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"Sylvie Reviriego, la dépeceuse de Tours" / En 1988, Sylvie Reviriego est surnommée "la dépeceuse de Tours" dans la presse. Elle est accusée d'avoir tué sa meilleure amie et d'avoir découpé son corps sur le balcon. Ses avocats proposent une défense inédite à l'époque : c'est le traitement que suivait Sylvie Reviriego qui serait à l'origine de ce crime. Trente ans plus tard, les protagonistes de l'affaire reviennent sur ce dossier hors du commun.

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Transcription
00:00 La justice ne répond à aucune des questions importantes dans cette affaire.
00:03 C'est tout.
00:04 On sait simplement que Sylvie Réviriego a tué d'une façon atroce
00:09 celle qui avait été son amie.
00:11 ♪ ♪ ♪
00:40 ♪ ♪ ♪
00:48 Sylvie Réviriego.
00:49 En 1988, la presse l'a surnommée "la dépeceuse de Tours".
00:55 Parce qu'elle avait tué sa meilleure amie
00:57 et tenté de faire disparaître son corps en le découpant sur son balcon
01:01 et en mettant sa tête dans un four.
01:04 ♪ ♪ ♪
01:06 - Elle va s'attacher à détruire la tête.
01:08 Elle va effectivement s'acharner sur un cadavre.
01:11 Pourquoi Sylvie Réviriego a-t-elle basculé dans l'horreur ?
01:16 - Elle était mère de deux enfants.
01:17 Elle avait un travail.
01:19 Elle avait passé des examens pour être soignante.
01:22 Elle était bien intégrée dans la société.
01:26 Pour la Défense, c'est son traitement amincissant
01:29 qui l'a conduite à la psychose et à commettre ce crime.
01:33 Une explication inédite à l'époque.
01:37 - Je pense que la justice est passée à côté de la vérité.
01:41 30 ans plus tard, les mêmes interrogations demeurent.
01:44 - Il peut y avoir dans cette affaire une terrible erreur judiciaire.
01:49 Avec Imen Gouali, nous avons décidé de retrouver les protagonistes de cette affaire
01:54 et d'analyser avec eux les conséquences et les répercussions de ce dossier hors norme.
02:00 ♪ ♪ ♪
02:03 - 19h45, le verdict tombe.
02:06 Sylvie Réviriego est condamnée à la prison à perpétuité.
02:09 Le jury de la cour d'assises d'Indre-et-Loire
02:11 ne lui a reconnu aucune circonstance atténuante
02:14 pour le meurtre de Françoise Gendron.
02:16 ♪ ♪ ♪
02:20 Tout commence le 13 décembre 1988.
02:24 Des agents d'entretien découvrent 2 sacs poubelles
02:27 sur le parking de l'hôpital de Tours.
02:30 ♪ ♪ ♪
02:33 A l'intérieur, des morceaux de corps humain.
02:37 - On a cru que c'était des carabins, des étudiants en médecine
02:41 qui avaient fait une farce, voilà.
02:44 Et donc, on découvre d'abord le tronc
02:47 et quelques jours après, les membres sur une zone commerciale de Chambray,
02:52 c'est-à-dire pas très loin de l'hôpital Trousseau, à 1 ou 2 km.
02:55 ♪ ♪ ♪
02:57 - Un tronc, des membres, mais pas de tête.
03:00 ♪ ♪ ♪
03:01 Difficile donc d'identifier ce corps sans visage.
03:04 Tout ce que l'on sait, c'est qu'il s'agit d'une femme.
03:07 Les recherches dans le fichier des empreintes digitales
03:11 créées l'année précédente, en 1987, ne donnent rien.
03:16 Les policiers décident alors de passer un appel à témoins
03:20 dans le journal local.
03:22 - Les policiers m'ont demandé de mettre un détail
03:25 dans le papier que j'allais écrire.
03:27 C'était une mycose dans le dos de la victime.
03:30 Et le matin où mon article est passé,
03:33 il y a eu 3 coups de téléphone anonymes à la PJ
03:36 disant "Voilà, la victime, c'est Françoise Gendron."
03:39 Françoise Gendron, une mère divorcée de 38 ans.
03:45 Les policiers se rendent chez elle.
03:49 Personne.
03:51 Les voisins affirment qu'ils ne l'ont pas vue depuis plusieurs jours.
03:55 Quant à ses proches, ils n'en savent pas plus.
03:59 Son unique fils, Cyril, fait son service militaire, loin de Tours.
04:04 Il y a bien un homme dans la vie de Françoise,
04:07 mais lui aussi est sans nouvelles.
04:09 Il n'a eu qu'un coup de fil d'une de ses amies
04:12 qui lui annonçait que Françoise partait en vacances.
04:15 Cette amie, c'est Sylvie Reviriego, aide-soignante à l'hôpital de Tours.
04:22 Les 2 femmes se connaissent depuis l'enfance
04:25 et font partie depuis quelque temps
04:27 d'une même petite bande d'amis.
04:30 - Ces personnes se fréquentaient dans une discothèque de Tours
04:36 où il y avait un étage pour les cadragénaires en recherche de contacts.
04:40 - Dans ce petit groupe de fêtards, il y avait 2 hommes,
04:47 mais l'enquête les met rapidement hors de cause.
04:50 Reste alors Sylvie Reviriego.
04:56 Les policiers perquisitionnent son appartement.
04:59 A l'intérieur, d'étranges petites tâches brunes autour de la baignoire.
05:04 Les enquêteurs trouvent aussi des bijoux appartenant à Françoise.
05:10 Sylvie Reviriego est placée en garde à vue.
05:16 Après quelques heures d'interrogatoire, elle craque.
05:20 - Elle a dit "Bon, je n'arrête pas de vous mentir,
05:25 bon, finalement, c'est moi qui ai tué."
05:28 Sylvie Reviriego raconte en détail ce lundi 12 décembre 1988.
05:34 Elle est d'abord allée chez Françoise pour tenter de la tuer
05:39 en jetant un sèche-cheveux dans son bain.
05:42 Mais son projet d'électrocution n'a pas fonctionné.
05:46 Alors, elle a invité son amie dans son propre appartement.
05:51 Là, elle lui a offert un thé.
05:54 Bourrée d'anxiolithique.
05:56 - Sylvie entraîne Françoise vers la salle de bain,
06:06 lui fait reprendre à nouveau un breuvage
06:10 et, sous prétexte de lui faire du bien, lui dit qu'il va prendre un bain
06:13 et donc la baigne jusqu'à la baignoire.
06:16 Sylvie Reviriego maintient la tête de son amie sous l'eau.
