Coline Serreau : "Tous les producteurs ont refusé « TROIS HOMMES ET UN COUFFIN » : « UN FILM AVEC UN BEBE, QUI ÇA PEUT INTERESSER ? »."

  • il y a 9 mois
Jacques Pessis reçoit Coline Serreau : Il y a eu « Trois hommes et un couffin » mais d’autres succès qu’elle raconte aujourd’hui dans un seule en scène : « La belle histoire de Coline Serreau » au Théâtre Michel.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-01-17##

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Transcription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06 Le spectacle est entré dans votre vie dès le berceau,
00:09 bien avant qu'un couffin vous fasse grandir d'un seul coup.
00:12 La femme engagée que vous êtes a souvent été en avance sur son temps.
00:16 Un seul en scène vous permet aujourd'hui de remettre les pendules à l'heure.
00:20 Bonjour, Colline Serrault.
00:21 Bonjour.
00:22 Alors c'est vrai que vous êtes en scène au Théâtre Michel
00:24 avec la belle histoire de Colline Serrault, votre histoire.
00:27 On va en parler tout à l'heure et même tout au long de l'émission
00:30 puisque les clés d'une vie, c'est quatre dates de votre vie
00:33 avec un parcours que vous évoquez également sur scène mais d'une autre manière.
00:36 Alors, la première date que j'ai trouvée, c'est le 9 octobre 1972,
00:41 votre première télé, ça s'appelle Pont-Dormant
00:44 et vous êtes dans le quatrième épisode. Vous en souvenez ?
00:47 Oui. Très, très vaguement.
00:50 C'était un feuilleton où une femme se débat pour sauver une propriété de famille
00:54 et vous êtes Nicole dans ce feuilleton.
00:56 Ah oui ? Aucun souvenir.
00:58 Mais si, c'était Marzell qui réalisait, non ?
01:01 Exactement. Il y avait Anne Vernon, il y avait Andrea Ferriol, débutante,
01:06 il y avait Jacques Marin et Pierre Tornel et vous.
01:08 Ah oui.
01:09 Et c'est un feuilleton qui a eu un certain succès à l'époque, 25 épisodes.
01:13 Ah oui.
01:14 Aucun souvenir ?
01:15 Ah non.
01:16 Vous savez même pas comment vous êtes rentrée là-dedans.
01:18 Non, je crois que Marzell m'aimait bien
01:20 et qu'il voulait que j'écrive un scénario avec lui.
01:23 C'est là que je me suis aperçue que je ne pourrais jamais écrire avec quelqu'un.
01:27 Mais il était gentil, très gentil.
01:29 Alors, il y a aussi votre première audition avec quelqu'un dont on va entendre la voix
01:35 et que vous allez forcément reconnaître.
01:37 Eh bien, j'ai lu un jour en 54 la première partie du "Cadavre encerclé".
01:44 La voix de Jean-Marie Serrault, votre père,
01:47 qui, je crois, a fait votre première audition à l'âge de 10 ans.
01:50 Oui, c'était un spectacle, c'était une pièce de...
01:53 Ça s'appelle "Les Coréens".
01:55 "Les Coréens" de Winawer, je crois.
01:57 À l'Alliance française.
01:58 À l'Alliance française.
01:59 Et il m'a fait auditionner pour que je joue et il a dit
02:03 "Non, je crois pas, elle est trop intelligente pour faire ça".
02:07 Vous avez quand même joué dedans ?
02:09 Non.
02:10 Non ? Parce que dans votre biographie, il y a...
02:13 Mais non.
02:14 Vous n'avez pas joué ?
02:15 Les biographies, il ne faut pas tout croire.
02:16 Je le crois.
02:17 Jean-Marie Serrault, on ne l'a pas oublié, ça a quand même été...
02:20 Bon, c'est votre père, mais ça a été un maître du théâtre de l'avant-garde.
02:23 Il a quand même fondé la cartoucherie de Vincennes.
02:25 Oui.
02:26 À l'époque où personne n'y croyait.
02:27 Ah non, non, non, c'est le théâtre de la tempête.
02:29 Voilà, exactement.
02:31 Mais c'était une folie à l'époque, parce qu'aujourd'hui c'est un classique.
02:35 Mais à l'époque, c'était un risque financier énorme.
02:38 Ah oui, oui, et puis surtout un risque...
02:40 Oui, mais en même temps, il avait envie que ça sorte...
02:42 Et puis c'était un très, très bel endroit.
02:44 Il avait envie que ça sorte du...
02:47 du cénacle parisien des théâtres.
02:50 Voilà, il avait envie de sortir et il s'est sorti.
02:54 Et il s'est bien sorti, parce que Mnouchkine est venu après,
02:57 et plein d'autres gens.
02:58 Maintenant, c'est une espèce d'énorme théâtre, supermarché de théâtre.
03:02 Voilà, et à l'époque, il a fait connaître Beckett, Jeunet, et beaucoup d'autres.
03:05 Lesco, Rabal, Césaire, Catebiasine, etc.
03:08 Oui, mais Césaire que personne ne connaissait à l'époque.
03:11 Et d'ailleurs, je crois qu'il y a un théâtre, le Théâtre XIV, qui porte son nom.
03:14 Oui, Théâtre Jean-Marie Serrault.
03:16 Vous vous souvenez de l'inauguration ? C'était un moment émouvant, je pense.
03:18 Ah ben, je n'y suis pas allée, je n'étais pas invitée.
03:20 Ce n'est pas vrai ?
03:21 Non.
03:22 C'est encore la mairie de Paris qui a fait ça.
03:24 Oui, c'est ça, on les adore.
03:26 Alors, effectivement, le théâtre, c'était un risque financier,
03:30 mais votre jeunesse, financièrement, ça n'a pas été au top, Colline Serrault ?
03:36 Ah non, non, parce que c'était...
03:38 Je le dis toujours, c'était des princes de la culture, tous les deux, ma mère et mon père.
03:42 Mais sur le plan économique, ce n'était pas ça, non.
03:46 D'abord, elle, elle travaillait dans l'édition, elle était un écrivain, traductrice et auteur,
03:52 et elle dirigeait une collection littéraire avec Maurice Nadeau,
03:55 et ça ne payait pas, ça ne payait pas du tout.
03:58 Et Jean-Marie, lui, de toute façon, était toujours dans...
04:01 Tout ce qu'il avait, comme le moindre sou, allait dans ses spectacles.
04:04 Pas du tout dans la famille.
04:06 Geneviève Serrault, votre mère, a beaucoup influé aussi sur Jean-Marie Serrault pour le choix des pièces.
04:11 Oui, parce qu'elle avait un flair littéraire incroyable, elle était très très forte.
04:14 Je crois qu'elle a traduit, entre autres, "Mercourage" de Bertolt Brecht.
04:17 Oui, elle a traduit beaucoup de Brecht, beaucoup de Shakespeare aussi,
04:20 et Gombrowicz, elle a traduit toute la littérature de Gombrowicz.
04:23 Vous savez que "Mercourage", il fallait y avoir un film en Allemagne,
04:27 mais ce film n'a jamais été tourné parce que Bertolt Brecht a refusé le scénario.
04:31 Ah, ben c'est bien.
04:33 Ce film n'existe pas alors qu'il devait être tourné en 1955.
04:36 Mais par contre, il y a un livre magnifique avec tout le déroulé du spectacle,
04:40 photo après photo, avec lequel j'ai grandi, moi.
04:43 C'est très très beau. C'est aussi beau comme ça qu'en film.
04:46 Alors, vous avez un prénom assez particulier, assez rare, Colline,
04:49 et je crois que votre mère s'est beaucoup battue pour l'imposer.
04:53 Oui, elle... Mon père voulait que je m'appelle Charlotte,
04:57 et elle... Oui, parce que...
05:00 Moi, j'ai fait un procès à l'état civil.
05:03 Et j'ai gagné. Parce qu'à l'époque, c'était très très fermé.
05:07 Il fallait être dans le calendrier chrétien.
05:11 Mais Collin est dans le calendrier chrétien,
05:14 Colline, c'est le féminin de Collin, et c'est un prénom
05:17 qui est dans toutes les anciennes chansons françaises.
05:20 C'est un prénom tout à fait français.
05:22 Et ça vient d'ailleurs de "niké", le mot grec qui veut dire "la victoire".
05:26 C'est le même mot que Nicolas, que Colette, que Ennis, la ville de Nice.
05:32 Oui, et d'ailleurs, Collin, c'est assez rare aussi.
05:35 J'ai repéré un chanteur des années 70 qui s'appelait Collin Verdier.
05:39 Vous ne le connaissez pas, il a disparu aujourd'hui.
05:48 Il a eu du succès, et c'est le seul Collin de l'histoire de la chanson française.
05:52 Alors, vous êtes né à Paris, mais ce qui a compté dans vos jeunes années aussi,
05:57 Collin Serrault, ce sont vos études à l'école de Beauvallon.
06:00 Ce n'était pas tout à fait mes études.
06:02 C'est-à-dire que j'ai passé mes premières années, et ensuite, toutes les vacances.
