• il y a 11 mois
Léa Salamé reçoit Édouard Baer pour son rôle dans "Daaaaaali! " de Quentin Dupieux avec Anaïs Demoustier et Gilles Lellouche (en salle le 7 février) et pour son seul en scène: "Ma candidature" (au théâtre Antoine, jusqu'au 4 février). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-29-janvier-2024-1954923

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00:00 - Et Léa, ce matin vous recevez un acteur !
00:02 - Bonjour Édouard Baer !
00:03 - Bonjour Léa Salamé !
00:04 - Merci d'être avec nous ce matin.
00:05 Si vous étiez un peintre, un homme politique et un défaut, vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:10 - Alors oui, donc on attaque dans le vif du sujet.
00:12 Je comprends bien, il est 9h24, comme l'a dit Nicolas Demorand,
00:15 qui l'a annoncé un peu comme une menace d'ailleurs.
00:16 Ce n'était pas une bonne nouvelle pour vous.
00:18 Vous n'êtes plus habitué aux bonnes nouvelles du tout.
00:19 Oui, oui, ça en est vrai.
00:21 Alors, si j'étais un peintre, je m'étais dit,
00:23 j'aimerais bien être Picasso, mais c'est parce que je retiens des phrases des gens.
00:28 Il y a une phrase que j'aime beaucoup de Picasso, il dit,
00:30 "Combien de temps pour faire un tableau ? Un quart d'heure et 50 ans."
00:32 Je trouve ça merveilleux.
00:33 C'est-à-dire 50 ans d'artisanat, puis un quart d'heure d'inspiration.
00:36 Quand on fait de l'amitié artistique, on rêve de ça.
00:37 - Picasso, donc un homme politique.
00:40 - Huguette Bouchardot, pareil, pour une phrase,
00:42 parce qu'elle avait dit "un homme sur deux est une femme",
00:44 je trouve ça formidable.
00:46 - Et un défaut, vous seriez quoi ?
00:47 - Un certain goût pour la catastrophe.
00:52 Pour me mettre dans des situations difficiles.
00:55 - Alors, en peintre, vous avez choisi Picasso,
00:57 vous n'avez pas choisi Dali, puisqu'on va parler de Dali ce matin.
01:01 - Oui, je fais une mauvaise pub au film.
01:02 - Oui, tout à fait, c'est bizarre.
01:04 - Je suis très con.
01:05 - Dali qui disait, l'unique différence entre un fou et Dali,
01:08 il disait ça de lui, c'est que moi, Dali, je ne suis pas fou.
01:12 Et vous, Edouard Baer, quelle est la différence entre vous et un fou ?
01:16 - Ah ben moi, je suis comme Léo Ferré,
01:18 quand je croise la folie, je change de trottoir, parce que je n'aime pas.
01:20 Ça ne me fascine pas du tout.
01:21 Ceci dit, ça doit être tentant d'être fou,
01:23 parce que ça donne une irresponsabilité,
01:25 qui n'est pas le mot de tous les jours,
01:26 d'où ma difficulté à le prononcer.
01:28 Et c'est vrai qu'on se dit, bon ben, il est fou, alors on lui autorise tout.
01:31 Moi, je ne suis pas fou, donc je ne m'autorise pas tout.
01:33 - Je vous parle donc de Dali ce matin,
01:34 parce que vous êtes à l'affiche du nouveau film de Quentin Dupieux
01:36 qui sort le 7 février prochain.
01:38 Dali !
01:40 - Tout ce que vous dites est vrai, Léa Salamé.
01:42 - Mais pourquoi est-ce que j'essaie de jouer avec mal,
01:46 mais le Dali, parce qu'il y a 6 A dans le Dali.
01:50 Pourquoi 6 A ?
01:52 - On est 6 acteurs à jouer Dali.
01:55 Vous imaginez, Quentin Dupieux, dans sa folie créative,
01:59 il a confié à 6 acteurs.
02:00 Il y a Jonathan Cohen, il y a Gilles Lelouch,
02:02 il y a Pio Marmaille, Didier Flaman.
02:05 - Et un inconnu.
02:06 - Oui, il y a un moment, un type qui est chez lui,
02:07 il dit, on croit que c'est Dali, il dit, mais foutez-moi la paix.