06:22 Un long moment.
06:24 Puis elle lui tranche les veines
06:27 jusqu'à ce que Françoise se vide de son sang.
06:31 - Elle fait couler l'eau pour que le sang parte.
06:36 Donc, lorsque le sang est vidé,
06:39 elle retire avec sans doute beaucoup de difficulté le corps.
06:43 Elle essaye de le découper.
06:45 - Le dépeçage s'avère plus difficile que prévu.
06:51 Les enfants de Sylvie ne vont pas tarder à rentrer de l'école.
06:54 Elle enveloppe la dépouille de son amie dans un tapis
06:57 et la cache sur le balcon de sa chambre.
07:01 - L'extraordinaire se passe après
07:05 et avec une organisation qui pose question
07:09 parce que ces enfants revenaient manger,
07:13 elles cachaient le cadavre, elles leur faisaient à manger.
07:15 Quand ils étaient partis, elles ressortaient le cadavre.
07:18 Et ça dure 3 jours.
07:20 Sylvie Reviriego organise même une petite fête
07:24 pour les 14 ans de son fils.
07:26 Une fête prévue de longue date.
07:28 La soirée se passe bien.
07:30 Personne ne se doute de rien.
07:32 A peine se souviendra-t-on d'une petite phrase
07:35 lâchée par Sylvie à une invitée.
07:37 "Je me suis mise dans une drôle de galère."
07:40 Sitôt la soirée terminée,
07:42 Sylvie Reviriego se remet à la tâche.
07:45 - Le lendemain, les enfants repartent à l'école.
07:49 Et là, donc, elle coupe la tête.
07:52 Elle, donc, détache la tête du corps
07:54 et, nous dit-elle, elle la met sous un seau
07:57 pour ne pas la voir.
07:59 - L'aide soignante a l'impression que cette tête la nargue.
08:05 Elle ne sait plus quoi en faire.
08:08 Dans un premier temps,
08:12 elle s'occupe des autres morceaux du cadavre
08:14 qu'elle répartit dans des sacs poubelle
08:16 avant de s'en débarrasser sur le parking de l'hôpital
08:19 où elle travaille.
08:21 - Il reste la tête.
08:25 Et tous les soirs, pendant 3 soirs,
08:29 elle va donc s'attacher à détruire la tête.
08:33 Elle arrive à tirer et gérer les partières molles.
08:36 Elle en jette, nous dit-elle, dans les WC,
08:39 ainsi que les dents.
08:41 Des dents seront retrouvées,
08:42 mais elle n'arrive pas à détruire le crâne.
08:44 Le 2e soir, comme elle n'y arrive pas,
08:49 dans ses aveux, elle me dit...
08:52 "J'ai décidé de la mettre au four
08:55 "et de la faire cuire à 350 degrés."
08:57 - Sylvie Reviriego aurait mis la tête de son amie
09:01 dans son four en position pyrolyse.
09:04 Les policiers peinent à y croire.
09:06 Pour preuve, elle les conduit sur le pont de Chinon,
09:11 là où elle a jeté les morceaux de crâne restants.
09:14 - La chance a voulu qu'à l'endroit où ils ont été jetés,
09:22 il y avait un banc de sable
09:24 où le courant ne passait pas réellement,
09:26 de sorte que les sapeurs-pompiers qui sont intervenus
09:30 ont retrouvé les os dans un périmètre très, très restreint.
09:35 C'est ainsi que pratiquement tout le crâne a pu être reconstitué,
09:38 à part quelques parties qui avaient été jetées préalablement.
09:43 Mais une expertise a été faite, bien sûr,
09:47 et qui a confirmé ce à quoi nous ne croyions pas au début,
09:52 savoir que le crâne avait effectivement été porté à haute température.
09:57 (Générique)
10:00 ---
10:10 - Jean-Michel Cicluski,
10:12 vous êtes l'avocat du fils de Françoise Gendron, Cyril.
10:15 Comment apprend-il ce qui est arrivé à sa mère ?
10:18 - Je vois arriver un garçon qui est une boule de haine.
10:21 Je vais être confronté au problème de lui expliquer ce qui s'est passé.
10:25 Et quand on sait la manière dont les choses se sont passées,
10:30 le sort qui a été réservé à sa mère,
10:33 on ne peut pas lui balancer en bloc tout ce qui s'est passé.
10:36 - Elle était sa seule famille ?
10:38 - Alors oui, parce qu'il n'a pas de père,
10:41 ni frère, ni soeur, ni grands-parents, il n'a personne d'autre.
10:44 Il va y avoir un phénomène. J'ai l'âge d'être son père.
10:47 Et je vais me rendre compte assez rapidement qu'il y a un transfert,
10:50 une confiance qui se gagne,
10:52 et il va être, entre guillemets, assez obéissant.
10:56 - Il connaissait Sylvie Reviriego ?
10:58 - Oh, il avait dû la voir quelques fois.
11:00 Je n'ai pas le souvenir qu'il en pensait grand-chose, d'ailleurs.
11:03 Je veux dire, Sylvie Reviriego, on a entendu un certain nombre de témoins,
11:06 c'était une femme qui n'attirait pas particulièrement l'antipathie.
11:11 - Alors, une seule question se pose. Pourquoi ?
11:22 Pourquoi Sylvie Reviriego s'en est-elle prise à son amie avec tant de hargne ?
11:28 - Elle reprochait à François Gendron d'avoir une vie trop dissolue.
11:34 Ca paraît complètement démesuré par rapport au fait qu'on tue quelqu'un.
11:40 - Tellement démesuré que la justice fait tout pour comprendre.
11:46 2 experts psychiatres sont nommés pour examiner Sylvie Reviriego.
11:50 [Musique]
11:57 - Docteur Martin, vous rencontrez Sylvie Reviriego le lendemain de ses aveux,
12:01 à la maison d'arrêt d'Orléans. Comment est cette femme ?
12:05 - Nous nous attendions à trouver devant nous une malade mentale,
12:10 et on était surpris de la qualité de son récit et de sa lucidité.
12:17 Elle décrivait les choses sans aucune culpabilité, sans aucun remords.
12:24 - Que vous dit Sylvie Reviriego de ses relations avec François Gendron ?
12:29 - C'était la copine qui dirigeait tout, et elle se sentait toujours infériorisée.
12:34 François Gendron lui laissait les hommes qu'elle ne voulait pas,
12:38 en plus lui emprunter de l'argent.
12:41 Les hommes, l'argent, se sentant infériorisés parce qu'elle restait toujours à retrait,
12:46 ça a créé une tension entre elles. Avec le temps c'est devenu aussi de la haine.