06:06 Mais à l'époque, il y avait des vacances beaucoup plus longues,
06:09 ça a été trois mois.
06:11 On était en vacances juillet-août-septembre,
06:13 et plus les vacances de Pâques et de Noël.
06:16 Donc j'ai été énormément là-bas.
06:18 Oui, c'est l'école de Beauvallon, à Dieu le fit dans la Drôme.
06:20 C'est une école très particulière, qui a été créée par Marguerite Souveran,
06:24 qui a appliqué des méthodes aussi nouvelles.
06:27 Oui, qu'elle avait apprise à l'Institut Jacques Rousseau,
06:31 qui était à Genève, où on avait...
06:34 C'était dans ces années 30, une explosion de merveilleux théoriciens nouveaux
06:41 de l'éducation nouvelle.
06:43 Il y a eu Claparède, de Crolly, Montessori, Rudolf Staner,
06:49 il y avait vraiment une explosion de réflexion sur ce que c'était que l'éducation.
06:53 Ça serait bien que ça revienne.
06:56 Oui, alors qu'est-ce que vous avez appris là-bas ?
07:00 Ce que j'ai appris... Déjà, on était en contact avec la nature tout le temps,
07:04 on était pieds nus six mois de l'année,
07:06 on était très libres, il n'y avait pas de limites dans cette école.
07:10 Et en même temps, il y avait aussi un système démocratique très fort,
07:15 parce qu'il y avait des assemblées tous les jours,
07:17 où tout le monde avait la même voix,
07:19 même si les adultes en dehors de ça avaient une autorité, bien sûr.
07:22 Ce que j'ai appris aussi, c'est la façon de considérer l'enfant,
07:26 c'est-à-dire qu'il faut partir du succès.
07:32 Si un enfant... Tout le monde est doué pour quelque chose.
07:35 On part de là où il est doué, de là où il a envie,
07:37 de ce qui lui fait envie, et à partir de là, on tire le fil,
07:41 et on lui apprend, mais on le met tout le temps dans le succès.
07:44 On ne le met pas dans l'échec, on ne le met pas dans "Ah, mais ça, tu n'y arrives pas,
07:46 ah, mais ça, tu ne sais pas faire".
07:48 On ne le met pas là-dedans.
07:49 Et par ce biais-là, par le biais du succès, pas par les échecs,
07:56 il s'éduque, et il a confiance, il prend confiance en lui.
08:00 Il faut savoir aussi que dans cette école,
08:02 des enfants juifs ont été cachés pendant la guerre.
08:04 Beaucoup d'enfants juifs, oui.
08:05 Et ils dormaient dans des grottes la nuit,
08:07 et s'il y avait une sorte de chiffon rouge le matin, ils ne pouvaient pas sortir.
08:09 Oui, ma grand-mère devait mettre une couverture beige ou rouge.
08:12 Et rouge, il ne fallait surtout pas aller à l'école.
08:15 C'était qu'il y avait les flics ou la Gestapo.
08:17 Mais finalement, il y en avait 3 ou 4 qui étaient dans les fermes alentours,
08:21 qui ont été dénoncés.
08:23 Parce qu'à Adiolfi même, il y a eu des milliers de réfugiés,
08:27 personne n'a été dénoncé.
08:28 Mais dans les fermes, il y en a...
08:29 Et donc, elles sont parties à leur recherche jusqu'à Lyon.
08:32 Elles les ont tirées des griffes de la Gestapo et recachées.
08:38 Et elles sont au Panthéon pour ça.
08:40 Exactement, parmi les justes.
08:42 Je trouve aussi que vous avez fait des études de lettres,
08:45 mais que vous avez surtout appris la musicologie au conservatoire.
08:49 Oui, l'esthétique et la musicologie avec Beaufice et Dufour.
08:54 Puis j'ai appris l'orgue avec Jean Langlais à la Scola Cantorum.
08:59 Je me destinais vraiment à une carrière musicale plutôt.
09:03 Et au sport, puisque vous avez fait du trapèze aussi chez Annie Fratellini.
09:06 Oui, dès qu'Annie Fratellini a ouvert son école, je suis allée.
09:10 Parce que je voulais être actrice.
09:14 Et mon père me disait...
09:16 Il n'était pas tellement d'accord que je sois actrice.
09:19 De toute façon, il n'y avait pas son mot à dire.
09:21 Mais il m'a dit "Si tu veux faire ça, au moins, sois une athlète."
09:26 Et ça, c'est vérifié que c'était un très bon conseil.
09:29 Mais une athlète artistique.
09:31 Parce que moi, je n'avais pas envie de faire de la muscule.
09:34 J'avais envie de faire un truc artistique.
09:36 Et le trapèze, c'est très artistique.
09:38 Fratellini, on a un peu oublié, elle a été le premier clown avec Pierre Etecs.
09:41 Le premier clown femme.
09:43 Et d'ailleurs, son père lui a dit un jour, quand elle était jeune,
09:46 "Si tu étais un homme, tu aurais été clown."
09:48 Oui, elle a été clown.
09:50 Et puis elle a fondé la première école du cirque
09:52 qui n'était pas avec des gens de la famille de cirque.
09:56 Et ça, ça a été une ouverture extrêmement importante.
09:59 Parce qu'elle a formé un nombre d'acrobates,
10:02 des mômes qui étaient très doués pour ça,
10:04 de banlieues et d'autres.
10:06 Et elle a été à l'origine de tout ce qui ensuite s'est appelé le nouveau cirque.
10:10 Exactement.
10:11 Alors, vous avez aussi, Colline Serrault, fait le conservatoire de la rue Blanche.
10:14 Oui.
10:15 Et un stage à la comédie française.
10:17 Oui, j'ai pas mal joué à la comédie française, oui.
10:19 Et pourquoi ? Là, c'était vraiment...
10:20 Comme stagiaire.
10:21 Parce que j'avais besoin de fric, parce que j'étais jeune comédienne
10:23 et qu'il fallait que je travaille.
10:25 Mais la comédie, ça vous a intéressé beaucoup plus
10:27 que la musicologie ou l'orgue ?
10:29 Ah non.
10:30 Non, non.
10:31 Mais vous savez, j'ai fait tout ce que j'avais envie de faire.
10:34 J'ai fait de la photo, déjà à cet âge-là, je faisais de la photo.
10:37 Et parce qu'il y avait une espèce de chemin qui était déjà tout fait,
10:42 que je voulais faire tout ça,
10:44 parce qu'aussi le cinéma demandait tout ça.
10:47 Oui, parce que vous aviez envie de faire du cinéma.
10:49 Aussi, oui.
10:50 Eh bien, on va en reparler avec une autre date très importante dans votre vie,
10:53 le 22 février 1986.
10:55 A tout de suite sur Sud Radio avec Colline Serrault.
10:58 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
11:02 Sur Radio, les clés d'une vie, mon invité Colline Serrault.
11:05 On vous retrouve le lundi soir au Théâtre Michel.
11:07 On va en parler avec la belle histoire de Colline Serrault,
11:09 votre premier seul en scène.
11:11 Et puis, on a évoqué vos débuts, votre envie de devenir comédienne,
11:14 de faire du cinéma.
11:16 Et justement, le 22 février 1986, vous êtes récompensée pour ce film.
11:21 Quand je vis Madeleine,
11:25 pour la première fois,
11:28 je montais la rue...
11:30 C'est la chanson que vous interprétez dans "Trois hommes et un couffin".
11:33 C'est un beau souvenir.
11:35 Oui, très.
11:37 Alors ça, ça se passe au Palais des Congrès.
11:39 C'est la 11e cérémonie de César.
11:41 Ah, vous étiez au Palais des Congrès.
11:43 Oui, oui. Et vous recevez trois Césars.
11:46 Vous devez être surprise, non ?
11:48 Pas tellement.
11:51 Ça commençait déjà à marcher bien, le film.
11:55 Mais je le méritais.
11:57 Oui, mais enfin, meilleur film, meilleure adaptation,
12:00 et second rôle pour Michel Bougnard.
12:02 Il n'y a pas d'adaptation, c'était dans le scénario de moi.
12:04 C'était le scénario, mais vous mettez "scénario" ou "adaptation" dans le...
12:07 Ah oui, mais c'est le scénario, moi je n'ai jamais rien adapté.
12:09 Non.
12:11 Et Bougnard, oui.
12:12 Et vous vous êtes toujours adapté aux situations que vous avez vécues.
12:14 Alors, il y avait quand même face à vous,
12:17 l'effrontée de Côte-Milaire,
12:19 ce bouet de Luc Besson, "Péril en adverse" de Michel Deville,
12:22 et "Sans quoi ni loi" de Agnès Varda.
12:25 C'était n'importe quoi.
12:27 Oui, mais enfin, c'était moins bien que moi.
12:29 Oui.
12:30 Oh mais non, mais...
12:31 Pourquoi ? Parce que moi j'étais n'importe quoi ?
12:33 Surtout pas, surtout pas.
12:35 Mais vous êtes montée sur scène à trois reprises,
12:37 faire trois discours différents le même soir, c'est un peu compliqué.
