 Je suis en compagnie de Mathieu Vidal, bonjour.
00:08 Bonjour.
00:08 Vous êtes enseignant-chercheur en géographie et aménagement à l'université Jean-François Champelion d'Albi,
00:14 membre du liste CIO du CNRS à Toulouse.
00:18 Et je vous ai rencontré la première fois, c'est à l'occasion du 5e congrès des élus au numérique,
00:23 lors duquel vous avez adressé une motion au gouvernement pour déployer des politiques plus justes, plus efficaces, plus soutenables et plus sûres.
00:33 Motion qui est désormais entre les mains de Dominique Fort,
00:35 donc la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
00:39 Et c'est le résultat d'un travail qui a été porté par l'association Ville Internet, dont vous êtes le président.
00:46 Alors, Ville Internet, il faut quand même signaler, on en entend en général parler pour la délivrance d'arts aux bases dans les villes,
00:53 mais ce n'est pas seulement un label qui délivre des arts aux bases, Ville Internet, rassurez-moi.
00:57 Exactement, je vous rassure, Ville Internet, c'est une association, une association transpolitique,
01:04 qui réunit 460 membres des collectivités de toutes tailles.
01:10 La plus petite collectivité membre a 42 habitants, me semble-t-il, et la plus grande, c'est l'euro-métropole de Strasbourg.
01:17 Traditionnellement, l'association est présidée par un universitaire depuis ses débuts.
01:24 L'universitaire que je suis a fait un pas de côté et il est élu depuis 2020.
01:29 Mais néanmoins, oui, l'association Ville Internet est certes connue et reconnue pour son label, mais on va en parler.
01:38 C'est aussi un réseau d'acteurs.
01:41 C'est aussi un atlas en ligne qui permet de repérer les bonnes pratiques des collectivités sur les territoires.
01:49 Et c'est aussi une association qui porte la voix de ses adhérents, notamment par la motion dont vous signaliez l'existence tout à l'heure.
01:59 Alors vous avez parlé des plus petites villes, des plus grandes.
02:01 Je n'ai pas entendu Paris et Paris n'a pas d'art aux bases.
02:04 Alors Paris n'a pas d'art aux bases, mais en même temps, l'île de France et la région qui compte le plus grand nombre, me semble-t-il, de collectivités, 5 arts aux bases qui sont labellisées.
02:18 Le maximum. Le maximum, oui, dans notre association.
02:22 Peut-être que Paris viendra ou reviendra auprès de l'association pour valoriser tout le travail qui est fait.
02:30 Paris n'est pas membre de Ville Internet, tout simplement ?
02:34 Paris n'est pas membre et n'est pas candidate au label.
02:36 Il y a deux éléments à distinguer.
02:38 Il y a le fait d'être membre de l'association et parmi les 450 membres, il y a environ 260 membres tous les ans qui sont candidats à ce label.
02:48 Alors on va parler de cette motion. C'est intéressant, vous faites 46 propositions autour de 4 enjeux avec des propositions concrètes.
02:56 J'aurais aimé qu'on puisse discuter de certaines. Je vais vous laisser les choisir.
03:02 Lesquelles vous semblent les plus importantes, peut-être les plus urgentes ?
03:06 L'une des plus urgentes, c'est quand même la question du réseau, même si on voit et on sent...
03:12 La connectivité.
03:14 Oui, la question de l'accessibilité de manière générale à Internet, la question de la fibre sur les territoires.
03:22 C'est encore un sujet aujourd'hui.
03:24 Je suis géographe, c'est une des fractures numériques qui est en train de se réduire, certes.
03:31 On ne peut pas nier ça. Il y a des gros efforts qui sont faits sur les territoires.
03:35 Néanmoins, dans les territoires ruraux, ça reste un enjeu. Dans les territoires ultramarins, c'est extrêmement compliqué.
03:45 On a des membres dans l'association de territoires ultramarins qui, sans cesse, tous les ans, lèvent le doigt sur cette question.
03:54 Parce qu'il y a des retards.
03:56 Et puis, sans donner mon adresse, j'habite en centre-ville d'une ville moyenne.