12:51 - A la fin de cette première rencontre, quelles sont vos conclusions ?
12:55 - Qu'il s'agit d'une femme lucide, responsable, qui ne présente aucune pathologie mentale.
13:07 - Pour les psychiatres, Sylvie Reviriego ne relève donc pas de l'article 64 du code pénal.
13:14 Un article selon lequel il n'y a ni crime ni délit si l'accusé est en état de démence,
13:20 au moment des faits, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pas pu résister.
13:25 Dans ces cas-là, l'accusé n'est pas jugé, au lieu de la prison,
13:33 on l'enferme dans un hôpital psychiatrique pour le soigner.
13:36 - Est-ce que vous allez revoir Sylvie Reviriego pour confirmer ses premières impressions ?
13:44 - Nous l'avons revue 5 fois après ce premier entretien, donc 6 fois en total.
13:51 Et la deuxième fois, nous avons été très surpris du fait qu'il y avait une amnésie totale.
13:56 Elle reconnaissait à peine les expériences.
13:58 - Elle ne vous reconnaissait plus ?
13:59 - Elle ne nous reconnaissait plus.
14:00 Une amnésie à laquelle les psychiatres ne croient pas.
14:04 Tellement l'accusé leur a décrit avec force détail les faits et la scène de crime.
14:09 Quant à la partie civile, elle ne veut pas en entendre parler.
14:13 - Votre client, Cyril Gendron et vous, vous y croyez, cette histoire d'amnésie ?
14:16 - Pas une seconde.
14:19 Alors lui n'y croit pas parce qu'il n'a pas envie du tout de croire.
14:22 Quoi que ce soit qui vienne atténuer la responsabilité de cet criminel,
14:27 moi je n'y crois pas pour d'autres raisons.
14:30 - C'est-à-dire ?
14:31 - Il se trouve que j'ai à ce moment-là aussi d'autres clientes incarcérées
14:37 et que je sais pertinemment que pendant qu'elle raconte à la justice
14:42 qu'elle a oublié tout ce qui s'est passé,
14:45 elle raconte à ses camarades à la maison d'arrêt, par le détail, ce qui s'est passé.
14:51 - Autrement dit, cette amnésie était bienvenue ?
14:53 - J'ai connu des cas où, ce que les experts appellent l'amnésie salvatrice,
14:57 c'est-à-dire que quand on a effectivement commis des actes qui sont épouvantables,
15:02 il y a un travail de mémoire qui est phénoménal
15:05 et qui est permis par gommé, effectivement, ce qu'on a commis.
15:08 Là, c'était pas ça du tout.
15:10 C'était, à mon sens, un moyen de défense.
15:12 - Une défense qui a pourtant des arguments,
15:15 qui pourrait expliquer non seulement l'amnésie, mais aussi le passage à l'acte.
15:20 Car depuis quelques mois, Sylvie Reviriego n'était plus tout à fait la même.
15:25 - La vie de Sylvie a été quand même impousculée
15:28 lorsque, bon, elle a appris que son mari l'avait trempée.
15:31 Et a priori, elle n'a pas supporté.
15:34 Et donc, elle a décidé de quitter son mari
15:37 et est partie s'installer avec ses deux enfants, donc à Tours.
15:41 Et c'est à Tours où elle retrouve Françoise.
15:44 Françoise qui, dans l'intervalle, a mené une vie, elle, différente.
15:48 Bon, une vie faite de liberté, de petits boulots.
15:51 Elle a eu un fils.
15:53 Bon, elle n'est pas mariée.
15:55 Et elle a l'habitude de sortir, de sortir en boîte, d'aller en boîte,
15:59 de profiter de la vie.
16:01 [Musique]
16:21 - Maître Lison-Croze, vous êtes l'avocate de Sylvie Reviriego.
16:25 En 1988, c'est quelqu'un qui est mal dans sa peau.
16:30 - Elle vient de divorcer.
16:32 Elle se trouve trop grosse.
16:35 Et elle va voir un médecin
16:38 qui va lui prescrire un certain nombre de médicaments
16:44 pour la faire maigrir.
16:46 Elle a perdu 15, 17 kilos, je crois, Sylvie Reviriego.
16:51 En 5 mois de temps. 17 kilos !
16:54 - Qu'est-ce qu'il lui prescrit ?
16:57 - Des amphétamines.
16:59 Des extraits de thyroïde.
17:02 Des benzodiazépines.
17:04 Des diurétiques.
17:06 Ah, pas dans la même préparation.
17:09 Parce que ça, c'est interdit par la loi.
17:11 La loi Talon, de 1980.
17:14 Mais ça se retrouve sur la même ordonnance.
17:18 Et dans l'estomac de Sylvie Reviriego, tout ça se mélange.
17:22 - Ce traitement, maître, ça pourrait expliquer le crime ?
17:27 - Un crime pour le mobile qu'on a voulu lui prêter.
17:33 À savoir la jalousie qu'elle aurait nourrie
17:36 envers cet ami d'enfance qu'elle a retrouvé,
17:39 avec lequel elle sortait, qu'il l'agaçait, etc.
17:42 C'est un mobile quand même léger.
17:45 - La prise de ces médicaments
17:47 pourrait-elle expliquer l'amnésie dont elle se dit victime ?
17:50 - Les avis des médicaux ont été partagés sur le sujet.
17:56 Est-ce une amnésie salvatrice ?
17:58 C'est-à-dire, on tire le rideau, elle tire le rideau,
18:01 parce que c'est trop horrible.
18:03 Et puis, il y a d'autres médecins qui disent,
18:06 attention, elle prenait des benzodiazépines
18:09 et ça joue sur la mémoire.
18:14 En tout cas, il n'y avait pas de manipulation de mensonge chez elle.
18:20 Et vous avez un test,
18:23 c'est le test MMPI pratiqué par une psychologue,
18:28 et ils ont remarqué qu'elle avait la note basse
18:32 sur l'échelle du mensonge.
18:34 - Sylvie Reviriego a-t-elle été victime
18:40 de ce cocktail médicamenteux ?
18:42 Interrogées, les experts judiciaires sont catégoriques.
18:47 - Le médicament n'explique ni l'amnésie,
18:51 ni le passage à l'acte.
18:53 Les benzodiazépines peuvent provoquer une amnésie.
18:57 C'est connu.
18:59 Mais cette amnésie s'accompagne du trouble du comportement habituellement
19:02 et ne dure pas.