12:39 C'est parce que, attendez, ce jour-là, je jouais au Théâtre de la Ville.
12:42 Je jouais "Lapin, Lapin", la pièce que j'avais écrite,
12:45 et donc je ne pouvais pas venir à la cérémonie,
12:50 et je suis arrivée avec mon petit manteau rouge,
12:53 sans aucun habillement spécial.
12:56 Et voilà, je suis arrivée un peu en retard,
12:59 puisque je jouais le soir.
13:01 On vous a attendu quand même.
13:03 Oui, ils ont été gentils.
13:05 Déjà gentils de me donner tout ça.
13:07 Ça c'était gentil.
13:08 Et je ne sais pas si vous en souvenez,
13:10 mais la soirée a été présidée par Madène Renaud et Jean-Louis Barraud.
13:12 Oui.
13:13 Ah, ils se sont dit "Ah, mais elle vient du théâtre, elle vient du théâtre".
13:16 Et à l'époque, ils étaient encore très connus,
13:18 et on les a malheureusement un peu oubliés ensuite.
13:20 Alors, "Trois hommes et un couffin", c'est un petit miracle finalement.
13:23 Non, pas du tout.
13:25 Parce que personne n'en voulait au départ.
13:27 Ah, ça oui, mais que ça soit...
13:29 Ce n'est pas un miracle que ça ait touché le public.
13:31 Non, ça d'accord, mais la création du film est un miracle.
13:33 Ah, c'était compliqué parce que personne ne voulait le faire.
13:35 Ce n'est pas compliqué.
13:36 Comment ça se fait ?
13:37 Ah, parce que pour les acteurs,
13:39 s'occuper d'un bébé, c'était déchoir.
13:42 Leur image masculine, leur égo,
13:46 allait en prendre un coup,
13:48 et les femmes n'allaient plus les aimer.
13:50 Et d'ailleurs, les producteurs me disaient
13:52 "qui ça peut intéresser un film sur un bébé, avec un bébé ?"
13:55 Et vous étiez convaincu que c'était le moment ?
13:58 Ah, mais moi j'étais convaincu toujours.
14:00 Je suis toujours convaincu que ce que je fais, ça doit se faire,
14:02 et que ça fera toujours des millions d'entrées,
14:04 ce que ça ne fait pas toujours, mais...
14:06 Je ne fais pas ça,
14:08 je veux ça.
14:10 Et vous avez finalement...
14:12 Ce n'est pas un hasard.
14:13 Vous avez finalement trouvé trois volontaires qui ont accepté...
14:15 Les seuls qui ont accepté, ils sont dans le film.
14:18 Et ils ont travaillé en participation, je crois, en plus.
14:21 Ah ça, je n'en sais rien. Je ne veux pas rentrer dans ces histoires.
14:24 Ils ont fait une bonne affaire dans ces cas-là.
14:26 Je crois que Jacques Villerey avait été pressenti, il n'a pas voulu.
14:28 Personne n'a voulu.
14:30 Même le gros, qui est très vulgaire, en ce moment,
14:32 qui a des problèmes, il n'a pas voulu.
14:34 Et Guy Bedos a toujours dit qu'il avait regretté
14:36 de ne pas avoir tourné dans ce film.
14:38 Ah, lui, il s'en bordait les doigts,
14:40 mais il nous a fait suer pendant des mois aussi.
14:42 Guy Bedos, il nous a dit "je le fais, je le fais, je le fais pas",
14:44 finalement, il ne l'a pas fait parce qu'il avait sa tournée.
14:46 Il nous a mis dans une mise noire.
14:48 On n'avait personne à ce moment-là.
14:50 On était à un mois du tournage et il a dit...
14:52 Non, il n'a pas été sympa du tout, Guy Bedos.
14:54 C'est un mec avec du talent, hein.
14:56 Mais bon, il nous a... Je veux dire...
14:58 Il n'avait qu'à le faire, le truc.
15:00 C'est tout.
15:02 Alors, il y a quand même eu 12 millions d'entrées.
15:04 C'est quand même pas mal.
15:06 Vous avez vu les entrées monter petit à petit
15:09 dès le premier jour.
15:11 Oui, ça a se multiplié par...
15:13 Vous savez, c'est une progression...
15:15 C'est exponentiel.
15:17 C'est pas une progression mathématique.
15:20 C'est exponentiel.
15:22 Ça se multipliait par deux
15:24 dans chaque salle, à chaque séance.
15:26 Donc, ça a été très vite un truc de fou.
15:28 Il y a même des passionnés,
15:30 j'ai repéré sur Internet,
15:32 qui ont fouillé chaque image.
15:34 Et il y a notamment une image
15:36 où l'action se situe aux 20 rues des 4 fils
15:38 et une scène indique le numéro 110.
15:42 Et là, ça a été repéré par des fans du film.
15:44 Ah oui.
15:45 Vous ne le saviez même pas ?
15:46 Non.
15:47 Alors, le succès a été tel
15:49 qu'il y a eu des adaptations.
15:51 Il y a eu l'adaptation américaine.
15:53 Et que vous avez vaguement suivi.
15:55 Pas vaguement.
15:57 Ah non, j'ai passé 4 ans là-bas.
15:59 4 ans pour suivre...
16:01 Il y avait ça et puis Roméo et Juliette.
16:03 Oui, oui.
16:05 Parce que Roméo et Juliette,
16:07 qui a aussi été récompensé par un César.
16:09 Oui.
16:10 Mais il y en a eu d'autres
16:12 qui avaient des Césars.
16:13 Non ? Caro aussi.
16:14 Oui, oui.
16:15 Mais la version américaine,
16:17 il y a eu une suite,
16:18 "Telle père, telle fille".
16:19 Il y a même eu une version hindoue.
16:21 Oui, ça.
16:23 Les Indiens, ils sont assez forts
16:25 pour piquer les trucs
16:26 et s'en payer de bourses d'auteur.
16:28 Il y a aussi une version turque, je crois.
16:30 Oui.
16:31 Il y a pas mal de...
16:32 Mais en même temps,
16:34 c'est plutôt...
16:36 C'est sympa que les gens
16:38 aient besoin de prendre les choses
16:40 et de les refaire.
16:41 Si le film a eu du succès,
16:43 beaucoup de gens se sont interrogés.
16:45 Il me semble que vous êtes arrivé au bon moment,
16:47 dans l'air du temps.
16:48 Oui.
16:49 Il fallait pas qu'on puisse dire
16:51 que c'était le talent d'une femme.
16:52 Vous voyez, à cette époque-là ?
16:53 Oui.
16:54 Le producteur était formidable,
16:56 les acteurs étaient formidables,
16:57 et moi, c'était...
16:59 Je suis arrivé première
17:00 dans un concours de circonstances.
17:01 Voilà.
17:02 Non, non, non.
17:03 C'est pas vrai.
17:04 Pas du tout.
17:05 Je suis arrivé première là,
17:06 première...
17:07 Première, je m'en fous.
17:08 Le film était bon,
17:09 le sujet était important pour l'époque.
17:11 C'était un truc qui correspondait absolument
17:15 à une inspiration profonde du public
17:19 qui était latente,
17:20 qui n'était pas encore verbalisée.
17:21 Paf, c'est tombé au bon moment.
17:22 Mais c'est pas un hasard, ça.
17:24 Mais ça, justement.
17:25 Vous êtes au bon moment
17:26 où la société est en train d'évoluer.
17:28 Ça s'analyse, une société.
17:30 On fait pas comme ça au blair.
17:32 On bookine, on lit, on se renseigne.
17:35 Ça se fait pas sans une recherche très profonde.
17:41 Beaucoup de lectures,
17:43 beaucoup aussi de militantisme
17:46 et d'analyse de ce qui se passait
17:48 sur le plan de l'évolution
17:50 des rapports entre les hommes et les femmes, etc.
17:52 Et puis de l'évolution politique.
17:54 C'est ça ?
17:55 Il y avait un certain...
17:56 Évidemment que c'est comme ça
17:57 que je construis tous mes scénarios.
17:58 Je fais pas ça...
17:59 Boum, boum, pof, pof,
18:00 pif, pif, intuition féminine.
18:02 Non, non, non.
18:03 Il y a beaucoup de boulot derrière.
18:04 Et justement, "Les trois hommes et un couffin"
18:06 c'est né de toutes ces réflexions.
18:08 Bien sûr, oui.
18:10 Et puis c'est aussi une histoire politique.
18:12 C'est aussi une histoire d'amour
18:13 pour ce que c'est que le vivant,
18:15 pour ce que c'est que l'enfant.
18:17 Et que la fonction maternelle
18:20 peut être partagée
18:22 et devenir une fonction paternelle
18:23 si elle n'est pas une fonction paternaliste.
18:26 C'est-à-dire que c'était l'antipatriarcat, ce film, déjà.
18:29 Et ça s'est beaucoup développé, l'antipatriarcat, ensuite.
18:32 Avec "Me Too", avec tout ça.
18:34 Mais c'est autre chose.
18:36 Ça n'a rien à voir avec...
18:37 Ah si, ça a tout à voir.
