Pascal Boniface : "Le Hamas a remporté une victoire politique"

  • il y a 7 mois
Avec Pascal Boniface, géopolitologue et directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS)

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##L_INVITE_POLITIQUE-2024-02-16##

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Transcript
00:00 (Générique)
00:07 - Bonjour, bonjour à toutes et à tous, les Français veulent savoir.
00:10 Ce matin, parlons vrai avec Pascal Boniface qui est géopolitologue,
00:16 directeur de l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques,
00:19 mais aussi grand amateur de sport et de football.
00:22 Nous parlerons tout à l'heure de Mbappé, évidemment.
00:27 Pascal Boniface, dernier livre, "Cinq Antidès Reçus sur l'état du monde"
00:31 chez Armand Colin, l'état du monde.
00:33 Nous allons en parler, Pascal Boniface, bonjour.
00:36 - Bonjour. - Nous allons beaucoup en parler.
00:38 Volodymyr Zelensky sera à Paris aujourd'hui.
00:42 Il rencontrera Emmanuel Macron.
00:44 Les deux hommes vont signer un accord bilatéral de sécurité
00:47 entre l'Ukraine et la France,
00:49 autre accord signé par l'Ukraine avec l'Allemagne,
00:52 la Grande-Bretagne a déjà un tel accord,
00:55 engagement de l'accord, équipement militaire moderne,
00:58 formation de soldats ukrainiens,
00:59 renforcement de l'industrie de défense ukrainienne,
01:03 réplique de Moscou, de tels accords portent atteinte à la sécurité de la Russie.
01:07 Est-ce qu'un tel accord signifie que la Russie est aujourd'hui clairement notre ennemi ?
01:11 - Elle est l'ennemi de l'Ukraine qui est notre amie.
01:13 Indirectement, l'intérêt de la Russie, c'est que l'Europe soit affaiblie.
01:19 Et nous, notre intérêt, c'est qu'elle ne gagne pas la guerre contre l'Ukraine.
01:23 Donc il y a un renforcement de la coopération.
01:25 Les relations entre Zelensky et Macron n'étaient pas très bonnes au début de la guerre.
01:28 Zelensky accusait le président Macron d'être trop à la coute des demandes de la Russie,
01:35 de trop rechercher un accord avec la Russie.
01:37 Les choses ont changé, de plus en plus les positions françaises se sont rapprochées.
01:41 Et puis surtout, tous ces accords entre les pays européens et l'Ukraine
01:45 arrivent au moment où le doute sur la fiabilité de la guerre anti-américaine
01:49 sont de plus en plus lourdes.
01:51 Les dernières déclarations de Trump pèsent.
01:53 Et je vais y revenir, Pascal Boniface, mais
01:56 nous allons entrer dans la troisième année de guerre,
01:59 le 24 février, entre la Russie et l'Ukraine.
02:04 Je rappelle qu'il y a deux ans, la Russie a envahi l'Ukraine.
02:09 Troisième année de guerre.
02:11 Rien n'a l'horizon.
02:13 Je veux dire, rien, aucun signe d'un arrêt des combats.
02:21 Non.
02:21 Rien ?
02:22 Non, plutôt la poursuite d'une guerre sur la longue durée,
02:25 dans la mesure où aucun des deux camps n'est capable de faire la différence.
02:29 Il y a un grignotage russe dans le Donbass,
02:32 et de temps en temps les Ukrainiens reprennent au-dessus.
02:34 Ils disent manquer à la fois de munitions, mais surtout d'hommes.
02:37 La vérité, c'est qu'il y a quatre fois plus de Russes que d'Ukrainiens.
02:40 Donc, le nombre joue en faveur de la Russie.
02:42 Et il faudrait pour changer ce rapport de force,
02:45 que les pays de l'OTAN rentrent directement en guerre contre la Russie,
02:49 certains le demandent, sauf que ce serait la Troisième Guerre mondiale.
02:52 Donc, il faut peut-être mieux éviter quand même ce genre de conseils.
02:55 Mais le ratio démographique, il n'est pas compensé
02:58 par la fourniture d'équipements militaires à l'Ukraine.
03:01 Donc, on a très probablement un front qui va se maintenir.
03:05 Un front qui va se maintenir, on ne voit aucune issue.
03:08 Peut-être que l'élection éventuelle de Donald Trump
03:12 pourrait changer les choses, changer les données.
03:15 Mais déjà, les choses sont changées, puisque le Sénat, le Congrès bloquent.
03:18 La fourniture d'aide supplémentaire,
03:21 le paquet supplémentaire d'aide à l'Ukraine que Biden demandait est bloqué.
