Face à l'Info (Émission du 23/01/2024)

  • il y a 8 mois
Christine Kelly et ses chroniqueurs débattent de l'actualité dans #Facealinfo

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00:00:00 Il est 19h, vous êtes là, moi aussi, attendez j'en fais quelque chose...
00:00:06 Ravie de vous retrouver ce soir, il y a Simon Guilain qui attend pour l'info.
00:00:11 Allez, la Minute Info avec vous.
00:00:13 Bonsoir, chère Christine, et bonsoir à tous.
00:00:15 A l'occasion de ces voeux olympico-sportifs, Emmanuel Macron a affirmé que le défi sécuritaire était immense pour les Jeux Olympiques.
00:00:22 30 000 policiers et gendarmes seront à pied d'oeuvre chaque jour sur le territoire.
00:00:26 Par ailleurs, le chef de l'État juge plus que jamais atteignable l'objectif de voir la France accéder au top 5 des pays les plus médaillés.
00:00:33 Nouveau drame dans une cité à Marseille. Un homme de 24 ans a été tué de deux balles dans la tête.
00:00:38 Ça s'est passé hier après-midi dans la cité des Oliviers, au nord donc de la cité phocéenne.
00:00:43 La victime était connue de la justice, notamment pour trafic de stupéfiants.
00:00:47 Une enquête pour homicide volontaire en bande organisée a été ouverte et confiée à la police judiciaire.
00:00:52 Et puis les demandes d'asile atteignent un niveau record en France. 142 500 demandes ont été enregistrées l'année dernière, soit une hausse de 8,6 % par rapport à l'année précédente.
00:01:03 Cette augmentation est nettement inférieure à la moyenne européenne, précise le patron de l'Ofpra, chère Christine.
00:01:08 Merci Simon Guillin. Et au sommaire ce soir dans Face à l'Info, le mouvement des agriculteurs fait tâche d'huile.
00:01:16 Près de 60 départements se mobilisent dès cette semaine. Le gouvernement craint l'intensification du discours anti-européen à l'approche des élections.
00:01:25 Aujourd'hui une femme a été tuée en Ariège. Ici sur ces images l'agricultrice Alexandra avait 30 ans.
00:01:33 Elle a perdu la vie alors que depuis deux mois les agriculteurs s'appliquent à protester dans le calme.
00:01:39 Deux mois qu'ils espèrent être entendus sans violence.
00:01:42 Le rapport de force peut-il exister ? Sans violence, l'édito de Mathieu Bobcoté.
00:01:48 Que faire des migrants ? Ces migrants parisiens qui semblent embarrassés au plus haut point et que l'on veut répartir dans les campagnes, rappelle Le Figaro aujourd'hui.
00:01:58 Le Royaume-Uni de son côté a avancé une proposition pour faire face à l'explosion de l'immigration, le plan Rwanda.
00:02:05 Il vise à délocaliser le système de demande d'asile au Rwanda. Est-ce une incongruité juridique ?
00:02:12 Une anomalie humanitaire ou une solution qui pourrait servir à l'exemple ? L'analyse de Dimitri Pavlenko.
00:02:19 Alors que les agriculteurs se révoltent un peu partout, quelle est l'histoire de nos paysans en France ?
00:02:26 N'est-elle pas indissociable de la vie politique française ?
00:02:29 Le paysan français qui se révolte en 1789 pour obtenir la suppression des droits féodaux, la libération de la terre.
00:02:36 Le paysan éternel mal aimé et pourtant indispensable, le regard de Marc Menand.
00:02:43 Alors que demain les députés débattront du projet de loi visant à inscrire les VG dans la Constitution, Gérard Larcher, qui soutient l'avortement, s'y est dit opposé, comme d'autres parlementaires.
00:02:55 Car selon lui, ce droit n'est pas menacé. Quel est le véritable enjeu de ce débat ?
00:03:00 Le décryptage de Charlotte Dornelas et puis nous ferons une tour de table sur la question de l'IVG dans la Constitution.
00:03:05 Nous nous arrêterons également sur le procès de l'attentat de Trebb qui a vu la mort du lieutenant-colonel Arnaud Bertram.
00:03:12 On apprend par Marianne qu'une personnalité jugée pour avoir apporté son concours à l'attentat aurait eu une troublante connivence
00:03:20 avec le délégué du préfet de Lodes qui renseignait le Cahit sur des opérations policières.
00:03:26 Que révèlent ces liens ? Faut-il parler de corruption, d'arrangement de complicité ? L'analyse de Charlotte Dornelas.
00:03:33 Et puis la comédienne belge Yolande Moreau a été virulente contre Marine Le Pen lors d'une interview sur C8.
00:03:41 C'est infligeant ce qui se passe en France, ce tapis rouge qui est fait au RN.
00:03:45 Son propos fait écho à celui de Sonia Rolland sur le service public samedi soir.
00:03:50 Mais quel est donc ce tapis rouge déroulé au Rassemblement National ?
00:03:55 En quoi l'opposition systématique au RN est-elle plus efficace politiquement ? L'édito de Mathieu Bocote.
00:04:03 On peut prendre un peu de hauteur sur l'actualité avec nos mousquetaires. On vous révélera.
00:04:09 Un petit sondage dans un instant. C'est parti.
00:04:12 (Générique)
00:04:24 Oui, je vous parlerai d'un sondage dans un instant pour Seine-Nouve d'Europe 1 JDD sur la position des Français sur ce dossier des agriculteurs en colère.
00:04:35 Comment allez-vous ce soir, mon cher Marc ?
00:04:37 Nous sommes à vos côtés, nous vous admirons une nouvelle fois. On se dit mais que diable ! Le charisme ne lui suffit pas.
00:04:45 Il lui faut trouver le voile pour pouvoir rayonner encore plus tel le soleil. On se croirait à Versailles.
00:04:51 Générique, fin de l'émission.
00:04:54 Toujours à quelque chose à dire. Charlotte en pleine forme, Dimitri aussi et Mathieu Bocote.
00:05:00 Ça va mieux, vous avez un petit rhume mais ça va mieux.
00:05:02 Vous êtes toujours conquérant, même quand vous êtes malade, ça ne se voit pas.
00:05:05 Je ne sais pas comment vous faites mais...
00:05:07 C'est pour dire qu'il ne manque pas d'atouts.
00:05:09 Il ne manque pas d'atouts.
00:05:11 Alors on va passer à ce dossier des agriculteurs en colère puisque c'est l'actualité ce soir.
00:05:17 C'est un drame, Mathieu Bocote, qui secoue tout le monde ce soir.
00:05:21 Une agricultrice qui participait au mouvement de protestation qui soulève en ce moment les campagnes mortes ce matin.
00:05:27 Suite à la suite, suite à ce qu'on présente comme un accident, son compagnon ainsi que leur fille ont été blessés.
00:05:36 Pourtant, nul soulèvement, nulle violence de leur part.
00:05:42 Ensuite, est-ce que cet événement tragique ne dit pas quelque chose du rapport des Français à la violence politique?
00:05:49 Oui, je crois. En fait, je pense que pour jeter un regard intéressant, tout au moins pertinent, sur la révolte des agriculteurs,
00:05:57 on doit éviter d'en faire une simple révolte sectorielle, la révolte corporatiste d'un petit milieu
00:06:04 qui se battrait pour ses avantages, ses privilèges ou ses droits.
00:06:08 On doit l'inscrire dans une perspective plus vaste pour chercher à comprendre ce qu'il révèle.
00:06:12 Des différentes révoltes qui traversent la France, des différents rapports à la violence qui existent dans ce pays
00:06:18 et aussi, par ailleurs, des différentes méthodes pour faire pression sur l'opinion.
00:06:23 Donc, on verra que, dépendamment des révoltes, les méthodes ne sont pas toujours les mêmes.
00:06:27 On le sait, cette jeune dame est morte ce matin.
00:06:31 Si je ne me trompe pas, c'était trois Arméniens qui étaient en situation d'OQTF et qui auraient dû quitter la France depuis un bon moment.
00:06:38 Ce qu'on comprend, c'est que c'est accidentel.
00:06:45 On n'est pas devant une volonté meurtrière, on n'est pas dans ce registre-là.
00:06:51 Il n'en demeure pas moins que ces trois personnes n'auraient pas dû être ici si la loi avait été appliquée.
00:06:55 On nous dira que ce n'est pas une donnée pertinente dans les circonstances.
00:06:59 Ce n'est pas une donnée pertinente dans les circonstances, mais c'est une donnée.
00:07:03 Ce n'est pas une donnée pertinente, sauf que c'est une donnée qui compte.
00:07:05 S'ils n'avaient pas été là, elles seraient encore là.
00:07:09 Cela dit, c'est un événement tragique en tant que tel.
00:07:13 Ce qui est intéressant, c'est de voir la réaction des uns et des autres devant une telle mort.
00:07:19 On peut placer cela dans un portrait de trois morts, dont elle, pour voir la réaction de l'opinion lorsque le tragique frappe.
00:07:28 On le sait, mort humble, c'est Noël.
00:07:31 C'est évidemment tragique pour le jeune Noël, mais on voit le soulèvement des banlieues.
00:07:37 Tout flambe, tout brûle. La mort de Noël justifie, pour tous ceux qui vont participer à l'émeute, au pillage, au rasiat,
00:07:46 la mort de Noël justifie tout.
00:07:48 C'est un déclencheur qui autorise toutes les violences pendant un certain temps du moins.
00:07:55 C'est un mort qu'on a identifié.
00:07:57 Mort, évidemment, sous les balles d'un policier. Ce n'est pas un détail dans l'histoire.
00:08:01 Quoi qu'il en soit, mort de Noël, émeute pendant plusieurs jours, avec une espèce d'immense cirque,
00:08:09 mais assez tragique par ailleurs pour tous ceux qui l'ont subi.
00:08:12 La mort de Thomas, ensuite. Il ne faut pas l'oublier.
00:08:15 La mort de Thomas, c'est une autre mort qui a été politiquement significative ces derniers temps.
00:08:18 Mort à l'arme blanche.
00:08:20 Mort avec, il ne faut pas l'oublier, des gens qui voulaient planter du blanc.
00:08:24 Donc, mort, clairement, c'est un meurtre raciste.
00:08:28 On aurait pu s'attendre, dans les circonstances, à une réaction très vive.
00:08:33 Quelle réaction avons-nous eu? Une marche blanche.
00:08:36 Et il y a eu aussi, c'est vrai, pendant quelques jours, la légende de l'ultra-droite,
00:08:40 environ 12 types qui ont été se balader dans le quartier.
00:08:44 Apparemment, c'était la contre-révolution fasciste qui s'emparait du pays.
00:08:47 Finalement, ce n'était pas le cas. On était surpris, mais bon, ce n'était pas le cas.
00:08:50 Et quoi qu'il en soit, cette mort a donné marche blanche.
00:08:53 Et aujourd'hui, la mort de cet agricultrice, on verra ce que ça va donner.
00:08:56 Mais on comprend dès lors qu'il n'y a ni émeute, on comprend dès lors qu'il n'y a pas de violence.
