• il y a 10 mois
Sudinfo vous propose l'émission "Home Cinéma" de VOO / BeTV consacrée à l'actualité du 7ème art. A l'honneur cette semaine: Joachim Lafosse, à l'occasion de la sortie de son 10ème film, « Un silence ». Interview: Fabrice du Welz.
Transcription
00:00 (Générique)
00:06 - Joachim Lafosse, rebonjour. - Rebonjour.
00:09 - On s'est vu il y a quelques années. - Oui, je suis venu une fois ici.
00:12 - Oui, tu étais venu avec Cédric Kahn pour l'économie du couple.
00:15 Joachim, tu as un parcours opiniâtre, exigeant et assez intense sur la globalité de tes films.
00:23 Aujourd'hui, tu signes ton dixième film qui s'appelle "Un silence",
00:26 qui est adapté d'un fait divers, mais c'est une adaptation très libre, très intime.
00:31 - Hier soir, avant d'aller chez son père, il était où ?
00:32 - En deux mots, c'est l'adaptation du fait divers autour de Victor Huysel.
00:36 - Avec moi, à l'hôtel.
00:38 (Générique)
00:41 - J'ai longtemps hésité à vous faire part de ce que je vais vous dire,
00:44 mais là, il n'est plus possible de me taire.
00:46 - Tu nous plonges dans une famille, une famille de la haute bourgeoisie, avec un avocat.
00:50 Cet avocat est marié depuis une trentaine d'années.
00:53 Il a un fils, il a une fille.
00:55 Et tu installes un climat qui est très délétère,
00:58 où tu explores la mécanique du crime et la mécanique de la justice.
01:04 - Vous étiez là depuis combien de temps ?
01:07 Depuis ma part de six ans.
01:09 Quelle heure il était quand vous avez vu Raphaël à l'hôtel pour la dernière fois ?
01:13 Madame Scar ? Votre fils, il va avoir besoin de vous, là.
01:17 - C'est un point de départ, comme tu as fait sur d'autres films,
01:19 que tu te réappropries complètement.
01:22 - En fait, je me rends compte, quand je découvre le fait divers,
01:26 que je suis d'abord ému par l'histoire de cet enfant qui a grandi dans cette maison.
01:32 Et je me dis, mais grandir dans une maison dans laquelle la loi n'est pas portée,
01:38 l'interdit n'est pas porté,
01:40 en présence de quelqu'un qui, à l'extérieur,
01:42 semble être le défenseur de la vie de l'orphelin,
01:45 et qui, en même temps, est bouffé par un mal...
01:48 Et donc, l'enjeu, c'est que le spectateur reste en empathie avec ce jeune homme
01:54 et cette maman, malgré la gravité du silence de cette maman
01:57 et malgré la gravité du passage à l'acte de ce jeune homme.
02:01 - Raphaël, tu es mon fils. Tu fais une connerie, tout le monde le voit.
02:04 Regarde comme ça les excite. Ils n'attendent que ça.
02:07 - Qu'est-ce qui s'est passé hier soir entre votre fils et votre mari ?
02:09 - Pourquoi est-ce que tu te portes sur ce fait divers ?
02:13 Et comment tu reviens à toi dans ce fait divers ?
02:17 - Alors, je sens que je suis attrapé et ému.
02:21 Et en fait, ce qu'il y a, c'est qu'en 2008, j'ai tourné un film "Élèves libres".
02:26 Je l'ai dit à l'époque, mais pas très fort.
02:28 Le film était très autobiographique.
02:30 - Oui, c'était évident.
02:31 - Il raconte une violence que j'ai vécue adolescent.
02:35 En fait, je l'ai écrit parce qu'au fond, ce que j'espère à ce moment-là,
02:38 c'est que les gens qui m'ont connu adolescent,
02:40 ils reconnaissent ce que j'ai raconté de mon adolescence.
02:44 La sexualité, c'est comme le reste. Ça, ça prend.
02:47 - Ce qu'on pourrait faire, c'est te montrer des trucs.
02:49 - Et en fait, c'est pas du tout ce qui se passe.
02:51 - Regardez, ça va, ça ?
02:52 - Ce qui se passe, c'est que quand je croise des gens qui me connaissaient à l'époque,
02:56 je les vois plutôt changer de trottoir.
02:58 Et moi, je me mets à avoir honte, en fait.
03:00 Et puis, arrive 2016, où je me mets à écrire un silence.
