Jacques Pessis reçoit Jean-Claude Bourret : la Cinq a été l’une des aventures les plus marquantes de sa carrière de journaliste. Trente ans après l’écran noir, il raconte les coulisses de l’histoire de cette chaine (Guy Trédaniel éditeur).
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-01-22##
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NewsTranscription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, sainte de mon invité,
00:06 vous avez débuté à la télévision sur la 3,
00:09 vous avez toujours travaillé comme 4,
00:11 en particulier quand vous avez vécu l'aventure de la 5,
00:14 des chiffres liés à un parcours où on a toujours beaucoup compté sur vous.
00:20 Bonjour Jean-Claude Bourré.
00:21 Bonjour Jacques Pessis et bonjour à tous vos sympathiques auditeurs.
00:25 Et de plus en plus nombreux, je le rappelle.
00:27 Alors, vous publiez "La 5, l'histoire secrète" chez Guitre et Daniel,
00:31 qui est un livre très attendu depuis des années,
00:33 on va en parler tout à l'heure,
00:34 mais le principe des clés d'une vie, c'est de raconter votre parcours.
00:37 Alors, il y a déjà eu deux émissions où nous nous sommes retrouvés,
00:41 mais j'ai quand même trouvé d'autres choses.
00:42 Il est incroyable.
00:44 Alors, on va évoquer ce parcours qui est lié finalement,
00:47 qui va arriver vers la 5 avec ce livre, cette histoire secrète.
00:50 Alors, j'ai d'abord trouvé le 14 avril 70.
00:53 Vous avez ce jour-là un scoop mondial, écoutez.
00:56 [Bruit d'explosion]
01:02 Apollo 13, un incendie à bord de la mission,
01:05 et celui qui trouve le scoop mondial, c'est vous Jean-Faude Bourré.
01:09 Oui, ça me touche beaucoup que vous disiez ça,
01:13 parce que c'est, vous savez, une carrière de journaliste se mesure
01:16 à ce que l'on a apporté aux lecteurs, aux auditeurs, aux téléspectateurs.
01:20 Si on se contente évidemment de lire les dépêches,
01:23 on fait son métier de journaliste, mais on n'apporte pas grand-chose.
01:25 Or, l'histoire du scoop d'Apollo 13 m'a marqué,
01:30 parce que d'abord j'avais battu la presse mondiale.
01:34 J'étais à Houston, il y avait 3500 journalistes venus du monde entier.
01:38 Vous étiez reporter à l'époque.
01:39 J'étais envoyé spécial de France Inter,
01:42 petite radio concurrente de la grande radio Sud Radio.
01:46 Complémentaire, dire on veut.
01:48 Et donc tout le monde se demandait ce qui se passait
01:52 dans la cabine Apollo, qui était sur le trajet Terre-Lune.
01:55 Il y avait eu une explosion.
01:57 On commençait à dire "on ne les reverra pas vivants",
02:01 parce qu'ils ne pouvaient pas faire demi-tour,
02:02 évidemment compte tenu des lois de la gravité universelle.
02:05 Ils étaient obligés d'aller jusqu'à la Lune,
02:07 de tourner derrière la Lune et de revenir vers la Terre.
02:10 Ça prenait cinq jours.
02:12 Donc on se disait "ils sont foutus".
02:14 Enfin, quand je disais "on", c'était la plupart des spécialistes
02:18 et des confrères qui étaient présents.
02:20 Et moi, parce que j'ai fait mon métier de journaliste,
02:23 qui consiste à bâtir un réseau d'informations
02:27 chaque fois qu'on s'occupe d'une institution,
02:29 en l'occurrence c'était la NASA,
02:31 eh bien j'avais monté un réseau d'informations
02:34 parmi les ingénieurs au sein de la NASA.
02:36 Et j'ai eu la chance,
02:39 alors que depuis presque 24 ans on se demandait
02:42 quelle était l'origine de l'explosion,
02:44 de voir un ingénieur qui était devenu un ami,
02:47 qui est venu me voir discrètement dans la salle de presse,
02:50 qui était bourré de journalistes qui arrivaient de tous les coins du monde,
02:55 et qui m'a dit "Jean-Claude, vous cherchez évidemment
02:58 quelle est l'origine de l'explosion".
02:59 Il a ouvert sa veste,
03:01 il m'a montré une feuille sur laquelle il y avait un graphisme,
03:04 et il m'a dit "vous voyez, montée en pression et en température
03:08 du réservoir d'oxygène dans le module de commande,
03:14 donc c'est le système de sécurité qui n'a pas fonctionné
03:18 et c'est le réservoir qui a explosé".
03:19 Et je l'ai dit, et en un quart d'heure ça a fait le tour du monde.
03:23 Et je me souviens très bien qu'à peu près une demi-heure après
03:26 on m'a tapé sur l'épaule,
03:28 c'était un technicien de la belle téléphone compagnie
03:32 qui me tend un télégramme, à l'époque il y avait des télégrammes,
03:35 et c'était "Bravo pour ton scoop mondial,
03:38 tu as une prime de 1000 francs",
03:40 je gagnais 800 francs par mois,
03:42 "tu as une prime de 1000 francs, signé le directeur général".
03:45 - Alors c'est vrai que l'histoire d'Apollo 13 a tellement marqué les gens
03:48 qu'il y a eu un film catastrophe,
03:50 qui a été joué par Tom Hanks en particulier,
03:52 mais il y a une phrase dedans qui n'est pas la réalité,
03:55 la phrase culte "Houston nous avons eu un problème"
03:58 et pas "Houston nous avons un problème",
04:00 parce que ce n'était pas crédible scénaristiquement de dire
04:03 "on l'a eu" alors qu'on racontait pas l'histoire.
04:04 - Mais bien sûr, bien sûr.
04:06 - Et c'est vrai que ça a changé votre image,
04:08 votre carrière à la radio d'abord ?
04:10 - Je ne sais pas si ça a changé ma carrière,
04:12 mais vous savez quand on est dans un grand média comme celui de radio
04:17 et qu'on fait soit une série d'émissions qui marchent bien, historiques,
04:22 soit on apporte un scoop,
04:25 évidemment le regard des autres, à commencer par celui de la direction
04:29 et celui des auditeurs, change.
04:31 Et évidemment, concernant France Inter,
04:34 c'était exactement la même chose.
04:35 Quand je suis rentré, tout le monde m'a dit,
04:39 tout le monde n'écoutait que toi,
04:41 parce qu'on voyait que tu étais le mieux renseigné à Houston,
04:44 dans la presse internationale.
04:46 Et évidemment, ça fait plaisir.
04:48 - Alors ensuite, il y a eu un autre scoop beaucoup plus tard,
04:50 quand le nuage de Tchernobyl a traversé la France, Jean-Claude Bourré.
04:53 - Oui, c'était effectivement un autre scoop
04:56 dans ma modeste carrière de journaliste,
04:58 c'était en 1986,
05:00 et j'étais à TF1 à l'époque.
05:03 Et donc, il y a eu l'explosion de la centrale de Tchernobyl,
05:08 avec un nuage radioactif qui a commencé à s'épandre sur l'Europe,
05:13 sauf qu'arrivée aux frontières françaises,
05:16 il s'est mis au garde-à-vous, il n'a pas passé la frontière.
05:19 Et j'avais fait faire, par Corine Lallaud, je me souviens, un reportage,
05:23 où elle était, si ma mémoire est bonne, je crois en Belgique,
05:26 elle était à 1 mètre de la frontière française,
05:29 et elle avait une salade,
05:31 et elle disait, vous voyez cette salade, je viens de l'acheter en Belgique,
05:33 là, il y a quelques mètres d'ici, sur un marché,
05:36 elle est interdite de vente,
05:38 donc je ne peux pas la consommer,
05:40 mais regardez, elle fait 1 mètre en avant, elle passe la frontière,
05:44 elle dit, là, je peux la manger.
05:45 Là, il n'y a plus de radioactivité, tout va bien.
05:48 Alors, évidemment, j'ai bien compris que,
05:50 pour des raisons politiques, le gouvernement français de l'époque
05:53 voulait cacher aux français que le nuage radioactif de Tchernobyl
05:57 était bien rentré sur notre territoire, évidemment,
06:01 parce que les vents ne connaissent pas les frontières,
06:04 et donc j'ai fait une enquête très approfondie qui a duré 5 jours,
06:08 j'ai mobilisé une dizaine de journalistes
06:12 en leur donnant une mission précise, en disant, toi,
06:15 tu vas téléphoner au service de rayonnement ionisant d'Allemagne,
06:21 et tu vas essayer de savoir quel est le taux de radioactivité
06:24 à la frontière entre l'Allemagne et la France.