03:25 Donc, pour l'instant, finalement, l'aide américaine est gelée.
03:28 Trump a dit que s'il était élu, il réglerait la guerre en 24 heures.
03:31 Comment ferait-il ? Il dit à Zelensky, on arrête tout,
03:34 on ne vous fournit plus d'armes, donc allez négocier comme vous voulez
03:37 pour arrêter cette guerre avec la Russie.
03:40 Et donc, tout l'enjeu pour l'Europe aujourd'hui, c'est se dire,
03:42 est-ce qu'on peut être le plan B ?
03:44 Est-ce que si les États-Unis arrêtent de fournir
03:46 les équipements militaires à l'Ukraine, nous pouvons remplacer les États-Unis ?
03:50 Est-ce que notre aide, notre fourniture pourra être suffisante
03:54 pour que l'Ukraine ne s'effondre pas ?
03:56 C'est la grande question. Est-ce que les pays européens doivent maintenant
04:00 se réarmer et vite ?
04:02 Les menaces de Trump sur l'OTAN et l'Europe
04:05 ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd, si je puis dire.
04:10 Faut-il continuer à augmenter nos dépenses militaires ?
04:14 C'est ce que nous faisons.
04:15 C'est ce que nous faisons.
04:16 La France a une loi de promotion militaire
04:19 qui est la plus ambitieuse jamais vue, qui est même plus importante
04:22 que les budgets du temps de la guerre froide.
04:24 L'Allemagne a fait un plan de 100 milliards supplémentaires sur 5 ans
04:28 par rapport à un budget lui-même en augmentation.
04:30 Tous les pays européens haussent de façon significative leurs dépenses militaires.
04:34 Le seul problème, c'est que 63% de leurs achats d'armes
04:38 vont aux États-Unis et qu'ils n'achètent pas européens.
04:40 Et qu'ils n'achètent pas européens.
04:42 Là, il y a beaucoup de choses à faire.
04:44 L'Europe est en train de se réarmer.
04:46 Une question qui va faire débat dans les prochaines élections européennes,
04:51 avant les prochaines élections européennes et pendant la campagne.
04:55 Est-ce que la France, Pascal Boniface, doit mettre son arsenal nucléaire
04:59 au service de la défense européenne ?
05:02 Elle l'est déjà.
05:03 Elle l'est déjà parce que la dissuasion, c'est le doute.
05:05 Et en fait, la France n'a pas à dire ce qu'elle ferait, elle doit laisser un doute.
05:09 Donc, l'arme nucléaire française, elle a deux objectifs.
05:12 Assurer la sanctuarisation du territoire.
05:14 On ne touche pas au territoire français, sinon on peut être puni par une frappe nucléaire.
05:18 Mais aussi ses intérêts vitaux.
05:20 Et les intérêts vitaux, par définition, ils ne sont pas précis.
05:23 Est-ce que l'Allemagne fait partie des intérêts vitaux ? Probablement.
05:26 Est-ce que les Pays-Bas, etc.
05:28 Si on dit à l'avance, par exemple, l'erreur de Biden était de dire à l'avance,
05:33 "Quoi que vous fassiez en Ukraine, nous n'interviendrons pas."
05:35 Poutine a dit "J'ai le feu vert, je peux attaquer l'Ukraine."
05:38 Puisque Biden a dit qu'il n'interviendra pas.
05:40 Et ensuite Biden est intervenu, pas directement, mais indirectement.
05:43 Donc, si nous disons à l'avance, "Touchez pas à l'Allemagne, touchez pas à la Pologne."
05:48 Il n'est pas sûr qu'on soit crédible.
05:50 Mais le fait qu'il puisse y avoir un doute de la part des Russes,
05:53 puisqu'il n'y a pas d'autres adversaires en Europe,
05:56 fait que, finalement, la force de dissuasion française, elle est utile à la défense européenne.
06:01 - Donc, il faut laisser le doute, absolument.
06:02 La dissuasion, ne pas dire "non plus", ne pas dire "non plus".
06:06 - Non, non, non, non. La force de dissuasion nucléaire française n'est au service que de la France.
06:12 - Voilà. - Il ne faut dire ni l'un ni l'autre, si j'ai bien compris.
06:15 - Il faut, parce que la dissuasion, c'est faire peur à l'autre pour qu'il n'agisse pas.
06:18 Mais si vous dites "là, on agit, là, on n'agit pas", vous donnez des garanties à votre adversaire.
06:23 Il faut que votre adversaire, éventuel, ait le moins de certitudes possibles.