00:09:01 On comprend dès lors que ce n'est pas vu comme la mort qui justifie ensuite de faire un immense tapage.
00:09:06 Donc, ce n'est pas une mort prétexte. C'est important de le dire.
00:09:09 Donc, ce n'est pas comme dans le cas de Nael, je pense.
00:09:12 Une partie de l'opinion dans certains quartiers guette le moment qui permet de s'insurger.
00:09:16 On guette le moment, on guette l'événement qui va justifier en fait faire tomber les digues.
00:09:21 Là, on est devant une mort tout à fait tragique.
00:09:23 Comme je dis, la dimension intentionnelle n'est pas là.
00:09:26 Donc, tous ces éléments sont importants.
00:09:27 Mais manifestement, le commun des mortels devant cela voit le tragique de l'existence,
00:09:31 voit l'absurdité de l'existence, mais ne croit pas nécessaire de transformer ça en soulèvement.
00:09:37 Et je fais le lien, violence subie dans les circonstances, mais violence politique pour l'instant,
00:09:42 la violence politique, vous savez, c'est une longue histoire en France.
00:09:45 C'est probablement un des pays en Occident qui a le plus normalisé dans son récit,
00:09:49 dans son imaginaire, la violence politique.
00:09:51 Ce qui est certain, c'est qu'on se contente de regarder les agriculteurs pour l'instant,
00:09:54 au-delà du sort tragique de cette dame, ils utilisent des moyens de pression réels,
00:09:58 des moyens de pression pour forcer la société à tenir compte de leurs revendications,
00:10:03 mais on voit qu'ils se posent eux-mêmes leur propre ligne rouge,
00:10:06 ils posent eux-mêmes les barrières, les frontières qu'ils ne dépasseront pas
00:10:11 pour faire en sorte que leur protestation s'inscrive dans un cadre acceptable pour le commun des mortels.
00:10:17 Et donc, nos premières observations à partir de cette mort tragique,
00:10:20 c'est de la réaction ou de la non-réaction des gens qui en sont témoins.
00:10:24 La France, il faut bien l'admettre, est traversée par plusieurs révoltes
00:10:29 qui ne convergent toutefois pas entre elles.
00:10:31 Qu'est-ce qui distingue ces différentes révoltes du moment ?
00:10:34 J'y reviens avec les trois cas que j'ai donnés.
00:10:37 La révolte des banlieues est une révolte, parce qu'elle revient toujours,
00:10:40 en lieu des émeutes, il y en aura, il y en aura encore,
00:10:42 chaque fois on va dire que c'est terrible, la République est en danger,
00:10:45 parce que la révolte des banlieues, c'est une violence qui est nihiliste et conquérante.
00:10:50 C'est une violence nihiliste et conquérante que j'entends parler qu'elle doit détruire.
00:10:54 Elle trouve son ivresse dans la destruction.
00:10:57 Elle trouve son ivresse dans la possibilité d'imposer à tous une violence sauvage,
00:11:02 une violence qui se justifie elle-même.
00:11:05 C'est-à-dire que nous sommes tellement en colère que nous avons le droit d'être violent,
00:11:08 nous sommes tellement en colère que nous avons le droit d'être encore plus violent,
00:11:11 nous sommes tellement en colère que nous avons le droit de piller,
00:11:13 nous sommes tellement en colère que nous avons le droit de taper sur les policiers,
00:11:16 nous sommes tellement en colère que nous avons le droit d'attaquer,
00:11:18 et en dernière instance, nous sommes les victimes, n'est-ce pas?
00:11:21 Donc c'est un rapport de force brutale, c'est important de le mentionner,
00:11:24 donc c'est pas... il y a une dimension presque nihiliste là-dedans aussi.
00:11:28 Nihiliste et conquérante tout à la fois.
00:11:30 Alors que la révolte des agriculteurs est tout autre.
00:11:32 On est ici devant une révolte authentiquement politique.
00:11:35 Authentiquement politique, c'est-à-dire, quand on demandait aux petits,
00:11:38 aux émeutiers autour de Naël,
00:11:41 « Pourquoi vous soulevez-vous ? »
00:11:43 Les raisons politiques étaient approximatives.
00:11:45 Là, quand on parle aux agriculteurs,
00:11:47 les raisons politiques sont clairement identifiées.
00:11:49 On est devant une révolte qui sait pourquoi elle est menée.
00:11:52 Ce n'est pas une grande colère qui ne trouve pas de vecteur ni de projet,
00:11:56 c'est une révolte qui dit « Voilà pour les raisons A, B, C, D, 1, 2, 3, 4,
00:12:01 nous nous révoltons pour cela. »
00:12:03 Donc c'est une révolte politique et sans dimension mimétique,
00:12:06 il faut bien le dire,
00:12:07 donc oui, ça se répand sur le territoire,
00:12:09 mais on n'est pas sur le mode « La violence des uns inspire la violence des autres. »
00:12:12 On est devant une révolte coordonnée, politique, avec des objectifs.
00:12:16 Si les objectifs sont atteints, on range les tracteurs et on retourne faire son travail.
00:12:20 Au cœur des émeutes, on n'était pas du tout dans cette logique-là.
00:12:24 Mais j'irais plus loin, de manière un peu cynique peut-être,
00:12:27 je dirais que la révolte des banlieues, je fais encore le contraste entre les deux,
00:12:31 est une révolte qui fait l'affaire du système.
00:12:34 Je vais être un peu méchant en disant ça,
00:12:36 mais c'est une révolte que l'on vit à la manière d'un châtiment nécessaire.
00:12:39 Nous sommes tellement injustes envers les banlieues,
00:12:42 nous sommes tellement injustes envers ces populations,
00:12:44 nous sommes tellement atroces avec ces populations.
00:12:46 Les politiques de la ville sont insuffisantes,
00:12:48 les plans banlieues sont insuffisants,
00:12:50 nous les condamnons à une telle misère à coup de milliards
00:12:53 que nous avons le châtiment nécessaire.
00:12:55 C'est légitime, c'est presque une punition qui nous est infligée
00:12:59 parce que nous ne sommes pas à la hauteur des valeurs de la République.
00:13:02 Donc quand il y a le soulèvement des banlieues,
00:13:04 il y a une partie importante du commentariat qui dit
00:13:07 qu'on l'a bien cherché, qu'on l'a mérité,
00:13:09 c'est une violence subie, mais c'est une violence créatrice,
00:13:12 féconde et nécessaire.
00:13:14 À la rigueur, on voit quelques nuances.
00:13:16 On se souvient de M. Mélenchon qui disait
00:13:18 peut-être ne pas vous en prendre aux médiatiques, aux bibliothèques,
00:13:20 aux écoles, mais encore.
00:13:22 Donc c'est assez intéressant de voir le contraste des violences,
00:13:25 alors que là on est devant une révolte qui ne fait pas du tout
00:13:27 l'affaire du système, si je peux me permettre.
00:13:29 Pourquoi? Parce que c'est une révolte qui n'est pas justement
00:13:32 l'esprit de l'époque, mais tout au contraire,
00:13:34 c'est presque une révolte qui s'inscrit dans l'anti-époque.
00:13:37 Je m'explique par là.
00:13:39 On est devant des gens qui disent au nom de votre Europe,
00:13:42 au nom de votre transition écologique,
00:13:44 au nom de votre idéologie, nous sommes les sacrifiés
00:13:47 de la prochaine étape du progrès.
00:13:49 Alors je vais me permettre une audace comparative
00:13:52 qui fera plaisir à notre ami Philippe Devilliers,
00:13:54 mais c'est un peu à la manière des Chouans, en quelque sorte,
00:13:56 un peu à la manière des Vendéens.
00:13:58 Ce sont les révoltés de l'anti-progrès.
00:14:00 Je ne veux pas parler de l'Europe par anti-progrès ici.
00:14:02 Le fait qu'on leur dit que vous êtes, chers agriculteurs,
00:14:04 vous êtes des obstacles sur le cours de l'histoire,
00:14:06 vous n'êtes plus nécessaire à travers votre mode
00:14:08 de fonctionnement habituel, pourriez-vous dégager
00:14:10 le passage, s'il vous plaît?
00:14:12 J'ajoute que s'ils usaient de violence véritablement,
00:14:14 ce qui n'arrivera pas, je crois, il peut y avoir toujours
00:14:16 des excès dans toutes circonstances, mais il n'y aura
00:14:18 pas de débordement de violence réelle, alors là, l'État serait
00:14:21 d'une force répressive bien plus grande que devant les banlieues.
00:14:24 Parce qu'encore une fois, c'est une violence qui est...
00:14:27 C'est une révolte qui touche le cœur du système,
00:14:29 parce qu'elle nomme l'Europe.
00:14:31 J'ajoute une autre chose, qui me semble assez importante.
00:14:34 Il y a des choses à critiquer dans l'agricult...
00:14:36 Peu importe l'état de la révolte en ce moment,
00:14:38 il y a l'agriculture intensive.
00:14:40 Aujourd'hui, il y a bien des choses qu'on peut critiquer
00:14:42 en tant que telles, mais ce que l'on voit, c'est que c'est
00:14:44 quand même un milieu social qui est condamné au dépérissement
00:14:46 et dont on dit que votre idéal, c'est de décroître
00:14:48 et de vous effacer. Et de ce point de vue, par ailleurs,
00:14:51 il y a un lien à faire entre les agriculteurs
00:14:53 et les gilets jaunes. Pourquoi?
00:14:55 Parce que c'est encore une fois la révolte désenracinée.
00:14:58 La révolte de ceux qu'on ne peut pas déplacer.
00:15:00 La révolte de ceux qui ne sont pas délocalisables.
00:15:03 La révolte de ceux qui sont quelque part
00:15:05 et qui réclament non pas une suite de droits sociaux à la tonne,
00:15:08 mais simplement le droit de vivre dignement
00:15:11 tels qu'ils sont dans leur environnement.
00:15:13 Et de ce point de vue, c'est pas une révolte sans lien
00:15:15 non plus avec les partis dits populistes,
00:15:17 qui en Europe réclament politiquement un cadre
00:15:19 pour permettre tout cela. Et par ailleurs,
00:15:21 peut-être est-ce aussi la révolte d'une population qui dit
00:15:23 « Mais il y a toujours des milliards pour à peu près tout le monde.
00:15:25 Il y a toujours des milliards. En fait, si vous êtes très violent,
00:15:27 vous aurez des milliards. Mais si vous n'êtes pas très violent,
00:15:29 vous n'aurez pas les milliards. Et par ailleurs,
00:15:31 s'il faut financer l'Ukraine ou tel autre pays ici,
00:15:34 alors là, les milliards, on les a. On les a.
00:15:36 Mais pour la population, on dit « Austérité, austérité, austérité. »
00:15:39 Il se peut que cet état d'esprit alimente aussi la colère.
00:15:42 – Plusieurs en appellent, Mathieu Bocoté,
00:15:45 devant les présents événements à une convergence des colères.
00:15:48 Est-ce un débouché possible pour la crise présente?
00:15:50 – Non, j'ai entendu ça. Je crois que c'est Fabien Roussel qui le disait.
