Ce samedi, focus sur la désmicardisation tant vantée par Gabriel Attal. À quoi se résume-t-elle ? Reportage et entretien avec la numéro 1 de la CFDT, Marylise Léon. Au menu également, débats et pas de côté éclectiques avec un géant du pétrole, le père du bitcoin et un vol de portefeuille... Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/on-n-arrete-pas-l-eco/on-n-arrete-pas-l-eco-du-samedi-10-fevrier-2024-8603570
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00:00 La secrétaire générale de la CFDT et l'invité d'On n'arrête pas l'écho.
00:03 Bonjour Marie-Lise Léon !
00:04 Bonjour !
00:05 Comment des smicards disaient ?
00:07 Alors nous venons d'entendre ensemble Marc Ferracci, cet économiste qu'on dit proche
00:11 d'Emmanuel Macron, député Renaissance.
00:14 Il explique qu'il faudrait en finir avec l'indexation automatique du SMIC sur l'inflation
00:18 pour indexer autrement.
00:20 Par exemple on pourrait donner la main, c'est ce qu'il dit, aux branches et ça serait
00:23 bon par exemple pour vous les partenaires sociaux.
00:25 Qu'en pensez-vous ? Est-ce que c'est une bonne piste ou carrément une ligne rouge
00:29 pour la CFDT ?
00:30 Non je pense que là on n'est pas… notre point de vue c'est effectivement faire
00:35 confiance à la négociation collective mais je pense que le problème va largement au-delà
00:39 des modalités de définition d'évolution du SMIC.
00:43 Aujourd'hui on a un sujet, ça a été très bien dit dans le reportage précédemment
00:46 quand on écoute Muriel ou Cynthia, le sujet du jour c'est la reconsidération du travail.
00:53 Quelle place on donne aux compétences développées, aux évolutions de métier et donc plutôt
00:59 que de définir les modalités de définition du SMIC et du salaire minimum, c'est comment
01:07 on fait en sorte que quand on est au travail, on a des vraies perspectives d'évolution
01:12 et qu'on ne reste pas scotché au SMIC ou près du SMIC et qu'on puisse avoir une
01:17 véritable reconnaissance des compétences.
01:18 Je pense qu'on se trompe de débat si on est uniquement sur ces questions économiques.
01:23 On est dans une émission économique mais moi j'ai envie de vous parler du travail.
01:27 Mais quand même vous les entendez, vous les entendez.
01:30 Il y a Gilbert Cet, il y a Marc Ferracci, vous entendez ces économistes qui disent
01:34 il faut toucher à l'indexation automatique.
01:36 Ils n'ont pas compris ce qui était en train de se jouer aujourd'hui dans le rapport
01:39 au travail, dans les suites du Covid, l'ensemble de ce qui a pu être dit aussi au moment
01:47 des retraites, on fait comme si il ne s'était pas passé un mouvement historique en début
01:52 2023, 14 journées de mobilisation où les gens qui étaient dans la rue, qui nous soutenaient,
01:59 nous disaient "on veut pouvoir parler de notre travail, on veut bien faire notre travail,
02:03 on veut avoir des bonnes conditions de travail".
02:05 C'est ça le sujet.
02:06 Oui mais ils ne veulent pas donc, ces gens aussi disaient "on en a assez d'être
02:12 juste au-dessus du SMIC, on en a assez de stagner".
02:14 Donc vous Marie-Lys Léon, si vous n'êtes pas d'accord avec ces économistes qui infusent
02:18 des idées dans le débat politique, c'est quoi la solution de la CFDT ? Parce que Gabriel
02:22 Attali l'a dit "j'aimerais une solution pour la prochaine loi de finances".
02:25 Mais comment on fait pour dé-smicardiser si vous êtes d'accord avec l'objectif ?
02:29 Désmicardiser, c'est reconnaître les compétences.
02:32 C'est payer plus ? C'est ça que vous êtes en train de dire ?
02:36 C'est reconnaître le travail.
02:37 C'est extrêmement bien dit par les salariés de Kiabi qui témoignaient tout à l'heure.
02:41 C'est qu'elles disent "ça fait 14 ans que je suis dans cette entreprise, j'ai
02:45 des responsabilités, mon travail évolue".
02:47 Kiabi est par exemple un magasin, une chaîne qui a mis en place la seconde main.
02:53 Quand on est vendeur de textile, ça veut dire qu'il faut des nouvelles compétences.
02:57 Ça veut dire qu'il faut être capable de prendre des vêtements d'occasion, les
03:02 estimer et définir un nouveau prix.
03:05 Ça c'est une nouvelle compétence qui doit être reconnue.
03:07 Mais vous avez entendu aussi le chef d'entreprise qui est apparemment bienveillant et qui dit
03:11 "moi j'essaye de faire progresser tous mes salaires".
03:13 Mais il y a un sujet de cotisation.
03:15 Est-ce que par exemple il faut envisager d'alléger des cotisations patronales pour
03:20 pouvoir faire remonter les salaires ?