06:27 - Pascal Boniface, au passage, et ça va nous permettre d'établir une transition
06:32 entre ce qui se passe en Europe et ce qui se passe au Proche-Orient,
06:37 l'ONU, l'ONU vilipendée aujourd'hui, l'ONU contestée, joue-t-elle encore son rôle ?
06:44 Peu, en ce qui concerne l'Ukraine et la Russie, peu aussi au Proche-Orient.
06:48 Est-ce que l'ONU n'est pas devenue un... comment pourrais-je le qualifier ?
06:53 Un mouvement à vocation humanitaire ?
06:55 - Alors, effectivement, le volet humanitaire, l'OMS, le Haut-Commissariat aux réfugiés, ça marche toujours.
07:01 Par contre, l'ONU... - Il n'y a plus que ça qui marche !
07:03 - Oui, mais l'ONU ne peut plus fonctionner si les grandes puissances qui la composent sont divisées.
07:08 Et les divergences de vues, pour ne pas dire l'hostilité entre États-Unis et Russie,
07:12 entre les Occidentaux et la Russie, avec la Chine, fait que l'ONU est paralysée.
07:16 Ce n'est pas tellement le droit de veto qui paralyse l'ONU.
07:19 Sans droit de veto, il n'y aurait pas d'ONU. C'est la division entre les grandes puissances.
07:22 Et là, il faut se rappeler qu'en 1990-91, lors de la guerre du Golfe,
07:26 l'ONU a voté en même temps pour punir Saddam Hussein.
07:29 Et là, la LUS, c'était l'Union Soviétique à l'époque.
07:32 Gorbatchev a dit "Oui, mon allié Saddam Hussein, qui est pourtant mon allié, a violé le droit international,
07:36 on va le sanctionner."
07:38 C'était le seul moment où vraiment il y a eu un accord entre les cinq membres du Conseil de sécurité
07:42 pour engager une opération militaire.
07:44 Mais malheureusement, cet espoir a disparu du fait que la fin de la guerre froide
07:49 n'a pas débouché sur un nouvel ordre mondial, mais sur une nouvelle division du monde.
07:53 - "50 idées reçues sur l'état du monde", c'est le titre du livre de Pascal Boniface Germain-Colin.
07:59 Nous essayons de comprendre le monde dans lequel nous vivons.
08:03 Il est important, si important, de regarder ailleurs, de ne pas regarder que chez nous et notre nombril.
08:09 Emmanuel Macron avant-hier soir a appelé Benjamin Netanyahou.
08:12 Que lui a-t-il dit ?
08:13 "Le bilan de votre opération militaire à Gaza est intolérable, les opérations israéliennes doivent cesser à Gaza."
08:19 Mais est-ce que la voix de la France porte, Pascal Boniface ?
08:22 - Visiblement, en l'occurrence, non.
08:24 Puisque Benjamin Netanyahou n'a pas été réellement impressionné,
08:27 mais en fait, il n'est pas non plus impressionné par Joe Biden, ni par les autres.
08:31 Et finalement, on ne voit pas quel est le leader étranger qui a de l'influence sur Benjamin Netanyahou,
08:36 qui regarde plutôt la composition de son cabinet et ses deux alliés des partis des colons,
08:42 qui, s'ils le quittaient, ferait tomber son gouvernement.
08:45 Et donc, entre les admonestations de la communauté internationale et sa solidité au pouvoir,
08:50 il a choisi depuis longtemps...
08:52 - Il a choisi le pouvoir, il a choisi de garder le pouvoir !
08:55 - Voilà. Surtout qu'en fait, les réprobations des dirigeants occidentaux
08:59 ne sont jamais réellement suivies des faits.
09:01 Donc, comme il sait qu'on va regretter, déplorer...
09:04 - Mais que pourrait-on faire ?
09:05 - Par exemple, au niveau américain, si Joe Biden dit "on cesse l'envoi de munitions,
09:10 on cesse l'envoi d'obus et on arrête l'aide militaire",
09:13 ça, c'est une menace très précise qui ferait trembler Netanyahou.
09:16 - Parce que ce sont des armes américaines qui tombent sur Gaza !
09:18 - Exactement, exactement !
09:19 Les Etats-Unis donnent 4 milliards par an,
09:23 Israël n'est pourtant pas un pays sous-développé, loin de là,
09:25 mais l'aide stratégique et militaire américaine Israël, c'est 4 milliards par an.
09:29 Le dernier président américain qui a fait pression sur Israël, c'est George Bush, père,
09:33 en 1991, quand il avait dit "si vous continuez la colonisation,
09:36 j'arrête de vous garantir les prêts".