06:26 Toi, tu vas le faire au Luxembourg,
06:27 toi, tu vas le faire à la Belgique,
06:29 toi, à l'Italie, toi, à la Suisse,
06:31 toi, à Monaco, toi, à l'Espagne, etc.
06:34 Et au bout de 3 jours, j'avais sur la carte de France
06:36 qui était collée dans mon bureau,
06:38 j'avais la quantité de Becquerel,
06:41 et on voyait que la France était cernée
06:44 par une pollution radioactive qui était importante,
06:48 notamment dans le Sud-Est,
06:50 notamment en Corse, les pauvres Corses, ils ont dégusté,
06:54 il y a eu plein de cancers de la théorie d'après,
06:56 mais on a écrasé tout ça.
06:58 Et quand j'ai téléphoné au professeur Pellerin
07:02 qui dirigeait le service des rayonnements ionisants,
07:04 il m'a dit cette phrase qui m'a fait plaisir,
07:06 d'ailleurs il m'a dit "vous êtes le seul journaliste
07:08 qui a fait son travail correctement,
07:10 je viendrai demain samedi vous dire quelle est la réalité".
07:13 Il est venu à samedi 13h,
07:15 il a dit cette phrase incroyable,
07:17 il a dit "le nuage radioactif a bien traversé la France,
07:22 les taux de radioactivité ont été multipliés par 400",
07:26 mais il a ajouté "400 fois 0, ça fait 0",
07:28 ce qui fait que les gens n'y comprenaient plus rien,
07:30 ils ont quand même retenu que le nuage avait traversé la France
07:33 et que la radioactivité avait été multipliée par 400.
07:36 Enfin, il a essayé, sur ordre du gouvernement,
07:39 de minimiser la gravité de la situation
07:41 en disant "400 fois 0, ça fait 0",
07:44 non ça ne faisait pas 400 fois 0,
07:45 et il y a eu malheureusement pas mal de cancers de la thyroïde
07:48 qui ont été classés "secret des France" et placés sous silence.
07:53 - Alors il se trouve, Jean-Claude Bourré,
07:55 que votre métier, vous avez fait une école de journalisme,
07:57 mais ensuite vous avez vraiment appris votre nid sur le terrain,
08:00 notamment en faisant des reportages sur tous les sujets possibles et imaginables,
08:04 les élections sénatoriales, le Vietnam,
08:06 le mariage de la princesse héritière de la Danemark,
08:08 vous touchez absolument à tout.
08:10 - Je crois que c'est la base de notre métier.
08:12 Qu'est-ce que vous faites, vous, Jacques Pessis, tous les jours ?
08:14 - Mais ce n'est pas si fréquent, ce genre de choses, de toucher à tout ?
08:16 - Bon, si, il y a plein de, quand même, j'espère, de confrères
08:19 qui touchent un petit peu à tout.
08:20 Ça ouvre l'esprit, ça permet d'augmenter sa connaissance et sa culture,
08:25 et ça donne des armes pour le futur.
08:27 Parce que, vous m'avez parlé de Tchernobyl,
08:30 j'ai vu, un peu naïvement à l'époque,
08:33 que le gouvernement pouvait mentir au peuple.
08:36 C'était inimaginable pour moi, j'étais un tout jeune journaliste,
08:39 qu'un gouvernement puisse mentir,
08:41 surtout dans un dossier aussi considérablement grave.
08:45 Et là, je me suis rendu compte qu'il ne fallait pas être naïf,
08:47 que, évidemment, tous ceux qui ne sont pas complotistes
08:51 sont des naïfs, et que seuls ceux qui savent
08:54 que le monde entier fonctionne par complot sont dans la vérité.
08:58 - Alors, vous avez vécu aussi un moment qui a failli être historique.
09:01 Vous auriez pu être le dernier à voir le général de Gaulle vivant,
09:04 juste avant son départ de Baden-Baden,
09:06 parce que vous étiez à côté de la boisserie ce jour-là.
09:10 - Oui, j'étais à côté de la boisserie,
09:12 et j'avais appris, par mon école de journalisme,
09:17 le Centre de formation des journalistes à Paris,
09:19 et par le contact avec la réalité du reportage,
09:23 que rien ne servait d'avoir un scoop mondial,
09:26 si on ne pouvait pas le transmettre aux médias qui nous employaient.
09:31 Donc, la première chose que je faisais quand j'étais quelque part,
09:34 à une époque où, je le rappelle pour les jeunes auditeurs,
09:37 il n'y avait évidemment pas les portables,
09:40 et où nous étions obligés d'avoir un téléphone à fil,
09:43 vous savez, ces vieux téléphones à cadran qu'on voit dans les vieux films,
09:46 j'étais préoccupé par la retransmission d'une éventuelle information intéressante.
09:53 Donc, j'ai regardé à partir de la boisserie,
09:55 je me souviens très bien de la petite rue
09:57 dans laquelle il y avait l'entrée de la propriété du général de Gaulle,
10:01 de la propriété privée,
10:02 et j'ai vu qu'il y avait un fil de téléphone qui aboutissait à une ferme.
10:06 Je suis rentré dans la cour de la ferme,
10:09 et j'ai cherché un paysan,
10:11 il y en avait un sur son tracteur, je l'ai aîlé,
10:14 et je lui ai dit "Monsieur, vous avez bien un téléphone ?"
10:17 Alors, j'ai dit "Je suis journaliste à France Inter".
10:21 Alors, il m'a dit "Oui, oui, j'ai un téléphone".
10:24 J'ai dit "Monsieur, je vais vous demander,
10:26 est-ce que vous seriez d'accord pour que je mobilise votre téléphone,
10:30 vous ne le prêtez qu'à moi,
10:32 et voilà un billet de 10 000 francs".
10:35 Alors, 10 000 francs, ça faisait 100 nouveaux francs,
10:37 100 nouveaux francs, ce serait peut-être l'équivalent de 200 euros d'aujourd'hui,
10:41 et donc, il était estomaqué,
10:43 je lui donne un gros billet, comme ça c'était les plus gros billets de l'époque,
10:46 il m'a dit "Ah, vous ne faites pas de soucis,
10:49 France Inter, voilà, c'est pour vous".
10:52 Et puis, le général de Gaulle réapparaît,
10:57 donc on est tous mobilisés,
10:59 il y a tous les confrères qui arrivent, RTL, Europ1, etc.
11:03 Et puis, évidemment, la première chose qu'ils font,
11:06 c'est de chercher un téléphone, parce qu'il n'y a pas de portable.
11:09 Et ils suivent le fil du téléphone,
11:11 et ils rentrent dans la cour,
11:13 et dans la cour, il y avait un paysan avec un fusil,
11:17 qui disait "C'est pour France Inter, ne touchez pas".
11:21 Et puis, je suis arrivé, j'ai pu téléphoner sous les insultes amicales, évidemment,
11:28 de mes confrères, mais j'ai appris des choses à travers cette petite anecdote.
11:33 - Voilà, et vous étiez déjà un journaliste branché.
11:35 - C'est le cas de dire.
11:37 - Celle qui va continuer avec une autre date, le 9 mars 2015.
11:40 A tout de suite sur Sud Radio, avec Jean-Claude Bourré.
11:44 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:47 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Jean-Claude Bourré,
11:50 à l'occasion de la sortie de ce livre, "La 5, l'histoire secrète",
11:54 qu'on attendait depuis des années, chez Guy Tredaniel.
11:57 On va en parler tout à l'heure, mais on revient à votre parcours,
12:00 avec une autre date, le 9 mars 2015.
12:03 Ce jour-là, vous êtes à Nancy, et vous évoquez un sujet cher à votre cœur.
12:08 - La tactique du gendarme, c'est de bien observer...
12:13 - Chanson de Bourvil, devenue un classique,
12:16 puisque c'est dans le film "Le roi Pandore",
12:18 où il se fait appeler Joseph Ménard, comme dans tous ses premiers films,
12:20 qui était un hommage à son beau-père, c'était le nom de son beau-père.
12:23 - Et je dis que, Nancy, ce jour-là, les gendarmes,
12:26 vous êtes l'invité d'honneur du dîner conférence des amis de la gendarmerie.
12:31 Vous en souvenez, de ce soir-là ?
12:32 - Oui, oui, tout à fait, j'avais fait une conférence,
12:35 au bénéfice de je ne sais plus quelle association amicale gendarmique,
12:41 une conférence gratuite, évidemment, j'ai besoin de le préciser.
12:44 Et oui, oui, j'ai des rapports tout à fait affectueux avec les gendarmes,
12:50 tout simplement parce que mon oncle, enfin l'un de mes oncles,
12:54 était maréchal des logis-chefs.