00:15:53 C'est une illusion. C'est l'illusion de la gauche de croire
00:15:55 que toutes les colères convergent dans l'antisystème
00:15:57 et qu'elle pourrait ensuite piloter cette grande colère,
00:15:59 cette grande convergence des colères et trouver un aboutissement révolutionnaire.
00:16:04 Bien sûr que non. En fait, on est devant des crises nombreuses
00:16:07 qui témoignent de la dislocation de la communauté politique,
00:16:09 qui témoignent de la dislocation du pays réel, du pays profond.
00:16:12 Il n'en demeure pas moins que là, on est devant une crise spécifique.
00:16:15 J'y reviens parce que je trouve que ça est suffisamment mentionné
00:16:17 pour faire le débat. C'est la première révolte populaire
00:16:21 anti-Union européenne, je pense, depuis 30 ans.
00:16:24 Il y a eu des révoltes électorales, mais le propre d'une révolte électorale,
00:16:27 c'est que ça passe et on passe à autre chose.
00:16:29 – Et c'est là où le gouvernement a peur.
00:16:31 – Oui, parce que c'est la seule révolte qui n'est pas autorisée.
00:16:35 Une révolte contre l'Union européenne. J'entends chez les agriculteurs,
00:16:37 il y en a qui aiment beaucoup l'Europe, d'autres un peu moins.
00:16:39 Je pense que plus les agriculteurs sont gros et plus ils aiment l'Europe,
00:16:42 moins ils le sont, plus ils s'en inquiètent.
00:16:44 – C'est un discours anti-européen.
00:16:46 – Je serais sceptique à tout le monde envers l'Europe
00:16:48 telle qu'elle se déploie aujourd'hui, son hyper-normativisme,
00:16:52 et j'en arrive à ce point de conclusion, qui me semble important,
00:16:55 puisque c'est une révolte populaire, durable, immétrisable,
00:16:58 contre ce que devient l'Europe et l'idéologie qui lui permettent
00:17:00 de se déployer. Voilà pourquoi cette révolte inquiète peut-être
00:17:03 davantage le pouvoir que bien d'autres.
00:17:05 – Alors, je vous prie de bien vouloir m'excuser,
00:17:07 parce que j'ai augmenté le chauffage, puisque je me suis mis un peu
00:17:09 en bikini ce soir. Je vois qu'on vous transpirait,
00:17:12 ne m'en voulez pas, parce que… – C'est pas grave du tout.
00:17:14 – On va faire porter un petit Kleenex et tout.
00:17:16 – C'est très chaud, c'est pas grave du tout.
00:17:18 – Ce ne sont pas les températures canadiennes, ce sont les températures anti-aise.
00:17:20 [Rires]
00:17:22 – Ça va, ça va, c'est une épreuve comme une autre.
00:17:24 [Rires]
00:17:25 – Pour résister à toutes les épreuves.
00:17:26 On va écouter le ministre de l'Agriculture à l'Assemblée nationale,
00:17:31 cet après-midi, écouter ce qu'il répond à une députée LFI,
00:17:35 et regarder si il est, selon vous, à la hauteur des enjeux
00:17:40 dans sa réponse par rapport à cette révolte des agriculteurs.
00:17:44 – Alors moi, je prends mes responsabilités, mais vous, je vous invite à prendre les vôtres.
00:17:49 À prendre les vôtres pour qu'on trouve le juste prix et la rémunération,
00:17:52 et à prendre les vôtres pour qu'enfin on leur dise qu'on leur fait confiance,
00:17:56 et qu'on va les accompagner dans les transitions, pas qu'on va les braquer,
00:18:00 et pas qu'on va leur caler un modèle qui n'existe que dans des utopies,
00:18:05 qui n'existe nulle part sur la Terre.
00:18:07 C'est ça qu'on a à faire, et c'est ça le droit de vérité qu'on a vis-à-vis des agriculteurs.
00:18:11 – Je ne suis pas certain que ce discours passera dans une anthologie
00:18:15 de la grande répartie parlementaire.
00:18:17 C'est une réponse un peu… je pense qu'il veut s'agiter,
00:18:20 il cherche ses mots, il ne les trouve pas, il veut être rassurant,
00:18:24 il est plus inquiétant, bon, ça arrive, mais cela dit, je pense que c'est tout simplement
00:18:28 parce que nous sommes devant quelqu'un qui cherche une réponse technique,
00:18:31 et qui ne voit pas que nous sommes devant une crise authentiquement politique.
00:18:34 Les réponses techniques aux crises politiques, ça ne sert qu'à amplifier les crises,
00:18:36 ou du moins les régler très temporairement.
00:18:38 – En tout cas, moi ce que je ne comprends pas, c'est que ce n'est pas nouveau.
00:18:41 On connaît leurs revendications, on en a parlé avec Dimitri aussi
00:18:46 depuis le mois de novembre, on sait que la colère est là,
00:18:49 on sait que leurs revendications sont claires et nettes,
00:18:53 comme vous l'avez dit tout à l'heure, et on a l'impression qu'il n'y a pas de réponse claire.
00:18:58 On va continuer à en parler dans un instant, vous voulez dire quelque chose ?
00:19:01 Avec vous aussi, avec le regard des paysans dans le fil de l'histoire en France.
00:19:05 – Non mais moi, les paysans aujourd'hui sont les cocus du système.
00:19:08 C'est des gens qu'on a exposés au grand vent de la mondialisation,
00:19:10 on leur dit "vous inquiétez pas, on va mettre des clauses miroir,
00:19:13 on va exiger que les Argentins aient les mêmes contraintes que vous,
00:19:16 on n'applique pas les clauses miroir".
00:19:18 Voilà, et donc tout ça, les dés sont pipés si vous voulez.
00:19:20 Et de l'autre côté, ils sont hyper administrés,
00:19:23 ils n'arrêtent pas de le raconter là, sur les 14 codes,
00:19:26 dont dépendent par exemple le simple fait de tailler une haie par exemple.
00:19:30 Donc ils sont pris dans cette espèce d'étau à la fois réglementaire et compétitif,
00:19:34 ce qui fait qu'aujourd'hui, c'est vrai que…
00:19:36 Non mais ce n'est pas normal aujourd'hui, on vous dit
00:19:38 "ce sont les prix qui doivent guider votre activité,
00:19:40 vos revenus, c'est pas grave, on verra plus tard".
00:19:43 – Et puis on l'a vu venir ce mouvement, Charlotte Dornelas,
00:19:46 on a l'impression qu'il n'y a pas de…
00:19:48 que le gouvernement craint plus un discours anti-européen
00:19:51 à l'approche des européennes, qu'il ne cherche véritablement
00:19:54 des réponses concrètes, comme si peut-être qu'il n'en existait pas,
00:19:57 à cette révolte des Argentins.
00:19:59 – Oui, mais c'est sûr, et c'est assez étonnant de voir là le ministre…
00:20:02 parce qu'en effet les revendications, elles sont très claires,
00:20:04 elles se déclinent, en fait ils déclinent, eux, des raisons
00:20:08 qui participent d'un même modèle, et dans ce modèle-là,
00:20:10 il se trouve que là, Marc Fesneau accuse les écologistes
00:20:14 de vouloir toujours plus de normes écologiques,
00:20:16 qui sont en l'occurrence votées aussi par les groupes
00:20:18 auxquels appartient la majorité, et je note que très récemment
00:20:21 a été voté un accord de libre-échange qui est aussi une énorme revendication,
00:20:25 et que là, cette fois-ci, c'est plus le parti gouvernemental
00:20:27 qui participe, donc oui, derrière, ce qui est sûr,
00:20:30 c'est que le rapport à l'Union Européenne dépend en effet
00:20:33 dans les discours, ce qui est sûr, c'est que la manière de voir
00:20:36 l'agriculture de l'Union Européenne aujourd'hui,
00:20:39 qui est très partagée dans plusieurs partis politiques,
00:20:42 est clairement à la racine de cette colère, c'est indiscutable.
00:20:46 – Je vous donne la parole dans un instant, mais écoutez,
00:20:48 le Premier ministre Gabriel Attal, par rapport au fait,
00:20:52 et on sent qu'il y a une certaine crainte aussi du gouvernement,
00:20:56 que le ministère de l'Écologie ne dicte la loi
00:20:59 par rapport au ministère de l'Agriculture.
00:21:02 Écoutez Gabriel Attal.
00:21:04 – Parfois vos larmes pour nos agriculteurs ressemblent
00:21:06 à des larmes de crocodile, vraiment.
00:21:08 [Applaudissements]
00:21:09 Parce que la réalité, c'est qu'à chaque fois que nos agriculteurs,
00:21:14 que nos éleveurs familiaux ont un projet d'extension de leur élevage,
00:21:18 qui s'y oppose ?
00:21:19 Vos amis, avec votre soutien, à chaque fois qu'un projet
00:21:23 est lancé dans notre pays sur une retenue d'eau
00:21:26 pour lutter contre la sécheresse,
00:21:28 sur des investissements pour nos exploitations,
00:21:30 ce sont vos amis qui s'y opposent.
00:21:32 À chaque problème, vous répondez par une norme.
00:21:35 – Là on est dans le "en même temps", c'est-à-dire qu'on a condamné
00:21:39 les agriculteurs au productivisme depuis les années 60.
00:21:43 On les a, en quelque sorte, phagocytés dans leurs moyens de travailler.
00:21:49 Ils n'ont plus aucune autonomie.
00:21:51 Et on a sacrifié tout ce qui était indispensable
00:21:54 pour avoir un environnement qui soit vivable.
00:21:57 Or, aujourd'hui, nombre d'inondations, de manques d'eau
00:22:00 sont liées à cette agriculture qui s'est étendue
00:22:03 comme c'était intolérable en soi.
00:22:06 C'était un non-sens.
00:22:07 C'est-à-dire que quand le Premier ministre condamne les écologistes,
00:22:12 oui, il y a une part d'écologie, aujourd'hui, à réintroduire.
00:22:15 Oui, on ne peut pas dire le glyphosate, ça ne vaut rien.
00:22:18 Qui prend le cas ?
00:22:21 L'exemple du glyphosate est très intéressant.
00:22:23 On le réduit.
00:22:24 L'Union européenne dit finalement non devant les agriculteurs.
00:22:26 Pourquoi ? Parce qu'on importe, avec des traités d'ouverture des frontières,
00:22:30 des produits qui ne respectent pas le millième du quart des exigences,
00:22:34 par exemple sur le glyphosate, qui sont imposés à nos paysans.
00:22:37 Donc, eux, ils font les efforts qu'on leur demande.
00:22:39 Et à la place, on achète, nous, consommateurs,
00:22:42 d'autres produits qui viennent de pays où les normes n'existent pas
00:22:44 et qui sont beaucoup moins chers.
00:22:45 Alors, dans un instant, je vais vous montrer un sondage en exclusivité
00:22:48 pour CNews Europe, le JDD, sur cette interdiction de l'import des produits agricoles étrangers
00:22:55 qui ne respectent pas les normes françaises.
00:22:57 On verra l'avis des Français là-dessus. Un dernier mot ?
00:22:59 Moi, je crois qu'il y a aussi une question de moment.