04:01 Et moi-même, je n'ai pas encore accès à la fibre.
04:05 Donc il y a véritablement un travail à faire.
04:07 Il y a quand même ce plan France Très Haut Débit qui est en passe d'aboutir.
04:11 Comment avez-vous entendu l'engagement de Jean-Noël Barrault, le ministre en charge du numérique,
04:17 d'aider financièrement les Français qui n'auront pas la fibre optique, parce que visiblement on n'atteindra pas ses 100%,
04:24 mais de les aider avec l'abonnement, en tout cas participer aux frais pour s'abonner à une offre satellitaire ?
04:33 Oui, alors il y a différents niveaux dans ce qu'on évoque.
04:37 Il y a la technologie qui sera utilisée pour accéder à Internet.
04:44 Et il y a aussi la capacité des foyers à payer cet abonnement par le satellite.
04:51 Ce n'est pas forcément beaucoup plus cher que par la fibre par endroit ou selon les fournisseurs.
05:02 Ça va dans le bon sens, on ne peut pas dire le contraire.
05:05 Et surtout, il faut avoir à l'esprit que Ville Internet n'est pas là pour s'opposer aux bonnes choses qui sont proposées par le gouvernement et les ministères.
05:16 Absolument pas, mais on est là quand même pour lever la main de temps en temps et pour dire que,
05:21 par exemple, la question des sous-traitants sur les territoires, elle est compliquée.
05:26 Les sous-traitants vont bien souvent pointer du doigt la collectivité, alors que ce n'est pas la collectivité qui est en tort.
05:34 Ils ne peuvent pas arriver jusqu'au foyer des habitants pour mettre la fibre.
05:43 Donc la question du satellite peut se poser dans certains cas très particuliers.
05:48 En revanche, pour des questions d'équité, il faut privilégier la fibre au maximum.
05:55 L'autre sujet que vous avez envie de porter, c'est accompagner la stratégie numérique responsable face à l'urgence de la transition écologique.
06:04 Ça fait quand même des sujets très complexes, ça à gérer au niveau des collectivités, à la fois cette transition numérique qui n'est pas aboutie,
06:11 qui n'est pas terminée, c'est-à-dire que ce ne sera jamais terminé, c'est un chantier permanent, et la transition écologique.
06:16 Oui, il faut concevoir la question du numérique de manière absolument transversale.
06:24 Et dans les collectivités, effectivement, on compte de plus en plus d'élus au numérique.
06:30 On en compte presque 1 200 en France.
06:33 C'est un travail qui est fait d'ailleurs.
06:36 Cet annuaire est porté par Ville Internet en partenariat avec la FNCCR.
06:42 Et on va aboutir à quelque chose très prochainement qui est très intéressant.
06:47 Mais effectivement, nous avons... J'ai perdu le fil de votre question, pardon.
06:54 Vous disiez que ça faisait beaucoup de chantier, à la fois transition numérique et transition énergétique.
06:58 Mais les élus au numérique et les maires des petites communes de manière générale doivent porter ces enjeux du numérique
07:08 de manière absolument transversale.
07:12 Et il faut que ça marche.
07:14 Quand on est citoyen, on s'en fiche de qui gère quoi, mais il faut que ça fonctionne.
07:20 Et en revanche, la question du numérique doit être réfléchie dès l'amont pour qu'elle ait un impact environnemental le plus faible possible.
07:32 Alors à Ville Internet, ça fait quelques années déjà, avec l'Institut pour un numérique responsable, d'ailleurs, l'INR,
07:39 qu'on a valorisé les actions de quelques collectivités qui sont dynamiques en matière de numérique responsable
07:47 en accordant une arrobase verte parmi les cinq arrobases.
07:53 Donc effectivement...
07:54 Ça peut jouer un rôle modèle aux autres collectivités.
07:57 C'est l'objectif, oui, de sensibiliser les autres, mais il s'agit aussi de sensibiliser les collectivités, mais les citoyens,
08:07 au fait que ce n'est pas parce que la donnée est de moins en moins chère à produire qu'on se doit de produire indéfiniment cette donnée.