12:56 Il a commencé sa carrière en Guinée-Conakry,
12:59 il me racontait des histoires extraordinaires.
13:01 Je vais vous en raconter une, bien, une histoire extraordinaire.
13:04 Donc il était commandant de gendarmerie,
13:06 il a eu d'ailleurs parmi ses soldats, qui étaient tous des Guinéens, des Noirs,
13:11 lui c'était le seul blanc, il a eu le général Conté,
13:14 qui est mort en 2014 ou 2015, un truc comme ça,
13:18 qui était deuxième classe,
13:20 et quand j'ai été reçu par le général qui est devenu président de la Guinée-Conakry,
13:26 et qui est mort d'une maladie dans les années 2010-2015,
13:29 et qui m'a reçu au palais présidentiel,
13:33 et qui me disait "moi j'ai été sous les ordres du commandant Bourry",
13:36 il n'était pas commandant, il était commandant de la brigade,
13:38 maréchal des logis-chefs.
13:40 Chaque fois qu'il venait en vacances en France,
13:42 venant d'Afrique, il me racontait des histoires extraordinaires,
13:45 en voici une.
13:46 Il m'a dit "un jour j'ai un de mes gars, un de mes gendarmes,
13:49 qui arrêtait un monsieur qui faisait du scandale sur le marché,
13:56 parce qu'il était ivre mort,
13:58 alors mon oncle dit "bon mettez-le en cellule de dégrisement,
14:01 on le libérera demain matin, il aura des soulets".
14:04 Et puis il me dit "vers 3h du matin,
14:06 alors que je dormais, j'entendais hurlements venant de la cellule,
14:11 alors il me dit "je commence à m'habiller pour aller voir ce qui se passe",
14:14 et puis les hurlements s'affaiblissent assez rapidement,
14:18 et puis plus rien.
14:19 Je me suis dit "bon il a fait une crise de delirium très mince,
14:23 il s'est rendormi, ben je vais me rendormir aussi".
14:26 Et puis à 6h du matin, le PAM, comme on dit en gendarmerie,
14:30 le premier à marcher, vient frapper à ma porte,
14:32 et il me dit "mon commandant, mon commandant,
14:36 venez vite voir, venez vite voir".
14:38 Alors qu'est-ce qui se passe ? "Venez voir mon commandant".
14:40 Alors bon je m'habille, je mets mon uniforme,
14:42 je descends, je vais à la cellule où le gars avait été enfermé la veille,
14:46 et là, je découvre...
14:48 un squelette.
14:50 Un squelette absolument nickel,
14:52 il n'y avait pas la moindre peau, la moindre trace de chair sur le squelette,
14:57 il avait été entièrement nettoyé.
14:59 Parce qu'il y avait une colonne de fourmis
15:02 qui était passée par la cellule cette nuit-là,
15:05 elles se mettent sur le corps de la personne à attaquer,
15:08 et à un signal elles attaquent,
15:10 et elles prennent à chaque fois un bout de chair gros comme la moitié du petit ongle.
15:14 Donc en l'espace d'une minute,
15:17 vous êtes dévoré vivant.
15:19 Alors voilà, c'est l'une des histoires que mon oncle Jean Bourré m'avait raconté.
15:25 - Maréchal Deslogies, au départ l'expression est née parce que c'était responsable des écuries.
15:30 - Exact.
15:31 - Alors, la gendarmerie nationale, vos rapports ont évolué
15:35 à la suite de l'affaire des paillottes de chez Francis en Corse,
15:37 où vous les avez aidés dans la communication, Jean-Claude Bourré.
15:41 - Oui, j'ai toujours été très proche des directeurs de la gendarmerie nationale,
15:46 y compris le général à 5 étoiles actuel,
15:51 qui est là depuis assez longtemps, d'ailleurs je crois qu'il est là depuis 4 ans.
15:55 Et ils m'ont toujours demandé de les aider quand ils avaient un problème de communication.
16:02 Et dans l'affaire des paillottes, qui était une affaire terrifiante pour la gendarmerie,
16:08 parce que c'était des gendarmes qui s'étaient mis hors la loi, sur ordre d'un préfet,
16:11 pour aller mettre le feu à des paillottes, c'est-à-dire les petits restaurants
16:16 qui étaient sur les plages de Corse, et qu'on n'arrivait pas à démanteler via la loi.
16:21 Alors le préfet s'était un peu énervé, enfin on connaît l'histoire,
16:25 et il a demandé à un commando de gendarmes volontaires d'aller mettre le feu aux paillottes.
16:30 Mais comme les gendarmes n'ont pas l'habitude, fort heureusement, de marcher sur la loi,
16:36 ils ont commis quelques erreurs en laissant notamment un poste d'oligarque de la gendarmerie,
16:41 ce qui fait que leurs collègues n'ont pas eu beaucoup de mal à remonter la piste.
16:45 – Alors vous avez beaucoup travaillé avec les gendarmes,
16:47 mais aussi pour l'histoire de la gendarmerie, puisque à Nancy ce jour-là,
16:50 vous édicacez une histoire de la gendarmerie en bande dessinée,
16:53 ce qui est quand même très original.
16:55 – Oui, j'ai eu le privilège de faire cet ouvrage,
17:01 qui s'appelle "Histoire de la gendarmerie nationale en bande dessinée",
17:05 et qui raconte toute l'histoire de la gendarmerie,
17:08 que beaucoup de gendarmes d'ailleurs ne connaissent pas,
17:10 parce que c'est une histoire tellement longue et riche, qui date de plus de 6 siècles.
17:15 Et en bande dessinée ça passe très bien, parce que ça intéresse aussi bien
17:19 les sous-officiers, les officiers, que les enfants des gendarmes,
17:22 et ceux qui ne sont pas gendarmes évidemment.
17:25 – Et puis il y a des choses qu'on vous doit, par exemple,
17:27 la barre bleu-blanc-rouge sur les voitures des gendarmes,
17:31 c'est grâce à vous Jean-Claude Bourré ?
17:33 – Ah c'est une histoire extraordinaire, pas que les gendarmes d'ailleurs,
17:36 parce que moi j'ai toujours été préoccupé par la sécurité,
17:40 quand je voyais des accidents qui auraient pu être évités
17:43 si on avait eu l'esprit un peu de sécurité,
17:48 qui consiste à ne pas marcher sur le bord d'une autoroute la nuit,
17:52 avec des vêtements tout noirs, des choses extrêmement simples.
17:56 Et je voyais souvent un premier accident de voiture
18:01 sur une autoroute ou dans la ville,
18:03 et puis ensuite un deuxième accident beaucoup plus grave,
18:08 parce que les gyrophares des voitures de police à l'époque
18:12 étaient très faibles, et que quand ils venaient sur un accident matériel
18:16 avec éventuellement un blessé léger,
18:18 vous aviez des poids lourds qui arrivaient à 80 à l'heure,
18:21 et qui ne voyaient pas qu'il y avait un accident,
18:23 qui rentraient là-dedans et ça faisait deux ou trois morts.
18:26 Donc j'ai eu l'idée de dire, il faudrait que les voitures de police soient blanches,
18:31 et il faudrait qu'il y ait des rampes de gyrophares comme aux États-Unis.
18:34 Et le directeur de la police nationale, M. Bonnet,
18:38 qui était non pas directeur de la police mais ministre de l'intérieur,
18:41 m'a dit "écoutez Jean-Claude, moi je suis d'accord
18:44 pour que les voitures de police soient blanches,
18:46 et pour qu'il y ait des rampes de gyrophares,
18:48 mais je n'ai pas d'argent, si vous m'obtenez ça gratuitement, pas de problème".
18:51 Ah, il ne fallait pas me le dire deux fois.
18:53 Je suis allé voir M. Peugeot, le président du directoire de Peugeot,
18:58 je lui ai dit "est-ce que vous pouvez mettre à la disposition du ministère de l'intérieur
19:02 six voitures et les entretenir gratuitement pendant un an ?"
19:05 Je lui ai expliqué un peu pourquoi.
19:06 Il m'a dit "c'est d'accord".
19:08 Je suis allé voir l'importateur des rampes de gyrophares américaines,
19:11 vous savez qu'on voit dans tous les films,
19:12 et qu'on voit partout, parce que maintenant toutes les voitures ont des rampes de gyrophares.
19:15 Je lui ai dit "est-ce que vous pouvez installer six rampes de gyrophares
19:18 sur ces six voitures que j'ai obtenues gratuitement ?"
19:21 Parce qu'il les mettait sur les voitures de police belges,
19:24 oui on se moque des belges mais ils sont plus intelligents que nous,
19:26 et sur les voitures de police allemande.
19:28 Il m'a dit "d'accord".