02:09 C'est les bizarreries de Quentin Dupieux, c'est la folie.
02:12 Le film est comme ça, le film est surprenant tout le temps,
02:15 ça rebondit, on ne sait pas où on va,
02:16 puis on change de Dali, on revient sur un autre,
02:18 c'est une sorte de feu d'artifice un peu dingue.
02:20 - Vous êtes effectivement 6 A jouer Dali à différentes périodes de sa vie.
02:24 Vous vous êtes croisés avec Gilles Lelouch, Jonathan Cohen, Pio Marmaille,
02:27 Didier Flaman ou pas du tout ?
02:27 - Mais non, parce qu'on jouait toujours à Dali un jour différent.
02:31 On espérait se croiser, on aurait aimé qu'il dessine à plusieurs Dali.
02:34 Et puis, c'est des acteurs avec qui je rêvais de jouer un peu.
02:37 Mais là, on se croise, grâce à la promotion,
02:39 je passe des journées démentes avec Jonathan Cohen.
02:41 - Il est drôle ?
02:41 - Il est dément.
02:42 Et extrêmement sympathique.
02:43 Il a des gens qui sont drôles et qui ne sont pas rieurs,
02:44 qui ne sont pas sympas.
02:44 Et lui est aussi drôle qu'un rieur.
02:46 Il est à côté belge un peu.
02:47 - Qui est le meilleur Dali de vous 6 A ?
02:50 Je veux dire, à part vous bien sûr.
02:51 - Oui, alors vous venez de dire, voilà la réponse est là.
02:54 Non, je crois très modestement que c'est moi.
02:56 Et non, mais alors,
02:58 Quentin Dupuy faisait exprès, dès qu'on tournait une journée avec lui,
03:01 il envoyait une petite vidéo à l'autre pour nous challenger.
03:04 C'est un très bon entraîneur sportif.
03:06 Non, mais chacun est son Dali.
03:08 Il n'y a pas d'autre directive que "vas-y, fais-nous ton Dali".
03:10 Alors, même quand on est effarant, consternant,
03:12 tout à coup, si ça fait rire Quentin Dupuy, moi j'ai confiance.
03:15 Parce que je trouve que chez Quentin Dupuy, les acteurs sont toujours géniaux.
03:17 Donc autant lui faire confiance.
03:18 - Vous dites, c'est comme toujours chez Dupuy,
03:21 le film est expérimental, baroque, absurde et très, très drôle.
03:26 Ce n'est pas toujours drôle, les Dupuy, mais celui-là est très drôle.
03:29 Le pitch, c'est une jeune journaliste, Annalise Demoutier,
03:32 avec qui vous avez tous joué.
03:33 Vous avez tous eu une scène avec Annalise Demoutier,
03:35 qui est un peu la star du film,
03:36 tente de réaliser un documentaire sur Salvatore Dali,
03:39 mais se heurte à la mauvaise volonté et au mauvais caractère du maître.
03:43 Il faut dire qu'il avait du caractère, Dali.
03:45 Il faut dire qu'il était même au-delà du narcissisme,
03:47 au-delà de la mégalomanie.
03:49 Et là, je vais vous passer un extrait.
03:51 Il le dit très bien lui-même.
03:52 En fait, on est en 1965 et voilà ce qu'il répond à une jeune journaliste.
03:57 - Moi, je lui ai demandé quel était le plus grand peintre vivant à l'heure actuelle.
04:00 - Certainement, je dis toujours que moi, je suis un des meilleurs,
04:06 mais pas parce que réellement je suis bon,
04:09 mais uniquement parce que les autres sont tellement plus mauvais que moi.
04:14 Mais en tout cas, mes mérites de peintre sont à peu près nuls.
04:18 Ce qui est important, c'est mon génie.
04:20 Et je resterai dans l'histoire pour avoir trouvé,
04:23 pour la première fois, la possibilité de peindre avec la troisième dimension.
04:30 - Voilà, en toute simplicité.
04:31 - En toute simplicité.
04:32 Mais il est génial d'ailleurs, le film, c'est plus un film sur l'image de Dali
04:35 que c'est pas un film psychologique, c'est pas un biopic.
04:38 Dali, l'enfant qui dit à son père "je vais porter une moustache".
04:40 Non, pas de moustache, c'est pas du tout ça.