00:23:01 C'est-à-dire qu'on vit une fatigue écologique, quand même, depuis maintenant,
00:23:05 un petit moment, depuis le Covid.
00:23:06 Ce n'est plus vraiment la priorité.
00:23:08 Et c'est vrai que là, du coup, il y a des choses qui paraissent totalement absurdes
00:23:11 du point de vue des agriculteurs.
00:23:13 Après, rappelez-vous, quand il y a eu les mouvements en Allemagne,
00:23:16 moi, je vous avais dit, en France, on regarde ça avec une certaine envie.
00:23:20 Il y avait une envie de cette colère.
00:23:22 Et finalement, elle arrive chez nous de manière...
00:23:24 Ça ne sort pas de nulle part.
00:23:25 Ça fait six mois qu'on retourne les panneaux dans les campagnes.
00:23:28 Ce qui est intéressant de voir, c'est que d'un coup, il y a eu une attention.
00:23:31 D'un coup, les médias ont regardé ce qui s'était passé.
00:23:33 L'opinion publiée s'est mise à dire "Ah bah tiens, il se passe peut-être quelque chose".
00:23:36 Et c'est l'étincelle, finalement, qui déclenche le moment.
00:23:39 Moi, j'aimerais bien parler avec ce Jérôme Bail, en fait,
00:23:42 parce que c'est lui qui lance le truc sur la 64 au sud de Toulouse.
00:23:45 C'est le point de départ, finalement.
00:23:46 Et ce n'est pas pour rien.
00:23:47 C'est une des régions où le revenu agricole est le plus pauvre de France.
00:23:49 C'est aussi la région la plus bio, comme par hasard.
00:23:52 Beaucoup de questions à se poser.
00:23:54 Beaucoup de sujets ce soir.
00:23:55 J'espère qu'on va arriver à parler de tout.
00:23:57 Dimitri, alors que la colère monte en France sur tout un autre sujet,
00:24:02 sur la politique de répartition des migrants,
00:24:05 le Royaume-Uni, de son côté, avance un plan, un plan Rwanda.
00:24:11 On avait déjà eu l'occasion d'en parler rapidement.
00:24:14 Et la semaine dernière, le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes
00:24:18 sur fond de rébellion au sein du Parti conservateur.
00:24:21 Qu'est-ce que ce plan ?
00:24:23 Est-ce qu'il a des chances de voir le jour ?
00:24:25 Est-ce qu'il pourrait servir d'exemple ?
00:24:29 Alors, c'est un feuilleton, ce plan Rwanda.
00:24:31 Ça devient depuis deux ans.
00:24:32 C'est Boris Johnson qui l'avait annoncé en avril 2022.
00:24:35 Et alors, l'idée générale, c'est, plutôt que de faire ce que fait l'Union européenne,
00:24:38 c'est-à-dire cette idée qu'on délocaliserait le traitement des demandes d'asile
00:24:43 à la lisière de l'Union européenne, dans les fameux "hotspots",
00:24:46 vous savez, on mettrait ça en Tunisie ou au nord du Maroc,
00:24:49 enfin, vous voyez, dans les pays de départ.
00:24:51 Les Anglais disent différemment.
00:24:53 Ils disent, ceux qui arrivent chez nous, on ne peut pas les retenir,
00:24:55 ils arrivent depuis, ils traversent la Manche sur leur petit bateau, les "small boats",
00:24:58 eh bien l'idée serait, ceux qu'on arrive à cueillir sur les plages,
00:25:02 ou des clandestins, seraient automatiquement expédiés au Rwanda,
00:25:06 où là, en fait, on paierait le Rwanda, les Britanniques paieraient 20 à 30 000 euros par personne
00:25:11 pour, comment dire, réinstaller les gens là-bas.
00:25:14 Et ils pourraient demander l'asile, effectivement, mais pas au Royaume-Uni,
00:25:18 ils pourraient demander l'asile au Rwanda, avec cette idée, donc,
00:25:20 vous arrivez chez nous clandestinement, voilà la sanction,
00:25:23 vous êtes expédiés automatiquement au Rwanda,
00:25:25 et là, vous avez une situation, il y a un accord cadre qui est prévu.
00:25:28 - On va rentrer dans le détail de ce plan.
00:25:31 Dans un instant, on marque une pause et on va un peu décortiquer
00:25:34 pour comprendre un peu si ça peut éventuellement servir d'exemple,
00:25:37 ou bien est-ce que ça fonctionne, qui est-ce qui se rebelle contre ce plan,
00:25:40 on marque une pause, à tout de suite.
00:25:42 Dimitri, quel est ce plan d'expédition des clandestins du Royaume-Uni vers le Rwanda ?
00:25:53 - Eh bien, c'est le plan Rwanda qui a donc été...
00:25:56 - Bravo !
00:25:57 (Rires)
00:25:58 - Merci !
00:25:59 (Rires)
00:26:02 - Alors, dans le détail.
00:26:04 - Alors, en fait, cet accord rwandais, il faut bien comprendre,
00:26:07 ça ne sort pas de nulle part, et c'est un pilote,
00:26:10 puisqu'en réalité, la diplomatie britannique a listé 57 pays dans le monde
00:26:14 avec qui elle estime qu'elle pourrait conclure des accords similaires,
00:26:18 et alors, parmi les pays qui sont cités, donc l'Équateur,
00:26:21 vous savez, c'est ce pays où il y a vaguement une guerre civile en cours
00:26:24 entre les trafiquants de drogue et l'État, mais enfin, voilà.
00:26:26 L'Équateur, la Gambie, la Moldavie, la Mongolie, le Sierra Leone, etc.
00:26:31 Vous voyez, donc, les Britanniques voient loin,
00:26:34 ils se disent, si ça fonctionne avec le Rwanda, pourquoi pas avec d'autres ?
00:26:38 Et si vous regardez, rien que sur ces 20 dernières années,
00:26:41 l'Australie avait signé des accords similaires avec des micro-états d'Océanie,
00:26:46 notamment Nauru, donc c'est une petite île de 10 000 habitants,
00:26:50 où les Australiens ont créé des centres de rétention offshore.
00:26:55 Alors, en fait, ça a été un peu politiquement compliqué à défendre,
00:26:58 ce projet-là, je développerai dans un instant,
00:27:01 mais Israël aussi a topé avec l'Ouganda et déjà le Rwanda,
00:27:05 il y a quelques années, pour y envoyer ses clandestins africains.
00:27:08 Le Danemark, récemment, a voulu signer aussi un accord similaire avec le Rwanda
00:27:12 pour relocaliser de manière forcée les clandestins qui arrivent au Danemark.
00:27:16 Et puis les Italiens, on en a parlé sur le plateau de Face à l'Info,
00:27:19 ils sont en train de faire la même chose avec l'Albanie.
00:27:21 Alors l'Albanie, c'est juste en face des rives de l'Italie.
00:27:24 - Alors... - Et globalement, l'idée, c'est...
00:27:26 Parlez-moi, c'est juste que de plus en plus, vous voyez,
00:27:28 la créativité migratoire, si je puis dire,
00:27:30 on parle de ce plan de localisation des migrants en région,
00:27:33 s'inscrit dans ce même mouvement, on cherche des idées
00:27:35 pour gérer la question migratoire.
00:27:38 Et on va vers une sorte de gestion transactionnelle,
00:27:41 d'État à État, comme ça, de cette question-là, en bilatéral,
00:27:44 on nous désaccorde, il y a des États demandeurs,
00:27:47 des États qui offrent, qui font des propositions,
00:27:50 des États payeurs et des États d'accueil, sous-traitant,
00:27:53 pardonnez-moi, des États poubelles migratoires.
00:27:56 C'est un petit peu l'idée, les Britanniques jamais ne le diront de cette manière-là,
00:27:59 mais on comprend que c'est peut-être ça l'intention.
00:28:01 - Alors vous dites, Dimitri, qu'on va vers ce modèle,
00:28:03 mais les États ont beaucoup de mal à faire passer cette législation,
00:28:05 ce type de législation. - Alors voilà, évidemment,
00:28:07 vous regardez les Australiens, sur les centres de rétention offshore,
00:28:09 quand les Australiens ont découvert qu'en fait c'était des prisons
00:28:12 où on stockait les migrants, les clandestins, de manière indéfinie,
00:28:16 en disant "vous avez voulu rentrer dans notre pays, c'est non,
00:28:19 on vous met là, vous êtes au milieu de l'océan Pacifique,
00:28:21 vous ne pouvez pas faire grand-chose", sur le plan des droits de l'homme,
00:28:23 on ne va pas se mentir, c'est quand même pas terrible comme situation.
00:28:26 Le gouvernement travailliste australien, donc, l'an dernier,
00:28:29 a vidé ces fameux centres de rétention, mais il ne les a pas fermés.
00:28:32 On n'insulte pas l'avenir, vous voyez ?
00:28:34 Les Israéliens, c'est pareil, la Cour suprême israélienne
00:28:37 a suspendu l'accord qui avait été signé avec l'Orwanda et avec l'Ouganda,
00:28:42 et les Danois, alors là c'est l'Union européenne qui a fait pression,
00:28:45 en disant "vous ne pouvez pas faire ça",
00:28:46 les Danois sont en train de dire "finalement peut-être que nous pourrions
00:28:50 conclure à 27 des accords de ce genre, si on n'aboutit pas sur la question
00:28:54 des fameux hot spots".
00:28:56 Alors, chez les Anglais, c'est la Cour suprême qui, elle, avait censuré
00:28:59 le projet initial de Boris Johnson à la mi-novembre,
00:29:02 mais ça n'a pas découragé Rishi Sunak, qui a hérité de cette idée-là,
00:29:06 et qui s'est dit "on va juste structurer les choses de manière un petit peu plus...
00:29:11 sur le plan juridique, de manière un peu plus robuste",
00:29:14 parce que la Cour suprême disait "qu'est-ce qui vous fait dire
00:29:16 que l'Oruanda est un pays sûr ?"
00:29:18 Et c'est vrai que ce n'est pas évident que l'Oruanda soit un pays sûr.
00:29:21 Un premier avion était censé décoller en juin 2022, vous vous en souvenez,
00:29:26 il n'a jamais décollé, cet avion.
00:29:27 Et là, cet accord a été conclu il y a deux ans,
00:29:29 il n'y a pas un clandestin qui a été expédié vers l'Oruanda.
00:29:32 Vous voyez ? Je ne sais plus où j'en étais...
00:29:36 - Non, ça ne sert à rien, du coup ?
00:29:37 Ou bien, on parlait justement de la difficulté législative,
00:29:41 parce que là, on a vu que les lords et les lords n'ont pas voté,
00:29:44 mais ils n'ont pas non plus la possibilité de bloquer la ratification du traité.
00:29:47 - Un petit traité juridique autour de ce texte,
00:29:49 c'est par exemple, là, l'accouplement d'Oruanda,
00:29:51 il est en infraction, en délicatesse, on va dire,
00:29:53 avec au moins quatre traités internationaux signés par Londres,
00:29:56 dont la Convention européenne des droits de l'homme,
00:29:58 dont la Convention des Nations Unies de 1951 sur les réfugiés.