19:29 Et donc ces six voitures ont fait école,
19:33 parce que c'était les commissaires divisionnaires qui se les attribuaient,
19:36 ils étaient tellement contents d'avoir des rampes de gyrophares,
19:39 et puis le pin-pon spécial,
19:41 et voilà comment tout a commencé.
19:43 Et vous avez quand même un confrère célèbre aussi,
19:45 qui est également gendarme.
19:47 L'autre gendarme célèbre c'est Louis de Funès,
19:54 et il y a eu "Louis de Funès avec les extraterrestres",
19:57 le gendarme des extraterrestres, c'est un film qui vous a forcément marqué.
20:00 Alors il a fait plus que me marquer,
20:02 parce que comme déjà à l'époque j'étais classé un peu Jean-Claude Bourré,
20:05 objet volant non identifié,
20:07 mon rédacteur en chef Christian Bernadac m'a dit
20:10 "tiens il y a deux Funès qui tournent un film,
20:12 les gendarmes et les extraterrestres à Saint-Tropez,
20:16 tu vas y aller".
20:17 Donc j'étais content, j'y vais,
20:19 je dîne d'ailleurs avec Louis de Funès et sa femme
20:23 sous une tente où il y avait tout le personnel du film,
20:26 je ne sais pas, 120 personnes,
20:29 et puis il y avait une scène que ceux qui ont vu les gendarmes
20:32 et les extraterrestres ont évidemment remarqué,
20:35 c'est l'arrivée de la soucoupe volante de nuit.
20:38 Et donc il était minuit,
20:40 on tournait, il y avait des caméras partout,
20:42 des éclairagistes, etc., des assistants,
20:44 et moi j'étais seul avec de Funès
20:46 sur le sommet d'une petite colline
20:48 avec la soucoupe volante qui avait été
20:51 construite en décor qui était à 30 mètres de nous,
20:54 et on devait, avec l'ensemble des gendarmes tournant avec de Funès,
20:59 on devait, enfin pas moi, mais on devait filmer
21:03 la simulation de l'arrivée de la soucoupe volante,
21:05 c'est-à-dire les regards des six gendarmes
21:08 qui regardaient le ciel et puis qui voyaient la soucoupe atterrir,
21:12 et là il y avait ce qu'on appelle un plan à raccord,
21:14 et on voyait la soucoupe volante, et on enchaînait dans le film.
21:17 Sauf que c'est très difficile la nuit
21:19 pour que les acteurs aient exactement le même regard.
21:24 Donc il y a eu un assistant qui a dit "ah ben j'ai une idée",
21:26 il s'est adressé au réalisateur,
21:27 "je vais mettre une petite lampe de poche accrochée à une longue perche,
21:31 et puis on va faire baisser la perche comme ça,
21:33 et ils vont pouvoir la suivre et les regards seront nickels".
21:36 C'est ce qui a été fait.
21:37 Et je me suis trouvé à un moment donné seul avec de funès,
21:41 il était un peu timide, moi aussi d'ailleurs,
21:43 et il m'a dit "ah vous savez, moi j'aime bien jouer les personnages très veuls".
21:48 Alors il a imité le gars qui dit "bonjour" à son président.
21:53 "Bonjour Monsieur le Président !"
21:55 Et il était courbé en deux devant moi et tout,
21:57 on a rigolé, c'était merveilleux.
21:59 C'est un beau souvenir avant d'autres,
22:02 et un autre souvenir important, ça s'est passé le 15 septembre 1984.
22:07 A tout de suite sur Sud Radio avec Jean-Claude Bourré.
22:10 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
22:13 Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Jean-Claude Bourré,
22:16 la 5, l'histoire secrète chez Guy Tredaniel.
22:19 On va commencer à en parler dans cette séquence,
22:21 un livre qu'on a entendu depuis longtemps,
22:23 parce que je vais évoquer une date qui a marqué quelqu'un,
22:26 dont on va parler ensuite, le 15 septembre 1984,
22:29 première de cette émission.
22:31 "Petit matin les plus croissants chauds, c'est Bonjour la France."
22:34 Eh oui, Bonjour la France.
22:36 Alors curieusement cette émission a été la première émission de télévision du matin,
22:40 curieusement depuis quelques jours on en parle,
22:42 alors qu'elle avait été totalement oubliée.
22:45 "Oui parce que j'ai eu le privilège de créer en France
22:50 la première télévision du matin en 1984."
22:53 Sur un modèle américain.
22:54 "Je n'ai pas pris de modèle."
22:56 Oui mais Good Morning America existait aux Etats-Unis.
22:58 "Oui bien sûr, Good Morning America existait,
23:01 je pense que dans l'esprit de ceux qui m'ont mis au matin,
23:04 m'enlevant du journal de 20h,
23:06 pour des raisons que je raconte d'ailleurs dans le livre co-écrit avec Bérangère Danigaud,
23:12 eh bien effectivement ils ont dû se dire,
23:15 "tiens on va m'être bourré au matin comme ça,
23:17 et il ne nous embêtera plus avec ces scoops,
23:20 parce que j'ai été viré du journal de 20h,
23:22 comme je le raconte dans "La 5, l'histoire secrète",
23:25 parce que j'avais fait mon métier de journaliste,
23:27 c'était la manifestation en faveur de l'école libre,
23:30 le gouvernement de gauche était en place,
23:33 il y avait eu des manifestations très importantes,
23:36 500 000 personnes à Versailles quelques semaines avant,
23:39 et on se demandait, puisque c'était la manifestation finale,
23:42 combien il y aurait de manifestants à Paris.
23:44 Et je me rends compte, à 19h30,
23:48 c'est-à-dire une demi-heure avant le 20h,
23:50 que l'AFP et le ministère de l'Intérieur n'ont donné aucune estimation,
23:54 ce qu'ils font d'habitude.
23:55 Donc je téléphone au ministre de l'Intérieur, Gaston Defer,
23:59 et je lui dis "Monsieur le ministre,
24:01 comment se fait-il qu'on n'ait pas encore d'estimation
24:05 pour le journal de 20h de TF1 ?"
24:07 Alors il me dit "écoutez, je n'ai pas le temps de vous répondre,
24:10 mais je vous passe ma directrice de la communication".
24:12 Donc il me passe sa directrice qui me dit "on ne donnera pas d'estimation".
24:16 J'ai dit "mais c'est incroyable, vous vous rendez compte
24:17 que je vais commencer le 20h tout à l'heure en disant
24:20 il y a eu 2 millions de manifestants selon les organisateurs,
24:23 et pour la première fois, le ministère de l'Intérieur
24:26 n'a voulu donner aucune estimation,
24:28 ça va complètement crédibiliser le nombre donné par les organisateurs".
24:33 Alors elle me dit "ah bon sang, j'ai pas pensé à ça, je vous rappelle".
24:37 Elle me rappelle 5 minutes après, donc à 8h moins 20,
24:40 et elle me dit "800 000 chiffres, nombres pas tout à fait définitifs".
24:45 Bon, alors je dis "et depuis combien de temps
24:47 il n'y a pas eu 800 000 manifestants à Paris
24:50 selon le ministère de l'Intérieur ?"
24:52 Elle me dit "ah vous et vos questions".
24:53 Et elle me rappelle encore 5 minutes après,
24:55 donc j'étais un quart d'heure de l'antenne,
24:57 et elle me dit "depuis la Libération".
24:59 Et je commence le journal de 20h en disant
25:02 "Madame, Mademoiselle, Monsieur, bonsoir,
25:04 Paris a vécu aujourd'hui sa plus grande manifestation
25:08 depuis la Libération, manifestation en faveur de l'école libre,
25:12 avec 800 000 manifestants
25:14 selon les propres chiffres du ministère de l'Intérieur, etc.
25:18 Et Mitterrand, le président Mitterrand,
25:20 regardait mon journal,
25:22 il se tourne vers ses collaborateurs,
25:24 on me l'a raconté par la suite,
25:27 et il dit "mais qu'est-ce qui se passe ?"
25:28 parce qu'il pensait que tout avait été verrouillé,
25:30 l'AFP ne disait rien,
25:31 le ministère de l'Intérieur ne disait rien,
25:34 il pensait qu'il n'y aurait pas d'estimation,
25:36 pas de nombre donné à l'antenne.
25:38 Malheureusement, j'ai fait mon métier de journaliste.