09:38 Et Shamir était tombé.
09:39 Rabin est arrivé au pouvoir parce que les Israéliens avaient eu peur de se séparer des Etats-Unis.
09:44 Mais ce n'est plus le cas.
09:45 Aux Etats-Unis, ce qui change par contre, c'est le type de la jeunesse,
09:48 notamment chez les démocrates,
09:50 les moins de 30 ans sont devenus plus sensibles aux sorts des Palestiniens
09:55 que les démocrates plus âgés.
09:57 - Que les démocrates plus âgés.
09:58 Israël prépare son offensive sur Rafa, malgré les pressions internationales.
10:03 Parlons vrai, nous parlons vrai avec vous, Pascal Boniface.
10:06 Est-il possible de vaincre le Hamas ?
10:08 Est-il possible de vaincre le Hamas ?
10:10 Militairement ?
10:11 - Oui, militairement, on peut tuer des miliciens, etc.
10:15 Mais on ne va pas éradiquer le Hamas.
10:17 Le Hamas continuera d'exister dans l'esprit des Palestiniens
10:20 parce qu'il représente, à tort ou à raison, mais c'est une réalité.
10:24 Il y a des réalités qui peuvent être désagréables, mais qui sont des réalités.
10:26 Le Hamas représente pour les Israéliens un mouvement qui lutte contre Israël
10:30 et donc il y a des coups.
10:32 Et puis surtout, en face, c'est l'autorité palestinienne qui est complètement déconsidérée.
10:36 Parce que pour la plupart des Palestiniens, l'autorité palestinienne,
10:39 c'est l'autorité qui collabore avec Israël pour assurer la sécurité d'Israël.
10:44 Donc, Mahmoud Abbas doit avoir un taux de pulvérité de 3 ou 4 % seulement.
10:48 - Et puis faire la guerre sans victime collatérale, ça n'existe pas.
10:51 D'ailleurs, cette expression de "victime collatérale", je la trouve stupide.
10:56 - C'est un euphémisme pour ne pas dire...
10:58 Enfin, c'est une ignominie.
10:59 C'est pour cacher la réalité.
11:01 Les réalités, ce sont des crimes de guerre, tout simplement.
11:03 - Et génocide ? Est-ce qu'il y a, selon vous, une intention génocidaire ?
11:07 - Non, il n'y a pas d'intention génocidaire.
11:09 Mais disons que si le nombre de morts augmente,
11:12 si l'aide alimentaire n'arrive pas...
11:14 - Le Rwanda, c'est un million de morts en 3 semaines.
11:17 - Oui, le Cambodge, c'est pas tellement le nombre de morts d'ailleurs
11:19 que l'intention d'émier tout un peuple, etc.
11:22 Ceci étant, si on continue à empêcher l'aide alimentaire à arriver à Gaza,
11:26 là, la question sera posée.
11:29 Donc, il faut quand même que l'aide humanitaire puisse parvenir,
11:31 ce qui n'est pas le cas.
11:32 Et puis, on sait que non seulement il y a environ un peu moins de 30 000 morts
11:35 du fait des bombardements, et ce ne sont pas des dommages collatéraux,
11:38 ce sont des dommages directs, ils n'ont rien collatéraux,
11:40 mais surtout les risques de mort par épidémie,
11:43 par gens qui sont blessés, qui ne sont pas soignés,
11:45 par la famine qui guette si l'aide ne parvient pas,
11:49 la liste va dramatiquement s'allonger.
11:51 - Mais Pascal Boniface, quel est selon vous l'objectif de Benyamin Netanyahou ?
11:55 - Rester au pouvoir.
11:57 - Rester au pouvoir.
11:58 - Parce que s'il veut libérer les otages,
12:00 pour l'instant il y a quand même eu plus d'otages libérés par la négociation
12:03 que par les actions militaires.
12:05 Et une fois encore, on ne peut pas éradiquer un mouvement politique.
12:09 Pour ériquer le Hamas, il faudrait donner une perspective politique aux Palestiniens.
12:13 Si les Palestiniens ont une perspective politique d'avoir un État,
12:15 ils vont se détourner du Hamas.
12:17 Mais pour l'instant ils n'ont pas cette perspective politique.
12:19 - Il y a la volonté selon vous, pour cette vieille idée de deux États ?
12:23 De deux États, pour l'instant elle est totalement morte.
12:27 - Elle était déjà morte avant le 7 octobre.
12:29 - Avant le 7 octobre, oui.