04:42 C'est un film complètement dingue où sur nous, quand on était gamin,
04:45 il y avait des personnages de la télévision comme Serge Gainsbourg.
04:48 On voyait vraiment le masque, la créature, un peu tout le barnum qu'ils avaient créé.
04:53 Et c'est un film là-dessus.
04:54 - Sur l'image qu'avait Dali.
04:56 Parce que c'est vrai que Quentin Dupieux dit très bien
04:58 "quand je pense à Dali, je revois un monde où l'art est au centre,
05:00 où les artistes un peu dingues sont au cœur de la société.
05:03 On les voit partout sur les plateaux télé, dans les journaux.
05:05 Ils ne craignent pas d'être provocants, absurdes, gênants même.
05:09 Mais l'art a disparu de notre société".
05:12 Vous êtes d'accord avec lui ?
05:13 - Non, l'art n'a pas disparu de notre société.
05:15 L'art a disparu peut-être du centre d'intérêt des médias
05:17 parce que tout à coup il y a cette course à l'information,
05:19 entre internet, les chaînes d'info continue.
05:21 Et puis comme on a l'impression que l'époque est peut-être plus dure,
05:24 on n'ose pas mettre en avant une forme d'arrogance poétique.
05:27 Enfin, ça a l'air arrogant d'être un peu poétique, d'être un peu cinglé.
05:30 Donc je pense qu'il y a beaucoup de gens, des artistes.
05:33 Et puis on n'est pas obligé d'avoir un comportement artistique.
05:34 Il y a des gens qui créent des choses merveilleuses
05:36 et qui sont des gens socialement tout à fait calmes.
05:38 - Oui, mais c'est vrai qu'à l'heure des réseaux sociaux,
05:40 où chaque artiste a peur de son bad buzz sur les réseaux,
05:44 tout le monde fait attention.
05:45 Et la folie de Dali, par exemple, ou de Gainsbourg, comme vous dites,
05:48 est-ce que ce serait possible encore aujourd'hui ?
05:49 - Oui, mais on n'a pas envie, je crois.
05:51 On n'aurait pas envie parce qu'on a envie de gens un peu plus de douceur
05:54 et de gens un peu plus bienveillants et d'empathie.
05:56 Je crois que c'est aussi ça.
05:57 On s'adapte aux époques.
05:58 Ce n'est pas du cynisme.
05:59 Je ne pense pas qu'aujourd'hui, Gainsbourg, les chansons,
06:02 oui, mais le personnage de Gainsbourg, on le trouverait trop dur.
06:05 Mais ce n'est pas grave parce que quand les époques sont plus douces
06:08 et quand les peuples se sentent plus heureux,
06:10 ils acceptent d'avoir des artistes plus excentriques.
06:12 - Et là, le moment est trop dur pour qu'on accepte l'excentricité.
06:15 - Oui, oui.
06:16 - La dureté ou la provoque pour la provoque.
06:18 - Oui, c'est parce que c'est tout à coup un spectacle un peu arrogant.
06:20 Il faut faire attention dans nos métiers.
06:22 Quand on a la chance de faire ces métiers-là,
06:24 de vivre de choses qu'on aime et qui sont notre passion.
06:27 En plus, c'est comme le spectacle des artistes très sombres,
06:30 très torturés, très tristes.
06:31 Pour le moment, il vaut mieux faire venir les enchantements
06:35 un peu plus fraternels.
06:37 - Et ce qu'on voit exactement dans ce film,
06:38 parce que c'est une bulle d'enchantement.
06:41 - Il n'y a aucune prétention chez Dupieux.
06:42 C'est extraordinaire. Il y a un autre côté enfantin.
06:44 - Il n'y a aucune prétention chez Dupieux.
06:45 Il y a beaucoup de prétention chez Dali.
06:47 Il y a cette scène édifiante dans le film où Dali touche,
06:50 mais alors il ne touche pas, en fait.
06:51 Il soupèse littéralement les seins d'une maquilleuse sur le tournage.
06:56 On va l'écouter, ce ne serait plus possible.
07:00 - Alors, dites-moi, est-ce que je peux profiter de cet interminable
07:03 attente pour manipuler cette généreuse poitrine que vous agitez
07:07 exprès devant mes yeux depuis toute à l'heure ?
07:10 - Non, je ne les agite pas, ils sont là.