03:22 C'est ça le sujet ?
03:23 Les cotisations qui sont aujourd'hui autour du SMIC, il n'y en a quasiment plus.
03:29 On est dans des politiques d'exonération de cotisations.
03:33 Et là on touche à un autre sujet qui est la question des aides aux entreprises, soit
03:37 des aides directes soit des exonérations de cotisations.
03:39 Et de la question de l'évaluation.
03:42 Qu'est-ce que ces politiques publiques ont produit en termes d'efficacité des exonérations
03:48 de cotisations qui étaient faites pour l'emploi ?
03:50 Qu'est-ce que ça a donné ?
03:51 Aujourd'hui le constat que l'on fait, c'est qu'on a plutôt créé des trappes
03:54 à bas salaire plutôt que de permettre d'avoir des véritables évolutions.
03:59 Moi je suis tout à fait d'accord avec l'idée qu'il faut tout remettre à plat.
04:03 Il y a d'ailleurs une mission de deux économistes qui travaillent sur ces questions.
04:07 Et je pense que la priorité des priorités, aujourd'hui début 2024, c'est le travail.
04:12 Comment on fait en sorte de reconsidérer le travail ?
04:16 Et comment on parle du travail concret que les salariés et les agents des fonctions
04:21 publiques font au quotidien ?
04:24 Alors autre sujet au sujet du travail, c'est l'autre objectif de ce gouvernement.
04:29 C'est le plein emploi en 2027.
04:31 Vous avec l'ensemble des partenaires sociaux, vous êtes en pleine négociation sur l'emploi
04:36 des seniors.
04:37 On sait que le taux d'emploi des seniors est plus faible chez nous que chez nos voisins.
04:40 Cette semaine, et je reviens aux cotisations, les patrons de la CPME vous ont dit qu'on
04:44 voudrait une réduction des cotisations si on embauche un senior au chômage.
04:48 C'est le retour du CDI senior.
04:49 Est-ce que ça c'est une piste ?
04:50 Comme vous dites, c'est le retour du CDI senior.
04:53 C'est-à-dire que c'est quelque chose qui a déjà été proposé, qui n'a pas
04:58 été adopté.
04:59 Et on est encore dans les vieilles recettes.
05:02 On est en 2024, le rapport au travail évolue énormément, la centralité du travail a
05:08 évolué et on est encore sur ces vieilles recettes de coûts du travail plutôt que
05:12 d'être sur la question de la richesse, des compétences que peuvent développer les
05:17 salariés.
05:18 Donc, de notre point de vue, la question ne se pose pas en ces termes.
05:22 La question se pose, comment on fait en sorte que pour les seniors, on les garde dans les
05:28 entreprises jusqu'à l'âge auquel ils peuvent aspirer à partir en retraite.
05:33 Et quand ils ne sont pas en emploi, comment on leur permet plus facilement de revenir
05:40 dans le marché du travail ?
05:41 Une personne senior au chômage passe deux fois plus de temps au chômage pour retourner
05:48 à l'emploi.
05:49 Donc, on est un vrai sujet, c'est un vrai sujet.
05:51 Et là, plutôt que de demander des exonérations de cotisation, les employeurs doivent se dire
05:57 comment je fais pour garder ces seniors.
05:59 Et comment je fais en sorte que les personnes puissent, jusqu'à leur retraite, rester
06:05 en emploi.
06:06 Un senior n'a quasiment plus, à partir d'un certain âge, ses salariés n'ont
06:12 quasiment plus accès à la formation professionnelle.
06:14 Après, c'est facile de dire qu'ils ne sont plus adaptés au marché de l'emploi.
06:18 Donc, il y a un effort à faire en termes de formation, un effort à faire en termes
06:22 d'aménagement des conditions de travail.
06:25 Puisque une des raisons pour lesquelles non plus les seniors ne sont plus en emploi, c'est
06:29 qu'ils sont cassés par le travail, en invalidité, en incapacité.
06:33 Et donc, c'est faire de la prévention et puis faire en sorte que les entreprises,
06:38 elles jouent le jeu, qu'elles gardent ces personnes, qu'elles leur permettent d'aller
06:41 jusqu'à la retraite.
06:42 En tout cas, Marie-Lise Léon, en ce moment, il y a beaucoup de réflexions sur les seniors
06:44 au chômage.
06:45 Ceux qui sont à l'allocation de solidarité spécifique, la SS, vont basculer, devraient
06:50 basculer au RSA.
06:51 Bruno Le Maire lui dit qu'il faut réduire, il faut penser à réduire la durée d'indemnisation
06:56 des seniors au chômage.
06:57 Votre homologue de la CGT, Sophie Binet, elle dénonce une guerre aux seniors.
07:01 Est-ce que c'est ce que fait l'exécutif ?
07:02 Je ne qualifierais pas comme ça.
07:05 Je pense que l'exécutif n'a qu'une chose derrière la question du plein emploi.
07:10 C'est d'abord un enjeu budgétaire.