25:41 Alors ça fait un scandale, puisque je me souviens très bien,
25:43 quand le générique de fin a été lancé,
25:46 tout de suite le haut-parleur est intervenu
25:49 sur le studio rue Cognac-G,
25:52 et on m'a dit "bourrez tout de suite dans le bureau du directeur",
25:55 qui était Alain Denvers, sympathique confrère,
25:58 qui avait été nommé directeur de la rédaction d'ETF1,
26:02 passant du grade de petit reporter,
26:05 je dis ça sans mépris,
26:07 parce que j'ai été petit reporter moi aussi,
26:09 mais de petit reporter au grade de directeur de la rédaction,
26:14 c'est un peu comme si dans l'armée,
26:16 un sergent-chef était d'un seul coup promu général de division,
26:21 ou général de brigade.
26:23 Alors il me fait venir en me disant
26:26 "Alors, mais où as-tu vu ça, qu'il y avait 800 000,
26:30 et que c'était la plus grande manifestation de l'appui à la libération ?"
26:33 Je lui dis "Moi j'ai fait mon travail de journaliste,
26:35 j'ai puisé aux meilleures sources".
26:38 Il me dit "Ah oui, tes amis de droite",
26:40 parce que dès l'instant où on n'avait pas la carte du PS,
26:42 on était à droite à l'époque.
26:44 Alors je lui dis "Non, non, tes amis à toi,
26:46 c'est M. Gaston Deferme, il est à l'intérieur,
26:48 je crois qu'il est socialiste".
26:50 "Ah bon, t'as eu Deferme ?"
26:52 "Oui, on va régler ça, mais l'Elysée n'est pas content".
26:56 Je lui dis "Mais moi je ne fais pas mon travail pour l'Elysée,
26:58 je fais mon travail pour les téléspectateurs".
27:00 Et puis à partir de là,
27:02 évidemment il y a eu des pressions politiques de la gauche,
27:04 en disant "On ne peut pas garder bourré, il n'est pas sûr".
27:06 Donc ils n'ont pas pu me virer,
27:10 parce que je pense que ça aurait fait un certain scandale.
27:13 Donc ils m'ont présenté ça de façon intelligente.
27:16 Ils m'ont dit "Jean-Claude, tu as beaucoup de talent,
27:18 donc tu vas créer la première télévision du matin,
27:21 c'est formidable". Et voilà comment j'ai créé "Bonjour la France".
27:23 - Alors vous l'avez créé avec des formules nouvelles,
27:26 le rythme dans les reportages,
27:29 une présentation différente, des choses d'aujourd'hui.
27:32 - Qui fonctionnent toujours, oui bien sûr.
27:34 J'ai créé le premier journal de 6 minutes sur TF1
27:36 dans "Bonjour la France".
27:38 C'était un des petits reportages qui étaient très courts,
27:40 qui faisaient 30 secondes à l'époque,
27:42 ce qui était hallucinant,
27:44 parce qu'il y avait une bande son et une bande film.
27:49 Donc c'était très difficile techniquement.
27:51 Évidemment quand je suis passé sur la 5,
27:53 comme c'était des cassettes,
27:55 alors là c'était merveilleux.
27:57 - Vous racontez dans ce livre que vous signez avec Bérangère Danigaud,
27:59 "La 5 histoires secrètes",
28:01 c'est comme ça que Silvio Berlusconi vous a repéré, Jean-Claude Bourré ?
28:03 - Et oui, finalement,
28:05 d'un négatif on a fait un positif,
28:07 parce que Berlusconi regardait les chaînes de télévision en France,
28:09 et notamment la première télévision du matin.
28:11 Il a vu un petit bonhomme,
28:13 Jean-Claude Bourré,
28:15 il a dit "Tiens,
28:17 il n'a pas l'air d'avoir les deux pieds dans le même sabot."
28:19 Donc il m'a convoqué,
28:21 et voilà comment tout s'est fait.
28:23 - Et vous racontez dans ce livre comment Silvio Berlusconi
28:25 finalement a conquis l'Italie,
28:27 en profitant de la libération des télés locales,
28:29 et comment il est arrivé en France,
28:31 grâce au président du conseil,
28:33 qui était un ami d'enfance.
28:35 - Ah oui, et puis alors,
28:37 l'intelligence de cet homme, et sa gentillesse,
28:39 parce que c'était un homme redoutable,
28:41 c'était l'un des hommes les plus riches d'Europe.
28:43 Et d'ailleurs,
28:45 Patrick Lelay,
28:47 qui était le numéro un de TF1,
28:49 m'avait dit "Ne va pas avec lui,
28:51 c'est un mec de la mafia."
28:53 Enfin en Italie, à partir du moment où on arrive à un certain niveau,
28:55 on est obligé d'avoir des contacts avec la mafia,
28:57 j'imagine.
28:59 Mais il avait des idées absolument géniales.
29:01 - C'est-à-dire qu'il est arrivé
29:03 à la télévision, il a tout inventé,
29:05 il vous a repéré,
29:07 et je crois qu'il avait une spécialité, il avait été aussi chanteur de charme,
29:09 et quand il vous voyait, il vous chantait des chansons
29:11 en s'accompagnant au piano.
29:13 - Ah oui, il était très décontracté.
29:15 Il était d'un commerce
29:17 très agréable, très sympathique,
29:19 on se sentait tout de suite
29:21 à l'aise avec lui,
29:23 mais c'était un homme qui, commercialement,
29:25 était redoutable.
29:27 - Et justement, si François Mitterrand l'a connu,
29:29 c'est grâce à Benito Craxi, président du conseil,
29:31 qu'ils se sont rencontrés un jour
29:33 lors d'une communauté européenne, et vous révélez dans ce livre,
29:35 Jean-Claude Bourré, que finalement,
29:37 il est arrivé en France grâce à ce rendez-vous.
29:39 - Oui, alors,
29:41 il faut bien comprendre qu'à l'époque,
29:43 c'est-à-dire en 1986,
29:45 87,
29:47 il n'y avait en France que trois chaînes de télévision d'État.
29:49 TF1,
29:51 France 2, France 3.
29:53 Et il n'y avait pas de chaîne privée.
29:55 Donc le pouvoir socialiste,
29:57 qui était
29:59 au pouvoir
30:01 à l'Élysée, à Matignon, etc., et dans tous les ministères,
30:03 craignait que la droite
30:05 ne revienne au pouvoir,
30:07 via les élections.
30:09 Et donc, Mitterrand voulait essayer d'avoir
30:11 une chaîne de télévision indépendante
30:13 du pouvoir politique, donc une chaîne de télévision privée.
30:15 Et comme Berlusconi était classé
30:17 à gauche, il a facilité
30:19 l'arrivée de Berlusconi pour qu'il ait la 5,
30:21 et pour que la gauche ait une chaîne
30:23 de télévision. Mais ça ne s'est pas tout à fait passé
30:25 comme il l'imaginait. - Oui, mais en même temps,
30:27 Berlusconi, à l'époque, personne ne le connaissait.
30:29 Ça a fait scandale.
30:31 Les metteurs en scène se sont déchaînés contre lui
30:33 parce qu'ils voulaient des coupures publicitaires
30:35 dans les films. - Oui, tout à fait. Et puis maintenant,
30:37 évidemment, c'est rentré dans les mœurs.
30:39 - Alors, il a vraiment fait un numéro en arrivant
30:41 avec du Coca-Cola, des spaghettis,
30:43 c'était extraordinaire, c'était un show.
30:45 - Oui, et puis quand il a
30:47 créé la 5
30:49 avec plein de vedettes
30:51 à l'ouverture en 1986,
30:53 il a dit
30:55 "La 5, c'est ça, une télévision,
30:57 non pas une télévision champagne,
30:59 mais une télévision beaujolaise."
31:01 Donc il savait parler au français.
31:03 - Et vous avez découvert
31:05 cette époque-là, ensuite,
31:07 lorsque Robert Hersant est arrivé,
31:09 parce que Berlusconi, ça n'a pas marché.
31:11 - C'est pas que ça n'a pas marché, c'est que la droite a repris
31:13 le pouvoir politiquement,
31:15 donc il a fallu que Berlusconi partage
31:17 le pouvoir avec Hersant,
31:19 qui avait en fait la barre
31:21 sur Berlusconi. Berlusconi avait
31:23 apporté les capitaux, Hersant aussi,
31:25 mais Béranger Danigaud raconte
31:27 tout ça très bien
31:29 dans notre oeuvre commune,
31:31 et il a
31:33 évidemment,
31:35 en homme intelligent,
31:37 il n'a pas fait la bagarre, il a essayé
31:39 d'aider Hersant à faire en sorte
31:41 que la 5 soit un succès,
31:43 parce que c'était l'intérêt des deux.
31:45 - Et c'est là où vous arrivez, lorsque
31:47 Robert Hersant vous propose de passer sur la 5,
31:49 alors que vous êtes sur TF1, Jean-Claude Bourré.