08:15 Ce n'est pas parce que les matériels sont relativement moins coûteux qu'on peut se permettre d'en acquérir de plus en plus
08:25 sans réfléchir à ce qu'ils deviendront après.
08:28 C'est toute une stratégie, de l'amont jusqu'à la fin des projets, qu'il s'agit d'avoir en tête.
08:32 Et où est-ce que le gouvernement peut intervenir là-dessus ? Parce que c'est une motion déposée entre les mains des décideurs,
08:38 que nous avons dit politiques.
08:40 Oui, complètement.
08:41 Qu'est-ce que vous attendez de...
08:42 C'est une motion qui est portée par l'association, qui se fait le porte-parole de ses membres, évidemment,
08:49 qu'on a discutée avec la ministre, qui en retiendra certains aspects à n'en pas douter,
08:57 mais qui est là aussi pour permettre de faire infuser certaines idées, que ce soit de manière très pratico-pratique,
09:06 la question des campagnes de communication sur le numérique, qu'on souhaiterait voir se déporter sur les territoires,
09:15 que les territoires puissent se les approprier et les déployer elles-mêmes, par exemple.
09:21 La question d'avoir des modèles de documentation pour éviter d'avoir à refaire les choses d'une collectivité à l'autre.
09:29 On perd du temps en permanence sur ce genre de choses.
09:33 La question de faciliter des réponses à des gros appels à projets par la confiance, par exemple,
09:39 et permettre à un territoire d'obtenir des financements, ça se fait sur certains territoires,
09:45 d'obtenir des financements sur un projet ciblé sur le numérique, etc. Il y a beaucoup de choses.
09:54 La Ville Internet va fêter ses 25 ans en février. J'imagine qu'entre le projet de départ et là où on en est aujourd'hui,
10:04 ça a pas mal évolué. Mais aussi, quelles sont peut-être déjà les évolutions auxquelles vous pensez pour les prochaines années ?
10:11 Peut-être les 25 prochaines années ?
10:13 Alors, effectivement, pour en tout cas quelques années de plus, le 8 février prochain, nous fêterons les 25 ans de l'association
10:24 dans les locaux de l'Assemblée nationale. C'est un temps fort pour l'association,
10:30 puisque l'association a évolué, à n'en pas douter, depuis 1998 le premier label, et 2003 la création de l'association elle-même.
10:43 Ce sont des échanges que nous avons d'ici au 8 février qui nous permettront de présenter une feuille de route ce 8 février.
10:57 Vous pouvez nous dire déjà ce qu'on trouvera dans cette feuille de route ?
11:02 Si j'avais un terme à vous donner aujourd'hui, c'est la question des valeurs.
11:09 C'est le numérique citoyen, c'est l'Internet citoyen, c'est ce que nous voulons que nos relations soient entre les citoyens
11:21 et leur collectivité, et entre ces mêmes collectivités et l'Etat et les entreprises de l'écosystème du numérique.
11:29 À quoi ça ressemblerait un Internet citoyen ?
11:32 Alors, ça ressemble à beaucoup de choses. Ça ressemble au quotidien de tous ces citoyens qui sont dans les villes,
11:37 qui sont labellisés par l'association, mais ça prend différentes formes.
11:42 C'est inclusif ?
11:43 C'est inclusif. Ce n'est pas tout numérique, parce qu'au contraire, c'est quelque chose qui nous tient à cœur.
11:53 Nous avons connaissance des enjeux...
11:56 Vous n'êtes pas technocritique, mais vous dites "attention, il faut garder l'humain toujours au centre de la relation".
12:01 Non, complètement. Faisons avec le numérique, qui est absolument fondamental et qui est présent absolument intrinsèquement dans notre société.
12:09 Néanmoins, c'est ce chiffre qui revient très régulièrement, mais il y a 13,5 millions de Français qui ne sont pas à l'aise avec le numérique.
12:20 On parle d'électronisme, à des niveaux très différents, mais on ne peut pas faire comme si tous les Français étaient désacharnés du numérique,
12:33 et en tout cas extrêmement à l'aise.
12:35 Il faut aller au-delà des idées préconçues, qui voudraient même que les jeunes soient à l'aise avec le numérique.
