Intervention de Gaëtan Seon – chargé de projets hydroélectriques chez ARTESOL sur l’évolution de la production hydroélectrique et la rentabilité des sites en phase développement et exploitation lors de la table-ronde « Conséquences du changement climatique en Bourgogne-Franche-Comté : pluviométrie, débits, biodiversité et production hydroélectrique » de la 10ème rencontre de l’hydroélectricité du 1er décembre 2023.
S'informer sur les conséquences, les impacts, les prévisions du changement climatique sur la variabilité des débits des cours, la vie des cours d'eau et sur la production hydroélectrique
S'informer sur les conséquences, les impacts, les prévisions du changement climatique sur la variabilité des débits des cours, la vie des cours d'eau et sur la production hydroélectrique
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00:00 Gaëtan Séon, vous êtes exploitant, dans les études que vous faites, quelles sont les données que vous utilisez ?
00:14 Pour compléter, on part toujours des débits de l'hydrologie, c'est vraiment le point de départ,
00:25 sur plusieurs années, sur plusieurs dizaines d'années, et surtout sur des pas de temps assez courts pour éviter les moyennes.
00:33 Les moyennes écrasent les extrêmes. Pour revenir sur l'été 2021, je pense que si on fait la moyenne sur le mois de juillet jusqu'à septembre,
00:40 la moyenne est juste parfaite pour le producteur, sauf qu'entre temps il a pris une crue et un étiage en trois mois.
00:47 Donc il faut faire un peu attention aux moyennes et vraiment partir sur le pas de temps certainement journalier pour prendre en compte toutes ces variations,
00:55 et surtout les extrêmes qui nous pénalisent. Pour compléter, parce qu'après il y a aussi la partie financière avec les banques,
01:04 les banques de plus en plus posent la question du changement climatique, et donc il faut vraiment le prendre en compte,
01:10 l'essayer de l'expliciter et de le rendre accessible à des moins techniciens, on va l'appeler comme ça.
01:20 Donc ça fait partie des choses à mettre dans les études pour qu'on puisse arriver à un financement, et on est tous pareils,
01:28 que les banques ne dégradent pas forcément les productibles et donc les conditions de financement.
01:32 Donc c'est tous ces aspects qu'il faut prendre en compte, tant d'un point de vue technique, mais aussi d'un point de vue acteur, partenaire,
01:39 tout autour, pour qu'on arrive à amener le projet jusqu'au bout.
01:43 Oui, donc c'est ça, arriver à objectiver et simplifier finalement ces données qui concernent le changement climatique vis-à-vis de vos partenaires bancaires.
01:56 Donc ces études prospectives, les rendre de manière accessible aux partenaires, tant sur l'expliquer qu'a priori on aura des variations de pluviométrie
02:05 qui seront relativement faibles à l'échelle de l'année, plutôt favorables pour les productions d'hiver,
02:11 et par contre les vapeaux de transpiration qui vont augmenter, donc avec des termes assez simples,
02:17 arriver à mener qu'au final pour une production d'hiver, notamment en banque de Franche-Comté,
02:22 c'est le changement climatique qui n'est peut-être pas le plus impactant pour nous, même si on ne va pas le nier, il aura des conséquences.
02:28 Oui, alors c'est ça, là on arrive à la différence entre l'hiver et l'hiver tarifaire.
02:33 C'est ça.
02:34 Il y a une grosse nuance. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ?
02:37 Alors, on a la chance en production hydro, d'avoir, on va partir sur les contrats d'obligation d'achat qui sont la référence,
02:44 mais bon, même sur le prix du marché, on a des écarts de prix entre l'été et l'hiver.
02:48 Sur les contrats d'obligation d'achat, on est quasiment à un fois deux entre l'été et l'hiver, pour simplifier.
02:53 Et ce qui ressort, c'est qu'avec le changement climatique, on va avoir des étiages de plus en plus sévères l'été,
03:03 et de plus en plus longs, mais a priori des pluviométries plutôt favorables l'hiver.
03:08 Donc ça veut dire que c'est plutôt dans le bon sens pour la production hydroélectrique,
03:12 puisqu'on restera de plus en plus une production d'hiver quand les conditions tarifaires sont les meilleures,
03:17 et quand le réseau le demande.
03:19 Donc, en quelque sorte, les étiages...
03:21 Juste un rappel, la période où le tarif est le plus haut, c'est octobre...
03:26 C'est du 1er novembre au 31 mars.
03:28 Au 31 mars.
03:30 Donc, les étiages estivaux, je pense que ceux qui sont producteurs, ça fait déjà quelques années qu'on est potentiellement arrêtés tous les étés,
03:39 ou du moins plusieurs jours par l'été, après ça va être la durée qui va varier.
03:44 C'est une chose qu'on connaît déjà.