31:51 - Oui, tout à fait. Alors là, j'ai vécu
31:53 une série d'événements que je raconte
31:55 dans ce livre qui sont, à proprement
31:57 parler, tout à fait extraordinaires.
31:59 D'abord, j'ai été reçu par Berlusconi
32:01 et Hersant dans les bureaux de Berlusconi
32:03 sur les Champs-Elysées.
32:05 Et on a discuté un petit peu, je gagnais
32:07 l'équivalent, j'ai fait le calcul,
32:09 de 6 000 euros comme rédacteur en chef,
32:11 6 000 euros par mois
32:13 comme rédacteur en chef et présentateur
32:15 des journaux du week-end sur TF1,
32:17 et Berlusconi et Hersant
32:19 me proposent 12 000.
32:21 Évidemment, comme tout le monde, je préfère gagner 12 000
32:23 que 6 000 euros. Mais l'argent
32:25 n'est pas ma motivation première, et j'en fais
32:27 la démonstration. Parce que
32:29 Cannebouic, qui était mon patron, puisque j'étais encore
32:31 employé de TF1, a su
32:33 que Berlusconi et Hersant
32:35 essayaient de me débaucher, il m'a fait venir,
32:37 et je vous la fais courte, mais je la raconte
32:39 dans le livre, il m'a proposé
32:41 110 000 euros par mois,
32:43 vous entendez bien, et ce n'est pas tout.
32:45 110 000 euros par mois, plus
32:47 une voiture avec
32:49 un chauffeur 7 jours sur 7,
32:51 plus une carte de crédit
32:53 avec des frais illimités.
32:55 Me dit-il, mais j'ai dit "Quoi ?
32:57 Ça veut dire quoi, M. le Président, des frais illimités ?"
32:59 "Ah, vous pouvez dépenser 100 000
33:01 francs par jour si vous voulez."
33:03 Donc c'était l'équivalent de
33:05 150 000 euros par mois. Et j'ai dit non.
33:07 J'ai dit non à ces
33:09 150 000 euros par mois, et je suis parti pour 12 000 euros
33:11 par mois sur la 5. Je ne vais pas faire pleurer
33:13 dans les chaumières pour ça, mais c'est
33:15 une démonstration que l'argent n'est pas ma motivation.
33:17 - Et puis vous sentiez qu'il y avait quelque chose derrière tout ça ?
33:19 - Je sentais
33:21 surtout, vous savez, moi je suis un petit fils de paysan,
33:23 j'ai les pieds sur terre,
33:25 donc je me disais "Mais comment tu peux valoir
33:27 le lundi 6 000 euros par mois,
33:29 le mardi 12 000,
33:31 et le mercredi 150 000 ?
33:33 Donc je me disais "Là, il y a quelque chose
33:35 qui ne va pas, c'est pas normal,
33:37 ça te débourge de l'argent, c'est pas sain,
33:39 donc j'ai dit non. - Et vous avez exigé
33:41 une seule chose, la liberté de parole,
33:43 et les yeux dans les yeux face à Robert Ersand,
33:45 Jean-Thomas. - Ah oui, ça, ça m'a marqué,
33:47 parce qu'on était tous les trois.
33:49 Il y avait Sylvie Aubert-Lusconi,
33:51 Robert Ersand et moi.
33:53 On discutait un petit moment, et puis
33:55 elle me disait "Il faut que vous veniez sur la 5,
33:57 sur la 5, oui."
33:59 Alors au bout d'un moment, j'ai dit "Écoutez,
34:01 je suis d'accord, mais là, on est tous les trois,
34:03 je vous demande simplement
34:05 une chose,
34:07 de ne jamais faire pression sur moi,
34:09 de ne jamais intervenir
34:11 dans mes journaux."
34:13 Et alors là, Ersand m'a
34:15 regardé, j'étais à un mètre de lui,
34:17 dans son fauteuil, il était face à moi,
34:19 il était pas derrière le bureau, il avait mis le fauteuil
34:21 devant le bureau, donc on était vraiment face à face,
34:23 dans deux fauteuils,
34:25 et ça a duré au moins 30 secondes.
34:27 Et je m'en souviens très bien, il m'a fixé des yeux,
34:29 il m'a pénétré comme ça du regard,
34:31 j'ai soutenu son regard,
34:33 ça a duré 30 secondes, je peux vous dire que 30 secondes
34:35 de silence, surtout quand vous êtes
34:37 face à un monument comme Ersand,
34:39 et au bout de 30 secondes,
34:41 il m'a dit "c'est d'accord".
34:43 Et il n'est jamais intervenu
34:45 en près de 5 ans dans les journaux
34:47 que je présentais.
34:49 En revanche, il me téléphonait
34:51 de temps en temps, il me disait "ah vous savez,
34:53 votre invention du duel avec le vote
34:55 par téléphone, j'ai des pressions du Parti politique,
34:57 mais vous faites ce que vous voulez,
34:59 y'a aucun souci." - Eh bien justement, ce duel
35:01 et d'autres choses, ça figure dans ce livre
35:03 dont on va reparler à travers la note de la sortie,
35:05 le 16 novembre
35:07 2023. A tout de suite
35:09 sur Sud Radio avec Jean-Claude Bourré.
35:11 - Sud Radio, les clés d'une vie,
35:13 Jacques Pessis. - Sud Radio,
35:15 les clés d'une vie, celle de mon invité,
35:17 Jean-Claude Bourré. Donc, le
35:19 16 novembre 2023 est sorti ce livre,
35:21 "La 5, l'histoire secrète",
35:23 que vous co-signez avec Bérangère Danigo
35:25 chez Glitter et Daniel. C'est un livre
35:27 qu'on attendait depuis longtemps,
35:29 qui est sous-titré "Les révélations chocs" de Jean-Claude Bourré.
35:31 Ça fait quand même des années que vous auriez dû
35:33 l'écrire, Jean-Claude Bourré. - Je n'ai
35:35 pas vraiment envie de l'écrire et je remercie
35:37 Bérangère Danigo parce que c'est elle qui m'a poussé.
35:39 Vous savez, c'est une histoire extraordinaire parce que Bérangère
35:41 Danigo est journaliste professionnelle.
35:43 Elle a sa carte de presse. Or,
35:45 qui est Bérangère Danigo ?
35:47 C'était l'une des téléspectatrices
35:49 de "La 5". Elle est venue avec son frère
35:51 à la fin de "La 5" pour
35:53 soutenir l'association de défense
35:55 de "La 5". Et puis,
35:57 comme d'habitude,
35:59 les gens qui venaient
36:01 essayer de me rencontrer, donc j'ai rencontré
36:03 Bérangère Danigo, son frère
36:05 et bien d'autres téléspectateurs
36:07 évidemment. Et j'ai
36:09 remarqué son intelligence,
36:11 sa culture. Elle écrit
36:13 sans faire de faute d'orthographe.
36:15 Elle a un sérieux dans la recherche
36:17 des documents qui est tout à fait
36:19 remarquable. Tous ceux qui ont lu le livre me l'ont dit.
36:21 Et donc, on l'a engagée
36:23 à "La 5",
36:25 à l'association de défense de "La 5".
36:27 Elle a eu sa carte de presse
36:29 et depuis, elle travaille
36:31 comme journaliste
36:33 dans divers médias,
36:35 dans diverses associations
36:37 culturelles, etc. - Et vous avez décidé
36:39 de raconter cette histoire qui a débuté
36:41 le 14 septembre 1987
36:43 à 12h30.
36:45 [Musique]
36:47 [Musique]
36:49 [Musique]
36:51 Le journal, présenté par Jean-Claude Bourret
36:53 pour la première fois, après des semaines de préparation
36:55 et de répétition, ce qui n'était pas simple.
36:57 - Des semaines angoissantes parce qu'on a
36:59 commencé le 1er juillet
37:01 1987
37:03 dans le but de faire
37:05 le premier journal télévisé à la
37:07 mi-septembre 87, donc deux mois et demi
37:09 après. Alors, on se disait
37:11 tous dans nos têtes, bon, il va y avoir évidemment
37:13 quelques problèmes techniques au départ
37:15 et puis au bout de quinze jours, trois semaines, ils seront
37:17 réglés. Sauf que fin juillet,
37:19 après un mois
37:21 de répétition tous les jours, y compris le samedi
37:23 et le dimanche, 13h et 20h,
37:25 il y avait encore plein de pannes, quelquefois
37:27 qui duraient deux heures.