07:12 J'y peux rien.
07:14 - Vous permettez ?
07:15 - Oui, je m'en fous, allez-y.
07:17 - C'est vraiment une densité exceptionnelle.
07:22 - Si ça vous fait plaisir.
07:23 - Mais enfin, elle ne te laisse pas faire, elle est foulle.
07:25 - Ça va, ce n'est pas si grave, c'est un artiste.
07:28 - Ça, ce ne serait plus possible.
07:31 - Tant mieux si ce n'est plus possible.
07:32 Mais c'est aussi un truc entre deux.
07:35 C'est tout à coup une dame qui se dit, c'est peut-être artistique.
07:37 Il y a quelqu'un qui va me toucher.
07:39 Ça se joue entre deux personnes, c'est une folie.
07:41 C'est l'emblème de rien à ce moment-là dans le film.
07:44 - C'est votre première collaboration avec Quentin Dupieux,
07:46 le roi de l'absurde, auteur de "Dun", "Mandibule", "Yannick".
07:49 "Yannick" qui a cartonné l'été dernier, c'était son dernier film.
07:53 Qu'est-ce qui vous plaît chez Dupieux ?
07:55 - C'est tellement singulier, c'est tellement libre, c'est tellement inventif.
07:59 Et puis, c'est très précis dedans.
08:00 C'est-à-dire qu'il s'autorise tout, mais tout est le jeu.
08:04 L'histoire, il prend une histoire la plus absurde.
08:05 Prenez "Mandibule", il y a des types qui trouvent une mouche géante dans leur coffre.
08:08 Et c'est traité vraiment comme s'il leur arrivait vraiment.
08:11 - Et là, vous êtes en train de faire la tournée des avant-premières en région.
08:14 Non, mais vous me disiez, c'est hallucinant la cote qu'il a.
08:17 Et des jeunes de 25-30 ans qui sont là pour les films de Dupieux.
08:21 - Oui, parce qu'on pensait que Dali,
08:22 ça ne serait qu'un public de gens de plus de 50 ans.
08:24 Parce que dans le souvenir collectif, Dali, c'est vrai, c'est le tableau "Les montres molles",
08:30 parce qu'il est presse dans les livres scolaires.
08:32 Quand on voit la page peinture, il y a un Dali, il y a la joconde.
08:37 Et puis, "Le chocolat dans le vin", les publicités.
08:39 Mais c'est vrai qu'on ne se rendait pas compte que quand même, ça a marqué.
08:42 Des gens vont voir des vidéos sur YouTube.
08:44 Et puis, un film aussi absurde, aussi fou.
08:47 Enfin, absurde, c'est un mot un peu galvaudé, mais enfin, complètement dingue.
08:49 Eh bien, non, il y a des salles entières.
08:50 On en a fait plusieurs mille.
08:52 Il y a un public de gens de 25, 30 ans absolument passionnés
08:54 qui sentent que c'est un souffle de liberté qui traverse le cinéma.
08:56 - Oui, et qui n'existe pas ailleurs.
08:58 C'est vraiment le seul qui a cette touche-là.
09:01 C'est du cinéma absolu, quoi.
09:03 C'est de l'imagination...
09:05 - Je n'ai pas d'autres noms qui me viennent, mais enfin, il n'imite que lui.
09:07 Et puis, ça finit par avoir une logique, tout à coup.
09:11 Il suit son chemin, il a sa petite boutique.
09:13 Il est fidèle à ce qu'il est, à son goût.
09:15 C'est vraiment à l'artiste.
09:16 Et puis, petit à petit, les gens viennent,
09:17 parce qu'il ne suffit pas aussi de faire les choses artistiquement.
09:20 Il faut aussi que les gens les ressentent et les partagent.
09:22 - Et de plus en plus, ils viennent.
09:23 - C'est des morts, non mais là, c'est drès.
09:25 - Le dernier Yannick, ça a été un carton et on verra pour Dali.
09:27 Quentin Dupieux dit, c'est la première fois, je crois,
09:29 où vraiment, Edouard Baer compose un personnage.
09:31 Lui, le roi de l'impro, a vraiment pris le costume
09:34 en cherchant à être au plus près du texte.
09:36 C'est vrai, ça ?
09:36 - Ah ben oui, mais c'était amusant quand vous jouez un personnage
09:39 qui a vraiment existé.
