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Dans son édito du 08/02/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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00:00 CGO ne sont-ils pas en train de piétiner nos libertés et n'annoncent-ils pas une forme de dictature rompante pour nos sociétés ?
00:08 Et je rajoute, est-ce qu'on a la possibilité de s'en émouvoir ?
00:13 J'espère, j'espère. Alors le mot dictature, je suis parfaitement conscient, il peut frapper, il peut heurter nos oreilles,
00:20 mais tout de suite je me place sous la protection de trois références récentes qui ont utilisé ce terme pour parler des temps présents.
00:29 Michel Onfray, il y a quelques années, a publié un livre qui s'appelle "Théorie de la dictature".
00:33 Donc il cherche à voir comment le concept de dictature peut s'appliquer aux temps présents.
00:37 Antoine Bueno a publié tout récemment, autour de la question environnementale, faut-il une dictature verte ?
00:43 Autrement dit, c'est une question qui tourne en boucle dans le débat public.
00:47 Et, refinons, c'est la crise sanitaire, le slogan est tourné assez souvent pour qu'on entende même l'expression "dictature sanitaire", "dictature sanitaire".
00:54 Donc je dis, utilisons ce terme tout en sachant qu'on ne parle ni de Pinochet, ni de Ceaucescu, ni de Franco, ni de qui que ce soit,
01:00 on voit que le terme a-t-il une pertinence aujourd'hui ? La réponse est quand même un peu oui.
01:04 Alors qu'est-ce qu'on voit ? Quels sont les éléments dont on a évoqué, vous avez raison, d'abord le contrôle de la circulation à Paris.
01:10 Il faut simplement comprendre, Paris va être pendant quelques semaines, sinon quelques mois, un territoire quadrillé administrativement, quadrillé au nom de la sécurité.
01:19 On comprend, la raison, on nous dit c'est exceptionnel, l'égio c'est exceptionnel, le risque sécuritaire est plus élevé, il faut assurer la sécurité de tous,
01:26 d'abord des touristes, mais aussi à la rigueur de ceux qui y habitent, mais d'abord des touristes quand même.
01:30 Et pour cela, dans cette logique, on va quadriller au possible la ville, donc le fait qu'on va gâcher la vie, ça a été dit à quelques reprises, des Parisiens eux-mêmes,
01:38 de ceux qui habitent cette ville et qui devront en certains lieux se promener justement avec les codes d'autorisation, le fameux QR code dont on a souvent parlé,
01:45 pour entrer chez soi, pour aller au restaurant, pour circuler dans certains lieux, donc il faut simplement comprendre que dans sa propre ville, le Parisien,
01:51 dans certains quartiers, pendant l'égio, devra donner toujours le blanchiment administratif en disant, regardez, oui, oui, j'ai bien le droit de me présenter en ce lieu,
02:00 j'ai l'autorisation, et ça nous rappelle le passage, dont on parle souvent, de la société, de liberté à la société d'autorisation.
02:07 Pourquoi la question des colis, des livraisons, est plus importante qu'on ne le dit?
02:11 Parce que d'ailleurs, effectivement, dans un monde normal, on pourrait se passer des livraisons, des différentes compagnies de livraison que l'on connaît,
02:16 mais qu'est-ce qui se passe? C'est qu'on nous dit non seulement, restez chez vous, ne bougez pas trop, ne circulez pas, mais par ailleurs, ne vous faites rien livrer.
02:24 Ça commence à être un peu épuisant, gravement.
02:25 Ça commence à faire beaucoup, là.
02:26 Alors, ce sont tout un tas de petites vexations au quotidien.
02:29 On s'en parle, ce n'est pas l'URSS qui nous tombe dessus sur ce coup-là.
02:32 C'est le premier pas.
02:33 Mais à tout de même, c'est une multiplication des contraintes qui deviennent étouffantes pour le commun des mortels.
02:40 Le code QAR, je l'ai dit aussi, je pense que c'est l'élément le plus important à travers cela.
02:44 Et ajoutons le fait qu'une partie de l'identité de la ville va être aboutie à la fameuse question des délibéraires, des bouquinistes, en fait, plutôt, disons, de la scène.
02:52 Au nom de, pour transformer Paris en vitrine mondiale qui va cadrer avec l'exigence des JO mondialisées,
02:58 eh bien, ce qui fait l'identité de la ville, le propre de la ville, ça dégage, on n'en veut plus.
03:02 C'est comme si on profitait des JO pour mener une forme d'opération hygiénique pour délivrer Paris de ce qu'elle avait en propre.
03:09 On a parlé, l'expression était là, du confinement olympique, le gouvernement nous a dit « non, non, c'est pas un confinement olympique ».
03:14 Bon, d'accord, mais c'est... prenez l'ensemble des mesures que je vous ai présentées et utilisez le terme que vous souhaitez.