18:38 Oui, mais il y a l'humour en plus
18:41 que vous avez cultivé dans "Les trois hommes et un couffin".
18:43 Mais je ne cultive pas.
18:45 Je vois le monde comme ça.
18:46 Je ne cultive pas l'humour.
18:48 L'humour c'est dans tout ce que je fais.
18:51 Je veux dire, dans tout ce que...
18:52 Mais l'humour c'est...
18:54 Tout le monde, quand vous regardez quelqu'un vraiment,
18:57 c'est à mourir de rire.
18:59 Alors, il y a eu un autre film, ensuite,
19:01 quelques années plus tard,
19:03 qui est aujourd'hui culte sur Internet,
19:05 et qui a été un échec à sa sortie
19:07 parce que vous étiez encore en avance sur votre temps,
19:09 c'est "La Belle Verte".
19:10 Oui, 15 ans en avance, oui.
19:13 Parce que ce film, c'est une histoire d'extraterrestre au départ.
19:16 Oui.
19:17 Et puis, vous aviez beaucoup d'espoir sur ce film.
19:20 J'ai toujours voulu qu'il y ait 25 millions d'entrées.
19:24 Ça a quand même fait un million d'entrées.
19:26 Ce qui n'était pas beaucoup à l'époque,
19:28 mais ce qui est beaucoup maintenant.
19:30 Mais...
19:31 Non, c'est pas une histoire d'extraterrestre,
19:33 c'est un prétexte pour qu'on voit avec d'autres yeux
19:37 dans quoi on vit et comment fonctionne cette société.
19:40 C'était ça, l'histoire.
19:42 C'était un conte philosophique.
19:43 Oui, c'était une espèce de candide, en fait.
19:45 Et donc, il y avait des références, par exemple, à la télépathie.
19:49 Oui, il y a un moment, il parle de télépathie quand ils sont...
19:53 Et vous dénonciez déjà l'écologisme,
19:55 l'anticonformisme et la décroissance.
19:58 Non, je ne dénonçais pas l'écologie.
20:01 Je défendais l'écologie, je défendais l'anticonformisme.
20:06 C'est ça.
20:07 Et quoi l'autre chose ?
20:08 La décroissance.
20:10 Oui, c'est-à-dire que la décroissance,
20:13 soit il aurait fallu l'organiser intelligemment déjà depuis 20 ans,
20:17 soit on va la subir plein pot et de manière très violente.
20:21 Mais elle est à l'ordre du jour, obligatoirement.
20:23 Et ce film, aujourd'hui, est sur Internet avec des...
20:27 Des millions, des millions et des millions de vues.
20:29 Comment ça s'explique ?
20:30 Ça s'explique parce que le film est bon, les gars.
20:33 Oui, mais en même temps, il a fallu du temps.
20:35 C'est en 96.
20:36 Parce qu'ils n'étaient pas mûrs, moi j'étais mûre.
20:40 Non mais je ne veux pas me lancer des flammes,
20:42 mais je veux dire, ça va, tout ça n'est pas des hasards.
20:45 On est d'accord.
20:46 Et il y avait dans ce film le Quatuor, un groupe...
20:49 Oui, ah j'adore ce groupe.
20:51 On avait travaillé beaucoup avec eux.
20:53 Alors, mon rapport avec le Quatuor,
20:55 c'est que je leur ai dit "je voudrais absolument que vous soyez dans le film".
20:57 Et ils ont cru que j'allais employer un truc qu'ils avaient déjà écrit.
21:00 Mais non, on va le réécrire ensemble,
21:02 et ça sera autour de Beethoven.
21:03 Ça veut dire qu'il n'y a pas une seule note.
21:05 On a composé la musique du truc,
21:07 ça tombe bien que je sois musicienne,
21:09 il n'y a pas une seule note de ce sketch, je dirais,
21:14 qui ne soit de Beethoven, en fait.
21:15 Tous les thèmes de Beethoven passent.
21:17 Tadadadadadadadadadada.
21:19 Tous.
21:20 Et alors, en plus, le Quatuor, ce sont les descendants des frères Jacques.
21:23 François Souberan, l'un des frères Jacques,
21:25 est un neveu de Marguerite Souberan.
21:27 Et que j'ai bien connu.
21:29 La boucle est bouclée.
21:31 Une autre date importante dans votre vie,
21:33 c'est le 11 décembre 2019.
21:35 On en parle dans quelques instants sur Sud Radio,
21:37 avec Colline Serrault.
21:39 Sud Radio, les clés d'une vie.
21:41 Jacques Pessis.
21:42 Sud Radio, les clés d'une vie.
21:44 Mon invité Colline Serrault.
21:46 Nous parlerons tout à l'heure de la belle histoire de Colline Serrault
21:48 que vous jouez au Théâtre Michel tous les lundis.
21:51 En même temps, votre histoire, on l'évoque largement depuis le début à travers des dates.
21:55 Et le 11 décembre 2019,
21:57 c'est le jour où vous êtes devenue officiellement immortelle.
22:00 Vous êtes reçue à l'Académie des Beaux-Arts
22:02 pour faire l'éloge de Pierre Schoendorfer.
22:05 Oui.
22:07 Et...
22:08 Alors...
22:09 Au début, je me suis dit, qu'est-ce que je vais faire là ?
22:12 Et puis après, j'ai vu le nombre de femmes qu'il y avait dans l'Académie.
22:16 Et j'ai dit, là, j'y vais.
22:18 On vous l'a proposée, je crois,
22:20 c'est Laurent Petitgirard.
22:21 Oui, mais Laurent, j'aime beaucoup.
22:23 Non, Laurent, il change.
22:25 Il a beaucoup, beaucoup fait pour que l'image de l'Académie change.
22:29 Il y a beaucoup de gens plus jeunes,
22:30 il y a beaucoup de femmes maintenant, vraiment beaucoup.
22:33 On n'est pas encore à la parité, mais ça pourrait venir.
22:36 Et puis surtout, il bouge, il bouge les lignes.
22:40 C'est plus une espèce de truc confit dans la naphtaline.
22:44 Non, non, c'est beaucoup mieux.
22:46 Et puis...
22:48 C'est une compagnie où même si les gens n'apprécient pas forcément ce que vous faites,
22:52 ou comme si on n'a pas la même opinion,
22:54 il y a quand même une bienveillance commune.
22:57 Ils sont extrêmement accueillants et extrêmement sympas.
23:00 Vous auriez imaginé à vos débuts, vous vous retrouver immortel, Colline Serrault ?
23:04 Je ne suis pas du tout immortel.
23:06 J'ai 76 ans, je pense que j'en ai encore pour une dizaine d'années à être à peu près dans un état correct.
23:11 Non, immortel momentanément.
23:13 Oui, mais immortel, c'est le terme qu'on emploie quand on est académicienne.
23:16 Oui, je sais.
23:18 Pierre Schoendorfer, vous avez donc succédé à ce grand metteur en scène qui avait fait "Le crabe-tambour",
23:23 qui avait fait "Dien Bien Phu".
23:25 Il y a des images qui ont été perdues.
23:27 En effet, lorsqu'il y a le siège de Dien Bien Phu, il est caméraman.
23:31 Il prend des images et il est arrêté.
23:33 Et avant d'être arrêté, il a enterré ces films.
23:36 Et on ne les a jamais retrouvés ensuite.
23:39 C'était vraiment la chute de Dien Bien Phu.
23:42 Vous connaissez Schoendorfer ?
23:44 Je l'avais rencontré une fois.
23:46 Il était très sympathique avec sa femme, dans un festival.
23:49 On avait très sympathisé.
23:51 Évidemment, nous étions dans des opinions politiques radicalement opposées.
23:58 Mais c'est un poète aussi.
24:01 Et je n'ai pas eu de mal à parler de son œuvre, qui a des choses très touchantes.
24:08 Il y a aussi le cinéma des femmes, la parité que vous recherchez.
24:13 Vous avez dit un jour qu'il y avait des hommes qui font du cinéma de femmes,
24:18 avec une nouvelle réflexion entre les rapports des hommes et des femmes.
24:21 Ça, c'est un de vos combats.
24:23 Je pense que c'est à propos d'Ettore Scola que j'ai dit ça, sur "Una giornata particolata".
24:30 "Une journée particulière", qui est un très beau film.
24:33 Pour nous toutes, ça a été une bouffée d'oxygène de voir
24:38 quelqu'un qui était capable de remettre en question lui aussi tous ses rapports.
24:44 C'est important.
24:46 Je pense que maintenant, on est arrivé à une deuxième phase de cette bataille.
24:54 Il y a un très beau livre qui s'appelle "Les hommes justes", de Jacques Blanquin.
24:59 Il y a plein d'hommes qui se posent des questions,
25:02 qui changent leur comportement,
25:05 qui n'ont plus du tout envie de cette violence patriarcale,
25:09 qui a aussi été la violence contre la terre,
25:13 la violence pour l'impérialisme et toutes ces guerres, etc.
25:17 Donc il y a un changement, mais il y a beaucoup de résistance.
25:21 Et on a encore du travail.
25:24 Mais quand il y a beaucoup de résistance, ça veut dire qu'ils ont peur.