12:30 - Puisque la colonisation, lorsque les accords d'Oslon ont été signés,
12:33 il y avait 130 000 colons en Cisjordanie à Juraimest,
12:36 qui sont aujourd'hui 700 000.
12:38 Donc c'est quand même très difficile de les faire partir.
12:41 Et puis là on peut dire que depuis le 7 octobre,
12:44 la sensibilité aux douleurs de l'autre et la haine de l'autre
12:48 ont grandi tant du côté palestinien que du côté israélien.
12:51 - Pas de plan de paix ! Il ne faut pas de plan de paix !
12:54 C'est ce que disaient hier deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Netanyahou.
12:59 - Et qui sont ses béquilles, puisque s'ils le quittent, il tombe,
13:02 et il y aura un autre gouvernement.
13:03 Et Netanyahou sait que s'il quitte le pouvoir,
13:05 il sera mis en justice d'une part pour des affaires de corruption assez anciennes,
13:09 mais aussi pour sa gestion des événements avant le 7 octobre.
13:13 Parce que pour beaucoup d'israéliens, il est en partie responsable
13:16 de la faillite israélienne du 7 octobre.
13:18 - Pascal Boniface, est-ce que le Hamas, je vais poser une question
13:22 qui va faire réagir, j'en suis sûr, à remporter une victoire morale ?
13:27 - Alors une victoire politique plus qu'une victoire morale,
13:30 puisque pour beaucoup de palestiniens et pour beaucoup dans le monde arabe,
13:34 dans le monde musulman...
13:36 - Et ce qu'on appelle le "suite global", une victoire morale peut-être ?
13:39 - Oui, parce que, voilà, il faut, et vous l'avez dit tout à l'heure,
13:42 il faut quand même que l'on comprenne que nous ne sommes pas seuls au monde.
13:44 - Mais bien sûr !
13:45 - Et que les autres ne pensent pas comme nous,
13:47 pour reprendre l'excellent titre d'un livre d'un diplomate.
13:49 - Oui, ça je suis d'accord.
13:50 - Et nous avons souvent tendance, dans cette partie du monde,
13:52 de confondre communauté occidentale et communauté internationale.
13:55 Nous ne sommes qu'une partie du monde, nous ne sommes pas le monde.
13:58 Et les autres ont un ADN géopolitique différent,
14:01 parce qu'ils ne vivent pas les événements de la même manière,
14:03 ils n'ont pas le même vécu historique.
14:05 Et effectivement, la cause palestinienne,
14:07 c'est l'Afrique du Sud qui a porté la cause palestinienne devant la Cour anti-injustice.
14:11 - C'est très intéressant que ce soit l'Afrique du Sud, d'ailleurs.
14:13 - Oui, parce que c'est le pays qui a demandé là,
14:15 le pays qui a vaincu l'apartheid de façon pacifique,
14:17 une démocratie !
14:19 - Et en quelque sorte, le pays qui a vaincu la colonisation !
14:23 - Voilà, et non seulement la colonisation, mais l'apartheid !
14:26 Donc c'était vraiment la pire forme de la colonisation.
14:29 Puisque finalement, l'apartheid a survécu à la colonisation.
14:32 Et donc ce pays qui représente les espoirs,
14:34 qui disons qu'est le champion moral des ex-pays colonisés,
14:38 est venu porter plainte contre Israël,
14:41 qui lui portait le poids moral de la Shoah.
14:45 Et donc c'est une sorte de duel de deux légitimités,
14:48 iconique et historique.
14:51 - Iconique et historique, et ça m'amène à la question suivante,
14:56 Pascal Boniface,
14:58 peut-on dire que la mémoire de la colonisation
15:01 a effacé, est en train d'effacer, du moins, la mémoire de la Shoah ?
15:06 - Il faudrait que les deux coexistent, parce que les deux ont été des crimes horribles.
15:11 Et donc, je veux dire, la mémoire de la Shoah,
15:14 en France, elle est quand même très...
15:16 Dans le monde occidental, notamment en Allemagne par exemple,
15:18 au Pays-Bas, au Royaume-Uni...
15:20 - Elle est très forte, elle est encore enseignée, mais elle est contestée, vous le savez !
15:23 - Non, ce qui est contesté, c'est qu'au nom de la mémoire de la Shoah,
15:27 on ne puisse pas critiquer le gouvernement israélien.
15:29 C'est ça qui est contesté. Mais sinon,
15:31 ceux qui contestent... - Elle est incontestable, c'est évident !
15:34 - Ceux qui la contestent ont une poignée minoritaire
15:37 de gens affreux, mais
15:39 qui n'ont pas pignon sur rue, qui n'ont pas voix au chapitre.
