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Intervention de Cyril Thévenet – directeur EPAGE Haut-Doubs- Haute-Loue sur l’évolution future de la température, de la pluviométrie et des débits et l’étude prospective sur le territoire de l’EPAGE Haut-Doubs- Haute-Loue lors de la table-ronde « Conséquences du changement climatique en Bourgogne-Franche-Comté : pluviométrie, débits, biodiversité et production hydroélectrique » de la 10ème rencontre de l’hydroélectricité du 1er décembre 2023.
S'informer sur les conséquences, les impacts, les prévisions du changement climatique sur la variabilité des débits des cours, la vie des cours d'eau et sur la production hydroélectrique

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Transcription
00:00 Nous basculons en côté Franche-Comté avec Cyril Thévenet de l'Épage Audoux-Hauteloup.
00:14 Vous avez aussi mené une étude prospective à l'échelle de Sébastien Versan.
00:20 Quels sont les constats ?
00:23 Quel est l'objectif de l'étude que nous avons lancée sur notre territoire ?
00:35 Nous avons une tête de bassin versant du Haut-Doux et de la Loue.
00:39 L'objectif pour nous a été de se projeter à l'horizon 2050 pour que le territoire trouve des solutions d'adaptation.
00:48 On est déjà dans le changement, on constate déjà des éléments.
00:53 On a voulu essayer d'objectiver les choses, d'avoir des données un peu quantifiées pour sensibiliser les acteurs
00:58 et voir de disposer d'ordre de grandeur pour savoir dans quelle mesure le déséquilibre entre les besoins futurs et les ressources futures
01:07 sera très prégnant, peu prégnant et ce qu'il faudra mettre en place des changements structurels.
01:13 Notre travail a consisté à se projeter à la fois sur une modélisation hydrologique, je vais présenter quelques éléments
01:20 et puis quelque chose qu'on ne présentera peut-être pas aujourd'hui, mais également quels sont les besoins futurs en eau
01:25 pour voir dans quelle mesure ce déséquilibre est présent ou pas, même s'il n'y a pas de scoop
01:29 puisqu'on est déjà aujourd'hui sur certains éléments en déséquilibre.
01:32 Cela nous a aussi permis ce travail de modélisation, d'avoir une approche sur les évolutions de température de l'eau
01:39 et des effets biologiques qu'on évoquera peut-être plus tard.
01:43 Le principe est assez classique, ça rejoint tout à fait ce qui a été présenté avant
01:50 sans rentrer dans le détail, nous on a un bassin versant assez complexe, on est en système karstique
01:55 avec des écoulements à la fois superficiels et surtout souterrains
01:59 des relations entre bassins versants avec des pertes, des résurgences, tout le monde connaît au moins de tête
02:06 les pertes du doux qui alimente la loup, et donc on a travaillé avec un bureau d'études,
02:10 qui est le bureau d'études d'Artelia, qui a construit un modèle chaîné de bassins versants
02:16 au niveau hydrologique, donc une chose assez classique, je ne rentrerai pas dans le détail,
02:20 avec un enchaînement successif de bassins versants.
02:24 Pour aller directement au résultat, on a eu à la fois une approche sur l'évolution des débits moyens
02:33 ce qui a été présenté, et une approche sur les débits d'étiage.
02:37 Il n'y a pas de scoop malheureusement, donc on est exactement sur les mêmes problématiques,
02:44 la pluviométrie moyenne évoluera peu, par contre une forte augmentation de l'évapo-transpiration,
02:51 on estime que c'est plus de 10%, et quand on a entendu que l'évaporation constitue potentiellement
02:58 près de la moitié, voire les deux tiers du volume qui repart, on imagine que 10% de ces deux tiers
03:04 ça a des conséquences très importantes sur les débits d'étiage.