19:04 Alors, l'amphétamine crée, c'est sûr, une certaine nervosité,
19:08 une certaine tension nerveuse,
19:10 mais c'est insuffisant pour expliquer ce passage à l'acte,
19:17 à mesure où elle prenait l'amphétamine depuis 6 mois avant les faits,
19:21 et elle n'a jamais manifesté de nervosité particulière.
19:24 Il y a eu une surexpertise avec deux experts parisiens
19:28 qui ont conclu comme nous.
19:30 - Maître Lison-Croze, vous contestez les rapports
19:33 de ces deux collèges d'experts. Pourquoi ?
19:35 - Parce qu'ils se trompent,
19:37 et parce qu'ils évacuent très rapidement
19:41 cette psychose médicamenteuse.
19:44 Ils ne l'ont pas vue assez longtemps.
19:46 Il n'y a pas eu de prise de sang de fait à Sylvie Reviriego.
19:51 Cette prise de sang aurait dû être faite dès le départ.
19:56 J'ai demandé des contre-expertises toxicologiques.
20:00 Je ne les ai pas obtenues.
20:02 Avec mon confrère Jacques Léauté,
20:04 on a voulu faire venir le docteur Ollier,
20:08 qui, en voyant nos pièces,
20:10 en voyant les six ordonnances
20:14 de médicaments pour maigrir, a dit "Ouh là là !".
20:17 Mais ce n'est pas possible.
20:19 - Jean-Pierre Ollier, à la lecture du dossier,
20:36 que pensez-vous de ce cocktail de médicaments ?
20:39 - L'association amphétamines et hormones théraudiennes,
20:42 par exemple, provoquent chez certains animaux
20:45 des comportements à type d'assassinat
20:48 de leur propre progéniture.
20:50 Les amphétamines sont des substances
20:53 capables, chez chacun de nous,
20:55 d'entraîner une perte d'inhibition
20:58 de certains comportements
21:00 et de faire naître une idée fixe.
21:02 Par exemple, tuer sa meilleure amie, sans motif.
21:05 D'autre part, les benzodiazépines,
21:07 qui sont des médicaments tranquillisants,
21:09 sont aussi capables de provoquer des troubles du comportement.
21:12 - Ce qui semble bizarre dans le cas de Sylvie Reviriego,
21:15 c'est que, ce qu'on va appeler sa folie,
21:17 semble s'installer et durer plusieurs jours.
21:20 - Moi, je n'ai pas examiné cette personne.
21:23 Mais ce que je peux dire, c'est que quelqu'un
21:26 qui prend pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines
21:29 des substances telles que celles
21:32 qu'apparemment elle prenait,
21:34 cette personne, évidemment, va se trouver
21:36 dans un état psychotique durable
21:38 tout au long de la période
21:40 pendant laquelle elle prend les substances toxiques.
21:43 - Et puis, à côté de ces moments de folie,
21:45 elle semble mener une vie,
21:47 tout ce qu'il y a de plus normal.
21:49 Est-ce que ça s'accadre avec une psychose médicamenteuse ?
21:52 - Avec une psychose amphétaminique, oui, absolument.
21:55 C'est tout à fait typique.
21:57 La personne a une espèce de capacité rationnelle exagérée,
22:02 un contrôle émotionnel tout à fait singulier,
22:06 une absence d'émotivité, une espèce de froideur,
22:09 et en même temps, une incapacité
22:12 à véritablement critiquer l'acte
22:15 ou les actes qu'elle a commis du fait de sa psychose.
22:18 - Le procès s'ouvre devant la cour d'assises d'Indre-et-Loire
22:23 en juin 1991.
22:25 La défense a 3 jours
22:27 pour convaincre les jurés que ce sont les médicaments
22:30 qui sont en cause.
22:32 Et tout faire pour éviter à Sylvie Rodrigo
22:35 la peine maximale, la perpétuité.
22:38 - Les tours en jauve sont en ombre.
22:46 Pour venir assister à l'audience, les places étaient comptées.
22:50 Les gens faisaient la queue
22:52 une ou deux heures avant l'ouverture des portes.
23:04 - Dans quel état d'esprit Cyril Gendron,
23:07 le fils de Françoise, se rend-il au procès ?
23:10 - Oh là là ! Oh là là !
23:12 Je peux vous dire que rien...
23:14 Rien n'est apaisé.
23:16 Rien n'est apaisé.
23:18 Il va dans l'état d'esprit d'un garçon
23:20 qui ne peut imaginer une seconde
23:22 qu'elle ne prenne pas le maximum de la peine.
23:25 - Les avocats de l'accusé
23:27 sont tout aussi décidés que la partie civile.
23:30 Ce qu'ils visent, c'est tout bonnement
23:33 la fin des poursuites.
23:35 - Je souhaite une déclaration de non-culpabilité
23:38 parce qu'elle était malade, qu'elle est toujours malade.
23:41 Je veux qu'elle aille en hôpital psychiatrique.
23:44 - À la barre, les experts se succèdent.
23:49 Les psychiatres, bien sûr, mais aussi des pharmacologues.
23:52 La défense tente d'y opposer des témoins de moralité.
23:57 Les parents de Sylvie Reviriego, ses collègues de travail,
24:02 tous sont là pour convaincre la cour
24:05 qu'elle n'est pas le monstre qu'on prétend.
24:08 - J'ai toujours ce sentiment, bien longtemps après,
24:13 qu'il y avait un mur en face de nous.
24:16 Un mur.
24:18 Des jurés immobiles.
24:21 Un président et des assesseurs immobiles.
24:25 Pas de question.
24:27 Des visages fermés.
24:30 Non, vraiment...
24:32 Il n'y a pas eu de débat, si vous voulez.
24:36 - On avait l'impression, quand même, d'une justice
24:40 de notable et de gens entre eux.
24:43 Il y avait cet entre-soi des magistrats,
24:47 des experts judiciaires, des policiers enquêteurs,
24:51 d'une bonne société locale qui se protégeait
24:56 face à l'horreur absolue que constituait ce crime.
24:59 Et puis, on va droit vers la condamnation
25:02 avec une extrême bonne conscience,
25:06 fort de son savoir, fort de la puissance de la justice,
25:10 et puis, on y va.
25:12 Moi, j'ai le sentiment que la perpétuité ne fait aucun doute
25:15 que le procès est plié.
25:17 - D'autant que dans la salle d'audience,
25:20 un médecin manque à l'appel.
25:22 Celui qui a prescrit à Sylvie Reviriego
25:25 le fameux traitement amincissant.
25:29 - Le Conseil de l'ordre interdit à ce médecin généraliste
25:32 d'exercer pendant 3 mois.
25:34 Alors qu'ensuite, le médecin généraliste
25:37 ne soit pas cité à la barre comme témoin,
25:40 oui, c'est incroyable.