03:19 Je comprends pourquoi certains ont utilisé l'expression « confinement olympique », même si on nous dit que ce n'est pas le cas.
03:24 Ensuite, moi, ce que je redoute, là, l'inquiétude.
03:26 Imaginons que c'est vraiment exceptionnel, là, c'est exceptionnel, exceptionnel, pas d'inquiétude, les amis.
03:31 Sauf que, ce que je redoute, c'est que chaque fois qu'un événement important risque d'arriver dans nos sociétés,
03:37 eh bien, la justification au nom d'un exceptionnel, d'une suspension généralisée des libertés, d'un contrôle social maximal,
03:44 eh bien, ah, tel événement est exceptionnel, on suspend les libertés.
03:48 Tel autre événement est exceptionnel, on suspend les libertés.
03:51 Comme si les libertés devenaient non plus le fondement de nos sociétés,
03:55 mais une forme de privilège qu'on accorde à nos sociétés lorsque les choses sont assez calmes pour qu'elles puissent être libres.
04:02 De ce point de vue, évidemment, le moment de bascule que nous avons connu ces dernières années,
04:06 c'est évidemment la pandémie, je ne veux pas m'y attarder, mais qu'est-ce qu'on a vu à ce moment-là?
04:10 Évidemment, c'était le basculement, donc on est passé de "vous êtes libre de faire ce que vous voulez"
04:14 à "vous êtes libre de faire ce qu'on vous accorde le droit de faire".
04:17 Avec un moment où, ben, on célébrait, non seulement on banalisait, mais on célébrait la délation.
04:22 C'est-à-dire, vous serez vous-même le premier surveillant de votre voisin.
04:25 C'était étrange comme moment.
04:27 Et demain, demain, moi, ce que je redoute souvent, je l'ai souvent dit, mais je pense qu'il faut le revenir sur cette question,
04:31 le passeport climatique.
04:33 Le passeport climatique s'en vient.
04:34 Je note qu'en 2023, dans le courrier international, on disait, en Grande-Bretagne, une étude est parue tout récemment,
04:42 où on disait "un passeport carbone pour 2040, ça risque d'être inévitable".
04:47 C'est inévitable, notamment pour les voyageurs, mais pas seulement.
04:50 Je précise qu'en 2008, en Grande-Bretagne, cette idée avait d'abord déjà été soumise,
04:54 mais réaction vive de la population, on l'avait laissée de côté.
04:57 Donc l'idée d'un contrôle social maximal, où on suspend les libertés au nom du bien commun,
05:02 et on nous explique que par ailleurs, ce n'est pas un confinement ni une dictature, ne vous inquiétez pas,
05:06 c'est quand même une idée qui progresse.
05:08 Voyons les choses plus largement, Mathieu Bocoté.
05:10 Avons-nous une bonne idée de ce que pourrait vouloir dire ce contrôle social étendu dans le monde de demain ?
05:16 Ah oui, et ça peut être très, très, très tâtillon et pointilleux.
05:19 Je vous donne un exemple qui vient de chez moi, c'est il y a quelques jours, c'est une nouvelle toute fraîche.
05:23 Outremont, c'est un quartier à Montréal, où j'habite par ailleurs,
05:26 et là, il y a un nouveau règlement municipal qui a été présenté.
05:31 Si vous avez votre voiture, vous déposez votre épouse quelque part, ou votre mari, j'en sais rien,
05:35 si vous laissez tourner, donc rouler le moteur, pendant plus de 10 secondes, votre moteur,
05:41 imaginez dans ce cas-là, eh bien là, on peut vous coller une contravention,
05:44 parce que vous avez décidé de faire du mal à la planète à travers cela.
05:46 Auparavant, c'était 3 minutes, maintenant c'est 10 secondes.
05:49 Donc imaginez que les policiers de Montréal sont là, vont se promener, et vous dire « Oh oh oh mon gaillard,
05:54 14 secondes le moteur qui tourne, il faut payer la contravention mon gaillard ! »
05:58 Alors là, pourquoi je donne cet exemple-là, on pourrait s'en foutre théoriquement,
06:01 mais peut-être pas, parce que quand le législateur, quand le politique pense à ce type de détail
06:07 dans le contrôle de la vie des uns des autres, c'est qu'on voit jusqu'où ils peuvent aller
06:11 lorsqu'ils veulent notre bien, et ils ont décidé de l'avoir.
06:14 Je note, soit dit en passant, que dans les grandes villes dans le monde occidental aujourd'hui,
06:17 la gauche radicale a souvent pris le pouvoir.
06:20 On oublie à quel point les grandes métropoles occidentales sont le laboratoire de la gauche radicale,
06:23 ou à tout le moins une gauche radicalisée.
06:25 Et là, avec une espèce d'inversion des rôles, la ville est particulièrement sévère
06:30 envers les contribuables ordinaires qui paient leurs taxes, qui paient leurs impôts,
06:33 qui acceptent de se laisser détrousser à la manière d'une volaille consentante hyperfiscalisée.