00:30:01 Alors, comment Richie Sounak entend surmonter ça ?
00:30:03 Qu'est-ce qu'il y avait dans la loi votée la semaine dernière
00:30:05 qui permettrait de surmonter ces écueils ?
00:30:08 Eh bien, tout simplement, le législateur britannique
00:30:12 ordonne aux différentes cour d'ignorer les législations
00:30:16 qui vont contrecarrer le Rwanda Bill,
00:30:19 c'est donc le nom de cette loi, la loi sur le Rwanda,
00:30:22 avec cette idée d'un primat du droit national souverain britannique
00:30:27 sur les accords internationaux.
00:30:29 On tourne toujours autour des mêmes idées,
00:30:32 nous avons ces mêmes débats-là actuellement en France, c'est intéressant.
00:30:36 Alors, la Chambre des lords va se saisir du texte,
00:30:39 c'est l'équivalent de notre Sénat,
00:30:41 ils sont beaucoup plus hostiles au texte
00:30:43 et probablement qu'il ressortira de la Chambre des lords affaibli,
00:30:46 sachant que les lords ont aussi la possibilité de bloquer l'examen du texte pendant un an,
00:30:50 parce que ça n'était pas inscrit dans le programme des conservateurs
00:30:53 lorsqu'ils remportent les élections en 2019.
00:30:55 Alors, Dimitri, on retrouve souvent le Rwanda dans les différents accords
00:30:59 au projet d'accord de relocalisation de migrants que vous avez cité,
00:31:03 pourquoi est-ce qu'on retrouve toujours le Rwanda ?
00:31:05 Parce que le Rwanda, d'abord, du point de vue de l'État britannique,
00:31:09 mais d'autres, Israël ou encore le Danemark,
00:31:12 c'est un pays d'abord qui est tenu.
00:31:14 Ça, c'est un peu le discours officiel qu'on tient sur le Rwanda.
00:31:16 Vous savez quel est le surnom du Rwanda ?
00:31:18 On dit que c'est la Suisse de l'Afrique.
00:31:20 On dit aussi que c'est Singapour de l'Afrique.
00:31:22 Alors, quand vous dites ça, vous avez l'impression que c'est un pays extrêmement riche.
00:31:24 Bon, le PIB par habitant, c'est 800 dollars, donc c'est un pays pauvre.
00:31:26 Mais en revanche, vous allez à Kigali, il n'y a pas un papier par terre,
00:31:30 Internet marche très bien, les routes sont sûres,
00:31:32 les gens payent leurs impôts, les services publics fonctionnent.
00:31:35 Vous voyez, en Afrique, c'est quand même assez exceptionnel,
00:31:38 ce tableau que je suis en train de vous dresser.
00:31:40 Le dernier samedi de chaque mois, les Rwandais font ce qu'on appelle l'umuganda,
00:31:44 c'est-à-dire un nettoyage collectif des espaces publics.
00:31:48 Ça n'est pas obligatoire, mais c'est quand même fortement conseillé d'y aller.
00:31:51 Et depuis 2019, le Rwanda reçoit, pour le compte du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies,
00:31:57 le HCR, un certain nombre de migrants qui sont logés dans des bâtiments en dur,
00:32:02 ils peuvent passer leur permis de conduire, et on les a préparés.
00:32:05 C'est quelques dizaines d'individus, ce n'est pas grand-chose, des Libyens.
00:32:08 On les a préparés ensuite à partir en Europe.
00:32:11 Vous voyez, il y a donc déjà une sorte de spécialisation sur la question de l'immigration du Rwanda.
00:32:16 Sauf que là, avec le plan Rwanda, on n'est pas sur une échelle de quelques dizaines d'individus.
00:32:21 L'idée, ce serait que les 20 à 30 000 personnes qui arrivent sur les côtes britanniques en small boat,
00:32:28 partent vers le Rwanda.
00:32:29 Ce n'est quand même pas rien dans un pays de 13 millions d'habitants,
00:32:32 qui est l'un des plus densément peuplés d'Afrique et qui n'est pas très riche.
00:32:35 Mais peut-être qu'en fait, la vraie raison de l'attractivité du Rwanda, elle est là.
00:32:39 C'est le fait que c'est un pays pauvre, c'est un pays où les migrants vont avoir du mal à se faire leur place,
00:32:44 avec le message que les Britanniques veulent faire passer, c'est
00:32:47 "Si vous venez chez nous illégalement, c'est là-bas que vous finirez,
00:32:51 et c'est peut-être pire que de revenir à votre point de départ."
00:32:53 Vous voyez, le message subliminal, c'est celui-là.
00:32:56 Et le Rwanda, il faut bien aussi dire les choses, c'est aussi l'un des régimes les plus sévères d'Afrique.
00:33:01 Les plus meurtriers, ce sont des commandos de la mort qui sont envoyés dans le monde entier pour éliminer l'opposition.
00:33:06 C'est ça aussi le Rwanda, il faut lire les pages de Michaela Wrang, qui a beaucoup écrit sur ce régime.
00:33:12 Mais il y a une spécialisation, une tentative de proposition d'une offre de service
00:33:18 aux États européens, aux États occidentaux, sur la question migratoire.
00:33:22 Et en cela, on peut dire que Paul Kagame, le président rwanda, il tape dans le mille, précisément, sur cette question-là.
00:33:27 Après, la question, c'est est-ce que le plan Rwanda va fonctionner ?
00:33:31 Pour le moment, ça ne fonctionne pas, c'est une maquette, mais qui n'est pas opérationnelle.
00:33:35 Moi, je constate une chose, ça fait 14 ans que les conservateurs sont au pouvoir,
00:33:39 14 ans qu'ils promettent de maîtriser la question migratoire,
00:33:43 et qu'ils n'y parviennent pas, c'est un petit peu leur dernière cartouche.
00:33:46 - Et peut-être qu'en d'autres pays d'Afrique pourrait s'en inspirer.
00:33:50 - Mais ce genre d'accord, il y en aura d'autres, je vous l'annonce.
00:33:53 Mais très probablement qu'on va voir ça se proliférer.
00:33:57 - Merci beaucoup. On va parler de l'IVG dans un instant.
00:34:00 On va parler de dérouler un tapis rouge aux RN.
00:34:04 Qu'est-ce que ça veut dire, dérouler un tapis rouge aux RN ?
00:34:06 On en parle avec vous dans un instant, Mathieu Bocoté.
00:34:09 Je vous parlais d'un sondage à propos de la révolte des agriculteurs.
00:34:13 94% des Français sont pour l'interdiction de l'import des produits agricoles étrangers
00:34:21 qui ne respectent pas les normes françaises.
00:34:24 C'est un sondage CSA pour CNews Europe 1, le JDD.
00:34:29 Un chiffre quand même vraiment très impressionnant.
00:34:33 Restons sur ce dossier des agriculteurs avec un regard sur l'histoire, Marc Menand.
00:34:38 Quel a été le rôle des paysans français dans l'histoire ?
00:34:42 On a l'impression que ce rôle a toujours été lié à l'histoire de la politique française,
00:34:48 de la société française.
00:34:50 Déjà au départ, on est tous des bouseux, on est tous des péquenots.
00:34:54 On est tous des cutéreux, on est des croquants, on est des vilains.
00:35:01 Et oui, ce sont tous des qualificatifs.
00:35:03 Pourquoi ? Parce que les conditions sont épouvantables.
00:35:06 Très, très tôt, vous vous retrouvez là à devoir essayer d'obtenir de la terre
00:35:11 un minimum de rendement.
00:35:14 Mais pour pouvoir vivre, c'est la petite bâtisse et vous installez là
00:35:20 comme vous pouvez, vous vivez en animal de bas.
00:35:23 On n'a pas le temps de faire toute la genèse de l'histoire du paysan.
00:35:26 Arrêtons-nous au Moyen-Âge, au moment où Charlemagne redistribue les régions
00:35:32 pour pouvoir les contrôler.
00:35:33 Alors il y a les seigneurs, ils peuvent avoir leur fief et ces seigneurs,
00:35:37 ils vont parcelliser.
00:35:38 Ils ont besoin d'employés de paysans, de péquenots, de bouseux
00:35:43 pour leur terre et afin de se montrer presque en générosité,
00:35:51 ils leur accordent ce que l'on appelle une tenue.
00:35:54 Une tenue, c'est un petit lapin de terre et ça, vous avez le droit
00:35:57 de le cultiver quand vous avez rendu les services pour le domaine général
00:36:02 du seigneur.
00:36:03 Là, vous avez les serfs.
00:36:04 Alors les serfs, ils n'ont pas le droit de mettre un pied en dehors
00:36:07 de leur tenue et ils n'ont même pas le droit d'avoir un équipage,
00:36:11 pas la moindre bête pour les aider.
00:36:14 C'est le servage et quand ils meurent, ce petit bout,
00:36:18 cette parcelle qui leur a été accordée en jouissance, leur est reprise.
00:36:23 Alors il y a les paysans qui ont une chance terrible,
00:36:26 d'où le terme de "roturier".
00:36:28 Eux, c'est la "roture" qu'on leur donne.
00:36:30 C'est une tenue un tout petit peu plus grande.
00:36:32 Et tous ces gens-là, non seulement ils sont mobilisés pour les corver,
00:36:38 mais également, le cerf, lui, il ne perd qu'un petit cent,
00:36:41 ce n'est pas grand-chose.
00:36:42 Après, vous avez le chevage et vous avez le champard.
00:36:46 Donc de toute façon, on vous pille, on vous pille
00:36:48 et il faut bosser dans des conditions épouvantables.
00:36:51 Pas de chauffage, bien évidemment.
00:36:53 Vous avez l'ordre et on se retrouve avec les bêtes
00:36:56 qui aident à donner un peu de chaleur l'hiver.
00:36:58 Le sol, c'est un sol de terre battue et le lit,
00:37:04 c'est toute la famille que l'on place là-dedans.
00:37:07 Et on se réchauffe comme on peut.
00:37:09 Les vêtements, ce sont des haillons, des oripeaux.
00:37:13 Et je dirais que la situation ne va pas véritablement changer
00:37:17 jusque dans les années 50.
00:37:19 Arrêtons-nous quand même sur la logique du climat.
00:37:23 On a des périodes qui sont des périodes de destruction de la nature,
00:37:28 comme la petite terre glaciaire qui s'étale sur plus de trois siècles,
00:37:32 avec des étés où là, on est dans l'incandescence,
00:37:35 le soleil qui détruit tout, tout brûle.
00:37:38 Et puis l'hiver, au contraire, ce sont les grandes gelées et les pluies.
00:37:44 Tout ça, c'est la famine qui est promise.
00:37:47 En plus, vous avez les guerres.
00:37:49 Et quand les soldats sont démobilisés après quelques batailles,
00:37:52 car l'hiver, il n'est pas question de fourrailler,
00:37:56 et bien que deviennent-ils ?
00:37:57 Ils forment des bandes.
00:37:58 Et ces bandes, hop, elles déferlent dans les fermes,
00:38:01 dans les petits villages, les rasias, les pillages, les viols.
00:38:04 Et vous y imaginez les petits gamins d'âge de 5 ans.