25:42 Franchement, on aurait aimé l'entendre
25:45 et le voir interroger, le voir s'expliquer.
25:48 - Comment se fait-il que ce médecin ne soit pas au procès ?
25:51 - Parce que, je vous dis, encore une fois,
25:53 avec Jacques Léauté, on avait comme information
25:55 qu'il était parti à l'étranger.
25:57 - Mais vous demandez à ce qu'on aille le chercher,
25:59 c'est un procès d'assise.
26:00 - On n'a pas demandé qu'on aille le chercher à l'étranger.
26:03 - Et puis, vous rencontrez un autre obstacle,
26:05 vous ne réussissez pas à faire témoigner
26:07 le professeur Ollier au procès.
26:09 - Le docteur Ollier avait posé une condition
26:12 qui se conçoit tout à fait, celle de voir
26:15 Sylvie Reviriego à la maison d'arrêt préalablement.
26:18 Et le procureur de la République,
26:20 qui était le seul à délivrer un permis de communiquer,
26:23 a refusé au professeur Ollier ce permis.
26:26 Et donc, le professeur Ollier n'est pas venu.
26:29 - Face à ce refus, le professeur Ollier estime
26:32 que n'ayant pas pu voir Sylvie Reviriego,
26:35 il n'est pas en mesure de témoigner.
26:38 - Je refusais d'aller aux assises
26:42 dans la mesure où ça n'était pas demandé par les magistrats.
26:46 En tant que médecin expert, je considérais inopportun
26:50 de venir en tant que témoin présenté par la Défense
26:55 et ça me paraissait déontologiquement pas possible.
26:59 - Michel Sabourot, la Défense a prétendu
27:17 que Sylvie Reviriego n'avait pas eu droit
27:20 à un vrai débat contradictoire.
27:22 - C'est un terme que je ne comprends pas.
27:25 C'est elle qui a choisi le silence.
27:28 Elle ne va pas prendre la parole.
27:31 Elle répond par monosyllable, encore une fois,
27:34 mais il fallait que Sylvie Reviriego parle
27:37 et je suis de ceux qui regrettent qu'elle ne l'ait pas fait.
27:40 - A cette condition-là, vous auriez pu être moins dur ?
27:43 - Oui, oui, me semble-t-il.
27:45 - Quelle peine demandez-vous lors de votre réquisitoire ?
27:48 - Il y avait un meurtre avec préméditation
27:51 et il y avait aussi cette atteinte à la dignité d'un corps.
27:54 Donc je n'ai pas eu le sentiment
27:57 de pouvoir descendre dans l'échelle des peines
28:00 et je donc requis la réclusion criminelle à perpétuité.
28:03 - Après 2 heures de délibérés, Sylvie Reviriego
28:08 est condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité
28:11 avec une peine de sûreté de 15 ans.
28:14 Une décision attendue avec appréhension
28:17 par Cyril Gendron, le fils de Françoise.
28:21 - Je lui avais fait la leçon en disant
28:24 "Vous ne broncherez pas, quel que soit le verdict."
28:27 Et quand le verdict tombe, il se serait bien levé
28:30 pour hurler sa joie et je l'ai cramponné physiquement
28:33 pour qu'il ne bouge pas et je le revois encore.
28:36 Il y avait des caméras de télévision qui l'attendaient dans le couloir
28:39 et je le revois devant ces caméras dire la même phrase en boucle
28:43 "Je suis content, je suis content, je suis content."
28:46 - Je suis content que je vais pas avoir la possibilité
28:49 de faire ce que j'aurais fait
28:52 si la justice avait pas fait son travail
28:58 comme elle l'a fait ce soir.
29:03 Je suis content, très content.
29:06 - Je me disais peut-être que 10 ans peut-être,
29:14 je savais très bien qu'elle sortirait pas libre.
29:18 - Maître Lison-Croze, ce verdict, le moment où il tombe,
29:22 j'imagine que vous vous en souvenez.
29:25 - Tout à fait.
29:28 Rien que la réponse aux questions, aux deux premières questions
29:34 montrait que oui à la culpabilité, non aux circonstances atténuantes.
29:41 - Ce dossier-là, c'est un dossier qui est très important
29:46 et qui a été un dossier très important.
29:49 Ce dossier-là a été certainement le dossier de maître Lison-Croze.
29:55 Elle l'a traité tellement de façon passionnelle
29:58 qu'elle a peut-être oublié de garder de la distance par rapport à son dossier.
30:05 - La justice ne répond à aucune des questions importantes dans cette affaire.
30:09 C'est tout.
30:10 On sait simplement que Sylvie Réviriego a tué d'une façon atroce
30:14 et que ce procès aurait dû être le procès des médicaments.
30:18 - Toute la question, c'est le bon usage du médicament.
30:21 C'est pas le médicament.
30:23 Chaque médicament, quel qu'il soit, peut avoir des effets indésirables
30:27 s'il est mal utilisé et mal prescrit en amont.
30:31 Donc c'est pas le procès, c'est le procès du médicament,
30:34 c'est le procès de l'usage du médicament.
30:37 - En 1991, il est impossible de faire appel du verdict d'une cour d'assises.
30:42 La condamnation de Sylvie Réviriego est donc définitive.
30:47 Aujourd'hui, cette affaire divise encore.
31:02 Il existe toujours 2 camps,
31:04 les partisans de la thèse de la psychose médicamenteuse et ceux qui n'y croient pas.
31:10 Durant sa détention, Sylvie Réviriego s'est confiée
31:13 à un journaliste de La Nouvelle-République.
31:15 Pour elle, la question reste entière.
31:19 - J'ai eu une vie avant.
31:22 J'ai divorcé.
31:25 J'ai eu cette fracture avec un médicament.
31:28 Moi, j'aimerais que les gens se repositionnent
31:32 et se reconditionnent à dire "mais qu'est-ce qui s'est passé de juillet à décembre ?"
31:37 Voilà. Prise des médicaments, 1ère ordonnance, fin juillet.
31:40 Et là, c'était un enchaînement vertigineux.
31:44 Donc moi, c'est ça, c'est ça la question.
31:48 Pendant 10 ans, Sylvie Réviriego a tout fait pour obtenir un 2nd procès.
31:53 Elle commence par saisir la cour de cassation,
31:56 la plus haute juridiction française.
31:59 Mais pour que la cour de cassation invalide un jugement,
32:04 il faut qu'une violation de la loi ou un vice de procédure soit avérée.
32:09 Maître Lison-Croze, ce pourvoir en cassation,
32:15 c'est votre dernier espoir ?