09:40 Il y a plein de vidéos disponibles.
09:41 Donc, je m'imprégnais, j'étais là, j'écoutais toute la journée
09:44 des interviews et puis il faudrait être en état particulier
09:46 parce que ce n'est pas juste l'accent catalan avec des airs qui roulent.
09:49 C'est une énergie, c'est un "qui sourit jamais".
09:51 - C'est un charisme aussi.
09:52 - Non, mais c'est parce que c'est une sorte de chose, de ligne comme ça.
09:55 Il est intense tout le temps.
09:57 Donc, on écoutait entre les prises, j'étais tout le temps plongé dans Dali.
09:59 - Il est intense tout le temps.
10:01 Dali s'échappe toujours.
10:02 La journaliste Annalise Demoussier passe son temps à lui courir après.
10:05 Il veut faire le film, puis il ne veut plus.
10:07 Il est là, puis il part, il se casse, il ferme.
10:09 C'est un courant d'air.
10:10 Vous aussi, Edouard Baer, le goût de la fuite, vous l'avez ?
10:14 - Le goût de... Non, mais c'est d'une liberté.
10:17 Ça peut être une liberté intérieure.
10:18 On n'est pas obligé de s'enfuir vraiment, mais de se dire que c'est possible,
10:21 que ce n'est pas si grave si ça s'arrête ou si tout à coup, on peut...
10:25 - On peut prendre la tangente.
10:26 - On n'est pas obligé de le faire, mais c'est comme quand on est sur scène.
10:29 On a moins peur qu'on se dit "Qu'est-ce qui peut m'arriver de pire ?
10:31 Le ridicule ou un trouble ?"
10:33 Donc si on se dit que ça s'arrête ou si tout à coup, on peut aller voir ailleurs, si on y est...
10:37 - Mais le goût de la fuite, vous ne l'avez pas, vous, dans votre vie ?
10:39 - Oui, mais de se réinventer, c'est pouvoir se dire qu'on peut recommencer tout le temps,
10:43 jusqu'à 90 ans, 91 et demi.
10:45 Après, c'est plus compliqué.
10:46 - Et puis en ce début d'année, il y a Dali et il y a le théâtre.
10:49 Edouard Baer, vous jouez au Théâtre Antoine à Paris tous les dimanches et tous les lundis.
10:53 La pièce, votre candidature, puisque vous êtes candidat...
10:56 - Oui, c'est un meeting.
10:57 C'est un meeting spectacle.
10:58 - Vous êtes candidat pour 2027.
11:00 Vous avez décidé de donner don, de faire don de votre personne à la France.
11:04 - C'est un meeting.
11:06 Je réalise mon rêve, j'ai toujours voulu être président.
11:08 Et là, avec le public qui est là, qui devient des militants, on fait mon premier meeting de campagne.
11:13 - Donc tous les dimanches, tous les lundis au Théâtre Antoine, c'est un meeting...
11:16 Pourquoi ? C'est une pièce qui questionne la portée du langage politique,
11:19 les hypocrisies, les fausses promesses, la sincérité, la démagogie.
11:22 Vous avez une vraie fascination pour les meetings, la parole politique, pour les discours politiques.
11:27 - Mais quand on aime le spectacle, on se dit que c'est le spectacle absolu, le meeting, le discours.
11:31 Parce qu'il y a vraiment une incidence.
11:32 Ce qu'on dit n'est pas juste une humeur ou une poésie.
11:35 Tout à coup, il y a des engagements à tenir.
11:36 Le programme politique, ça me fascine, un programme, c'est génial.
11:39 Parce que la première chose, c'est de dire "Il n'a pas tenu son programme".
11:41 Merde, il applique son programme.
11:43 - Alors vous, ce serait quoi votre première mesure ?
11:44 - Il faut venir au spectacle, je suis trop commerçant pour vous.
11:48 Non mais ça, c'est la question que...
11:49 Moi, j'aime bien les gens qui ont tout prévu, sauf...
11:51 Alors mon premier...
11:52 Attendez, je l'avais noté quelque part.
11:54 Non mais c'est ça, j'essaie de voir ce que c'est en direct.
11:57 Il y a un orchestre, il y a des majorettes, c'est une campagne américaine, c'est du lourd.