25:27 Ils commencent à avancer bien.
25:29 Et dans ce domaine, Colline Serrault, vous avez été précurseur.
25:32 Moi, c'est en 60.
25:34 "Mais qu'est-ce qu'elles veulent" c'est en 60.
25:37 J'ai commencé le tournage en 73.
25:39 Il est sorti en 75.
25:41 Et il a vachement bien marché à l'époque.
25:43 Il a resté plus d'un an au cinéma Bonaparte.
25:48 Il a été vu partout.
25:50 Mon idée avec "Mais qu'est-ce qu'elles veulent", c'était
25:53 je ne veux pas de vedettes, je ne veux pas des femmes célèbres.
25:56 Je veux juste des gens pas connus, des gens normaux qui disent ce qu'ils voudraient.
26:02 Alors ils ne disaient pas ce qu'ils voudraient, mais ils disaient ce qu'ils ne voulaient plus.
26:06 Mais à l'époque, vous étiez l'une des rares à lever les tendards.
26:09 Personne n'en parlait.
26:10 Non, ça et l'écologie, tout un tas de trucs.
26:14 Et vous pensiez qu'on en parlerait un jour ?
26:17 C'est comme les acteurs.
26:19 Les trois quarts des acteurs, ils n'étaient pas du tout connus quand je les ai pris.
26:22 Qu'on en parlait un jour, comme vous voulez.
26:24 Vous pensiez qu'un jour, comme aujourd'hui, ça serait vraiment d'actualité ?
26:27 Évidemment, je n'avais aucun doute là-dessus.
26:29 Aucun doute.
26:30 Non, parce que c'était une analyse de la société.
26:32 La société, déjà, elle marche encore sur la tête,
26:34 mais elle ne pouvait pas continuer à marcher sur la tête comme ça.
26:37 Alors, vous dites aussi, Colline Sirot, que le féminisme est une révolution culturelle
26:41 aussi importante que le marxisme ou la psychanalyse.
26:44 Je maintiens, je persiste et je signe.
26:49 C'est extrêmement important.
26:51 Non, si vous dites que vous êtes écolo et que vous n'êtes pas féministe,
26:54 vous êtes à côté de la plaque.
26:56 Si vous dites que vous êtes pour la lutte des classes et pour la justice sociale,
26:59 si vous n'êtes pas aussi féministe, vous êtes à côté de la plaque.
27:02 Parce que les premières victimes de tout ça, c'est les femmes.
27:05 Et si vous ne comprenez pas, si vous ne révisez pas la psychanalyse,
27:09 celle que l'on a parlée Freud à la lumière du féminisme,
27:12 parce que lui, il a dit bien des sottises aussi,
27:14 tout en étant un très très grand homme,
27:16 vous êtes à côté de la plaque.
27:18 De toute façon, tout doit être perçu maintenant, à mon avis,
27:21 et pensé à la lumière de cet effroyable truc qu'est le patriarcat.
27:27 - Alors, le scénario, ça a commencé dans les années 70, c'est au début.
27:31 Et le premier film, je crois que vous avez scénarisé, c'était "On s'est trompé d'histoire d'amour".
27:35 - Je n'ai pas scénarisé, j'ai écrit le scénario.
27:38 - Oui, par contre.
27:39 - Non, parce que le metteur en scène a bien essayé de l'attribuer.
27:43 - D'accord, Jean-Louis Bertouchelli.
27:45 - Oui, qui était gentil, mais bon.
27:47 C'est toujours comme ça, il faut toujours bien remettre les pendules à l'heure avec les femmes,
27:51 parce qu'on a tendance à nous mettre sous le tapis, vous voyez ?
27:53 - Voilà.
27:54 - Et ça, c'est non.
27:55 - Alors, ce film, je crois que Francis Perrin vous donnait la réplique.
27:57 - Ah, je l'ai adoré.
27:58 - Il débutait à l'époque.
28:00 - Complètement, oui, oui.
28:01 Mais je l'ai repris dans "La Belle Verse", il a un très beau rôle.
28:04 - Et c'est vrai qu'à l'époque, il avait commencé un spectacle dans les environs de Paris le soir,
28:08 "Citron automatique", et il jouait à 10 heures sur des traiteaux,
28:12 et un soir, même Louis de Funès est venu le voir et ça a lancé le spectacle.
28:16 - Oui, et puis Francis, c'est un sacré acteur.
28:21 - Ah oui ?
28:22 - Ah oui, oui.
28:23 Il a aussi...
28:25 - Il a fait beaucoup d'autres choses.
28:30 - Il a fait plein de choses.
28:31 - Et il a plein de talents.
28:32 Alors, ce film...
28:33 - Oui, il avait commencé...
28:34 Il avait déjà fait "La Gifle", il me semble.
28:36 - Oui, "La Gifle".
28:37 - Avant de faire le mien, je ne suis pas sûre, mais...
28:40 - En tout cas, ça l'a lancé.
28:42 Et ce film a été tourné en cinq semaines, finalement, avec des petits moyens.
28:45 Donc on n'avait pas de gros moyens pour faire du cinéma.
28:48 - Oui, oui.
28:49 Vous voulez le premier ?
28:51 - Oui.
28:52 - "On s'est trompé sur l'amour", oui, oui.
28:54 "C'était Père Souchel", il était tout à fait débutant, moi aussi.
28:57 "Père In" n'était pas connu, donc ce n'était pas une grosse production.
29:00 - Mais en même temps, c'était de l'artisanat, comme vous aimez le faire depuis toujours.
29:04 - Oui, j'aime bien quand il y a beaucoup de semaines de tournage, aussi.
29:08 J'aime beaucoup.
29:09 - C'est votre chose.
29:10 Et ce film a failli être censuré,
29:12 et vous avez coupé dix secondes pour éviter la censure, je crois.
29:15 - Ah oui, mais si...
29:16 Mais qu'est-ce qu'elles veulent, a été censuré...
29:18 "La Belle Verte" a été censuré.
29:20 J'ai beaucoup connu la censure, oui.
29:22 - Et ça vous gêne ? Vous êtes habitué ?
29:24 - Oui, ça me gêne.
29:25 Ça me gêne, je ne suis pas habitué.
29:27 Et je pense que dans un pays démocratique, ça ne devrait pas exister, mais c'est comme ça.
29:31 - Et il y a eu aussi un autre succès qui a été connu, c'est "Pourquoi pas".
29:36 - Ah oui.
29:37 - "Pourquoi pas", c'était un film assez violent, quand même.
29:40 - Non, violent comment ?
29:42 - C'était pas ce que j'appelais du cinéma feutré.
29:45 C'est ce que vous aviez dit à l'époque.
29:47 - Ah, non, au contraire, c'était une histoire d'amour extrêmement douce,
29:51 et c'est un film pas du tout violent.
29:53 C'est simplement un trouble.
29:55 C'est un ménage à trois,
29:59 et où il y a aussi des rapports homosexuels,
30:02 et là, à l'époque, c'était très, très tabou,
30:05 mais maintenant, ça ne l'est plus.
30:07 - Non, mais à l'époque...
30:08 - A l'époque, ça avait beaucoup choqué.
30:10 - Il y avait deux hommes et une femme, et ça avait beaucoup choqué.
30:13 C'est-à-dire que c'était un couple à trois...
30:15 - Mais c'était pas violent, ils étaient très bien.
30:17 Ils venaient tous d'histoires difficiles,
30:19 et ils avaient trouvé là un équilibre affectif.
30:21 Je ne disais pas qu'il fallait vivre comme ça,
30:23 mais je montrais que quand une chose marche entre des gens,
30:26 et ça les rend heureux, il faut le faire, quoi.
30:29 - Oui, mais à l'époque, encore une fois, c'était pas courant.
30:31 - Ah, non, je me souviens de cette émission de Philippe Bouvard.
30:34 Quel grossier personnage !
30:36 - Ah bon ? Qu'est-ce que vous avez fait ?
30:38 - Oui, j'avais fait une émission avec lui,
30:41 où il était tout le temps en train de dessiner.
30:43 Il y avait dix de ces vieux mecs autour de moi,
30:45 et j'étais toute jeune, mais ils ne m'ont pas eu.
30:48 Il me dit "Vous avez écrit le scénario ?"
30:50 Je dis "Oui".
30:52 "Et vous avez aussi joué dans le film ?"
30:56 Je dis "Oui".
30:58 "Donc vous n'êtes pas bavardes ?"
31:00 Il me dit.
31:01 Je dis "Non".
31:03 - La conversation a failli s'arrêter là.
31:05 - Oui, mais...
31:07 Ça n'aurait pas été une perte.
31:09 - Pourquoi pas, il y a aussi une récompense étonnante,
31:13 c'est que vous avez eu le prix d'Electrice de Hell,
31:15 alors que c'est un film qui aurait dû choquer l'Electrice de Hell.
31:18 - Ah non, mais l'Electrice de Hell, c'est des femmes,
31:20 elles sont intelligentes.
31:22 - Oui.
31:23 Et ça vous a rassuré que ce film ait un prix de ce genre ?