15:42 Mais effectivement, dans le Sud global,
15:45 la mémoire de la colonisation et donc de la décolonisation,
15:48 les deux sont liées, est beaucoup plus importante.
15:50 - Mais Israël est vu, aujourd'hui, dans le Sud global,
15:53 il faut que nous ayons les yeux ouverts, nous, en Occident !
15:56 Israël est vu comme un colonisateur !
15:58 - Bah oui, parce que d'une part,
16:00 même si ce n'est pas tout à fait le même type de colonie,
16:02 il y a des colonies, mais Israël occupe
16:04 un peuple qui n'est pas le sien.
16:06 Donc, ce n'est pas le colonialisme à l'ancienne,
16:09 tel que nous l'avons vécu en Afrique ou dans le Maghreb,
16:12 mais c'est une domination d'un peuple sur un autre,
16:14 et c'est... Les Palestiniens sont l'un des derniers peuples
16:17 privés du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
16:20 qui était la grande force des pays du Sud,
16:22 le grand moteur politique des pays du Sud,
16:24 à la fin du XXe siècle, et plus encore maintenant.
16:26 - Bien. Pascal Boniface,
16:28 j'en reviens à Benjamin Netanyahou,
16:32 est-ce que vous pensez qu'il a pour objectif
16:34 le départ de tous les Palestiniens de la bande de Gaza ?
16:36 - Bah en tous les cas, si...
16:38 - Une forme de remigration et un remplacement à Gaza,
16:40 par des colons, justement !
16:42 - Alors, il y a... - Par une colonisation !
16:44 - Il y a certains colons qui le demandent, certains,
16:46 - Oui, je sais, je sais ! - certains colons disent qu'il faut tous les faire partir,
16:48 pour l'instant, Benjamin Netanyahou ne nous aura pas donné raison,
16:51 et là, il sait que s'il le faisait,
16:53 là, il y aurait une vraie coupure, y compris avec les Etats-Unis,
16:55 même l'Allemagne,
16:57 pourtant qui passe tout à Israël pour des questions de mémoire historique,
17:00 a dit "ne faites pas d'opération militaire sur Rafa,
17:03 parce que cela provoquerait une opération militaire
17:05 sur une ville où sont concentrés 1,3 millions de Palestiniens,
17:08 dont 1,000,000 viennent d'arriver, ils ont fui les bombardements".
17:11 Israël leur a dit d'aller à Rafa,
17:13 pour ne plus être là où il y avait des opérations militaires israéliennes,
17:17 que peuvent-ils faire ? Uniquement aller en Égypte ?
17:19 Effectivement, ça serait vider Gaza.
17:21 Donc, s'il y a une opération militaire sur Rafa,
17:24 là, volontaire ou non,
17:26 le résultat sera un nettoyage ethnique
17:29 de ce 1,3 millions de Palestiniens,
17:31 qui sont pour l'instant là,
17:33 et qui devront partir en Égypte pour fuir les combats.
17:35 Ils ne vont pas retourner au nord de la bande de Gaza
17:38 dont ils ont été expulsés.
17:40 - Pascal Boniface, je parlais des colonisateurs,
17:42 mais les nouveaux colonisateurs ?
17:44 Regardons le monde, qui sont-ils ?
17:46 La Russie ? La Chine ? L'Iran ? La Turquie ?
17:48 - Ce ne sont pas des colonisateurs,
17:50 ce sont des régimes autoritaires,
17:51 ils peuvent réprimer leur propre population.
17:53 Ce n'est pas vraiment un lien colonial
17:55 qu'il y a entre les Chinois et les Ouïghours,
17:57 puisqu'ils appartiennent à la Chine depuis longtemps.
18:00 Mais effectivement, ils empêchent de vivre comme...
18:04 ils refusent leurs droits culturels.
18:07 Il y a un problème en Turquie
18:09 sur les droits culturels des Kurdes, etc.
18:12 Donc, ce sont plutôt des nouveaux régimes autoritaires,
18:14 ou des régimes qui sont autoritaires depuis longtemps,
18:16 et c'est vrai qu'il y a un peu partout dans le monde
18:18 un recul de la démocratie.
18:20 Il n'y a que 8%
18:22 de la population mondiale
18:24 qui vit dans de véritables démocraties.
18:26 - 8% ? - 8% seulement.
18:28 Donc, il y a des élections partout,
18:30 mais il n'y a pas autant de démocratie,
18:31 parce que les élections ne sont pas le seul critère
18:33 loin de là de la démocratie.