03:08 Par contre ce qui est intéressant, c'est qu'on s'est aperçu qu'on avait des bassins versants
03:12 qui réagissaient de manière fortement différenciée, avec notamment un impact beaucoup plus fort
03:19 sur la partie haute chaîne, avec des réserves plus faibles,
03:24 des débits d'étiage naturels déjà faibles à l'origine, donc qui sont encore plus aggravés,
03:30 et un impact plus modéré sur la partie basse de la loue, qui a un système beaucoup plus important,
03:37 avec des réserves plus importantes.
03:40 - Et alors en termes de débits d'étiage, plus précisément ?
03:45 - Si je ne dis pas de bêtises, ça c'était les débits moyens,
03:49 et donc sur les débits d'étiage effectivement, c'est peut-être un petit peu pas évident à voir,
03:55 mais globalement c'est ce que j'évoquais, sur la partie haute, les bassins versants amont du doux,
04:00 son affluent principal, Guildrujon, ou le doux sur le secteur du Val-de-Morteau,
04:05 donc on a des baisses de débits d'étiage qui vont de -10 à -40, voire -45%.
04:12 Par rapport à une période de référence, je ne l'ai pas précisé, notre période de référence c'est 76-2005,
04:17 on travaille sur des périodes de 30 ans, sur les évolutions climatiques.
04:21 A l'horizon 2010-2040, donc actuellement, par rapport à la période de 76-2005,
04:26 on a même des secteurs par exemple où on ne voit pas forcément d'évolution, très très notable,
04:31 par contre dès qu'on est sur la période 2040-2070, tous les sous-bassins versants sont à la baisse,
04:36 avec la partie amont haute qui est très fortement impactée,
04:40 et la partie aval un peu moins impactée, puisque sur la loue,
04:44 selon les modèles, je n'ai pas précisé, on a fait tourner différents modèles,
04:48 un élément important c'est que nous on est parti sur le scénario RCP 4.5,
04:52 donc qui est plutôt optimiste, parce que jusqu'en 2040-2050, les scénarios divergent peu,
04:57 et c'est après 2050 qui divergent assez fortement,
05:00 donc comme nous notre horizon c'est 2050, on a pris celui-là,
05:03 et donc on peut imaginer qu'après on sera sur des évolutions encore plus fortes.
05:07 Sur la loue, on baisse entre -6, -15, -20% au grand maximum sur les débits d'étiage,
05:12 ce qui est conséquent, mais plus faible que la montée.
05:16 - Et donc quelles adaptations sont envisagées pour les acteurs du territoire,
05:23 puisque c'est aussi l'objectif de cette étude,
05:26 quelles actions et qu'est-ce qui peut être mis en place pour s'adapter ?
05:30 - Alors là on est en train d'y travailler, puisqu'on a fait un travail de concertation
05:35 avec l'ensemble des acteurs, donc on a présenté récemment ces éléments-là,
05:39 et on leur a demandé de se projeter aussi, pour voir dans quelles mesures
05:43 ils pouvaient mettre en place des scénarios d'adaptation.
05:46 Nous notre problématique elle va être surtout ciblée sur l'eau potable,
05:49 puisque les usages principaux de l'eau sur notre territoire,
05:52 c'est l'alimentation en eau potable et l'alimentation du bétail,
05:55 qui vient des réseaux d'eau potable essentiellement.
05:58 Et donc là notamment ce qui est marquant, c'est qu'on a une forte évolution
06:03 attendue de la population dans le Houdou, en lien avec l'attrait frontalier de la Suisse,
06:08 dans une moindre mesure sur la partie basse,
06:10 et c'est sur le Houdou qu'on aura les plus fortes baisses de débit.
06:14 Donc on a un vrai souci à terme de pouvoir apporter la ressource nécessaire pour la population.
06:21 Donc on travaille actuellement sur des scénarios de partage de l'eau, d'interconnexion notamment.
06:27 Il y a des scénarios aussi qui sont évoqués de limitation de la population,
06:32 avec toutes les difficultés que ça représente.