31:26 - Rassuré sur quoi ?
31:28 - Sur le fait qu'il y avait des tabous.
31:30 - Ah, il y avait des femmes ?
31:31 - Non, qu'il y avait des tabous à faire disparaître.
31:33 Non, ça m'a rassuré sur l'intelligence des femmes.
31:36 - Oui, vous n'en avez jamais douté.
31:39 - Oh, il y a des bêtasses aussi, il y a des collabos aussi.
31:42 - Alors, il y a aussi votre côté perfectionniste.
31:45 Quand vous faites un film, vous le suivez jusqu'au bout, Collinson.
31:47 - Ah, de A à Z.
31:49 D'abord j'écris, ensuite je fais toute la préparation.
31:51 Il n'y a pas une coupe au montage qui se fait sans moi.
31:54 Et c'est trois ans un film.
31:56 C'est trois ans d'une vie, c'est beaucoup.
31:58 Et quand on le fait vraiment...
32:00 Sinon, on peut aussi faire à la chaîne,
32:02 il y a l'autre qui fait le montage.
32:04 Oui, mais c'est possible.
32:05 Tout est possible.
32:06 Mais moi, ce n'était pas ça.
32:08 C'était mon bébé, mon truc, ma fabrication, ma marque.
32:12 Sur le tournage, il n'y avait pas un projet que je ne contrôlais pas,
32:16 ni le cadre, au centimètre près.
32:18 Oui, je suis une technicienne aussi.
32:21 Et j'adore la technique.
32:23 - Oui, mais en même temps, quand le film sort et qu'à 14h,
32:26 les entraînes ne sont pas là et que le soir, le film est mort,
32:29 c'est difficile après trois ans de travail.
32:31 - Tous les cinéastes connaissent ça.
32:33 - Vous avez connu ça aussi ?
32:35 - Oui, il disait qu'il était mort,
32:37 mais il avait quand même fait un million d'entrées, la Belleverte.
32:40 - En même temps, c'est un risque permanent ?
32:43 - Ah oui, et puis on n'est pas dans le public,
32:45 on n'est pas dans l'argent public, on est dans l'argent privé.
32:48 Donc c'est une économie très complexe,
32:50 parce que si vous vous plantez,
32:52 vous pouvez planter une fois, deux fois, mais pas trois.
32:55 Donc il faut à la fois garder son intégrité artistique,
32:59 absolument la garder, ne pas faire n'importe quoi pour eux,
33:03 et en même temps, toucher les gens.
33:10 Et ça, c'est un très bon moteur de devoir parler aux gens.
33:15 Quand vous êtes subventionné à GoGo par l'argent public,
33:19 vous n'avez pas cette problématique de vraiment communiquer
33:23 avec le public et d'une manière élégante,
33:25 et d'une manière classe, et pas vulgaire.
33:29 Et ça, c'est pas évident à faire.
33:31 Et surtout, c'est pas évident de faire rire les gens.
33:34 Il y a tellement de films où on ne rit pas.
33:36 - Oui, il y en a beaucoup.
33:37 Et alors, il y a aussi une autre chose que vous avez faite,
33:39 parce que c'est assez inattendu,
33:40 ce sont des documentaires comme celui-ci.
33:43 - Qu'est-ce que c'est que la Première Guerre mondiale, en fait ?
33:45 C'est l'éradication de la paysannerie,
33:47 qui se fait massacrer au front.
33:49 - "Solution locale pour un désordre global",
33:52 ça aussi, un documentaire au cinéma,
33:54 c'était pas si courant ?
33:56 - Non.
33:57 Ça a été mon premier, c'était quand même "Qu'est-ce qu'elles veulent",
33:59 c'était aussi un documentaire.
34:01 Pour moi, c'est probablement un de mes films les plus importants.
34:05 "Solution locale".
34:07 - Pourquoi ?
34:08 - Parce que, sur le plan de l'analyse
34:10 de ce qui se passe dans la terre,
34:11 de comment fonctionne économiquement, politiquement,
34:15 la destruction de la terre,
34:16 il n'y a pas eu mieux depuis.
34:18 J'ai voyagé vraiment dans le monde entier,
34:21 au Brésil, au Maroc, en Ukraine, en Inde,
34:27 et j'ai vraiment eu le cœur de ce qui dysfonctionne
34:31 dans notre société avec ce film,
34:33 qui est à la fois féministe et écologique,
34:36 mais qui est une analyse vraiment très serrée
34:40 de tout ce qui se passe politiquement
34:43 et aussi de ce qui se passe avec la terre.
34:47 Parce que la terre, c'est ce qu'on mange,
34:49 et les maladies et tout ça.
34:50 Et donc pour moi, c'est...
34:53 Parce qu'après, il y a eu des tas de films
34:55 sympas, avec la musique ceci, la musique cela,
34:58 et des petites vedettes et tout ça.
35:01 Ça, c'est un film, vous pouvez le revoir dans 20 ans,
35:04 il n'y a rien qui aura bougé,
35:06 au point de vue de l'acuité de l'analyse.
35:08 - En tout cas, avant 20 ans, on va vous revoir
35:11 dans quelques instants sur Sud Radio
35:13 pour évoquer le 23 octobre 2023.
35:15 A tout de suite donc, sur Sud Radio, avec Coline Serrault.
35:18 - Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
35:22 - Sud Radio, les clés d'une vie.
35:24 Mon invité, Coline Serrault, nous évoquons
35:26 depuis le début votre parcours,
35:28 et votre parcours, vous l'évoquez,
35:29 depuis le 23 octobre 2023,
35:31 tous les lundis à 20h au Théâtre Michel,
35:33 au moins jusqu'au 25 mars,
35:35 avec la belle histoire de Coline Serrault.
35:37 C'est-à-dire que vous êtes sur une scène,
35:38 avec une table et une chaise,
35:40 et vous racontez votre vie.
35:41 C'est quand même totalement nouveau pour vous.
35:44 Pourquoi cette aventure ?
35:46 - Je ne raconte pas vraiment ma vie.
35:48 Je raconte des bouts de ma vie.
35:50 Et je ne raconte rien de privé.
35:52 Ça, c'était une règle absolue dans ma vie.
35:54 Jamais, jamais rien de privé.
35:56 Par contre, c'est...
35:57 Oui, c'est...
35:58 Bon, à part l'école du début,
36:00 mais c'est un parcours...
36:02 En fait, j'aime pas trop parler de moi.
36:05 Ce n'est pas ça.
36:06 Mais ce qui m'intéressait,
36:07 c'était à travers ça,
36:08 avec cette histoire et des histoires,
36:10 des moments extrêmement drôles,
36:12 des moments vraiment de...
36:14 Je veux dire, de toucher les gens.
36:16 Que ça ne soit pas "Me, myself, my story",
36:19 qui au fond n'a pas plus d'intérêt
36:21 que celle de qui que ce soit.
36:23 Mais c'est simplement qu'à travers
36:25 ce que j'ai fait, ce que j'ai entendu,
36:27 ce que j'ai vécu,
36:28 je puisse communiquer,
36:30 et que le public puisse s'y retrouver
36:32 et être heureux.
36:34 C'est vraiment ça.
36:36 C'était pas...
36:37 D'ailleurs, "La belle histoire",
36:39 c'est eux qui ont trouvé le titre.
36:41 Il est bien, le titre,
36:43 mais je parle avec les gens.
36:45 C'est le même.
36:46 Il y a une colonne vertébrale dans le spectacle,
36:48 mais il y a beaucoup de choses improvisées.
36:50 Il y a beaucoup de choses qui viennent avec le public,
36:52 comment il rit, comment il est.
36:54 C'est très vivant sur le moment.
36:56 - C'est-à-dire que c'est une sorte de réflexion
36:58 avec de l'humour ?
36:59 - Oui, il y a beaucoup d'humour, heureusement.
37:01 Mais ce que je veux dire, c'est que...
37:03 Je casse le code du "One moment show",
37:10 il faut une vanne tous les...
37:12 Non, il y a des moments...
37:15 La plupart du temps, ça rit,
37:17 mais c'est surtout...
37:19 Oui, je casse tous les codes avec ça, j'essaye.
37:21 - C'est une idée qui vous est venue comme ça,
37:23 par hasard, ou avec de la réflexion ?
37:25 - Non, j'en avais marre de tout.
37:27 J'avais envie de raconter des trucs.
37:30 - Parmi les trucs que vous racontez,
37:32 il y a votre premier feuilleton à 20 centimes.
37:35 Qu'est-ce que c'est ?
37:36 - Vous voulez que je vous dise la baisse ?
37:38 - Non, racontez-moi ce que c'est.
37:40 - Ah non, c'est une vraie histoire.
37:42 Mon premier boulot professionnel à 11 ans,
37:44 20 centimes la page, un feuilleton,
37:46 parce que je n'avais pas de quoi m'acheter des chewing-gums.
37:48 - Voilà.
37:49 Vous avez été feuilletoniste,
37:50 qui est un métier très difficile.
37:52 - Très, très difficile.
37:53 Puis j'ai pris quelques gamelles
37:54 et ça m'a appris beaucoup de choses.