18:34 On va voter pour élire un président en mars en Russie,
18:37 ça n'en fait pas une démocratie.
18:38 - Oui. La frontière... Enfin, vote, nous verrons bien.
18:41 La frontière... Enfin, le résultat, nous le connaissons.
18:43 Mais la frontière entre le Liban et Israël,
18:45 les affrontements entre Israéliens
18:47 et les ministres du Hezbollah, où en est-on ?
18:49 - C'est l'engrenage, c'est l'engrenage,
18:51 parce qu'ils sont de plus en plus fréquents,
18:53 ils font de plus en plus de morts,
18:54 et les drones ou missiles frappent de plus en plus loin
18:57 sur le territoire de l'autre.
18:58 Donc là, il se passe quelque chose de très très grave.
19:01 Pour l'instant, Israël n'a bien sûr pas intérêt à un conflit,
19:03 mais les Libanais non plus.
19:05 Et le Hezbollah se retient,
19:06 parce qu'il sait que s'il rentrait directement en conflit
19:08 avec Israël sur une large échelle,
19:10 le Liban serait un peu comme Gaza.
19:13 Et tous les Libanais en voudraient au Hezbollah,
19:15 y compris les chiites.
19:16 Donc, pour l'instant, ils n'ont pas franchi cette limite.
19:18 Le problème des engrenages,
19:19 c'est qu'on ne sait pas toujours comment les contrôler.
19:21 - Pascal Boniface, nous allons quitter la géopolitique,
19:24 quoique, pour parler football,
19:26 vous avez écrit la géopolitique du football,
19:29 donc vous voyez la transition est toute faite.
19:32 Vous êtes passionné de foot.
19:33 Kylian Mbappé, qui a donc décidé de quitter le Paris Saint-Germain
19:36 à la fin de la saison,
19:37 selon vous, est-ce qu'il a pris la bonne décision au bon moment ?
19:40 - Alors, si vous êtes supporter du PSG,
19:43 ce n'est pas la bonne décision, ça, bien sûr.
19:45 Est-ce que c'est le bon moment ?
19:46 C'est après une victoire,
19:47 il n'y a jamais de bon moment pour annoncer un départ,
19:50 dans l'intérêt à la fois du PSG et du football français.
19:53 Le départ de Kylian Mbappé va affaiblir la qualité de la Ligue 1.
19:57 Les gens viennent dans les stades pour voir Kylian Mbappé,
20:00 et les droits, nous sommes en train de vendre
20:02 les droits du championnat à l'étranger.
20:03 Effectivement, les droits sans Kylian Mbappé,
20:06 c'est quand même tout à fait pas la même chose.
20:09 Pour lui, c'est son plan de carrière, quelque part.
20:12 Le Real de Marseille est son club de cœur.
20:14 Il avait la photo de Ronaldo dans sa chambre
20:16 quand il était gamin.
20:17 Ça fait longtemps qu'on parle de son arrivée au Real.
20:19 Il est resté plus longtemps que prévu, finalement,
20:21 au Paris Saint-Germain,
20:22 et il va dans un club qui a déjà 14 ligues des champions.
20:25 - C'est pas encore fait, mais vous n'avez pas beaucoup de doutes.
20:27 - Non, ça semble quand même être...
20:29 Il y a plus de chances qu'il aille là qu'au Sparta-Prague.
20:32 - Qu'à l'Hiverpool ou au Sparta-Prague, Sparta-Aigua.
20:35 - Les deux destinations possibles sont l'Hiverpool et le Real,
20:37 mais il y a beaucoup plus d'antériorité pour le Real.
20:40 Et puis il va rejoindre des collègues de l'équipe de France.
20:42 - Oui, c'est vrai.
20:43 - Et pour le PSG, s'il dépendant à Mbappé, c'est un gros coup dur.
20:47 - Oui, alors deux solutions.
20:49 Soit c'est le collectif qui l'emporte et ils se referont d'ici là,
20:51 ils finissent la saison avec lui, de toute façon,
20:53 ils peuvent très bien gagner.
20:54 - Oui, bien sûr, la Ligue des champions.
20:55 - Et le Cuglian peut partir en offrant la Ligue des champions,
20:57 la première Ligue des champions au Paris Saint-Germain.
20:59 On ne peut que souhaiter cela.
21:00 Et ensuite, il y a deux solutions.
21:02 Soit on musque encore un peu au collectif,
21:04 qui est quand même déjà assez bon,
21:05 soit ils embauchent le remplaçant au Cinem,
21:08 enfin un autre avançant de ce calibre à coût de dizaines de millions.