32:18 Écoutez, je pense aussi à la Cour européenne des droits de l'homme.
32:22 Et comme il faut passer par la case "cour de cassation",
32:26 c'est-à-dire avoir épuisé les voies de recours
32:29 avant de saisir la Cour européenne des droits de l'homme,
32:33 je passe par la cour de cassation.
32:36 Sans surprise, la cour de cassation considère que la procédure a été respectée.
32:41 Le pourvoi est rejeté. Il n'y a donc pas lieu de rejuger cette affaire.
32:46 Un an plus tard, vous décidez d'écrire un livre sur cette affaire
32:53 qui s'appelle "Cherche justice, désespérément". Pourquoi ?
32:57 Parce que je suis en colère,
33:00 parce que, en tant qu'avocate,
33:04 j'accepte difficilement l'injustice de la Cour européenne des droits de l'homme.
33:10 L'injustice. Et donc, qu'est-ce qui reste à un avocat ?
33:14 Il reste l'écriture, les médias.
33:18 Faire savoir que ça ne s'est pas bien passé.
33:21 Est-ce que c'est le point final à ce combat judiciaire ?
33:24 Non. Du tout.
33:26 Catherine Lison-Croze poursuit son combat
33:34 et saisit la Cour européenne des droits de l'homme.
33:37 Une juridiction internationale devant laquelle elle entend poursuivre l'Etat français.
33:42 Motif ? Sylvie Reviriego n'a pas eu un procès équitable.
33:48 Vous y croyez vraiment que la France peut être condamnée
33:52 et que Sylvie Reviriego peut avoir un autre procès ?
33:55 Alors, il y a très peu de cas où la CEDH donne raison à des plaignants, si vous voulez.
34:04 En tout cas, la CEDH a estimé qu'il n'y avait pas eu de rupture,
34:09 que l'égalité des armes avait bien été respectée, sans doute.
34:14 Elle ne l'a pas écrite comme ça, si vous voulez,
34:16 mais elle a rendu une décision en quelques lignes,
34:20 où notre recours a été rejeté.
34:24 En tout cas, après la CEDH, il n'y a plus rien, mais j'avais un autre fer au feu.
34:33 Catherine Lison-Croce dépose une nouvelle plainte.
34:36 Cette fois, contre le généraliste qui a prescrit les médicaments à sa cliente.
34:41 Sa stratégie ? Faire reconnaître la culpabilité du médecin
34:45 et donc faire admettre que la responsabilité du crime est partagée.
34:51 Là encore, la justice abandonne les poursuites, faute de charge suffisante.
35:00 Reste alors une solution, le recours en révision.
35:04 Michel Sabouron, ce que ça demande de révision, ça vous surprend ?
35:08 Cette démarche m'a un peu étonné.
35:10 Il faut rappeler que la révision, c'est des faits nouveaux.
35:14 Rien n'était nouveau.
35:16 Le débat avait eu lieu, y compris sur une éventuelle intoxication médicamenteuse.
35:22 Eh bien, l'élément nouveau, c'était un rapport d'expertise
35:26 disant que Mme Reviriego est atteinte d'une thyro-toxicose grave
35:33 qui a induit cet état d'agressivité extrême chez elle et provoqué le passage à l'acte.
35:39 Je crois que c'était un élément nouveau par rapport à ce qu'il y avait dans le dossier antérieurement.
35:46 Sauf que la chambre de révision de la Cour de cassation me dit "mais non, ce n'est pas un élément nouveau".
35:53 Puisque cette question des conséquences des médicaments a été abordée devant la cour d'assises d'André Loire en 1991.
36:01 Voilà. Donc, on s'arrête là.
36:04 La condamnation de Sylvie Reviriego est maintenue.
36:13 Cette affaire aurait pu aiguiser la prudence des magistrats à l'égard des expertises,
36:18 quitte à prendre le temps d'en demander davantage.
36:22 Mais aujourd'hui, la question reste toujours aussi compliquée.
36:27 Il y a un gros problème de la qualité de l'expertise psychiatrique au pénal.
36:34 Parce qu'elle est mal rémunérée, parce qu'elle se fait dans des conditions détestables pour les médecins.
36:41 Et parce qu'il y a des professionnels de l'expertise qui enchaînent des expertises tout au long de la semaine.
36:50 Et qui font des copier-coller même, probablement, d'une expertise sur l'autre.
36:55 Et ce que je dis là est bien connu des magistrats.
37:00 Et malheureusement, jusqu'ici, personne n'arrive à se décider à faire quelque chose.
37:07 En revanche, en ce qui concerne les médicaments, l'action s'organise.
37:14 Quelques mois après la condamnation de Sylvie Reviriego, une association voit le jour.
37:20 Un homme, Georges-Alexandre Imbert, prend la tête de l'association d'aide aux victimes des accidents de médicaments.
37:28 Georges-Alexandre Imbert, pourquoi avez-vous créé cette association ?
37:36 J'ai créé cette association en 1992, suite au décès de mon fils, qui s'est suicidé.
37:42 Un suicide favorisé à dire d'experts, ce sont les experts qui l'ont dit,
37:46 par des tranquillisants.
37:49 Mon fils était dépressif, le médecin est passé, il lui a fait une légère injection de Valium.
37:54 Et à la suite de cela, il a fait une crise de démence, on va appeler ça comme ça,
37:59 et il a voulu tuer sa fiancée qui était présente, et il s'est tué lui.
38:05 Quel est le but de cette association ?
38:07 Je me suis aperçu qu'autour de moi, j'étais pas le seul, des personnes qui étaient très proches,
38:11 il leur était arrivé la même chose.
38:13 Au début, c'était principalement les suicides, et ensuite il y a des homicides,
38:18 qui sont venus apporter des dossiers, des témoignages.
38:23 C'est des produits qui favorisent un nombre de passages à l'acte immense,
38:30 mais c'est tellement gros que personne n'y fait vraiment attention, finalement.
38:34 Quelles conséquences a eu l'affaire Sylvie Reviriego ?
38:37 Pour Sylvie Reviriego, c'est vrai qu'il y a eu une mesure qui a été prise,
38:41 une mesure ridicule, puisque le Lixancia 40, on l'a supprimé, et on a accepté le Lixancia 20.
38:48 Ce qui fait qu'on prend deux comprimés de Lixancia 20, ça fait un comprimé de Lixancia 40.
38:53 Mais il faut savoir qu'en 1987, les professeurs de pharmacologie
38:57 avaient demandé le retrait de ces produits au ministre de la Santé, en 1987.
39:06 30 ans plus tard, ces médicaments potentiellement dangereux sont toujours sur le marché.
