• il y a 9 mois

Category

🗞
News
Transcription
00:00 - Marguerite Caton, bonjour ! - Bonjour Guillaume et bonjour à tous !
00:03 - Alors, 3 lettres, DPE, autrement dit le Diagnostic de Performance Énergétique.
00:09 - 3 lettres et tout un programme, celui de la décarbonation du secteur du logement,
00:14 le troisième secteur le plus polluant avec 18% des émissions nationales de dioxyde de carbone.
00:19 Un secteur dont la transition est donc urgente et stratégique,
00:23 pour laquelle on avait construit un outil, le DPE, le Diagnostic de Performance Énergétique,
00:27 le Nutri-Score du logement. Mais voilà, l'outil est critiqué et hier,
00:31 Christophe Bessieux a annoncé qu'on allait le modifier.
00:34 Quelles sont les clés de la rénovation énergétique et le DPE est-il un outil utile ?
00:39 Voilà les questions auxquelles vous allez répondre.
00:41 - Lucas Vivier, bonjour ! - Bonjour !
00:43 - Merci d'être avec nous ce matin, vous êtes ingénieur, doctorant en économie à l'école des Pons et aux CIRED,
00:48 le Centre International de Recherche sur l'Environnement et le Développement,
00:52 où vous étudiez le financement de la rénovation énergétique des logements.
00:55 Alors le DPE n'est pas un outil récent, il a été lancé dès 2006, que mesure-t-il précisément ?
01:02 - Absolument, il a été mis en place suite à une directive européenne,
01:05 il mesure la consommation d'énergie d'un ménage standard,
01:08 et son rôle à l'origine était d'indiquer à l'acheteur d'un bien la performance énergétique du bien qu'il pouvait acheter.
01:16 Et c'était pour lutter contre le fait qu'un propriétaire qui faisait des travaux chez lui
01:22 ne pouvait pas forcément bien valoriser lors de sa vente de son bien ses travaux de rénovation,
01:27 et ça avait tendance à être une barrière à la rénovation énergétique.
01:31 - Et en 2021, on en fait une réforme ?
01:33 - Absolument, et même on en a fait des réformes tout au long depuis sa création en 2006,
01:38 et ces réformes ont fait un instrument central.
01:41 Aujourd'hui, la plupart des aides sont alignées sur ce DPE,
01:45 et la plus importante, l'interdiction de location pour les passoires thermiques,
01:50 finalement se base sur ce critère d'indécence.
01:52 Donc à la base, un instrument qui était seulement là pour de l'information sur les mâchés immobiliers
01:57 est devenu un pilier de la politique française de rénovation énergétique.
02:03 Un autre point aussi, c'est que c'est aussi un outil d'observation
02:05 qui va permettre aux chercheurs et aux centres d'observation
02:09 d'évaluer l'évolution de la performance du stock de logement.
02:13 - Qu'est-ce qui est critiqué dans ce DPE, dans le calcul de ce diagnostic de performance énergétique ?
02:19 - Les critiques s'articulent sur deux volets.
02:21 Le premier, ça va être la fiabilité.
02:23 D'une part, on se rend compte qu'il est censé représenter la consommation d'énergie des ménages,
02:28 mais lorsqu'on regarde les données de compteur,
02:31 on voit une forte différence entre ce qu'il annonce et ce qui est réellement mesuré.
02:36 - Comment vous l'expliquez ?
02:38 - On l'explique parce que les modèles de calcul ne prennent pas bien en compte le comportement des ménages.
02:42 Combien de vacances ils vont prendre ?
02:44 Est-ce qu'ils se chauffent pendant les mêmes plages horaires ?
02:48 Mais aussi, par exemple, l'effet des prix de l'énergie.
02:51 On s'est bien rendu compte avec l'augmentation des prix
02:53 que les ménages ont eu tendance à réduire leur consommation.
02:56 Et ça, c'est des choses que d'un modèle de calcul purement thermique et d'ingénieur
03:00 n'arrive pas très bien à représenter.
03:02 - Peu fiable, et tout particulièrement pour les petites surfaces, je crois, Lucas Vivier.
03:06 - Tout à fait, c'est la mesure qui est mise en place.
03:09 C'est que, par exemple, prenons l'eau chaude.
03:11 L'eau chaude a une part très importante dans le logement de petites surfaces
03:15 par rapport à une logement de grandes surfaces.
03:16 Donc, il y avait tendance à pénaliser ces petits logements.
03:19 Pour autant, on ne peut pas dire qu'ils sont moins bien performants, moins bien isolés.
03:23 Donc, en effet, c'était un biais.
03:25 On voyait qu'il y avait une surreprésentation des passoires thermiques
03:27 dans ces logements de petites surfaces.
03:29 Aussi, je me permets, une autre critique forte du DPE était
03:35 qu'il y avait une très grande variabilité entre plusieurs diagnostiqueurs.
03:38 Il y avait donc des tests de consommateurs qui étaient réalisés.
03:40 Ils disaient mais en fait, cette étiquette, elle ne représente rien
03:43 puisqu'il suffit pour moi de changer de diagnostiqueur pour avoir une meilleure lettre.
03:46 - Comment ça ? On n'explique pas de formation commune, pas de protocole commun ?
03:50 - Il y avait un logiciel avec une flexibilité assez forte
03:54 qui permettait d'avoir, selon les appréciations des diagnostiqueurs, des étiquettes différentes.