00:38:08 La situation, néanmoins, fait que 85% des Français sont des pectenots.
00:38:16 Eh ouais, mon gars, des pectenots jusqu'en 1815 !
00:38:19 85% de la population.
00:38:21 Leur sort, ils s'améliorent pas véritablement.
00:38:25 On est toujours à la tâche pour la tâche.
00:38:27 Et quand l'école publique, elle est créée par Jules Ferry,
00:38:30 "Eh les gamins, il faut aller en dehors !"
00:38:32 Ah ben non, non, non, les gamins, ils sont beaux pour les moissons,
00:38:34 il faut s'occuper des bêtes, il faut s'occuper de tout ça.
00:38:37 Il n'est point question de les laisser.
00:38:39 Il est obligé d'envoyer les gendarmes ici et là,
00:38:42 pour que les gamins, lorsqu'ils sont libérés des tâches de la ferme,
00:38:47 puissent essayer d'apprendre un minimum d'écriture,
00:38:51 et pour savoir compter.
00:38:52 Et je vous dis, c'est jusque dans les années 50.
00:38:55 Passons ce qui se passe avec la guerre de 14.
00:38:59 Là encore, il y a eu les guerres napoléoniennes aussi,
00:39:03 où on essaie de prendre de fauché, j'allais dire,
00:39:07 les forces vives des campagnes, pour nourrir ces guerres.
00:39:11 Et forcément, eh bien, sur le terrain,
00:39:14 ceux qui restent, ils sont dans la pénibilité la plus totale.
00:39:17 Alors quand on dit aujourd'hui, on n'a jamais vécu aussi vieux,
00:39:20 pensez donc, comment vous dire mieux, vivre vieux dans ces conditions-là.
00:39:24 Et puis il y a les révoltes, parce qu'il y a forcément les taxes,
00:39:28 aussitôt qu'il y a quelque chose, on ne peut pas toujours prendre au seigneur,
00:39:31 alors on va au plus démuni.
00:39:33 Et là, eh bien, ce sont les paysans, comme en 1675.
00:39:37 Alors en 1675, c'est de la Bretagne que ça vient.
00:39:40 Les Bonnets Rouges, on leur fait des timbres taxés
00:39:43 pour la moindre négociation.
00:39:45 Et puis il y a le tabac, ça déferle de partout.
00:39:48 C'est un notaire qui mène la révolte,
00:39:50 et ça met le pays à feu et à sort.
00:39:53 Il y aura d'ailleurs une autre révolte, là c'est dans les années 60,
00:39:56 quand Michel Debré a décidé de donner un élan à l'agriculture,
00:40:02 avec la PAC.
00:40:04 Eh bien, à Morlaix, on se révolte,
00:40:07 la récolte de pommes de terre a été épouvantable,
00:40:10 et là de nouveau, eh bien, les meneurs sont pris, mis en prison,
00:40:15 et une mobilisation générale des uns et des autres.
00:40:19 Mais au fur et à mesure, ça s'effiloge,
00:40:21 il y a de moins en moins de gars, de volontaires.
00:40:23 Il y a le mirage de pouvoir vivre dans les usines,
00:40:27 de vivre dans les villes, de n'être plus là, au cul des bêtes,
00:40:31 avec tout ce que cela impose de servitude,
00:40:35 et jamais les moindres vacances.
00:40:38 On n'a pas le temps de faire un tableau,
00:40:40 mais imaginez l'enfant qui naît dans ces conditions.
00:40:43 Moi, quand j'étais gamin, je me souviens que dans les fermes à côté,
00:40:47 on était toujours avec le cheval de trait,
00:40:49 et puis vous aviez toujours ce sol battu dans la ferme,
00:40:54 et les mômes qui aidaient, dès l'âge de 5 ans,
00:40:57 la famille dans toutes les tâches du quotidien.
00:41:01 Les premiers tracteurs qui se multiplient, ce sont les années 60,
00:41:05 et là, on va entrer dans ce productivisme,
00:41:08 et on perd l'autonomie, et on entre dans une autre servitude,
00:41:13 c'est celle du rendement pour le rendement pour le rendement.
00:41:16 C'est Garpizani qui est le premier à faire ce démembrement,
00:41:20 c'est-à-dire qu'on multiplie l'étendue des surfaces,
00:41:25 et on arrive à la situation que l'on connaît aujourd'hui,
00:41:29 avec des exigences d'un côté,
00:41:31 la campagne qui n'a plus, je dirais, le souffle nécessaire,
00:41:35 on a enlevé les haies, on a enlevé tout ce qui permettait la biodiversité,
00:41:40 et eux, on les a condamnés à s'endetter,
00:41:43 pour avoir des engins de plus en plus performants,
00:41:46 c'est le mirage du progrès, c'est vrai que ça soulage un peu les reins,
00:41:49 mais en revanche, quand il faut payer à la fin du mois,
00:41:52 et bien c'est plus du tout la même chanson.
00:41:54 Voilà le monde paysan qui mérite un sacré coup de chapeau,
00:41:58 et n'oubliez jamais, quand vous les regardez presque de haut,
00:42:01 on est tous des fils de paysans.
00:42:03 C'est intéressant le chiffre que vous avez cité tout à l'heure,
00:42:06 où la très grande majorité des Français étaient des agriculteurs,
00:42:10 alors qu'aujourd'hui c'est complètement...
00:42:12 - 390 000 exploitations aujourd'hui !
00:42:15 - On est complètement déconnectés par rapport à la terre,
00:42:17 par rapport aux agriculteurs, etc.
00:42:18 Merci pour votre regard qui nous permet de prendre un peu de hauteur sur l'actualité.
00:42:25 Beaucoup de sujets encore ce soir,
00:42:26 le RN dans un instant, le procès d'Arnaud Beltrame,
00:42:29 des révélations dans un instant,
00:42:31 Charlotte Dornelas avant tout, j'ai envie de vous entendre tous sur cette question,
00:42:35 l'inscription de l'IVG dans la Constitution qui est actuellement proposée,
00:42:39 Gérard Larcher ce matin qui soutient l'IVG a déclaré qu'il est opposé,
00:42:44 comme beaucoup d'autres parlementaires.
00:42:46 Quel est le véritable enjeu de ce débat ?
00:42:48 Juste une page sur l'interruption volontaire de grossesse inscrite dans la Constitution.
00:42:54 - Oui, puisque c'est étonnant en effet, Gérard Larcher qui a redit,
00:42:56 en insistant lourdement son soutien à l'avortement,
00:43:01 se dit opposé à son inscription dans la Constitution.
00:43:03 Donc en fait le véritable enjeu, aussi étrange que ça puisse paraître,
00:43:07 c'est la question de la liberté, la liberté notamment des adversaires de l'avortement.
00:43:12 Pourquoi ? Dans la bataille, on a eu une bataille entre parlementaires
00:43:18 qui a l'air insignifiante mais qui ne l'est pas du tout.
00:43:20 Vous avez d'abord la France Insoumise qui a déposé ce projet de loi
00:43:23 et qui elle parlait de droit, d'accès à l'IVG, d'inscrire l'accès à l'IVG
00:43:28 comme un droit dans la Constitution.
00:43:30 Le texte au Sénat, au Sénat les sénateurs majoritairement républicains
00:43:35 ont voulu inscrire l'avortement comme une liberté dans la Constitution,
00:43:38 donc la liberté de pouvoir avorter.
00:43:41 Et le gouvernement nous a fait du en même temps,
00:43:43 donc ils ont dit on va prendre un peu aux deux,
00:43:45 et ils parlent eux de liberté garantie, c'est-à-dire de droit en réalité.
00:43:49 Et la question qui se pose c'est qu'aujourd'hui, si c'est une liberté,
00:43:55 si c'est une liberté donc ce serait contre la remise en cause éventuelle
00:43:59 d'un futur gouvernement qui voudrait remettre en cause l'accès à l'avortement,
00:44:02 cette liberté elle est déjà neutralisée par le Conseil constitutionnel
00:44:06 qui de décision en décision a expliqué que l'avortement découlait
00:44:10 du principe constitutionnel de la liberté individuelle.
00:44:13 Donc la question de la liberté c'est non nécessaire on va dire.
00:44:16 Si c'est un droit, alors là il devient opposable puisqu'il est constitutionnel
00:44:21 et vous ne pouvez plus refuser.
00:44:23 Pourquoi je disais c'est une question de liberté ?
00:44:25 C'est d'abord 1) la question de la liberté de la clause de conscience des médecins
00:44:29 qui était garantie par la loi. Pourquoi ?
00:44:32 Parce qu'aujourd'hui dans la loi française, le respect de l'avis et le principe
00:44:36 et l'avortement est une dérogation.
00:44:38 C'est pour cette raison-là qu'il existe une clause de conscience
00:44:41 pour les médecins qui ne veulent pas pratiquer l'avortement.
00:44:44 Si l'IVG devient un principe constitutionnel, alors c'est la clause de conscience
00:44:49 et donc la liberté individuelle du médecin qui ne veut pas pratiquer l'IVG
00:44:52 qui devient lui l'exception.
00:44:54 Et à l'inverse c'est la question de la liberté d'expression tout court
00:44:58 puisque si l'avortement est inscrit dans la constitution,
00:45:01 il devient une valeur supérieure, une fameuse valeur de la République
00:45:04 telle qu'on nous dit, un principe constitutionnel qui relève du dogme.
00:45:08 Et donc si opposé, pourra être également puni au même titre que l'opposition
00:45:13 à n'importe quel principe jugé aujourd'hui constitutionnel.
00:45:16 Donc est-ce qu'on est encore capable 1) d'accorder cette liberté aux médecins
00:45:19 qui ne veulent pas le faire, 2) de répondre aux opposants à l'avortement
00:45:23 plutôt que de leur interdire de parler, le tout au nom de la défense de la liberté,
00:45:27 c'est sûr que c'est un petit peu front renversé.
00:45:30 C'est un grand sujet pour l'histoire d'actualité demain.
00:45:33 Mathieu Bocoté, lorsqu'on voit la société aujourd'hui,
00:45:36 est-ce que c'est une urgence ? Est-ce qu'on n'est pas un peu surpris ?
00:45:40 Je suis exaspéré à l'idée que la France prenne son carnet de commandes politique aux États-Unis.
00:45:45 Je comprends aux États-Unis qu'il y a une question qui est posée
00:45:48 depuis la décision de la Cour suprême
00:45:50 qui a remis la question de l'avortement vers les États.
00:45:54 Pas en France.
00:45:55 Donc aux États-Unis, c'est très bien qu'ils en parlent.
00:45:57 Mais pourquoi la France se comporterait-elle comme le 51e État américain
00:46:01 en disant « Ah, vous avez ce débat-là, on va l'importer, on veut l'avoir pour nous aussi ».
00:46:06 Je trouve que c'est complètement déréalisé et désincarné.
00:46:09 Ça consiste finalement à faire de la politique dans un autre pays que le sien.
00:46:12 Merci pour votre regard.
00:46:14 On va continuer parce que j'aimerais qu'on parle de tous les sujets
00:46:16 et on suivra le dossier de l'avortement demain, bien évidemment.