03:07 Et là, six ans après le début de l'écriture,
03:10 il y a quelqu'un qui m'appelle et qui est... Qui m'est très, très proche,
03:14 qui s'excuse en me disant que, voilà, pendant des années,
03:17 on lui a déconseillé de voir "Élève libre"
03:19 et me demande simplement comment je vais.
03:22 Et à ce moment-là, j'ai compris pourquoi j'écrivais un silence,
03:24 parce que... Simplement parce que je découvre à ce moment-là
03:27 que cette personne a aussi honte de ne pas avoir pu me protéger
03:32 de ce que j'ai vécu adolescent.
03:35 Et au fond, on est tous les deux là avec cette honte.
03:37 Et évidemment, c'est à ce moment-là
03:39 que je décide de changer le point de vue du film.
03:42 En fait, jusque-là, j'avais écrit des versions de scénario
03:44 dans le point de vue de l'avocat et puis dans le point de vue du fiche.
03:47 Et c'est là que je décide de basculer et de l'écrire
03:49 dans le point de vue d'Astrid.
03:51 - Tu convoques ici toutes tes grandes thématiques, en fait.
03:54 La dissolution du foyer, l'intime, la responsabilité des adultes.
03:59 - C'était le seul qui savait pas.
04:00 - Moi, j'ai rien dit.
04:05 - Ton regard est très moraliste et je dis pas moralisateur.
04:08 - Merci.
04:09 En fait, moi, j'aime bien dire,
04:10 je trouve que les cinéastes doivent avoir une morale.
04:12 Moraliste, je sais pas, parce que moraliste,
04:14 c'est faire la morale aux gens.
04:16 - C'est pas moralisateur, regarde dans le dictionnaire,
04:19 tu verras, c'est vraiment simplement une réflexion sur les mœurs.
04:22 - Oui, c'est ça.
04:24 En fait, je trouve que le cinéma, simplement,
04:26 moi, les films qui me plaisent, les grands films,
04:28 ils posent la question du mal et du bien.
04:29 - Bien sûr. - C'est ça, la morale.
04:31 Le spectateur, on peut lui amener des questions morales
04:33 et qui lui permettent de se demander ou elle est bien, ou elle est mal.
04:36 Et surtout, pour moi, une question essentielle pour un spectateur,
04:40 c'est comment moi, je ferais.
04:41 Est-ce que moi, je serais dans le silence ?
04:43 Est-ce que j'aurais la force ?
04:44 - C'est ce que tu fais à chaque fois.
04:45 - Mais c'est ce que j'essaie de faire à chaque fois.
04:46 - Tu te mets chaque fois, chaque fois dans la place,
04:49 à la place des différents personnages,
04:50 mais toujours là où était l'adolescent d'un élève libre, en fait.
04:54 - Oui, alors il y a une chose avec ce film-ci,
04:58 mais ça, c'est un pur truc de metteur en scène.
05:01 C'est le plaisir de se demander comment on filme le silence ou la honte.
05:05 Enfin moi, j'espère que le public n'a pas un rapport intellectuel au film,
05:11 que c'est senti.
05:12 Ce qu'il faut, c'est qu'il vive avec.
05:13 - C'est toi qui l'as été sur mon ordinateur ?
05:15 - Oui.
05:16 - Mais qu'est-ce que tu fous sur mon ordinateur ?
05:18 - Ben, à ton avis ?
05:21 Tu peux l'éteindre, hein.
05:22 Tu te rends compte que Raphaël le voit ?
05:24 - Comment ça, il le voit ?
05:25 - Oui, il le voit. Tout le monde peut le voir.
05:27 - Quand on s'empare d'un fait divers comme celui-là,
05:30 il me semble essentiel d'y aller sobrement et avec pudeur.
05:35 Parce que sans quoi...
05:36 Je veux dire, quand quelqu'un d'impudique vient à toi,
05:38 tu ne peux pas entendre ce qu'il te dit.
05:40 En fait, tu fais un pas de recul,
05:42 et c'est le risque que je peux vivre avec le spectateur.
05:45 Si je suis impudique, le spectateur, il recule et donc il me suit pas.
05:49 - Maman, tu lui as parlé ?
05:51 - De quoi ? - De ce qu'on s'est dit l'autre jour.
05:55 - Mais à quoi tu joues, là, Caroline ?
05:58 - Je crois que maman a un truc à me dire.