39:12 Est-ce qu'aujourd'hui, avec le recul, la justice prend plus en compte
39:21 l'influence des médicaments dans ce genre d'affaires ?
39:24 Dans notre pays, non. Je crois pouvoir dire que non.
39:28 Alors moi, en tant qu'enseignant de psychiatrie, je porte ma part de responsabilité
39:33 sur le fait que probablement, les médecins ne sont pas assez sensibilisés à cette réalité.
39:39 Je crois que dans d'autres pays, ils le sont davantage.
39:41 Aux États-Unis, il y a des situations où on a imputé des accidents ou des drames
39:50 à des substances psychoactives, y compris médicamenteuses,
39:53 ce qui est beaucoup plus difficile en France, ça a été beaucoup plus rare.
39:56 Parmi ces rares affaires, le cas Isabelle Servier.
40:03 L'ironie du sort a voulu que la fille du patron des laboratoires pharmaceutiques,
40:08 lui-même incriminée dans le scandale du Mediator, soit condamnée en 2005
40:13 à 5 ans de prison pour le meurtre de son mari, tué à coups de hache pendant qu'il dormait.
40:19 Comme Sylvie Reviriego, Isabelle Servier prenait des anxiolytiques.
40:27 Georges-Alexandre Imbert, vous avez été cité à la barre dans cette affaire. Quel a été votre témoignage ?
40:32 Mon témoignage a porté sur la dangerosité du produit qui avait été consommé par Isabelle Servier
40:40 avant de son passage à l'acte. Donc il s'agissait de l'exomyl.
40:44 C'est du Valium, c'est la même chose, c'est un produit identique.
40:48 Elle n'avait pas pris ce produit volontairement pour commettre un crime, pour passer à l'acte.
40:55 Non, c'était ordonné médicalement.
40:58 Comment expliquez-vous cette différence de traitement entre la perpétuité pour Sylvie Reviriego
41:05 et 5 ans pour Isabelle Servier ?
41:07 La différence, c'est principalement les expertises qui étaient quand même beaucoup plus favorables,
41:14 mais aussi la partie civile, dont les enfants, qui ont été beaucoup plus favorables à une peine plus légère.
41:22 Pour vous, cette condamnation à perpétuité dans l'affaire Reviriego, c'est une injustice ?
41:27 Oui, c'est une injustice.
41:33 Le médecin généraliste, celui qui avait prescrit à Sylvie Reviriego les fameuses ordonnances,
41:45 a continué à exercer jusqu'à sa retraite.
41:48 Il est mort en 2015 à l'âge de 84 ans.
41:53 Cyril Gendron, le fils de Françoise, lui, ne s'est jamais remis de la mort de sa mère.
42:02 Je me souviens beaucoup de Cyril Gendron, qui était un garçon complètement dévasté par ces faits.
42:11 Débasté parce qu'il était lui-même en prise à des difficultés personnelles.
42:15 J'avais même tenté de l'aider à ce moment-là, pour ne rien vous cacher.
42:19 J'ai même essayé, après les débats, de lui trouver du travail.
42:23 Mais Cyril Gendron était aux prises avec une terrible solitude et une terrible colère, un terrible ressentiment.
42:32 Je garde le souvenir d'un garçon complètement démoli.
42:35 Je pense qu'il avait une fragilité en lui-même, parce qu'il n'avait pas eu une vie familiale très épanouissante.
42:40 Il avait une vie difficile, il avait une solitude considérable.
42:44 Le seul élément qui allait contre sa solitude, c'était sa mère.
42:48 Donc, elle disparaît dans ces conditions-là.
42:51 Et dans l'après-procès, j'ai le souvenir d'un garçon qui dégringolait doucement,
42:56 ayant perdu le peu de repères qu'il pouvait avoir et qui partait dans une très mauvaise direction.
43:03 Vous avez eu des nouvelles de lui depuis ?
43:05 Non, j'ai eu des nouvelles les premières années, parce que les premières années, il continuait,
43:10 il avait pris cette habitude de venir assez facilement au cabinet.
43:13 Je pense avoir essayé de l'aider dans les quelques démêlés qu'il a pu avoir avec la justice.
43:17 La justice qui a été d'ailleurs longtemps bienveillante,
43:20 parce qu'elle comprenait qu'un garçon qui avait subi ce qu'il avait subi puisse dérailler un peu.
43:25 Et puis après, je ne l'ai plus.
43:27 Cyril Gendron a été arrêté à plusieurs reprises pour des faits de délinquance.
43:31 La dernière fois, c'était en 2012. Il s'est déclaré SDF.
43:35 Quelle tristesse.
43:37 Je suis extrêmement attristé, mais pas très étonné de cette dérive jusqu'à un statut d'SDF.
43:44 Je ne suis pas très étonné.
43:46 Sylvie Reviriego, quant à elle, a purgé sa peine, en majeure partie à la prison pour femmes de Rennes.
43:55 Maître Lison-Croze, comment votre cliente a-t-elle vécu sa détention ?
44:06 Au début, elle était… pas somnambule, mais enfin, elle était absente.
44:13 Mais elle s'est adaptée.
44:15 Et je dois dire que, que ce soit à Orléans, à Frennes, à Rennes,
44:21 Sylvie Reviriego était quelqu'un de bien vue.
44:25 C'était une personne qui rendait service.
44:29 Elle était couturière dans son premier métier.
44:32 Elle faisait des costumes, des robes, etc.
44:36 Même pour des surveillantes.
44:38 Je veux dire que Sylvie Reviriego, c'est quelqu'un qui savait aussi donner.
44:44 Il y a des femmes qui arrivent, qui sont cassées par la vie.
44:51 Donc souvent, j'ai eu le rôle un peu de maman.
44:53 Mais ça m'a porté aussi, si tu veux, parce que ça peut-être aussi compensait un petit peu
44:57 l'absence de ne pas avoir mes enfants.
44:59 Enfin, tu vois, d'apporter un petit peu de chaleur.
45:02 Mais j'ai aidé beaucoup de femmes sur le terrain.
45:04 - Dès la fin de sa période de sûreté, en 2003,
45:11 Sylvie Reviriego a fait valoir son droit à une demande de libération conditionnelle à 6 reprises.
45:18 Et pour renforcer sa défense, en 2008, elle fait appel à un ténor du barreau parisien.
45:27 Pierre-Olivier Sure, vous avez rejoint la défense de Sylvie Reviriego.
45:30 Quelle impression elle vous fait, cette femme ?
45:32 - Quand je la vois, c'est une petite dame bien mise, un peu démodée.