00:46:20 Charlotte Dornelas, depuis hier, le procès de l'attentat de Trebb.
00:46:24 Il faut s'arrêter un petit peu sur ce procès qui s'est ouvert hier.
00:46:27 On devrait une cour d'assises spéciale avec sept accusés
00:46:30 qui font partie de l'entourage du terroriste.
00:46:33 Rappelons que le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a été la victime de cet attentat.
00:46:39 Que retenir de leur profil ? Ensuite, on ira un petit peu plus loin.
00:46:42 Il y a eu plusieurs victimes.
00:46:44 En effet, le colonel Beltrame, on se souvient de lui
00:46:45 parce qu'il avait proposé sa vie en échange de celle d'une otage.
00:46:49 Donc il était le héros de cette attaque-là.
00:46:51 Mais d'autres personnes sont mortes dans cet attentat.
00:46:53 Évidemment, ce procès aurait dû, et il est pensé un peu collectivement
00:46:56 comme celui du terroriste, mais qui avait été abattu le jour même.
00:46:59 Or, il ne faisait pas partie d'un commando armé d'une organisation djihadiste.
00:47:04 C'est un jeune délinquant de droit commun de cité,
00:47:07 recalé de l'armée pour son impulsivité.
00:47:09 Vous voyez, ça fait partie un peu de son personnage,
00:47:11 consommateur et trafiquant de drogue, et donc d'armes, en l'occurrence,
00:47:15 en ce qui le concerne.
00:47:16 Il s'est islamisé un peu dans son coin.
00:47:18 Et là, en l'occurrence, au tribunal, on a plusieurs personnes de son entourage
00:47:22 qui se retrouvent dans le box, et qui dessinent un peu un environnement
00:47:26 malheureusement classique de trafiquants de drogue, de cigarettes contrefaites
00:47:30 et d'islamisation un peu au tout venant.
00:47:34 Alors, il y a seul... Tous, il y en a sept dans le box.
00:47:37 Il y en a six qui viennent de la cité aux Annam dont il venait, lui.
00:47:40 Il y a juste sa fiancée de l'époque, celle qui se fait appeler sa fiancée de l'époque,
00:47:43 qui est une convertie.
00:47:45 Alors, elle l'a rencontrée à 14 ans, lui en avait 22.
00:47:48 Elle s'est convertie par son biais.
00:47:49 Elle portait le voile sans avoir jamais mis les pieds à la mosquée, par exemple.
00:47:52 Elle avait été signalée par ses propres parents, qui avaient peur qu'elle parte en Syrie.
00:47:57 Une caricature de la convertie radicalisée extrêmement jeune,
00:48:01 et qui aujourd'hui dit avoir beaucoup réfléchi là-dessus.
00:48:04 Bon, ça, le tribunal se penchera là-dessus.
00:48:06 Les autres, en gros, c'est son entourage en banlieue.
00:48:08 Mais il y a un profil qui est extrêmement intéressant.
00:48:11 Il s'appelle Reda El-Yacoubi.
00:48:14 Il était le président du club de foot local.
00:48:16 Il gérait aussi le foyer dans cette cité,
00:48:19 qui servait accessoirement de salle de prière de temps en temps.
00:48:21 Il travaillait dans un garage où il avait été employé un peu,
00:48:24 officiellement aussi dans le BTP.
00:48:26 Mais de l'avis de tous, là, qui se retrouvent au terme de l'enquête devant le tribunal,
00:48:30 c'est surtout le caïd de la cité,
00:48:32 qui faisait ce qu'il veut, qui s'était imposé dans le trafic de drogue.
00:48:36 Et en juin 2019, quand il a été interpellé par les policiers,
00:48:40 ils ont trouvé 12 kilos de drogue, quand même, dans le coffre de sa voiture,
00:48:43 alors qu'il était présenté comme une des figures un peu exemplaires dans cette cité.
00:48:47 Lui, en dehors du procès, où moi, je n'ai pas accès à tout le dossier du procès
00:48:51 et les responsabilités des uns et des autres,
00:48:53 ce personnage est intéressant.
00:48:55 - Pourquoi il est intéressant ?
00:48:56 Pourquoi est-ce que son profil serait plus intéressant que les autres ?
00:48:59 Est-ce que c'est en raison de cette importance prise dans cette cité ?
00:49:02 - Alors, je dis qu'il est intéressant, et peut-être plus intéressant que les autres,
00:49:05 de notre point de vue aujourd'hui.
00:49:07 Je ne parle pas du tout du procès, de son implication dans cet attentat,
00:49:10 qui sera examiné, évidemment, par le tribunal et pas par moi ce soir,
00:49:13 mais le personnage est intéressant parce qu'il incarne deux personnages à la fois,
00:49:17 dont on parle en général en les opposant,
00:49:19 quand il s'agit de parler de ces quartiers de la politique de la ville,
00:49:22 et c'est ce que montre vraiment l'enquête.
00:49:24 On ne peut pas s'empêcher de voir que derrière l'infime minorité,
00:49:27 vous savez, à chaque fois qu'on parle de ces quartiers,
00:49:29 on parle toujours de l'infime minorité,
00:49:31 là, lui, en l'occurrence, il faisait partie et de l'infime minorité et de la majorité,
00:49:34 donc qu'est-ce qu'on fait de ce genre de cas ?
00:49:36 En 2014, alors on apprend au cours de l'enquête,
00:49:40 il prend son assise dans la cité en volant 100 kilos de drogue aux dealers d'Enphase.
00:49:44 Vous savez, le rapport de force, il se fait comme ça, il s'impose comme ça.
00:49:47 Et les conversations, puisqu'il a été mis sur écoute, évidemment, dans cette histoire,
00:49:50 elles sont retranscrites dans l'ordonnance de mise en accusation,
00:49:53 et elles disent que ces conversations sont révélatrices de son pouvoir
00:49:55 sur la délinquance dans la cité, de l'autoritarisme,
00:49:58 voire de la violence dont il peut faire preuve lorsqu'on n'exécute pas ses instructions.
00:50:02 On comprend qu'il est extrêmement important dans la cité.
00:50:05 Et c'est le même homme, en 2019, qui accorde une interview au journal local,
00:50:09 dans lequel il décrit exactement, il l'est dans cette interview,
00:50:14 la figure qui sert de contre-exemple dans les cités.
00:50:16 Mais exactement la figure.
00:50:18 Il dit dans cette interview combien la vie est difficile en cité quand on veut s'en sortir légalement,
00:50:23 comment lui il aide les jeunes à trouver du travail,
00:50:25 il parle de suivre les jeunes de près grâce à son foyer,
00:50:28 qui a besoin évidemment toujours de cette politique de la ville,
00:50:32 pour les empêcher de faire une connerie.
00:50:34 Vous voyez, c'est l'exact médiateur qui s'investit pour sortir ces jeunes éventuellement du trafic de drogue,
00:50:40 par exemple, qu'il gère à ses heures perdues.
00:50:43 Et entre les deux, il y a le délégué à la ville, au quartier en l'occurrence, du préfet de Lode,
00:50:50 qui est l'homme que ce caïd versus médiateur appelle quand il se retrouve en garde à vue.
00:50:57 On lui dit "Vous voulez appeler quelqu'un de votre famille ? Vous savez en garde à vue vous pouvez appeler quelqu'un."
00:51:00 Et lui il dit "Je veux bien le déléguer à la ville du préfet de Lode."
00:51:03 Alors, stupéfaction évidemment.
00:51:05 Et entre temps, les enquêteurs découvrent une relation de connivence
00:51:08 entre le représentant de l'Etat et ce caïd local qui se rendait des services mutuellement.
00:51:14 Alors, les services... Pardon, s'il se retrouve au tribunal, c'est pas pour ça dans l'affaire de Trèbes évidemment,
00:51:20 c'est parce qu'il aurait fourni aux tueurs, aux terroristes, là, une voiture avec des plaques de garagistes interchangeables,
00:51:26 qui lui avait permis de se rendre dans une armurerie sans se faire repérer,
00:51:30 une armurerie dans laquelle il a acheté le couteau qui a servi à tuer Arnaud Beltrame.
00:51:34 Donc vous voyez, sa responsabilité dans l'attentat, je le répète, sera définie par le tribunal,
00:51:39 qui aujourd'hui, l'accusation n'a pas réussi à le prouver qu'il était même au courant,
00:51:42 mais en l'occurrence, en revanche, toute cette histoire reste et demeure existante, on va dire.
00:51:47 Alors, ce qui nous intéresse aussi ce soir, Charlotte, c'est cette connivence.
00:51:51 Que révèle cette connivence ? Soit-il parler de corruption, d'arrangement, de complicité
00:51:55 entre un caïd et un responsable de l'Etat ?
00:51:58 Alors, justement, aujourd'hui, ce délégué du préfet, qui bosse aujourd'hui dans une mairie dans le sud de la France,
00:52:03 il n'est pas poursuivi par la justice. Donc je vais éviter de qualifier les agissements et la proximité avec ce caïd,
00:52:08 parce que je ne voudrais pas faire ça à la place de la justice, mais il y a plusieurs solutions.
00:52:12 Soit c'est une corruption active, c'est-à-dire qu'il sait qu'il est corrompu et il le fait,
00:52:17 soit c'est un réalisme bancal, c'est-à-dire, bon, il me faut bien des interlocuteurs dans cette cité,
00:52:22 donc je sais, je rends des services parce qu'en échange, j'en ai d'autres,
00:52:25 ou alors il y a une complicité idéologique, je ne sais pas où se situe ce délégué à la ville que je ne connais pas.
00:52:30 Quoi qu'il arrive, c'est inquiétant, parce que cet homme, en gros, on nous explique que c'est un échange de bons procédés.
00:52:35 Là encore, c'est l'enquête. Je cite "le premier obtenant des mises hors de cause
00:52:39 ou des reports d'audition par la police dans les affaires où il paraît impliqué", là on parle du caïd,
00:52:44 "en échange de quoi le délégué demande des informations sur les incidents dans le quartier
00:52:48 et exige du caïd qu'il ramène le calme quand il y a des problèmes dans la cité".
00:52:52 Donc tous ceux qui avaient hurlé au moment des émeutes parce que certains avaient évoqué l'idée
00:52:56 que les caïds dans la cité avaient ramené le calme, bon ben là c'était très organisé,
00:52:59 c'était exactement ce que lui demandait le délégué à la ville, "en échange de services rendus".
00:53:04 Et l'accusation précise également que cette relation lui aurait permis de bénéficier d'informations
00:53:08 couvertes par le secret professionnel, mais aussi de traitements de faveur,
00:53:12 et évidemment d'une forme d'impunité.
00:53:14 Comprenez bien que si à chaque fois que vous appelez le délégué en lui disant
00:53:16 "je gère les trois caïds qui brûlent des voitures cette nuit,
00:53:19 en échange tu me reportes l'audience devant la police pour les affaires dans lesquelles je suis impliquée",
00:53:25 bon ben là la forme d'impunité elle est avérée, c'est même plus un sentiment, c'est très clair pour tout le monde.