03:47 Je pense que c'est pas le plus dur, le plus compliqué pour moi.
03:52 C'est plutôt les étiages autonomes pour avoir des pluies efficaces qui permettent de redémarrer au 1er novembre.
04:00 L'un des objectifs, c'est de tourner toute l'année, mais on ne va pas se mentir, on ne peut pas le faire toutes les années.
04:07 Si on arrive à redémarrer au 15 octobre ou au 1er novembre, je ne vais pas dire que la saison est bien partie, mais c'est déjà un bon début.
04:15 On a vu sur les dernières années, sur 2022, où la pluie efficace est revenue quand même beaucoup plus tard, au 15 novembre ou au courant décembre.
04:24 C'est là où on impacte les 5 mois de tarif hivernaux qui font notre chiffre d'affaires, où là c'est plus compliqué.
04:32 Cette année, on a eu de la pluie au 15 octobre, certes un peu trop, mais on ne va pas toujours se plaindre.
04:39 C'est vrai que ça donne de la visibilité sur les 5 prochains mois, donc c'est plutôt favorable.
04:45 En résumé, on est sur un changement climatique qui est a priori relativement fort d'une saison sur l'autre,
04:52 mais qui devrait pouvoir encourager la production d'hiver quand le réseau électrique en a besoin aussi.
04:58 Comment est-ce que vous vous adaptez à ces étiages qui sont a priori plus sévères d'année en année ?
05:09 Sur la partie étiages, on revient un peu sur l'exposé d'avant, où ça se traduit cas par cas.
05:16 Je pense que toutes les centrales sont différentes, tous les cours d'eau sont différents.
05:20 Aujourd'hui, il y a des sites qui peuvent se poser la question d'être refondés complètement,
05:27 entre la machinerie, les turbines qui sont un peu vieillissantes, où on peut avoir un gain de rendement,
05:33 et notamment sur des gains de technologie qui permettent de démarrer un peu plus tôt,
05:38 donc de pouvoir récupérer des plus faibles débits.
05:41 Les capelans double réglage sur les basses chutes, voire les autres technologies,
05:46 ils ont quand même travaillé sur la plage de fonctionnement, où on arrive à avoir des bons rendements sur toute la plage de fonctionnement.
05:51 Donc ça c'est un premier moyen.
05:53 Après sur les étiages, c'est presque le seul moyen, on ne pourra pas faire tomber la pluie,
05:58 sauf si quelqu'un sait faire la danse de la pluie, mais je crois que ce n'est pas encore le cas.
06:02 Après l'autre enjeu, c'est plutôt l'inverse, c'est les hautes eaux.
06:05 C'est pareil, on ne pourra pas lutter contre les inondations, par contre on peut adapter nos sites
06:09 pour les rendre plus facilement redémarrables après, pour éviter les pertes de production au redémarrage.
06:16 Parce que les crues, on est au fil de l'eau, la plupart des producteurs sont au fil de l'eau,
06:20 donc on laisse passer l'eau sur le barrage, on ne peut pas faire grand chose de plus.
06:23 Par contre les crues amènent des embâcles, amènent des conséquences qu'il faut gérer derrière.
06:28 Si on est capable de redémarrer quelques jours après la décrue, voire à moitié de la courbe descendante,
06:35 on aura perdu quelques jours, deux ou trois jours de production, puisqu'on aurait effacé la chute.
06:40 Si on arrive à avoir une centrale qui est totalement colmatée, où on a une, deux ou trois semaines de remise en état,
06:46 là ça devient plus impactant.
06:48 Donc si les crues ont vocation à se multiplier, il faut peut-être s'adapter sur cet aspect,
06:54 de pouvoir adapter nos ouvrages et nos prises d'eau essentiellement,
06:58 pour qu'on puisse redémarrer de plus en plus vite après les événements extrêmes.
07:02 J'en profite pour rebondir sur ce que vous venez de dire, si les crues viennent à se multiplier,
07:08 j'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas forcément de certitude par rapport à ça.
07:11 Donc je me retourne juste un instant vers les prévisionnistes, enfin je ne sais pas comment on dit, les prospectivistes.
07:17 Mais ça semble être difficile de prévoir l'évolution des crues.
07:22 Alors les crues c'est compliqué, effectivement on n'a pas de tendance nette et forte.
07:27 Ceci dit, on a quand même des signaux récents qui sont intéressants.
07:32 Alors déjà pour se repasser dans le passé, les crues historiques dans la région Bourgogne-Franche-Comté,
07:37 c'était des crues janvier-février, janvier 1910, février 1990 pour les crues les plus récentes.
07:43 Donc c'était des crues les plus importantes et les plus conséquentes, les crues les plus fortes.
07:48 Donc on était sur des crues hivernales qui correspondaient à un redout,
07:52 des pluies qui fondent et qui font fondre un manteau neigeux.