45:39 Comme si, effectivement, les 20 années de prison qu'il y avait passé
45:44 avaient constitué une sorte de parenthèse qui avait arrêté le temps.
45:49 Elle travaillait donc en prison.
45:51 Elle écrivait beaucoup.
45:55 On venait la voir.
45:58 Elle suivait évidemment un parcours avec des psys, des éducateurs.
46:03 Vous imaginez bien qu'elle était très, très spécialement suivie.
46:07 Regardez.
46:08 - Et elle acceptait ce suivi ?
46:09 - Oui, tout à fait.
46:10 Elle était très docile.
46:12 C'est pour ça que tout ça est paradoxal, par rapport évidemment au fait qu'il lui était reproché.
46:16 Et puis, aussi, elle remboursait petit à petit la famille de la victime.
46:21 Je crois qu'elle a remis quelque chose comme 30 000 euros,
46:24 ce qui était le total de la condamnation.
46:27 C'est complètement symbolique.
46:28 Mais elle remplissait, vous voyez, petit à petit, toutes ses obligations.
46:32 Les obligations qui font qu'à un moment donné,
46:35 on a pu considérer qu'elle avait payé sa dette à la société.
46:40 - J'ai posé beaucoup de bobos, à droite, à gauche.
46:44 Je n'oublie jamais le fils de Françoise.
46:48 Quand je pense à Françoise, si tu veux, ça m'obsède aussi,
46:51 parce qu'elle n'arrêtait pas de mourir.
46:53 Et c'est vrai que maintenant, j'aimerais faire passer le message
46:56 que je ne suis pas le monstre d'il y a 20 ans,
47:00 que s'il y a eu ça, c'est parce qu'il y avait une cause à effet.
47:03 Les gens ne sont pas stupides, quand même.
47:04 Les gens ne peuvent pas rester calqués comme ça sur le rôle d'effet d'il y a 20 ans.
47:09 - Là, tu te prépares une troisième vie ?
47:12 - Non, quatrième.
47:14 Bien sûr que j'y crois, à cette liberté.
47:17 Je découvre quoi qu'il en soit.
47:18 - Elle semble avoir des regrets,
47:22 semble prendre conscience de la gravité, de l'horreur de ce qu'elle a fait.
47:26 - Ah oui, évidemment.
47:29 Des regrets, des remords, la recherche du pardon.
47:36 Elle ne s'est pas révoltée du tout d'avoir été mise en prison et pour longtemps.
47:41 Finalement, on l'aura sortie de prison.
47:44 Ça n'a pas marché la première fois.
47:46 J'ai l'impression que pour ouvrir une porte de prison, c'est comme un pot de confiture.
47:51 Vous savez, on essaye une fois, deux fois, trois fois.
47:54 Et puis, à un moment donné, ça va céder.
47:57 - Elle a renoncé une demande de révision de son procès ?
48:00 - C'est bien qu'elle ait renoncé.
48:03 Ça veut dire qu'elle a accepté.
48:04 - Sylvie Reviriego a quitté la prison de Rennes en août 2009.
48:14 Après plus de 20 ans de détention.
48:17 Impossible pour elle de retourner vivre en Touraine,
48:20 où son nom est encore dans toutes les mémoires.
48:23 - Quand elle est sortie, elle travaillait dans une association sur Paris.
48:33 Et je lui ai donné rendez-vous.
48:35 Je l'ai invitée au restaurant au nom de l'association.
48:38 Et cette petite bonne femme, toute blonde, est arrivée.
48:41 On voyait qu'elle était habillée d'une petite rayi.
48:46 Ça faisait un peu taularde.
48:48 Elle m'a dit "ça fait 20 ans que je n'ai pas mangé d'huîtres".
48:52 Alors je lui ai offert des huîtres.
48:55 Et puis je lui ai remis un chèque au nom de l'association.
48:59 Pour qu'elle puisse s'en sortir.
49:01 Un chèque très modeste.
49:03 C'était aux alentours de 300-400 euros.
49:05 Je ne sais plus très bien.
49:06 Et puis depuis, je ne l'ai pas revue.
49:08 - Pierre-Olivier Sure, qu'est devenue Sylvie Reviriego aujourd'hui ?
49:12 - Elle a reconstruit sa vie.
49:15 Elle bénéficie du droit à l'oubli.
49:19 Sous un autre nom.
49:22 - Est-ce qu'elle a de la famille auprès d'elle ?
49:24 Des amis ? Des gens qui la soutiennent ?
49:26 - Elle a de la famille.
49:27 Elle a des gens qui la soutiennent.
49:29 Et vous n'en saurez rien de plus.
49:32 - 20 ans de détention pour une condamnation à perpétuité.
49:36 Sylvie Reviriego a-t-elle payé son crime ?
49:39 - Oui, je crois qu'il ne faut pas non plus aller trop loin dans la répression.
49:44 On considère que la moyenne, si je puis dire,
49:46 des réclusions criminelles à la perpétuité,
49:48 c'est autour de 18-20 ans.
49:50 Donc, elle a accompli une peine.
49:53 Un certain nombre de conditions ont été mises à sa remise en liberté.
49:58 Je ne crois pas non plus qu'il fallait aller trop loin, encore une fois,
50:02 dans l'exécution de cette peine.
50:04 - Est-ce qu'elle pourrait recommencer un jour ?
50:06 - Je ne pense pas.
50:08 Je ne pense pas. Elle n'avait pas ce profil-là.
50:11 Elle a eu cette espèce d'éruption, on peut dire, criminelle.
50:15 Violente.
50:17 Mais c'est un projet heureusement unique.
50:19 C'est une explosion sur quelques jours.
50:22 Je ne la vois pas être à nouveau criminelle.
50:25 C'est d'ailleurs extrêmement rare.
50:28 - Non. Elle ne peut plus être dangereuse.
50:31 - Ce qu'elle a vécu,
50:34 c'est une césure totale dans sa vie,
50:40 qui l'a complètement dépassée,
50:43 et qui ne s'explique pas rien de sa vie.
50:46 Et c'est ça qui est étrange dans ce dossier.
50:49 Un terroriste, on comprend, à un moment donné, il bascule.
50:52 Il est pris en charge par des idées qui le manipulent.
50:57 Et petit à petit, il y a un cheminement criminel
51:01 qui fait que rien ne se passe en une fraction de seconde.
51:05 Tout s'explique par quelque chose avant.
51:08 Ici, c'est la fraction de seconde qui décide de tout.
51:13 Et quand vous me demandiez si elle était dangereuse,
51:17 je vous dis non, absolument pas.
51:20 J'en suis absolument intimement convaincu.

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