06:35 Et puis après il y a tout un tas d'actions prévues sur les milieux aquatiques,
06:40 des actions sans regret de restauration des zones humides,
06:42 de restauration et renaturation des cours d'eau pour retrouver des capacités de stockage naturel.
06:46 Voilà globalement les grandes intentions, sachant qu'on en est qu'au début des réflexions.
06:53 Oui on a eu une question justement,
06:55 quid de l'apport des zones humides pour tamponner la variabilité des précipitations et des débits ?
07:01 Alors c'est une réalité par contre qui est très difficile à quantifier, pour être tout à fait objectif.
07:08 Et on a même eu des résultats qui étaient même contre intuitifs,
07:12 notamment on évoquait le bassin versant du Drujon,
07:14 qui est un bassin versant qui est très pourvu de zones humides,
07:17 sur lequel on a fait énormément de travaux de restauration de zones humides.
07:20 Malgré tout c'est un bassin versant qui va être un des plus impactés à l'avenir.
07:24 Donc les zones humides jouent un rôle notamment pour assurer un petit peu de soutien des tiages,
07:30 pour tamponner les crus.
07:32 Mais face à des changements majeurs comme on a aujourd'hui,
07:35 à un moment donné s'il ne pleut plus, ou on a beau avoir des zones humides, ça ne suffit pas.
07:40 Et par rapport au prélèvement, on a eu une question aussi,
07:43 par rapport au prélèvement d'eau potable et pour l'irrigation,
07:46 vous pouvez nous rappeler un peu les grandes masses,
07:50 l'irrigation représente quand même beaucoup plus ?
07:54 Alors nous il n'y a quasiment pas d'irrigation sur notre bassin versant.
07:58 C'est une problématique qu'on n'a pas.
08:01 L'ensemble des prélèvements c'est en grande majorité l'eau potable et l'avrevement du bétail.
08:07 On va dire les deux tiers des prélèvements c'est ça.
08:10 Un petit peu l'industrie, mais c'est essentiellement ceux-là.
08:14 Mais malgré tout, selon les bassins versants, ils peuvent être impactants.
08:19 Sur le Drujon, on estime que c'est à peu près 30% du débit de détiage.
08:24 Les prélèvements représentent 30% du débit de détiage.
08:27 Par contre sur les autres bassins versants, on est plutôt sur quelques pourcents.
08:30 1, 2, 3, 4%.
08:32 Donc on n'a pas un énorme levier par rapport au débit de détiage.
08:36 Le levier est assez faible en fait.
08:39 Et peut-être pour les autres intervenants,
08:43 sur l'évolution de ces prélèvements-là,
08:47 pour l'agriculture et pour l'eau potable,
08:50 ces dernières années, est-ce qu'on a des données ?
08:54 Est-ce que vous avez des éléments à apporter aux participants ?
08:59 C'est effectivement une question complexe.
09:07 Parce que, 1, sur l'eau potable,
09:12 c'est d'abord un problème démographique
09:16 ou de déplacement de population.
09:19 Les perspectives ne sont pas forcément simples à évoquer.
09:28 On peut juste constater, par exemple actuellement,
09:31 sur l'agglomération digenèse que je connais un tout petit peu,
09:34 il y a eu plusieurs fois des projets de lotissement,
09:41 notamment sur certaines communes du côté de Jean-Lys ou de Dijon,
09:46 dans l'Est digenais, qui ont été abandonnés
09:50 parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'eau
09:53 à mettre dans les conduites.
09:56 De la même façon que dans le Haut-Doubs,
10:00 ou en tout cas dans la zone de Pontarlier,
10:03 on est sur des territoires qui sont en tension
10:05 vis-à-vis de l'approvisionnement en eau potable,
10:07 typiquement par exemple sur le Dijon-Métropole,
10:11 on est aussi en tension.
10:13 Et ça c'est aussi parce que ce sont des régions ou des zones
10:19 qui sont en forte expansion d'un point de vue démographique.