11:59 - Ah oui, c'est Trump, enfin.
12:00 - Ah c'est du lourd.
12:01 Non, il n'y a pas que Trump en Amérique, il y a Salamé, il y a un peu de Boussard,
12:05 il n'y a pas que Moumout, il y a plein d'autres choses, enfin.
12:07 - Non mais en discours politique, on peut tout lui reprocher.
12:10 Trump, il y a quelque chose de spectaculaire.
12:12 - Ah, il y a une efficacité.
12:13 Ah mais ça, c'est la nouvelle politique, c'est l'efficacité totale avec des fracs.
12:15 - Je vais vous dire, Edouard Baird, c'est-à-dire qu'avant le discours politique, c'était ça, c'était André Malraux et l'entrée au Panthéon de Jean Moulin.
12:23 - Entre ici Jean Moulin avec ton terrible cortège.
12:29 Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé comme toi.
12:35 Et même ceux qui sont peut-être plus atroces en ayant parlé.
12:40 Mais aujourd'hui, le discours politique, c'est fini.
12:43 On est loin de ça.
12:44 Aujourd'hui, c'est l'EDL, vous savez, l'élément de langage.
12:46 - Oui, mais il y a quand même les envolées de Christiane Taubira.
12:49 Il y a deux ans, l'Assemblée qui était une chose incroyable de lyrisme et de poésie.
12:53 Il y a des moments où les gens sortent des rails, ils sont inspirés et partent dans quelque chose.
12:58 Malraux, il ne se présente pas.
12:59 C'est un discours au Panthéon.
13:00 C'est une chose, c'est comme le discours même du Nobel de Patrick Modiano, où Jean-Noël Meusson qui reçoit Margaret Hieu-Sonar à l'Académie française, sa première femme.
13:08 Donc j'en mets des petits extraits dans le spectacle parce qu'il y a un moment où la parole, ça dépasse la politique, ça dépasse la pensée.
13:16 Tout à coup, quand on est emporté par l'émotion, je mets même un tout petit extrait de Pompidou quand il était interviewé comme président.
13:22 Vous savez, comme c'était cadré à l'époque.
13:24 Et tout à coup, on lui parle du suicide d'une enseignante.
13:26 Il y a un silence de 30 secondes, ce qui est dément à la télévision à l'époque.
13:28 Et tout à coup, il dit un poème des Luar pour répondre.
13:31 Donc il y a un moment où l'émotion perce la cuirasse et apparaissent des choses quand même.
13:35 - Mais aujourd'hui, vous le voyez encore ?
13:36 - Mais vous savez, si on n'en a gardé que 4 sur 15 ans, ça veut dire qu'il n'y en avait pas non plus tant.
13:41 À l'époque, elle fait le tri, elle fait croire que tout était parfait avant.
13:43 C'est valable pour tout. On a l'impression que le cinéma américain, c'est juste corset.
13:47 Il y a 200 nanars qui sortent aux Etats-Unis.
13:49 C'est pareil, le discours politique, vous...
13:50 - Donc ce n'était pas forcément mieux avant ?
13:53 - Pas ça, c'était sûrement mieux pour un certain milieu.
13:56 Sans doute que pour les gens de mon milieu, c'était peut-être plus marrant avant.
13:58 Mais je pense que pour l'immense majorité des gens, non.
14:01 - Les impromptus pour finir, vous répondez sans trop réfléchir très rapidement.
14:05 "Il n'y a pas de bon père", disait Sartre. Vous en pensez quoi ?
14:09 - Ah, mais il n'y a pas de mauvais père non plus.
14:11 Il y a des choses... Il y a des pères, il y a des mères, puis il y a le temps qui passe.
14:15 - Pensez-vous, comme le général de Gaulle, que la vieillesse est un naufrage ?
14:18 - Oui. Mais alors, dans les naufrages, on peut essayer quand même de colmater les brèches,
14:22 on peut essayer de souquer ferme, comme on dit dans la marine.
14:25 Donc on est face au naufrage et on voit ce que devient notre corps et notre âme, oui.
14:28 - En même temps, vous disiez à Technicard dans une interview,
14:31 "J'ai toujours eu un peu plus de 80 ans".
14:33 - Oui, mais j'ai dit beaucoup de conneries et ce n'est pas fini.