12:41 Ce n'est pas vrai, ils sont à l'aise avec les réseaux sociaux, mais dès que vous les mettez sur un formulaire un peu plus complexe, ils sont rapidement perdus.
12:49 Non, non, "Vis l'Internet et le numérique citoyen", c'est un numérique inclusif, c'est aussi un numérique libre quand on peut. La place du logiciel libre.
13:03 Oui, libre et open source.
13:07 Ce sont des valeurs aussi d'engagement, de transparence des collectivités par rapport à tout ce qu'elles font, de participation citoyenne, c'est important.
13:18 Et le numérique peut aider à plus de participation des habitants.
13:23 Dans le jeu démocratique.
13:25 Dans le jeu démocratique, oui, très clairement, par une participation en ligne, par la question des budgets participatifs.
13:32 On sait que le nombre de budgets participatifs double, je crois, tous les deux ans en France, portés par les collectivités.
13:40 Donc on a là un outil qui permet au plus grand nombre de participer à la vie de la cité.
13:46 Alors, je voudrais qu'on termine notre entretien par l'interview express. Vous allez voir, c'est des questions binaires.
13:51 Oui.
13:52 Je vous laisse répondre comme vous le souhaitez. Oui ou non, il faut être un geek pour présider "Vis l'Internet".
13:56 Non, un grand non.
13:59 Pour ou contre, travailler avec des partenaires privés, pourquoi pas étrangers même d'ailleurs, pour gérer la transformation numérique d'une collectivité locale.
14:07 Alors, il ne faut pas se l'interdire, mais il faut le faire avec conscience et en sachant ce qu'on veut.
14:15 J'aime ou j'aime pas ceux qui parlent de digitalisation des services publics ?
14:20 C'est un terme que vous employez, ça ?
14:26 Non, que je n'emploie pas, mais si ça contribue à sensibiliser l'ensemble des acteurs sur ces enjeux-là, pourquoi pas.
14:36 J'y crois ou j'y crois pas à un Internet citoyen, justement ?
14:40 J'y crois absolument.
14:42 C'est mieux ou moins bien pour l'aménagement du territoire, maintenant que le gouvernement a décidé, je vous en ai parlé tout à l'heure,
14:48 d'aider les foyers privés de fibre optique à se connecter via une offre satellite ?
14:52 C'est forcément mieux, mais il y avait peut-être aussi d'autres solutions.
14:57 Rêve ou cauchemar, les nouvelles législations nationales et européennes pour les villes ? Je pense à la loi Rennes, je pense aussi à Nice 2 sur la cybersécurité.
15:09 C'est une nuit compliquée, on va dire, c'est entre le rêve et le cauchemar, mais c'est une nuit blanche pour les administratifs et les élus au numérique.
15:21 Mais c'est aussi la démonstration que l'ensemble des enjeux relatifs au numérique sont de plus en plus pris en compte, y compris dans la loi, et ça, ça va de l'avant.
15:32 Alors, pour ceux qui ne regardent que l'interview express, je vous repose la question. Vrai ou faux, Paris n'a pas d'arrobase ?
15:38 C'est vrai.
15:39 Mais pour quelle raison, on va le dire quand même ?
15:41 Tout simplement parce qu'ils ne sont pas membres de l'association. Après, on peut aussi se dire qu'en fonction du niveau de services qui sont proposés par les collectivités,
15:55 certains trouvent plus d'intérêt que d'autres à être membres de l'association.
16:00 Mais je ne doute pas que si les élus au numérique des arrondissements et de la ville de Paris regardent avec attention ce qui est fait à Ville Internet, ils ne tarderont pas à nous rejoindre.
16:11 Et puis en plus, ils écoutent Smartech.
16:13 Je n'en doute pas.
16:14 Merci beaucoup Mathieu Vidal. Je rappelle que vous êtes le président de Ville Internet et vous êtes venu d'Halluy pour nous expliquer quelles sont vos propositions très concrètes pour le gouvernement, pour avancer vers cet Internet citoyen.
16:27 On termine cette édition avec notre rendez-vous avec la ville à numéris. On va voir quels sont ces sujets qui feront 2024.

Recommandations