10:23 Après sur l'aspect irrigation,
10:26 les chiffres ne sont pas toujours évidents à obtenir,
10:29 mais en Bourgogne-Franche-Comté,
10:32 il y a relativement peu d'irrigation,
10:34 donc on n'a pas forcément une très forte sensibilité à ça.
10:40 Il y a quand même des irrigants.
10:43 Très clairement, il faut commencer à se poser la question
10:47 de savoir si certaines filières pourront être maintenues
10:51 grâce à l'irrigation ou pas.
10:54 Là pour le coup, c'est la question qu'il faut se poser.
10:57 Tout ce qui est céréales et cultures notamment,
11:01 aujourd'hui elle est relativement peu irriguée,
11:04 dans l'avenir il va falloir sans doute l'irriguer
11:07 pour sécuriser ce type de culture.
11:10 La question c'est, est-ce qu'on garde ce type de filières-là
11:13 ou est-ce qu'on en développe d'autres
11:15 pour justement ne pas avoir à irriguer.
11:17 Un choix de culture qui n'aurait pas besoin d'irrigation.
11:21 Ou moins.
11:23 Une question, je ne sais pas si vous aurez la réponse,
11:27 mais elle a tout à fait sa place ici.
11:30 Est-ce qu'il ne faudrait pas faire des barrages partout
11:33 pour alimenter les nappes ?
11:37 Je vois que vous n'avez pas particulièrement la réponse.
11:40 Si, j'ai une réponse.
11:44 C'est comme toujours, il faut mettre un peu de réflexion dans tout ça.
11:54 Les barrages systématiquement ne sont pas la solution.
11:59 Ponctuellement ou localement ils peuvent apporter des solutions.
12:05 Il faut faire attention à une chose,
12:09 je fais souvent un petit calcul de coin de table,
12:14 si vous prenez la nappe de la Tille,
12:18 3 km de large, 30 km de long,
12:21 et que vous faites remonter le niveau d'eau dans la nappe de la Tille,
12:24 donc une nappe alluviale superficielle,
12:27 si vous faites remonter le niveau d'eau de 10 cm,
12:30 10 cm, c'est rien, la nappe sur les 50 dernières années
12:33 a probablement perdu entre 50 cm et 1 m.
12:37 Si vous faites remonter le niveau d'eau de 10 cm,
12:40 vous avez les 2/3 du lac de Pont-et-Massenne,
12:45 qui est un des plus grands de Côte d'Or.
12:49 Il faut relativiser tout ça,
12:53 et mettre un petit peu de réflexion dans tout ça.
12:58 Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire de barrages,
13:01 il ne faut plus en faire,
13:04 les barrages ont un certain nombre d'inconvénients
13:07 et d'impact sur l'environnement,
13:10 ce n'est pas forcément la solution en matière d'approvisionnement d'eau,
13:13 pas tout le temps,
13:16 et il y a aussi d'autres solutions qui sont possibles.
13:19 - Merci, vous vouliez compléter ?
13:22 - Non, j'allais dans le même sens,
13:25 les généralités ne marchent jamais, c'est du cas par cas.
13:28 L'enjeu pour nous de notre établissement,
13:31 c'est de faire en sorte que les nappes soient alimentées
13:34 le plus naturellement possible.
13:37 On a beaucoup travaillé sur les cours d'eau,
13:40 on les a rectifiées, incisées.
13:43 Je connais un peu la basse-loup,
13:46 il a un nabot de 1,5 m,
13:49 et avec lui la nappe s'est enfoncée de plusieurs mètres,
13:52 sur des milliers d'hectares.
13:55 On a des volumes d'eau fraîche, naturelle à retrouver,
13:58 avant de faire des barrages.
14:01 On travaille actuellement pour améliorer, restaurer,
14:04 voir remonter un peu le barrage du lac Saint-Point,
14:07 on n'est pas contre par principe,
14:10 mais dans l'idéal, il faut déjà travailler sur les milieux naturels,
14:13 [SILENCE]

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