06:38 Mais au même moment, il y a une tolérance généralisée envers toute une série de marges
06:42 qui font en sorte que nos villes sont de moins en moins habitables, de moins en moins sécuritaires,
06:45 de moins en moins belles, même, quelquefois, on voit des villes qui s'en laissent avec Paris.
06:50 Donc, ayons cela à l'esprit.
06:51 J'ajoute, pour donner des exemples des libertés qui régressent,
06:54 j'en ai souvent parlé, je vais rapidement, la restriction de la liberté d'expression
06:57 avec les lois contre la haine en Irlande, en Écosse, en France, interdiction de conférences,
07:02 dissolution d'associations que le pouvoir juge potentiellement factieuse,
07:07 mais ça va encore plus loin.
07:08 La revue Elements a publié, dans son nouveau numéro,
07:12 un dossier sur la fermeture arbitraire des comptes bancaires
07:15 des personnalités que l'on pourrait juger contestataires.
07:18 Alors, ça devient inquiétant.
07:20 Fermeture arbitraire des comptes bancaires,
07:22 parce qu'on croit que vous ne pensez pas exactement à la bonne chose.
07:25 Donc, ça, qu'est-ce que ça veut dire?
07:26 Ça veut dire aussi que c'est un contrôle, une forme de dictature,
07:28 entre guillemets, exercée par le privé.
07:30 Et je donne ce dernier exemple qui est pour moi fondamental.
07:32 2023, aux États-Unis, n'oublions jamais cette maison,
07:35 un type qui avait une maison connectée,
07:37 il a une maison connectée,
07:38 et il se fait accuser de racisme par le livreur de la compagnie qui fait la livraison,
07:42 parce qu'il avait mal entendu le message d'accueil.
07:44 Eh bien, sa maison connectée, par leur entreprise,
07:47 - Elle a été déconnectée?
07:48 - Elle a été bloquée, pas accès à sa propre maison pendant une semaine,
07:51 parce que l'entreprise privée,
07:53 prenant au sérieux l'accusation de racisme du livreur qui avait mal entendu ce qui avait été,
07:57 eh bien, au final, ce gars a été enfermé en lui-même.
08:01 Donc, ça aussi, ça commence à ressembler à quelque chose comme une dictature.
08:04 - Alors, une dernière question rapidement,
08:07 autrement dit, à vous entendre, Mathieu,
08:09 nous ne sommes plus une société de liberté dans un pays de liberté.
08:13 - Je pense que l'illusion de la post-guerre froide se décompose.
08:16 On a cru, avec la fin de la guerre froide, que la démocratie libérale était assurée à jamais.
08:20 C'était terminé, on n'avait plus à se préoccuper de nos libertés.
08:23 Et qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui?
08:24 Elles sont en régression partout, au nom de l'écologisme,
08:28 au nom du néo-féminisme, au nom du multiculturalisme,
08:31 au nom de la théorie du genre.
08:32 On a toute une série de raisons qui font en sorte qu'on piétine les libertés,
08:36 qu'elles régressent sans cesse,
08:37 et plus encore, le régime, comme j'aime l'appeler,
08:39 a tendance à diaboliser l'opposition, à la psychiatriser.
08:43 Vous savez, en URSS, s'opposer à la révolution,
08:46 être contre-révolutionnaire, c'était un trouble psychiatrique.
08:48 Mais aujourd'hui, quand vous êtes en désaccord avec le régime,
08:51 vous êtes intolérant, vous êtes fermé sur l'autre,
08:52 vous êtes raciste, vous êtes sexiste, vous êtes transphobe.
08:55 Donc, la même logique de disqualification de l'opposition est là.
08:58 Donc, on critique, et là, je termine là-dessus,
09:00 on critique avec raison, et c'est la thèse de Nicolas Baverès,
09:03 les empires autoritaires aujourd'hui.
09:04 Il dit qu'il faut s'inquiéter des empires autoritaires qui naissent partout dans le monde.
09:07 Il a raison, mais il y a une autre partie de sa thèse qui me semble moins vraie,
09:11 c'est que nos propres démocraties n'en sont plus.
09:13 L'empire autoritaire, nous l'avons chez nous aussi aujourd'hui.
09:16 L'empire autoritaire qui comprime nos libertés, qui les piétine,
09:19 et qui, en même temps, détruit nos identités, c'est chez nous.
09:22 Nous le produisons nous-mêmes.
09:23 Donc, soyons très sévères envers les empires autoritaires de l'extérieur,
09:26 mais n'oublions pas que, lorsqu'on regarde nos propres sociétés,
09:28 les libertés sont dans le plus mauvais état qu'elles le sont,
09:31 je pense, depuis plusieurs décennies.
09:33 [Musique]
09:37 Merci à tous !

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