06:01 - Non, j'ai rien à dire.
06:02 - Dans le mal-être qui parsème, en fait, tous tes films,
06:04 ici, il y a quelque chose,
06:06 simplement parce que tu déplaces le point de vue.
06:08 Et je trouve qu'en déplaçant le point de vue, tu fais un pas.
06:11 - Et tu sais à qui je dois ça, et c'est une manière aussi...
06:13 Parce que le plaisir d'écouter ou de voir ton émission,
06:18 c'est quand même un des rares endroits en Belgique
06:21 où on parle de cinéma, vraiment.
06:22 Parce que tu es cinéaste et parce que tu poses des questions de cinéaste.
06:26 Moi, je dois ce décalage de point de vue,
06:28 je le dois à mon directeur photo.
06:30 - Comment ça s'est opéré, ça ?
06:31 - Je pense par une chose toute simple,
06:33 c'est le choix de la dolly et de l'écriture que ça engendre.
06:37 Et aussi, il y a lui et il y a Emmanuel Devos,
06:40 qui lit une première version du scénario,
06:41 qui a encore une version dans le point de vue de Raphaël
06:44 et qui me dit "mais le cinéma, il va venir de ce silence".
06:47 Elle me dit ça.
06:49 Et aussi, là, je suis très rassuré parce que moi,
06:51 je ne suis pas un cinéaste qui sait.
06:55 Je doute beaucoup, je demande beaucoup aux gens ce qu'ils pensent,
07:01 ce qu'ils feraient, comment...
07:03 On réfléchit à plusieurs.
07:04 Et donc, Emmanuel, elle est très bien comme rencontre avec moi
07:08 parce qu'elle me donne son avis.
07:10 - Tu te rends compte de ce qui se passe pour lui ?
07:12 - Les acteurs, je ne sais pas si toi, tu sens ça sur un plateau.
07:15 - Tu sais très bien ce qui se passe, justement,
07:16 ce n'est pas le moment de lâcher.
07:17 - Est-ce que tu as l'impression qu'ils se mettent à écrire aussi ?
07:19 - Oui, à partir du moment où tu les modèles,
07:21 tu travailles avec eux, tu collabores.
07:23 - Ton dispositif, tu le crées avec eux.
07:25 - Alors, ce n'est pas ce que j'écris lui, Claude,
07:27 mais du coup, ça me permet de répéter tout le film 10 jours avant de le tourner.
07:30 Clairement, je n'ai pas toujours la nuance qu'il faut,
07:32 mais aidé par eux, par les acteurs, on y arrive à cette nuance.
07:36 - Daniel O'Toye, ça s'est bien passé, j'ai l'impression.
07:39 - En fait, tu vois, cette différence entre les interprètes et les acteurs,
07:43 lui, il vient avec son...
07:45 Il n'y a pas de séance de psychologisation,
07:48 c'est plus vite, plus fort, moins fort.
07:50 Alors, il a le courage de dire oui.
07:51 - Il y a quand même un paquet d'acteurs qui ont refusé avant d'y aller.
07:54 En fait, pendant des années, le Star System ne voulait pas de ces répétitions.
07:58 Il y a un truc maintenant que je...
07:59 - Que tu l'imposes. - Je l'impose.
08:00 C'est-à-dire que soit vous le faites avec moi, mais c'est avec les répétitions,
08:04 soit on ne le fait pas ensemble, voilà.
08:06 Et Daniel, il est venu les 10 jours, il n'a pas contesté.
08:10 Il a essayé un petit peu, mais il n'a pas contesté.
08:13 Emmanuelle, elle était...
08:14 Mais elle n'est pas dans cette logique du Star System,
08:16 quand même, elle a une culture du théâtre, de la recherche, de la répétition.
08:20 Donc, ma constitution psychique et mentale fait que je vis pas bien la pression
08:26 et que je ne sais pas chercher dans la pression.
08:27 Je n'arrive pas.
08:29 Donc, heureusement que j'ai créé du huis clos pour pouvoir m'offrir,
08:32 et grâce aux producteurs, cet espace de recherche que sont les répétitions.
08:36 Mais ce moment où tout le monde te demande une question
08:39 où tu dois trouver tout tout de suite,
08:41 où si ça ne va pas, tu dois trouver autre chose,
08:45 c'est pas simple, hein.
08:46 C'est pas simple.
08:47 - Maman, tu lui as parlé ?