00:53:30 Et alors il y a une avocate des partis civils dans ce procès,
00:53:33 qui a résumé une lecture qui m'a semblé intéressante à la fois que terrifiante,
00:53:37 c'est-à-dire c'est le point qui rapporte ça, il dit "c'est une situation complexe,
00:53:40 si les services de l'État ne trouvent pas de relais dans ces quartiers sensibles, on le leur reproche,
00:53:44 s'ils en trouvent ce ne seront pas forcément des profils irréprochables,
00:53:48 il faut savoir les manipuler, sans se faire manipuler,
00:53:51 les policiers sont formés à l'exercice, les autres fonctionnaires je ne sais pas".
00:53:54 Alors bon déjà la question de la corruption active ou passive de certains policiers est déjà une inquiétude aujourd'hui,
00:54:00 et de manière générale que nous décrit cette avocate, elle a peut-être raison,
00:54:03 il n'y avait peut-être pas le choix, mais c'est encore pire, excusez-moi.
00:54:06 Soit il y a la corruption d'une personne, soit les responsables de l'État sont obligés de déléguer
00:54:11 la force de l'État pour ramener le calme par exemple ou pour gérer une cité à des caïds dans cette cité.
00:54:17 On avait déjà vu cette question se poser avec la maire de Canteleux, vous vous souvenez ?
00:54:21 Qui est encore aujourd'hui entre les mains de la justice pour cette affaire de proximité avec des trafiquants de drogue.
00:54:26 Et là on a véritablement une question qui revient quand même de manière un peu insistante dans beaucoup de dossiers,
00:54:32 et qui moi m'apparaît comme une perte de souveraineté en fait, quelle que soit la raison.
00:54:36 Que ce soit de la corruption active de personnes si elle se multiplie,
00:54:40 ou alors que ce soit parce que des représentants de l'État n'ont pas le choix que de déléguer leur autorité à des caïds de la cité,
00:54:46 c'est une perte de souveraineté qui est dramatique franchement, qui est vraiment dramatique.
00:54:49 Merci pour votre regard Charlotte. Répondez-moi en un mot, vous et Dimitri, pour arriver à vous.
00:54:55 Si je vous dis que vous déroulez le tapis rouge du RN, qu'est-ce que ça veut dire ? ORN ?
00:55:01 Ça signifierait que nous sommes là en train de faire le lit d'une possibilité d'une élection irréfutable et garantie pour l'RN.
00:55:12 Très bien, pour vous, qu'est-ce que ça veut dire si je vous dis que vous déroulez le tapis rouge au RN ?
00:55:16 C'est qu'on travaille pour lui, qu'on lui prépare le terrain, je pense que c'est ça que sous-entend Yolande Moreau.
00:55:24 Alors Yolande Moreau, la comédienne beige, de passage chez Jordan Deluxe sur C8,
00:55:30 s'est inquiétée de la force politique de Marine Le Pen en affirmant qu'on lui déroule le tapis rouge.
00:55:36 Cette formule surprend, mais c'est une formule qui revient souvent. Commençons par elle.
00:55:40 Elle est absolument essentielle, cette formule, pour comprendre l'état d'esprit du petit milieu artistique,
00:55:45 mais plus largement d'une bonne partie des élites progressistes.
00:55:48 Alors, on dit tapis rouge, la formule revient toujours, mais qu'est-ce qu'on entend par là ?
00:55:52 Globalement, quand on parle de Marine Le Pen dans les médias, on entend qu'elle est d'extrême droite,
00:55:56 on entend qu'elle est raciste, on entend qu'elle est probablement fasciste,
00:55:59 on entend qu'elle est probablement antisémite et aussi elle ne l'est pas, elle en connaît.
00:56:03 On peut multiplier les accusations. Marine Le Pen apparaît globalement dans les médias non pas comme une figure politique contestable,
00:56:12 que l'on peut critiquer pour plusieurs bonnes raisons, mais comme un repoussoir absolu, la figure de l'infréquentabilité.
00:56:19 L'idée même qu'elle puisse prendre le pouvoir un jour est présentée comme une catastrophe pour la République et pour la France.
00:56:24 D'ailleurs, toute la vie politique tourne autour du RN, c'est-à-dire qu'on fait quelque chose pour que le RN ne monte pas,
00:56:31 on ne fait pas quelque chose pour éviter que le RN ne monte. On connaît ça par cœur.
00:56:35 Alors, Mme Moreau, on nous dit, je précise, on est quand même dans un pays où aussi les tribunaux envisagent,
00:56:43 il ne faut pas oublier la possibilité qu'elle ne se présente pas en 2027,
00:56:46 cette idée d'évacuer politiquement, juridiquement, une candidate à la présidentielle.
00:56:50 Alors, d'où vient cette idée du tapis rouge ?
00:56:53 Et là, je me suis dit que l'origine belge de Mme Moreau nous dit quelque chose.
00:56:56 Parce que la Belgique, et je parle ici de la Belgique francophone, pas de la Belgique flamande,
00:56:59 mais la Belgique francophone, c'est probablement un des endroits les plus antidémocratiques qu'il soit en Europe.
00:57:04 Il faut bien comprendre ce que j'entends par là. C'est tout le courant « extrême droite »,
00:57:08 plus largement populiste, national, conservateur, identitaire.
00:57:12 Tout ce courant-là, vous savez ce que je pense du concept d'extrême droite, mais dans leur tête, ça veut dire quelque chose.
00:57:17 Tout ce courant-là n'a pas accès aux médias en Belgique francophone.
00:57:22 C'est-à-dire que dans ce coin-là, c'est juste pas possible, il n'y a pas d'accès, c'est fermé.
00:57:27 Donc il y a tout un courant de la population, tout un courant de pensée.
00:57:30 - Ils nous regardent beaucoup d'ailleurs, on les embrasse.
00:57:32 - Ah ben oui, en fait, je suis assez sympathique à leur cause, les pauvres, parce qu'ils vivent dans un État pas vraiment démocratique.
00:57:37 C'est-à-dire que dans les faits, il y a toute une partie de la population qui n'a pas accès aux médias.
00:57:41 Et j'ajoute une chose, il y en a plusieurs dans la presse française de gauche, félicitez les Belges pour ça.
00:57:46 Il y a un modèle belge, en passant, vous savez, pour réussir à traiter de l'extrême droite.
00:57:49 C'est pas compliqué, ne les invitez pas. Même s'ils font 42-43% à la présidentielle, ne les invitez pas sur les plateaux.
00:57:55 Ne les invitez pas à la télévision, ne les invitez pas à la radio, n'invitez pas leurs représentants.
00:58:00 Censurez leurs représentants idéologiques et dittorialistes, tout ça.
00:58:04 Et comme ça, on pourra éviter de les avoir dans la vie politique.
00:58:07 Donc je comprends l'étonnement de Mme Moreau à cette lumière.
00:58:10 Ce qu'elle nous dit finalement, c'est qu'elle s'étonne de voir un courant politique qui fait plus de 40% dans les sondages dans la population avoir droit aux médias.
00:58:18 Parce que dans son espace mental, eh bien, ça n'existe pas.
00:58:21 Donc le tapis rouge, pour elle, c'est accorder des droits démocratiques à l'opposition.
00:58:26 Et c'est ainsi, je crois, qu'elle comprend la notion de tapis rouge.
00:58:29 Son propos fait écho à celui de Sonia Rolland sur les services publics samedi soir.
00:58:34 C'était absolument merveilleux. Sonia Rolland, une personne agréable en tant que telle, on n'en rien contre elle en soi,
00:58:40 mais qui a cette formule, elle y va de son coup de gueule.
00:58:43 C'est le coup de gueule, elle y a un coup de gueule, elle va dire quelque chose qui va transgresser.
00:58:47 Eh bien, elle est contre le rassemblement national et l'extrême droite.
00:58:50 Encore une fois, elle m'a dit, mais c'est étonnant, ça sur le service public, un tel coup de gueule, c'est étonnant, c'est du courage.
00:58:55 - Elle a le droit, quand même.
00:58:56 - Bien sûr qu'elle a tout à fait le droit de le dire, mais j'ai le droit de dire qu'en matière de coup de gueule, on a vu plus fort.
00:59:00 C'est s'opposer au RN sur le service public. Flash.
00:59:04 Alors quoi qu'il en soit, ce qui est intéressant, ce sont ces arguments.
00:59:06 - Allez, on va faire un coup de Breaking News.
00:59:08 - Elle nous dit, nous sommes en train de banaliser le fait que l'on puisse insulter des musulmans, des juifs et des homosexuels.
00:59:14 C'est devenu n'importe quoi, dit-elle. J'ignorais qu'on banalisait ça.
00:59:18 Et par ailleurs, elle nous explique que par les réseaux sociaux, ce qu'elle appelle l'extrême droite est déjà au pouvoir.
00:59:22 Il fallait le savoir, moi, j'avais pas l'impression.
00:59:25 Donc, ce qu'elle nous dit, c'est une prise de position morale, c'est un pseudo coup de gueule, on comprend.
00:59:29 Tout le système est là de l'applaudir.
00:59:30 Que vous êtes courageuse de vous opposer à Marine Le Pen, bravo.
00:59:33 Que vous êtes courageuse sur le service public, c'est tellement rare.
00:59:36 Et elle présente ensuite l'adversaire comme un monstre.
00:59:39 Et on aurait envie de poser la question à Mme Sonia Roland, qui fait l'éloge de l'altérité et de la diversité.
00:59:43 A-t-elle déjà rencontré un seul électeur qui vote pour l'ORN, par exemple, ou Reconquête?
00:59:48 Est-elle capable de leur tendre la main?
00:59:50 Est-elle capable de dire « qu'est-ce que vous pensez exactement? »
00:59:52 Est-elle capable de se mettre dans leur position, de chercher à comprendre leur raison?
00:59:56 Est-elle capable de ne pas avoir l'impression, lorsqu'elle les voit, d'être devant Freddie,
00:59:59 vous savez, le personnage monstrueux du cinéma des années 80,
01:00:02 ou Chucky, ou je ne sais quel monstre terrifiant du cinéma américain.
01:00:05 Est-elle capable de tendre la main à son compatriote en disant « nous sommes en désaccord, mais je chercherai à vous comprendre ».
01:00:11 Non, elle préfère diaboliser, elle préfère vomir, elle préfère maudire,
01:00:15 elle appelle ça « coup de gueule », appelons ça coup de gueule probablement subventionné.
01:00:19 Et vous n'êtes pas là en train de dédiaboliser l'ORN?
01:00:23 Ah ben non, vous savez, justement, le diable, tout ça, je laisse ça aux prêtres, aux exorcistes et tout ça.
01:00:28 Moi, ce qui m'intéresse dans la vie, c'est la politique.
01:00:30 Et même quand je suis en désaccord avec quelqu'un, je cherche à voir ses raisons,
01:00:33 plutôt que de pratiquer l'exorcisme par un autre moyen.
01:00:36 En arrière, arrière, arrière, extrême droite terrifiant.
01:00:39 Franchement, c'est quand même le niveau zéro de l'intelligence.
01:00:42 Merci pour votre regard à tous, merci pour cette belle émission.
01:00:45 L'heure des pros de E, tout de suite.
01:00:47 *rire*