21:11 - Oui. J'ai une dernière question sur...
21:13 Vous êtes passionné de sport sur les Jeux olympiques.
21:15 Parce que j'ai la sensation, c'est très français,
21:19 qu'on ne parle pas du tout de sport.
21:21 Les Jeux olympiques, c'est dans quelques mois maintenant,
21:24 dans quelques semaines,
21:25 mais que les Jeux olympiques sont devenus le bouc émissaire
21:28 de toutes les colères françaises.
21:31 - C'est bien français, c'est bien français,
21:32 parce qu'en France, en fait, on a toujours eu culturellement
21:35 une sorte d'a priori contre le sport.
21:37 Les élites, les milieux intellectuels
21:39 ont toujours un peu...
21:41 "sporty" veut dire "on oppose le muscle et le cerveau".
21:43 C'est vraiment une tradition française.
21:45 Ce n'est pas le cas dans d'autres pays que nous.
21:47 Et donc, vous avez toujours des gens qui disent
21:49 "mais c'est quoi le sport ? C'est une affaire d'abrutis,
21:51 onze couillons qui courent en short, etc."
21:53 Vous l'avez entendu plein de fois.
21:54 Et donc, effectivement, alors qu'on a...
21:56 Mais rassurez-vous, quand les Jeux vont reprendre,
21:59 vont commencer, la magie des Jeux va arriver.
22:01 Et bien avant, on va être au centre du monde.
22:03 Tout le monde va nous regarder.
22:04 On va vibrer aux exploits de nos champions.
22:07 On va vivre un moment magique.
22:08 Organiser les Jeux olympiques,
22:10 c'est être au cœur du monde, au centre du monde
22:12 pendant quelques jours.
22:14 - L'importance, oui, en termes de géopolitique...
22:17 - Ah, mais pour l'image de la France...
22:19 - Pour l'image de la France, c'est...
22:20 - On devrait mieux éviter, effectivement,
22:22 le fiasco style finale de la Ligue des champions
22:24 au Stade de France, etc.
22:26 Mais si tout fonctionne bien,
22:28 les gens vont venir voir la France.
22:30 Ils le verront aussi à la télévision.
22:32 Londres, après les Jeux de 2012, est devenue
22:34 une capitale touristique bien plus importante qu'auparavant.
22:36 Barcelone a été magnifié.
22:38 Sans les Jeux olympiques de 1992,
22:40 Barcelone n'est pas Barcelone, ce qu'il y a aujourd'hui.
22:42 Il y a eu quelques fiascos.
22:43 Athènes et aussi Rio, dus à la corruption.
22:46 Mais là, le coût, c'est 6 milliards, 6 milliards et demi.
22:48 Malgré l'inflation, les coûts ont été maîtrisés.
22:50 La plupart des équipements existaient déjà.
22:52 On va avoir une grande piscine en Seine-Saint-Denis
22:54 qui manquait auparavant, donc très bien.
22:56 Le village olympique que j'ai visité récemment,
22:58 ce sera des logements qui vont être attribués
23:00 aussi aux habitants de Seine-Saint-Denis.
23:01 C'est une bonne chose.
23:02 Et donc, ça ne va pas coûter d'argent.
23:04 Et au contraire, ça va nous faire vivre un moment magique.
23:07 - Ce "magique" JO devient insupportable.
23:10 - C'est la facilité pour tous ceux qui, en fait,
23:12 ont le mépris du sport égal mépris du peuple.
23:14 Et donc, c'est la facilité.
23:17 Vous critiquez le sport,
23:18 et effectivement, on va vous tendre un micro.
23:20 On va dire "Ah, c'est original ce que vous dites",
23:22 alors que c'est une platitude sans nom.
23:24 Mais effectivement, il faut quand même...
23:25 Le sport fait rêver.
23:26 Qu'est-ce qui crée de l'union dans un pays ?
23:28 Le sport, quand est-ce qu'on est tous unis, malgré nos différences ?
23:30 C'est quand notre équipe de foot joue.
23:32 Là, il n'y a plus de gauche, de droite,
23:34 de riche, de pauvre, etc.
23:36 Et donc, le sport, c'est quand même l'unité.
23:38 C'est un ciment pour l'identité nationale.
23:41 - Merci, Pascal Boniface, d'être venu nous voir ce matin.
23:44 Ça vous fait réagir 0826-300-300.
23:46 Après les infos de 9h, évidemment,
23:48 50 idées reçues sur l'état du monde
23:50 dans les éditions Armand Colin.
23:52 8h58, Sud Radio.

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