08:50 C'est quand que tu vas réagir, là ?
08:51 - Forcément, on évolue tous et on voit les gens qui évoluent de films.
08:59 Il y a une cohérence, une grande cohérence.
09:01 Il y a une porosité à ton sujet, à ton grand sujet, Joachim.
09:06 - Euh... Mais je sais pas lequel c'est.
09:08 - Bah... - Là, je le cherche.
09:10 Et tant mieux.
09:10 - Il y a ce grand sujet qui est la responsabilité des adultes.
09:15 - OK, merci.
09:15 - Je veux dire que là, tu peux pas être...
09:18 Tous tes films prennent de ça.
09:19 - Oui, mais je le savais pas avant de commencer.
09:21 Ça se découvre.
09:22 Moi, je trouve ça super de t'entendre dire ça parce que...
09:25 - Enfin, c'est un chemin quand même qui est clair.
09:29 - Il y a une chose que j'aimerais bien faire parce que...
09:32 J'aimerais bien, maintenant, arriver à tourner l'histoire de quelqu'un qui...
09:38 C'est-à-dire qui ne subit pas totalement.
09:40 Voilà.
09:41 Parce que, simplement, parce que...
09:43 Et j'ai aussi beaucoup filmé de personnages féminins.
09:46 Et que...
09:47 Parce que j'ai grandi avec une mère célibataire qui a eu des jumeaux.
09:52 Et tu vois, et qui a dû s'arranger toute seule.
09:54 Mais en fait, si j'ai tenu et si j'ai réussi à faire ce métier que j'aime
09:58 et qui est quand même pas toujours simple,
10:00 et que j'arrive à vivre de mon désir, c'est aussi parce qu'elle a tenu aussi.
10:05 Et je trouve qu'à un moment où...
10:09 Où on interroge le rapport entre le féminin et le masculin,
10:12 voilà, ça peut être...
10:13 Ça fait partie de ce que j'ai envie de faire par après, par la suite.
10:17 - Joachim, je te remercie beaucoup pour ces quelques minutes avec toi.
10:20 Je souhaite le meilleur au film.
10:22 - Bah, écoute...
10:22 - Et je suis très curieux de voir ce que tu vas faire après.
10:26 - Un film au soleil avec des enfants.
10:28 - Merci, Joachim.
10:28 - Merci à toi.
10:29 Cette semaine, dans les salles,
10:34 les films à l'affiche ressemblent à de vraies formations musicales.
10:38 Duo, trio ou quatuor.
10:40 Le quatrième art donne le la au septième.
10:44 Quand une femme de 36 ans entame une liaison avec un jeune de 5e,
11:09 la presse à scandale ne peut que crier au scandale.
11:12 Le sulfureux Todd Haynes s'en empare en confrontant
11:16 deux comédiennes envoûtantes devant sa caméra.
11:18 Julianne Moore et Nathalie Portman.
11:21 - Rio de Janeiro.
11:26 Juste le nom, ça fait rêver.
11:27 Mais on vous a proposé de nous rejoindre.
11:30 C'est que ça l'angoisse, l'avion.
11:31 - Mais qu'est-ce qui l'angoisse, Paul?
11:32 Qu'est-ce que tu fais là?
11:35 - Je fais le déjeuner avec toi.
11:39 - Delphine passe pour une conne et toi, tu dis rien.
11:41 Tu cautionnes, en fait.
11:42 - Vincent, c'est mon ami depuis toujours.
11:43 Il nous a sauvé la vie.
11:44 - Tu t'approches encore une fois de mon mari, je te crève les 2 yeux!
11:47 Yvan Attal dirige une partie de poker menteur
11:50 entre amis sur la côte d'Azur
11:52 et installe la suspicion au coeur de 2 couples a priori inséparables.
11:56 Un jeu dangereux inspiré par la crème du cinéma français.
11:59 Maïwenn et Guillaume Canet en tête.
12:02 ♪ ♪ ♪
12:05 ♪ ♪ ♪
12:08 ♪ ♪ ♪
12:11 - Rien n'est plus fort que l'entraide.
12:37 Avec cette adaptation du célèbre roman d'Alice Walker,
12:40 produite à nouveau par Steven Spielberg, Quincy Jones et Oprah Winfrey,
12:44 cette comédie musicale reprend les musiques à succès
12:47 du spectacle triomphal de Broadway.
12:50 ♪ ♪ ♪
12:53 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]

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