37:29 Puis au mois d'août, ça a continué,
37:31 il y avait encore des pannes. Puis au mois de septembre,
37:33 la veille,
37:35 la veille du jour
37:37 où on a été en direct, je crois
37:39 que c'était le 14 ou le 15 septembre,
37:41 14 septembre 1987,
37:43 on a eu une panne
37:45 d'une demi-heure. Et je me
37:47 disais dans ma tête, si jamais demain
37:49 on fait le journal télévisé en
37:51 direct avec des millions de gens qui vont regarder
37:53 ça, et notamment les confrères
37:55 qui attendent pour nous assassiner,
37:57 eh bien, ça va être catastrophique.
37:59 Et on a fait un journal
38:01 nickel. - Alors il y avait
38:03 beaucoup de rythmes, mais pas de prompteur,
38:05 parce que vous avez toujours détesté le prompteur.
38:07 - Oui, le prompteur,
38:09 je ne l'ai pas détesté, mais simplement
38:11 comme je faisais beaucoup de directs extérieurs
38:13 où il n'y avait pas de prompteur, j'ai appris
38:15 à travailler sans prompteur.
38:17 Quand il y avait un prompteur, ça donnait une aisance.
38:19 J'ai travaillé évidemment avec le prompteur sur la 5.
38:21 Mais la plupart du temps,
38:23 effectivement, surtout quand j'étais en extérieur,
38:25 c'était sans prompteur. - Et le prompteur,
38:27 on ne le sait pas assez, a été rapporté des Etats-Unis
38:29 par un certain Pierre Belmar.
38:31 - Ah, je ne savais pas. - C'est lui qui l'a amené.
38:33 Et ensuite, ce sont Roger Gickel
38:35 et Philippe Gildas qui ont été les premiers à l'utiliser.
38:37 Et Zitrone, Léon Zitrone, a refusé
38:39 de l'utiliser. - Ah, c'est bien possible.
38:41 En tout cas, concernant Roger Gickel, je me
38:43 souviens de son premier journal
38:45 le lundi 5 ou 6 janvier
38:47 1975, et je lui
38:49 avais dit, j'avais pris la bande
38:51 du prompteur, parce qu'à l'époque, ce n'était pas électronique,
38:53 c'était vraiment une bande de papier qui courait
38:55 sous une caméra.
38:57 Je lui avais dit, garde cette bande, parce qu'elle
38:59 est historique. C'est le premier journal
39:01 télévisé de TF1
39:03 indépendante, alors qu'avant, c'était le RTF.
39:05 - Alors, sur la 5, vous avez
39:07 une petite équipe, rien à voir avec TF1,
39:09 des jeunes très motivés. Je me souviens d'ailleurs qu'il y avait
39:11 François Barouin qui devait démarrer
39:13 à cette époque-là. Mais des jeunes
39:15 que vous avez motivés. C'était important pour vous.
39:17 - Oui. Les jeunes
39:19 qui venaient avec nous, la plupart des gens de la rédaction
39:21 avaient moins de 30 ans, et quelquefois
39:23 moins de 25 ans. C'était la
39:25 première fois qu'ils étaient dans une grande rédaction,
39:27 évidemment la première fois qu'ils faisaient
39:29 de la télévision, et donc j'ai eu
39:31 à cœur, comme d'ailleurs la plupart
39:33 de mes confrères anciens,
39:35 qui étaient à mes côtés,
39:37 de leur donner la liberté.
39:39 C'est-à-dire qu'ils faisaient de la
39:41 télévision sans aucune directive.
39:43 Ce qui n'existe pas
39:45 dans la plupart des chaînes de télévision
39:47 classique, parce que quand on dit "tu vas faire
39:49 une interview", on va dire "tu vas faire
39:51 une interview d'un tel, et tu lui poses
39:53 telle et telle question, tu le fais parler sur tel thème".
39:55 Là, ils faisaient ce qu'ils voulaient.
39:57 Ils ont cru que c'était ça la télévision.
39:59 Et quand La 5 est morte, et qu'ils se sont
40:01 présentés sur TF1,
40:03 France 2, France 3, etc., ils me téléphonaient
40:05 en disant "oh là là, c'est catastrophique,
40:07 je ne savais pas que ça se passait comme ça".
40:09 - Et la liberté était telle que vous avez
40:11 créé cette émission dont vous avez
40:13 cité le titre "Voici quelques instants,
40:15 duel sur La 5". Ça aussi,
40:17 non seulement c'est nouveau, mais vous avez
40:19 ouvert la voie à ce qui se passe aujourd'hui à la télévision,
40:21 Jean-Claude Bourré. - Pas forcément, parce que
40:23 personne n'a repris "Duel sur La 5".
40:25 Pour une raison très simple,
40:27 c'est que "Duel sur La 5", c'était la liberté
40:29 totale. D'une part,
40:31 je prenais un thème, alors
40:33 par exemple sur ma page Facebook, il y a quelqu'un qui a
40:35 trouvé dans les archives de l'INA
40:37 l'un des duels historiques
40:39 que j'ai présentés,
40:41 qui était Jean-Marie Le Pen face à
40:43 un ministre
40:45 socialiste
40:47 qui était
40:49 pro un peu immigration,
40:51 Le Pen étant anti-immigration,
40:53 et mon but, quand je faisais
40:55 "Duel sur La 5", c'était de me taire.
40:57 Donc je me taisais pendant 20 ou 25
40:59 minutes, et
41:01 quand j'ai constaté que ça
41:03 aboutissait souvent à une foire
41:05 d'empoigne, c'est-à-dire que les
41:07 deux protagonistes
41:09 voulaient absolument avoir raison et parler l'un sur l'autre,
41:11 j'ai eu l'idée d'imaginer
41:13 deux sabliers de
41:15 deux minutes que j'ai fait faire spécialement,
41:17 ce qui fait que quand ça devenait trop chaud
41:19 et qu'on comprenait plus rien,
41:21 il y avait l'un des invités
41:23 qui prenait son sablier, qui le retournait,
41:25 la règle du jeu c'était que son adversaire
41:27 devait se taire pendant les deux minutes,
41:29 parce que si jamais il parlait pendant les deux minutes,
41:31 le gars avait deux minutes supplémentaires.
41:33 Donc je les voyais qui s'accrochaient à la table,
41:35 et dès que l'autre avait fini,
41:37 que le dernier grain de sable était tombé,
41:39 il prenait son sablier, il le retournait,
41:41 c'était à son tour d'avoir deux minutes de tranquillité
41:43 pour exposer ses arguments.
41:45 - Mais quand je dis que c'est une formule qui a été reprise aujourd'hui,
41:47 il y avait l'avis des téléspectateurs,
41:49 ce qu'on fait à Sud Radio avec nos auditeurs,
41:51 qui appellent quotidiennement Sud Radio,
41:53 et ça, ça n'existait pas à la télévision.
41:55 - Ah ben Sud Radio est peut-être
41:57 la seule radio à le faire, parce que
41:59 le pouvoir politique, vous savez,
42:01 j'ai pris un petit déjeuner il n'y a pas très longtemps
42:03 avec un ancien Premier ministre de Chirac,
42:05 qui m'a dit "on vous a jamais nommé
42:07 président de chaîne parce que vous n'étiez pas sûr,
42:09 et parce que vous donniez la parole
42:11 au peuple, vous faisiez de la démocratie
42:13 en direct,
42:15 tout ce dont le personnel politique
42:17 a horreur". C'est extraordinaire
42:19 qu'un homme politique dise ça.
42:21 Et donc effectivement,
42:23 les téléspectateurs de France 5,
42:25 de la 5,
42:27 pouvaient voter pour l'un ou l'autre,
42:29 ce qui fait qu'à l'issue du débat,
42:31 on savait
42:33 qui avait emporté l'adhésion d'une majorité
42:35 de téléspectateurs.
42:37 - Mais là non plus, ça n'existait pas.
42:39 Et ça s'est repris aujourd'hui. De même,
42:41 la question du jour, qu'on voit dans les journaux
42:43 aujourd'hui, dans les quotidiens, ça aussi,
42:45 vous l'avez inventé à "Sur la 5",
42:47 chambre de boule ? - Je l'ai inventé "Sur la 5" parce que
42:49 à un moment donné, j'étais professeur
42:51 au centre de formation des journalistes,
42:53 et je leur
42:55 demandais d'aller faire
42:57 un reportage
42:59 sur des mots qu'ils emploient
43:01 tous les jours. Et je me suis rendu
43:03 compte qu'il y avait des mots,
43:05 le Parlement, le Sénat,
43:07 même l'Assemblée nationale,
43:09 même un député. On se rend compte que
43:11 les gens, souvent, ne savent pas
43:13 exactement comment fonctionnent nos institutions.
43:15 Donc je leur disais
43:17 "Vous allez dans la rue, vous interviewez
43:19 15 personnes", ce qui fait
43:21 qu'on pouvait faire de la pédagogie sans dire
43:23 aux téléspectateurs que c'était des incultes.