07:55 Plus le manteau neigeux est important et conséquent, plus potentiellement l'inondation sera forte.
08:01 Changement climatique, demain il y aura moins de neige,
08:04 donc ces crues hivernales sont possiblement, il y a moins de risque d'avoir ces crues hivernales liées à la fonte de neige.
08:13 Alors on en a eu en 2018, deux en janvier, ce qui est rare pour un mois de janvier,
08:20 mais elles n'étaient pas énormes, mais en tout cas on a eu deux fois ces phénomènes.
08:24 C'est-à-dire que même s'il y a moins de neige, en fait il y a moins de neige longtemps,
08:29 mais par contre il peut y avoir de la neige qui va tomber fortement sur deux, trois semaines
08:34 et qui va fondre tout d'un coup avec un gros redout et des grosses pluies qui arrivent.
08:38 Donc on ne sait pas vraiment ce qu'il en sera demain, mais en tout cas sur ces crues hivernales, peut-être qu'il y en aura moins.
08:44 Premier point, deuxième point, et j'arrête après.
08:47 Réchauffement climatique, enfin réchauffement de la température de l'air,
08:50 fait que l'air devient plus chaud et donc peut stocker plus d'eau dans les nuages.
08:55 Sous les tropiques, on connaît, il y a des gros... enfin l'évaporation est forte, les nuages sont plus importants
09:00 et donc la quantité d'eau stockée dans le nuage est plus forte.
09:04 Et le moment où le nuage craque, il y a des cumules de pluie énormes qui descendent.
09:09 Juillet 2021, plein été, gouttes froides qui descendent du nord de l'Europe.
09:16 En Allemagne et en Belgique, ils ont eu des cours d'eau très conséquents, très larges,
09:22 des équivalents du Doubs et de la Saône, qui ont eu des inondations centenales en juillet.
09:28 Donc on a ces phénomènes océaniques conséquents, massifs, qui peuvent faire réagir des cours d'eau importants, y compris en plein été.
09:37 Et donc on a ces phénomènes de gros... enfin on n'est pas que sur des phénomènes orageux.
09:41 Les phénomènes orageux sont ponctuels, mais très locaux, donc ça ils ont tendance, ils auront tendance aussi à augmenter potentiellement dans le futur.
09:49 Mais on a aussi ces phénomènes massifs de gouttes froides et de précipitations importantes,
09:54 dans le nord Pas-de-Calais en ce moment, on l'aura parlé non plus,
09:57 des gros flux océaniques qui arrivent et des cumules de pluie massives sur des périodes très faibles.
10:03 Merci. Là on ne va pas avoir le temps de prendre des questions au micro,
10:08 donc je vous proposerais de les poser directement aux intervenants à la pause si vous en avez.
10:14 Par contre Gaëtan Séron, je souhaitais savoir, en fait la principale menace finalement,
10:21 c'est plutôt les étiages tellement sévères en été qu'ils se prolongeront en automne,
10:26 mais sinon vous n'êtes pas si pessimiste.
10:32 Il faut rester optimiste, sinon on ne fait plus rien.
10:37 Mais oui, aujourd'hui pour moi c'est plus cet aspect des étés indiens de septembre-octobre
10:46 qui arrivent des fois jusqu'à la fin d'année,
10:48 qui sont un peu plus compliqués à gérer en termes de production et de chiffre d'affaires.
10:52 Après les étiages ne font pas de dégâts, les crues peuvent en faire,
10:58 donc il faut gérer les deux extrêmes.
10:59 Les extrêmes, personne ne les aime, mais ils sont là, donc il faut vivre avec.
11:03 Mais voilà, donc c'est deux aspects, un va toucher plus la production,
11:07 l'autre peut toucher plus indirectement la disponibilité, donc la production en conséquence.
11:14 Mais voilà, c'est les deux axes où il faut s'adapter je pense pour pouvoir gérer tout ça
11:19 et pouvoir quand même sortir des projets.
11:22 Après la partie optimiste c'est que mine de rien on a une ressource qui devrait correspondre
11:27 à la période où on en a besoin sur le réseau et indirectement,
11:31 où l'État nous fait confiance avec des tarifs d'achat plus élevés en hiver.
11:35 Peut-être juste préciser que ce n'est pas exactement la même chose partout en France,
11:39 là on parle de la Bourgogne-Franche-Comté où globalement ça va être bien,
11:43 un peu plus au nord on peut avoir un peu plus d'eau et au sud par contre
11:46 on risque d'en avoir quand même beaucoup moins même pendant la période hivernale.
11:50 Je vous remercie tous pour vos interventions,
11:56 je crois qu'on peut applaudir nos intervenants qui ont été très pertinents.
12:00 Oui, vous pouvez y aller.