37:55 - Et c'était publié dans un journal ?
37:57 - Ah non, non, c'était un manuscrit.
37:59 Et quand j'avais plus d'idées,
38:00 j'écrivais très, très gros.
38:01 Et ça, à un moment, vous voyez que...
38:03 Je chariais, quand même.
38:05 Le roi du feuilleton, c'était Pompe son utéraille au 19e siècle,
38:08 qui a écrit 200 romans.
38:09 À un moment, il a eu un problème,
38:10 parce qu'il écrivait ses feuilletons
38:12 avec des personnages qui étaient debout sur la cheminée
38:14 et quand ils mouraient,
38:15 il les mettait à terre.
38:17 Et puis une femme de ménage a tout mis à terre un jour,
38:19 il ne savait plus où il en était.
38:21 Il y a eu des résurrections dans le feuilleton,
38:22 totalement invraisemblables.
38:24 - Il y avait Balzac aussi, comme...
38:27 - Il faisait ça.
38:28 - ... grand feuilletoniste et sonde.
38:31 - Alors, dans ce spectacle,
38:33 "La vie à l'histoire de Coline Serrault", Théâtre Michel,
38:35 vous revisitez une scène très célèbre.
38:38 - Ecoute, Victor, tu arrêtes.
38:40 Tu arrêtes tout de suite.
38:41 Tu te taies et tu m'écoutes.
38:43 - Voilà, alors Maria Pacôme dans "La crise",
38:45 moi, je suis entouré de gens
38:47 qui connaissent la scène par cœur.
38:49 C'est une référence.
38:51 - Ah, ça, c'était jouissif quand j'ai appris ça.
38:53 La première fille qui m'a dit ça a dit
38:55 "Ma mère, elle l'a apprise par cœur".
38:57 Alors, ça veut dire que...
38:59 Ça veut dire que ça leur fait du bien.
39:01 C'est ça pourquoi on fait de l'art.
39:03 C'est pour que ça fasse du bien aux gens.
39:05 - Mais quelle est cette histoire ?
39:06 Comment c'est venu cette histoire de Maria Pacôme ?
39:09 Faisons...
39:10 - Parce que c'est l'histoire de toutes les femmes.
39:13 C'est tout.
39:14 C'est aussi simple que ça.
39:15 C'est pour ça qu'elles la prennent par cœur.
39:17 On leur a nié.
39:18 On a tout le temps vu des vieux mecs,
39:20 moches, bourrés de rides et tout,
39:22 avec des petites jeunettes.
39:23 On ne voit que ça à Cannes.
39:25 Elles sont sur des cintres avec des trucs.
39:29 Et aux bras de vieillards qui s'enorgueillissent
39:32 d'avoir cette jeune.
39:34 Mais elles se font suer avec ça.
39:36 Mais les femmes, elles ont une sexualité magnifique,
39:39 beaucoup plus puissante quand elles vieillissent
39:41 que les hommes qui ont tendance un petit peu
39:43 à baisser la garde au bout d'un certain temps.
39:46 Alors, c'était inversé toute cette espèce
39:49 de croyance patriarcale qui est fausse.
39:54 Et le droit au bonheur, quoi.
39:57 Et le droit au bonheur et le droit de ne pas
39:59 tout le temps avoir ce fardeau de cette famille
40:02 dans le servage, quand on est dans le servage.
40:05 Non, à un moment on est libre.
40:07 Et puis on est libre et on a une sexualité
40:09 jusqu'à sa mort.
40:10 On a une sexualité florissante.
40:12 - Et vous revisitez cette scène dans le spectacle ?
40:15 - Je la relis autrement,
40:17 mais avec aussi quelques intonations de Maria.
40:21 Et les gens adorent.
40:24 - C'est-à-dire que Maria Pacomo était
40:25 un personnage extraordinaire, capable de tout d'ailleurs.
40:28 - Oui, elle était folle.
40:29 C'est ça qu'elle avait de plus beau.
40:31 En scène, elle était complètement barjo,
40:32 mais a un très très très grand sens du public.
40:34 Incroyable, elle a eu un instinct fabuleux.
40:37 - Mais elle était tellement folle qu'un jour
40:39 elle était dans un théâtre, ça a guédé mon parnasse.
40:41 Après Henri Tissot, qui n'en finissait pas,
40:44 elle est rentrée sur scène pour arrêter Henri Tissot
40:46 et faire son spectacle.
40:47 - Oui, elle était capable de...
40:50 - Alors, le théâtre pour vous, ça a commencé, je crois,
40:52 avec Romain Bouteille et Coluche.
40:54 - Et Coluche, oui.
40:55 - Parce que Coluche, il faut savoir, avait été à la méthode,
40:59 un cabaret où Romain Bouteille,
41:01 et ça a été le choc de sa vie,
41:02 et ça lui donnait envie de faire du spectacle.
41:04 - Oui.
41:05 Alors, j'ai commencé déjà bien avant,
41:07 avec mon frère, avait monté la compagnie des 7,
41:10 où on tournait dans la Drôme.
41:12 Et déjà, j'avais joué pas mal là.
41:14 - Vous jouez les Molières à l'époque ?
41:15 - Les Molières, oui.
41:16 - Avec une 2-chvo.
41:17 - Avec une 2-chvo, et puis moi je jouais de la guitare
41:19 aux intermèdes, parce que j'étais guitariste à l'époque.
41:21 Je jouais que du bac.
41:22 J'avais appris la guitare pour pouvoir jouer les suites
41:25 pour violoncelle de bac.
41:26 Et donc, mais là, après, oui, j'étais avec,
41:30 j'avais un ami qui s'appelait Kaminka,
41:32 qui faisait partie de la compagnie des 7.
41:34 - Didier Kaminka ?
41:35 - Didier Kaminka.
41:36 Et lui, il avait monté un cabaret à la Vieille Grille,
41:38 et la fille, elle est tombée malade.
41:40 Et il m'a dit, est-ce que tu peux la remplacer au pied levé ?
41:42 Bon, j'ai dit oui, mais moi j'étais musicienne,
41:45 à ce moment-là, j'étais pas du tout dans le théâtre.
41:47 Et je l'ai fait, et ça, je faisais plutôt assez rire.
41:50 Et puis après, ça s'est fait comme ça.
41:53 Je crois qu'il y a eu Coluche qui m'a vu,
41:56 mais après je suis rentrée...
41:57 Et Bouteille ! Bouteille !
41:58 Et puis Bouteille m'a prise dans le Soir des Diplomates,
42:01 où il y avait aussi Patrick Devers,
42:04 et on était toute une équipe.
42:05 Ça a eu tellement de succès qu'on a joué un an.
42:08 Là, c'est Coluche qui m'a vu aussi.
42:10 Et quand il a quitté le Café de la Guerre
42:12 pour fonder sa troupe, qui s'appelait Thérèse et Triste,
42:15 enfin le grand chic parisien,
42:19 il m'a demandé de venir, et je suis venue tout de suite.
42:23 Et le premier spectacle, Thérèse et Triste,
42:25 on l'a écrit plus ou moins ensemble.
42:26 Et c'est moi qui ai ramené Clernadeau,
42:29 tous ces gens-là, y compris Véronique,
42:31 qui était une copine, Véronique, qui est devenue sa femme.
42:34 - Exactement. Et Coluche, à l'époque, vous aviez compris que c'était...
42:37 - Ah lui, alors c'était un grand talent.
42:39 C'était pas un type facile, ni sympa, dans la vie.
42:41 - Non.
42:42 - Mais immense talent. Immense, immense.
42:44 Et puis avec une conscience politique.
42:46 - Alors, il y a eu aussi une pièce qui est jouée dans plusieurs pays encore aujourd'hui,
42:51 c'est Lapin Lapin.
42:52 - Ah oui, Lapin Lapin. En Allemagne, 250 mises en scène.
42:56 - Dont une par vous à Berlin.
42:57 - Une par moi à Berlin, il y a quelques années, au Schiller Théâtre, oui.
43:01 - C'est fou comment ça...
43:02 Alors c'était un message humaniste, au départ, cette pièce.
43:05 - Oui, puis c'était à mourir de rire, surtout.
43:08 C'était l'histoire d'un couple de petites gens qui ont 5 enfants,
43:12 et enfin tout le monde est parti, enfin ils sont tranquilles.
43:14 Et puis c'est une telle crise partout que tout le monde revient.
43:17 En gros, c'était ça le pitch.
43:19 - Je crois que vous l'avez créée au théâtre de la Ville.
43:21 - Oui. Puis on l'a repris ensuite au théâtre de la Porte Saint-Martin.
43:24 Puis ça a toujours été un carton.
43:27 On a fait des tournées, etc.
43:29 Et puis ça s'est joué en Italie, en Scandinavie, en Finlande, en Suède, partout.
43:34 - Mais comment ça se fait ?
43:35 C'était là aussi parce que vous aviez compris que c'était dans l'air du temps ?
43:38 - Bah ça avait beaucoup de succès, oui, ça marchait bien.
43:41 - Curieusement, quand on va sur internet, la pièce est signée "Eli Bourquin".