43:25 Parce qu'ils voyaient que les autres ne
43:27 savaient pas non plus, et on leur donnait la solution.
43:29 Et on faisait de la pédagogie et de la culture.
43:31 - Et cette question du jour,
43:33 il y avait des réponses tous les jours...
43:35 - Incroyable ! - Surréaliste !
43:37 Vous le racontez dans ce livre.
43:39 Et votre plus belle récompense, et vous le racontez
43:41 encore dans ce livre, "La 5 histoires secrètes",
43:43 c'est le jour où Guillaume Durand a reçu
43:45 un cèdre d'or, Jean-Claude Bourré.
43:47 - Oui, Guillaume Durand est un très grand
43:49 journaliste qui est venu
43:51 sur la 5 parce que
43:53 il faisait partie des espoirs.
43:55 Et il a montré que
43:57 il avait par ses capacités
43:59 et par son talent
44:01 une maîtrise de l'antenne.
44:03 Il a créé "Face à France"
44:05 qui était une émission
44:07 tout à fait remarquable
44:09 où tout le monde pouvait s'exprimer.
44:11 Il y a eu beaucoup d'inventions et d'innovations
44:13 y compris dans le domaine sportif,
44:15 y compris dans la météo,
44:17 y compris dans le domaine
44:19 de la protection des animaux avec le docteur Housse-Lesblanc.
44:21 Tout cela, effectivement,
44:23 ça a été une véritable révolution.
44:25 - Et ensuite, Jean-Luc Lagardère
44:27 a repris la chaîne et vous racontez
44:29 dans ce livre la raison pour laquelle
44:31 il a voulu avoir une chaîne de télévision.
44:33 C'est parce qu'il avait été humilié
44:35 un jour à New York.
44:37 - Oui, il avait acheté aux Etats-Unis
44:39 une société, je ne me souviens plus laquelle,
44:41 peu importe, et à l'issue du conseil d'administration
44:43 des deux sociétés, c'est-à-dire
44:45 Hachette et puis l'autre société,
44:47 le président de l'autre société
44:49 qui venait d'être acheté par Jean-Luc Lagardère,
44:51 lui a dit
44:53 "Quel est le nom de votre
44:55 réseau de télévision en France ?"
44:57 et il a été obligé de dire
44:59 "Mais je n'ai pas de télévision."
45:01 C'est un peu comme si quelqu'un vous faisait passer
45:03 le permis de conduire et que vous lui demandiez
45:05 "Qu'est-ce que vous pilotez comme voiture ?"
45:07 "J'ai pas de voiture." Donc il a été humilié,
45:09 il a vu dans le regard de l'autre
45:11 un regard de commisération
45:13 et c'était une obsession pour lui d'avoir
45:15 un réseau de télévision. - Il a inventé
45:17 des émissions, je crois qu'il y a eu 22 nouvelles émissions
45:19 sur la grille lorsqu'il est arrivé,
45:21 mais l'information, c'était plus une priorité
45:23 alors que vous, vous étiez là pour l'information,
45:25 Jean-Claude Bourré. - Oui, on lui avait
45:27 dit "On vous appuie pour
45:29 racheter La 5, pour devenir
45:31 actionnaire majoritaire à une seule condition,
45:33 entre autres, c'est que
45:35 il n'y ait plus de démocratie directe."
45:37 Donc plus de duel sur La 5, plus de vote des
45:39 téléspectateurs. Je comprends pourquoi,
45:41 parce que chaque fois qu'il y avait un député
45:43 socialiste ou un ministre socialiste qui venait
45:45 alors qu'ils étaient au gouvernement et que
45:47 les gens votaient, le gars
45:49 il obtenait 10, 15 ou 20%
45:51 et son adversaire 80 ou 90%.
45:54 Donc ça fait dire que
45:56 la télévision était de droite, voire d'extrême-droite.
45:59 Enfin, vous savez, quand on veut nouiller son chien,
46:01 on l'accuse de la rage. - Et donc
46:03 petit à petit, ça a été la chute,
46:05 jusqu'à l'écran noir, et vous
46:07 racontez ces moments qui sont des moments qui sont
46:09 très présents dans votre mémoire et qui vous ont marqué
46:11 à vie, Jean-Claude Bourré. - Ah mais je ne suis pas le seul.
46:13 Ce qui me frappe, si vous voulez,
46:15 l'autre fois j'étais avec un ambassadeur,
46:17 je ne dirai pas le pays, il m'a dit
46:19 "on a regardé la fin de la 5", c'était il y a 30 ans,
46:21 "avec ma fille, qui devait avoir 14-15 ans à l'époque,
46:25 et elle a pleuré, et ça l'a marqué".
46:27 Et il y a beaucoup de gens qui ont été marqués
46:29 par cette soirée où je fais le décompte
46:31 final 5, 4, 3, 2, 1, 0
46:35 et puis il y avait un générique spécial
46:37 qui a été diffusé une seule fois. Bien sûr,
46:39 la mort d'une chaîne en direct, ça a marqué les gens.
46:41 D'autant que c'était, je le rappelle,
46:43 à l'époque, la première fois qu'il y avait
46:45 une chaîne privée. Alors que maintenant,
46:47 il y en a 250.
46:49 - Mais vous avez à l'époque créé
46:51 une association de défense de la 5,
46:53 sans imaginer la pagaille que ça créait ensuite,
46:57 et même les rumeurs que ça ferait courir
46:59 autour de vous, Jean-Claude Bourré.
47:01 - Ah, bah, Bourré a volé l'argent de la 5,
47:03 ça je l'ai lu, entendu, 150 fois.
47:05 Ça s'est un petit peu calmé, quand même.
47:07 Mais il n'y a encore pas très longtemps,
47:09 il y a quelqu'un qui m'a dit
47:11 "mais qu'est-ce que vous avez fait
47:13 de l'argent de la 5, sous-entendu,
47:15 que vous l'avez mis dans ma poche ?"
47:17 Je vais vous le révéler en exclusivité,
47:19 aujourd'hui, en ce début d'année 2024,
47:23 sur Sud Radio,
47:25 en 1994, quand l'association de défense de la 5
47:32 a arrêté ses fonctions.
47:34 On savait qu'on ne ferait pas renaître la 5.
47:38 Donc on a tout arrêté, et on a tout laissé
47:40 en stand-by, y compris l'argent
47:42 qui restait dans l'association.
47:44 Il y avait l'équivalent de plus de 30 000 euros,
47:46 quand même, à l'époque.
47:48 Cet argent n'a pas bougé, depuis 30 ans.
47:51 Il y a toujours plus de 30 000 euros
47:53 dans la caisse de l'association.
47:55 Et donc j'ai dit "c'est complètement idiot
47:57 de laisser cet argent végéter,
47:59 il ne sert à rien".
48:01 Alors j'avais deux choix,
48:03 ou je louais un avion privé,
48:05 je faisais venir deux superbes filles,
48:09 et puis j'allais passer un week-end
48:12 à Tamanrasset,
48:14 ou alors je faisais une bonne action.
48:16 Il est utile de vous dire que, évidemment,
48:18 la première solution ne m'a même pas traversé l'esprit.
48:21 C'est une plaisanterie.
48:23 Donc j'ai décidé de verser cet argent
48:25 à l'Ami de Pin, qui est une association
48:27 qui existe depuis 130 ou 140 ans,
48:30 qui s'occupe des 100 domiciles fixes.
48:32 Ils ont reçu ce chèque de 30 000 euros.
48:34 Ils étaient fous de joie, parce que vous savez
48:36 qu'en ce moment, début janvier 2024,
48:40 il y a malheureusement beaucoup de gens
48:42 qui sont dans la rue, qui n'ont pas les moyens
48:44 de survivre, et on a fait une bonne action.
48:46 Je le dis à tous ceux qui pourraient se demander
48:48 ce qu'est devenu ce fameux argent de la 5,
48:51 dont certains m'ont accusé
48:53 d'avoir détourné les fonds.
48:55 - Il y a beaucoup d'autres informations
48:57 dans ce livre que vous co-signez
48:59 avec Bérangère Danigo,
49:01 "La 5, l'histoire secrète",
49:03 chez Gilles et Daniel,
49:05 un livre absolument passionnant,
49:07 et je crois qu'on saura enfin tout sur la 5,
49:09 et beaucoup de choses sur vous.
49:11 Merci de l'avoir écrit.
49:12 - Merci, et bonne année à tous vos auditeurs.
49:14 - Merci, "Les clés d'une vie", c'est terminé pour aujourd'hui.
49:17 On se retrouve bientôt, restez fidèles
49:19 à l'écoute de Sud Radio.