07:13 Et donc ils vont chercher de l'argent partout où il y en a, en se disant que les personnes
07:20 au chômage, les personnes qui sont à la SS, les personnes qui sont RSA, quelque part,
07:27 elles sont responsables de leur situation.
07:30 Et donc, si elles veulent retourner à l'emploi, elles le peuvent.
07:34 Et donc, je pense, c'est une vision totalement opposée à la nôtre.
07:39 Là, la conjonction qui se dégrade, en effet, l'équation budgétaire.
07:42 On a un problème budgétaire.
07:43 Oui, on a un problème budgétaire.
07:45 Mais dans ce cas-là, quand Gabriel Attal a dit "je n'ai pas de tabou, tous les sujets
07:51 doivent être sur la table", je lui dis "chiche, regardons, faisons une réforme fiscale".
07:57 Pourquoi ? On est toujours à taper sur les plus précaires, les plus en difficulté.
08:03 Il y a un moment, il va falloir pouvoir se dire, au-delà de diminuer les dépenses,
08:08 quelles sont les nouvelles recettes possibles ?
08:10 Donc, augmenter les impôts, c'est ce que demande la CFDT ?
08:12 Ça peut être comment on remet à plat la question de l'impôt.
08:15 On est sur une question profondément démocratique.
08:19 Aujourd'hui, l'enjeu du consentement à l'impôt est de dire que chacun peut contribuer
08:26 à l'effort pour des raisons de solidarité nationale et de financement des services publics.
08:33 Je pense que c'est extrêmement important que tous les contributeurs aient le sentiment
08:40 que chacun y contribue à sa juste valeur.
08:44 Globalement, ce n'est pas tout à fait le sentiment que les Français ont.
08:48 Marie-Lise Léon, vous avez dit que vous étiez en désaccord avec la philosophie "inciter
08:52 pour retourner au travail" depuis 2017.
08:55 Et malgré le combat unitaire avec d'autres organisations syndicales, vous n'avez pas
08:59 réussi à empêcher la réforme de l'assurance-chômage, pas réussi à empêcher la réforme des retraites.
09:03 Qu'est-ce qui vous fait penser que vous arriverez à peser sur le reste du quinquennat ?
09:06 Parce que je suis syndicaliste et que ça fait partie de mon moteur.
09:11 Après, la question n'est pas d'être opposé à tout.
09:13 C'est d'abord d'être force de proposition.
09:15 Donc quand je vous dis aujourd'hui d'esmicardiser le travail et de permettre à des gens d'avoir
09:22 des évolutions, aux salariés, aux agents des fonctions publiques, je ne viens pas juste
09:28 critiquer ce qui est proposé.
09:29 Moi je dis que le sujet c'est la question du travail, reconsidérer le travail, négocier
09:35 les classifications, il a été question du tassement des grilles.
09:38 Et donc comment on fait en sorte que les branches professionnelles jouent le jeu de la négociation.
09:43 Et nous on a des propositions concrètes.
09:45 Pour celles qui ne jouent pas le jeu de la négociation, plus d'exonération de cotisent.
09:50 Deux questions d'actualité parce que le temps avance.
09:52 Une question d'actualité sur la SNCF.
09:54 Une grève est annoncée pour le week-end prochain.
09:57 Le patron de la SNCF a fait des propositions pour éviter la grève pendant les vacances
10:02 scolaires.
10:03 La CFDT-Cheminot, est-ce qu'elle va lever le préavis ?
10:06 C'est en cours de discussion, donc je ne vais pas vous répondre là tout de suite.
10:09 On avait nous eu des exigences en 2022 pour le respect d'un accord et des embauches.
10:15 Des évolutions de carrière, comme quoi ce n'est pas un sujet nouveau.
10:18 Donc il y a eu des discussions jusqu'à hier.
10:22 Ça se décide quand ?
10:23 Ça se décide d'ici le début de la semaine prochaine.
10:27 D'ici le début de la semaine prochaine ?
10:29 Avant le week-end prochain.
10:30 Oui c'est ça, le début des vacances pour la zone C c'est aujourd'hui.
10:33 Le week-end prochain c'est en effet le chassé-croisé.
10:38 La dernière question, cette semaine, il y a quelques jours, vous regrettiez de ne pas
10:41 avoir d'interlocuteur au logement.
10:43 Guillaume Casbarian, l'homme de la loi anti-squat a été nommé.
10:49 Vous en pensez quoi ?
10:50 Je ne commente pas les castings.
10:52 Je ferai juste le commentaire que la loi anti-squat n'a pas été une réussite de
10:57 notre point de vue, elle était plutôt dangereuse.
11:00 Donc le message est clair, c'est qu'avec des associations, dans le cadre du pacte du
11:06 pouvoir de vie dans lequel la CFDT est très active, on est opposé à la réforme de la
11:11 loi SRU et ce sera le premier message qui lui sera adressé.
11:15 Marie-Lise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, merci d'avoir accepté l'invitation
11:20 d'en arrêter l'écho.