43:45 - Oui, j'avais pris un pseudonyme parce que j'en avais marre.
43:48 Je voulais qu'on me sorte de mon oeuvre du cinéma, qu'on me juge sur la pièce elle-même.
43:53 Une pièce d'un inconnu, Eli Bourquin.
43:55 - Et puis il y a eu aussi "Qui c'est toi et gros bêta", récompensé par 5 Molières quand même.
44:00 - Oui. Là aussi on a joué 5 ans, ça.
44:03 - Ça aussi c'était l'impossibilité de l'homme et des hommes,
44:06 avec une ouverture sur l'espérance de la complicité.
44:10 - Ah, vous avez pitché ça comme ça ?
44:12 - Oui.
44:13 - C'était un crétin, un pauvre crétin, et un type qui sait tout.
44:18 Et le plus intelligent, devinez qui ?
44:21 - La femme.
44:22 - C'était le crétin.
44:23 - D'accord.
44:24 Alors finalement, il vous est une mise écologique que vous avez mis de côté.
44:28 Ça vous a quand même servi parce que vous avez fait 3 mises en scène à l'Opéra Bastille, Colin Serrault.
44:32 - Oui.
44:33 - On a un peu oublié ça.
44:34 - Ah bah non.
44:35 - Le barillet de Séville.
44:36 - Surtout la chauve-souris.
44:38 - Oui, la chauve-souris et puis le manon.
44:40 - Ça, ça a été important aussi, l'Opéra Bastille.
44:42 - Ah oui.
44:43 Surtout que la première mise en scène que je montre aussi dans le spectacle,
44:49 ça a été repris beaucoup, ça a été repris beaucoup.
44:52 Et alors le barillet de Séville, ça a été repris pendant 9 ans.
44:54 - Et vous évoquez le hip-hop dans votre spectacle.
44:57 - Oui, j'ai aussi beaucoup travaillé avec les gens du hip-hop.
45:00 J'ai adoré cette danse depuis le début, bien avant,
45:04 et je les ai fait rentrer à l'Opéra Bastille.
45:06 - Et ça a fait scandale, l'Opéra Bastille ?
45:08 - Au début, ils étaient un peu choqués.
45:10 On partait, on partait, on s'est dossé quelques places.
45:13 Mais après, ils sont pas idiots non plus.
45:16 Ils ont bien vu que c'était des très grands.
45:18 - Alors, je me suis un peu renseigné, la création du terme hip-hop
45:21 est attribuée à certains kiff-cowboys,
45:24 le rappeur de Grandmaster Flash et de Furious Five.
45:27 C'est lui le premier, c'est dans les années 70 à New York,
45:30 et c'est l'un des premiers à avoir employé le mot hip-hop.
45:33 C'est fou, hein ?
45:34 On a totalement oublié l'homme, mais on connaît l'expression.
45:37 Vous avez aussi, grâce à votre connaissance de la musique,
45:39 Colin Seyrault, composé des musiques de films,
45:42 La Belle Verte, Dix ans après.
45:45 Vous auriez pu en faire plus ?
45:47 - Oui, mais là, il y avait une question de temps aussi.
45:50 C'était facile pour moi de faire ça,
45:54 mais c'était pas mon métier quand même.
45:57 - Oui, mais les musiques venaient spontanément.
45:59 - Ah oui, oui, elles venaient directes.
46:01 Maintenant, si vous me mangez, je vous écris des musiques.
46:04 - Et puis dans ce spectacle, La Belle Histoire de Colin Seyrault,
46:07 vous évoquez une chorale.
46:09 Ça, c'est un gospel de la chorale du Delta,
46:17 dans le Midi de la France,
46:19 car la chorale du Delta, vous l'avez créée.
46:21 - Oui.
46:22 Ça, c'est la voix de Madeleine Besson, ma fille.
46:24 - C'est votre fille ?
46:25 - Oui, et c'est elle qui a composé la musique de Solutions Locales,
46:29 et c'est magnifique.
46:30 - C'est une compositrice.
46:31 - Oui, le talent se transmet.
46:33 Et donc cette chorale, pourquoi vous l'avez faite comme ça ?
46:36 Je crois que c'est à partir d'un stage.
46:38 - Oui, c'est ça, un stage.
46:41 Il y a du rond-point.
46:43 Je savais, dans tous les spectacles,
46:46 j'avais toujours des choeurs,
46:47 je dirigeais des choeurs où j'en avais.
46:49 Et puis j'ai toujours aimé ça,
46:51 j'ai toujours aimé dans la musique,
46:53 plus que l'instrument.
46:55 Je n'étais pas surdouée en instrument, vraiment pas.
46:57 Je pense que j'étais faite pour la direction,
46:59 donc j'ai fondé cette chorale, ce choeur,
47:02 et je l'ai formée vocalement,
47:05 j'avais fait beaucoup de chants,
47:07 j'avais fait beaucoup de chants déjà avant.
47:09 Et puis on a commencé à tourner dans la Drôme,
47:12 à tourner dans le Loir-et-Cher,
47:14 et puis c'est devenu un truc énorme, quoi.
47:16 Et une usine à gaz, et puis après,
47:18 maintenant j'ai réduit,
47:20 depuis 2-3 ans c'est un ensemble vocal de 5 personnes,
47:23 et même on a des duos,
47:25 là le 21 janvier,
47:27 au Temple des Batignolles,
47:29 on va chanter en duo.
47:31 - Et pour vous, c'est quelque chose d'important,
47:34 de vivre ainsi, de faire vivre cette musique ?
47:38 - Oui, c'est de la musique classique,
47:40 avec aussi des incursions dans le jazz,
47:42 et dans le gospel, tout ça.
47:44 Ce qui est beau dans le chœur, c'est que vous n'avez rien.
47:47 Il n'y a rien.
47:48 Il n'y a pas d'instrument, il n'y a pas d'installation,
47:50 vous avez un beau petit piano électrique,
47:52 vous avez 4-5 personnes, 30 personnes,
47:54 et ça devient un truc formidable.
47:56 Juste, ils chantent, quoi.
47:58 Ils chantent à plusieurs voix,
48:00 et c'est une espèce de pureté,
48:02 c'est comme le trapèze,
48:04 il n'y a pas de...
48:06 Vous avez juste deux fils, une barre,
48:08 et c'est parti, quoi.
48:10 C'est pas du trapèze volant,
48:12 plus c'est simple,
48:14 et c'est aussi ça qui m'a tellement plu,
48:16 au Théâtre Michel, il n'y a rien, quoi.
48:18 Il y a juste cette petite table,
48:20 où j'ai une jolie écharpe,
48:22 et puis il n'y a rien,
48:24 et plus ça va, plus j'ai envie d'aller vers cette pureté.
48:26 - Et je crois qu'en plus,
48:28 il y a un jour, vous le racontez dans le spectacle,
48:30 un curé a refusé que vous chantiez
48:32 la flûte enchantée de Mozart.
48:34 - Oui.
48:36 Je l'ai bien taclé, mais ça je le raconterai dans le spectacle.
48:38 - On le verra, ce spectacle.
48:40 On le raconte dans le spectacle.
48:42 Vous évoquez aussi votre prochain film.
48:44 - Tempête. - Oui.
48:46 - J'en lis des scènes dans le spectacle.
48:48 - C'est-à-dire que ça vous épinglait
48:50 ce que vous appelez les écolos machos.
48:52 - Il y a les écolos machos,
48:54 il y a aussi le théâtre public que j'épingle.
48:56 - Oui. Plus ça va, plus vous avez envie d'épingler.
48:58 - Oui, j'épingle, avec humour.
49:00 - Oui, bien sûr. - Et puis je peux me tromper.
49:02 On n'est pas infaillibles.
49:04 - Non, mais en tout cas, ce spectacle,
49:06 ça prouve que vous allez continuer à faire du cinéma.
49:08 - Oui.
49:10 Et il y a aussi le récit d'un spectacle raté
49:12 qui s'appelait Othello.
49:14 Et là, ça les fait...
49:16 Ils partent en civière, tellement ils rigolent.
49:18 - Écoutez, je conseille à celles et ceux
49:20 qui vous écoutent d'aller de ce pas
49:22 réserver une place pour aller le lundi à 20h
49:24 au Théâtre Michel.
49:26 Vous découvrir sur scène avec votre franc-parler
49:28 qui est rare et qui est bien encourageant
49:30 dans notre société. - Merci beaucoup.
49:32 - Merci, ça s'appelle "La belle histoire de Coline Serrault",
49:34 je le rappelle. - Et c'est jusqu'en mars.
49:36 - Pour l'instant. - Peut-être plus,
49:38 on ne sait pas si ça marche. Et puis j'ai une expo
49:40 de mes peintures à la Galerie Cinéma
49:42 le 21 février.
49:44 Le 1er février.
49:46 - Eh bien écoutez, c'est déjà noté.
49:48 Nous y serons. Merci,
49:50 Coline Serrault. Continuez ainsi.
49:52 Les clés d'une vie, c'est terminé pour aujourd'hui.
49:54 On se retrouve bientôt. Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.
49:56 [SILENCE]

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