03:59 Et à cela à se rajouter qu'on pourrait imaginer certains conflits d'intérêts.
04:05 D'ailleurs, on revoit sur les données statistiques certaines manipulations
04:09 qui font que ce sont les propriétaires qui payent pour le diagnostiqueur
04:13 et donc ils vont avoir tendance à peut-être améliorer leur note.
04:16 - Et c'est ainsi que Christophe Béchut a annoncé qu'un nouveau mode de calcul
04:19 allait être entré en vigueur dans la semaine avec, pour conséquence, dit-il, prévoit-il,
04:24 la sortie de 140 000 petites surfaces des catégories F et G des passoires énergétiques.
04:29 Autant d'appartements qui pourront continuer d'être mis en location après 2025
04:34 contrairement à ce qui était prévu.
04:35 Lucas Vivier, est-ce que le DPE et plus globalement cette politique d'étiquetage
04:41 vous semble encore un bon outil, un levier efficace pour la rénovation ?
04:45 - Alors, je pense que c'est un outil efficace, après ça ne doit pas être le seul.
04:48 Il y a d'autres barrières qui justifient qu'on crée des bouquets de politiques publiques
04:52 pour venir accélérer la rénovation énergétique.
04:55 Peut-être qu'un point aussi qu'on aurait pu amplifier dans l'introduction,
04:59 c'est que la rénovation c'est avant tout pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
05:04 Mais c'est aussi pour réduire la précarité énergétique en France.
05:07 Donc il y a 10% des ménages aujourd'hui qui ne peuvent pas se chauffer à une température décente
05:11 et qui du coup ont des problèmes de santé.
05:13 Une étude de France Stratégie a quantifié ça, c'est 500 millions d'euros par an pour la sécurité sociale.
05:18 Et en tout, si on compare aussi avec le bien-être
05:21 et le fait que les gens ne peuvent pas travailler à cause de ces maladies,
05:25 c'est jusqu'à 7 milliards d'euros par an.
05:28 Investir dans la rénovation énergétique permettrait de réduire considérablement ces coûts de santé.
05:33 - Vous me prêchez une convaincue, la rénovation énergétique des gens c'est important,
05:36 mais si les DPE ne marchent pas si bien que ça, qu'est-ce qu'on a d'autre comme outil ?
05:39 Le ministre a annoncé que MaPrimeRénov', qui est l'aide pour faire des travaux de rénovation énergétique,
05:45 allait être réformée.
05:47 On n'a pas beaucoup plus de précisions.
05:48 Est-ce qu'on sait, Lucas Vivier, à quoi s'attendre pour MaPrimeRénov' ?
05:51 Ou alors, de votre point de vue, qu'est-ce qu'il faudrait transformer ?
05:55 - Oui, alors, juste un petit élément de contexte.
05:58 Les aides de la rénovation énergétique en France, c'est 7 milliards d'euros par an aussi.
06:01 Donc c'est énorme et vous avez raison, l'efficacité de ces aides est cruciale.
06:06 En fait, on a peu de données statistiques qui nous permettent d'évaluer rigoureusement,
06:10 de manière économétrique, l'efficacité des aides.
06:13 Et en fait, c'est quand même assez crucial de savoir si nos aides fonctionnent ou pas.
06:18 Donc, la seule chose que je peux vous dire, c'est que l'ancêtre de MaPrimeRénov',
06:23 lorsqu'on l'a évaluée de manière rigoureuse, on s'est rendu compte que 80% des subventions
06:27 allaient à des ménages qui auraient rénové de toutes les manières.
06:30 Donc en fait, les subventions étaient à ce moment-là, pas un élément déclencheur.
06:34 Pour autant, MaPrimeRénov', la première réforme en 2021, a accentué sur les ménages
06:39 les plus modestes et donc, en effet, pour réduire ses coûts de santé.
06:43 Et donc, c'était une bonne chose.
06:44 Aujourd'hui, la réforme de 2024, donc avant les annonces de Béchut,
06:51 avait pour objectif d'aller vers de la performance globale,
06:55 c'est-à-dire arrêter ce monogeste.
06:57 On parle souvent de 700 000 rénovations par an, mais en fait, c'est 700 000 gestes de rénovation par an.
07:02 Et de venir accentuer des rénovations profondes qui allaient réellement avoir
07:06 des gains de santé pour les ménages et aussi des réductions de gaz à effet de serre et de consommation.
07:11 - Et comment c'était censé être fait par cette réforme de 2024, même si pour l'instant,
07:15 on est encore dans l'expectative ?
07:16 - Alors cette réforme, donc il y a une première réforme qui est passée,
07:20 dans laquelle on a l'évolution des barèmes de MaPrimeRénov'.
07:23 Et c'est au lieu de... Vous voulez rénover, vous êtes dans une passoire thermique,
07:26 vous n'avez plus le droit, en général, à une aide pour l'isolation de vos murs.
07:32 Vous devez entreprendre une rénovation complète de vos logements pour avoir ces aides.
07:36 - D'accord, donc je prends des aides plus ciblées vers les ménages précaires
07:39 et en même temps des aides qui poussent à des travaux globaux,
07:41 parce qu'en fait, sinon on laisse des ponts thermiques et c'est pas très efficace.
07:44 - Exactement.
07:45 - Merci beaucoup, Lucas Vivier. Je rappelle que vous êtes ingénieur et doctorant en économie. Merci.

Recommandations