14:37 Il y a des gens qui disent "je dis ça et un peu plus tard je dis le contraire".
14:41 - Jean Rochefort, votre grand ami, disait de vous,
14:43 "Edouard Baer a une individualité généreuse".
14:46 Vous avez compris ce que ça voulait dire ?
14:48 - Ah, oui, parce que c'est le rêve de tous.
14:50 Enfin, je ne sais pas, on rêve d'être à la fois singulier et collectif,
14:54 de s'adresser à tout le monde et à chacun.
14:56 C'est un peu le fantasme absolu.
14:58 Mais il me disait aussi, "Vous, cher ami, vous avez un malheur d'avance".
15:02 C'était joyeux.
15:04 - Vous étiez scolarisé, Edouard Baer, à la fois à Stanislas et à l'école alsacienne,
15:07 comme quoi on peut en sortir malgré tout.
15:10 - J'en ai chié !
15:12 - Vous avez chié à Stanislas ?
15:13 - Ah oui, ce n'était pas des écoles marrantes.
15:16 - La nuit ou le jour ?
15:18 - Le jour, maintenant, le jour le plus longtemps possible.
15:22 - Acteur ou réalisateur ?
15:24 - Metteur en scène de compagnonnage, troupe.
15:28 - Radio Nova ou France Inter ?
15:30 - Ah, très fort ! France Inter à France Inter et Radio Nova, Radio Nova.
15:33 Ne se fâchez avec personne, c'est très politique.
15:36 - Cassavetes ou Woody Allen ?
15:38 - Cassavetes pour la liberté totale et pour la troupe, à nouveau, la troupe de Cassavetes.
15:42 - Louis Mal ou François Truffaut ?
15:44 - Ah, le fantôme de Louis Mal, mais les films de François Truffaut.
15:47 - Belmondo ou Delon ?
15:49 - Belmondo, totalement.
15:50 - Louis de Funès ou Bourvil ?
15:53 - Le duo, le choc des deux !
15:54 Mais Messoulier, Messoulier !
15:56 Bah alors, bah non alors !
15:59 - Jean Rochefort ou Benoit Poullovard ?
16:01 Difficile, hein !
16:02 - Mais moi, je veux mettre les gens dans les bras, les indécis, l'enfant des deux.
16:05 - L'enfant des deux !
16:06 La soupe sur la joconde hier, vous en pensez quoi ?
16:09 - Bah, la soupe dans la bouche, c'est mieux, la joconde au mur, quoi !
16:12 - Faire des selfies, vous aimez ça ?
16:14 - De moi-même ou dire oui à un selfie de quelqu'un ?
16:21 - Oui, quand on vous demande un selfie.
16:22 - Oui, mais alors je cherche l'axe, parce qu'en vieillissant, il n'y a vraiment qu'un axe où on est acceptable.
16:26 Donc, un tout petit peu plus comme ça.
16:28 - Alcool, drogue, sexe, quels sont vos vices aujourd'hui à 57 ans ?
16:32 - Bonsoir ! Alcool, drogue, sexe, les scandales du showbiz, aujourd'hui, Edouard Baer.
16:37 - Rien, vous ne choisissez pas ?
16:38 - Non.
16:39 - Pensez-vous, comme BBD, que l'amour dure trois ans ou moins ?
16:43 - Non, je n'ai pas d'idée générale sur l'amour.
16:46 - Non, pas d'idée générale ?
16:47 - Non, du coup, je n'en sais rien du tout.
16:49 - Et Dieu dans tout ça, la question ? Jacques Chancel ?
16:51 - Ah, c'était la grande chanson ! Et Dieu dans tout ça ?
16:53 Bah, Dieu, Dieu ou d'autres noms qu'on peut lui donner ?
16:57 Le Père Noël, le hasard, la destinée, enfin, qui est autre chose que nous,
17:03 qu'on ait quelqu'un à qui parler quand on est seul le soir.
17:06 - Dali, avec 6A, le nouveau bijou absurde de Quentin Dupieux, est en salle le 7 février.
17:14 Et vous, vous êtes au Théâtre Antoine tous les dimanches et tous les lundis.
17:17 - Merci pour cette psychanalyse. Merci à tous.
17:19 - Je vous enverrai le chèque.
17:20 - Je suis laminé. Merci beaucoup.

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