Voyage au bout de l'enfer - Mexique

  • il y a 7 mois
Transcript
00:00 [Générique]
00:06 Je voulais être un personnage de roman.
00:08 Je crois pas, j'en suis sûr, on va pas en tôle pour ça.
00:11 Mon gène de cupidité est entré en action.
00:14 Wow, c'est Jour de Paye on dirait.
00:17 Nous sommes de la police judiciaire fédérale.
00:20 J'espère pour toi que c'est pas un coup monté.
00:23 Je suis touché.
00:25 C'est grave.
00:31 Tout ce que je me dis c'est que c'est grave.
00:34 [Générique]
00:37 Une simple petite phrase peut précipiter votre vie dans une direction entièrement différente.
00:41 [Générique]
00:55 [Musique]
01:06 Je venais de terminer mes études secondaires.
01:09 J'étais un jeune homme cultivé, j'aimais lire, j'adorais Hemingway.
01:13 Je ne suis pas du genre casanier, je ne l'ai jamais été.
01:18 Je me suis toujours efforcé de ne pas tomber dans la routine.
01:23 Il est une heure, tu es sûr que tu ne veux pas manger quelque chose ?
01:25 Non, j'ai pas faim.
01:27 Merci.
01:29 Je voulais être un personnage de roman qui prend un nouveau départ sans se retourner.
01:34 Sans jamais regarder en arrière.
01:41 Ce que je voulais c'est un peu de danger, un peu d'aventure, que la vie m'explose à la figure.
01:47 Ça marche. Et tu fais pas de bêtises.
01:49 T'inquiète.
01:52 J'étais jeune et je me rendais pas compte que dans toute explosion, on risque de se prendre des éclats.
01:57 J'ai marché jusqu'au bord de l'autoroute, j'ai levé mon pouce et voilà.
02:08 Vous allez dans le sud ?
02:13 C'était excitant, effrayant et exaltant de faire quelque chose pour la première fois de sa vie.
02:21 C'était très facile d'entrer au Mexique en ce temps-là.
02:23 J'avais envie de voir ce que j'avais lu dans les livres.
02:27 Des plages immaculées, des environnements vierges, 100 canettes de coca ou de bière abandonnées.
02:33 Je suis descendu jusqu'à la pointe de Basse Californie et j'ai traîné dans le coin.
02:41 C'était un peu trop désert pour moi. J'ai pris un ferry jusqu'à Mazatlan.
02:46 C'était un peu mieux, de belles vagues, un environnement champêtre assez primitif.
02:51 Des filles superbes, elles étaient insatiables, incroyables.
02:56 Ensuite j'ai continué vers le sud et je me suis posé à Puerto Vallarta.
03:15 Quand je me suis levé le lendemain matin, j'ai entendu les ânes brèrent dans le lointain.
03:20 C'était incroyable.
03:25 J'avais l'impression d'être en plein roman.
03:29 Tu sortais de ta chambre d'hôtel, tu regardais autour de toi et tout était beau.
03:41 Je me sentais riche. C'était un autre univers. J'aimais ce monde.
03:45 Les tropiques, les fruits dans les arbres, la jungle luxuriante, l'eau transparente, les plages de sable blanc.
03:54 C'était le paradis.
04:02 J'ai fait la connaissance d'un autre américain au bout d'une ou deux semaines environ.
04:06 Il s'appelait Bill, un type un peu bizarre mais on jouait aux échecs ensemble.
04:12 Mon père m'avait appris et j'étais loin d'être à la hauteur. Je me prenais les déculottés.
04:18 T'es en train de me mettre une raclée ?
04:21 Je me suis dit "je vais me faire un déculotté".
04:24 Je me suis dit "je vais me faire un déculotté".
04:28 T'es en train de me mettre une raclée ? Bien joué.
04:31 Pour ce qui est de la marijuana, j'en avais fumé deux ou trois fois peut-être. Mais ça m'avait rien fait.
04:37 Non merci. Non j'ai pas envie.
04:42 C'est toi qui vois.
04:44 J'avais vu ce type, un mexicain qui me faisait le signe universel.
04:52 Ma première réaction avait toujours été "non mec merci, non merci".
04:57 Un jour je l'aperçois sur la digue. Il joue aux échecs avec Bill, l'autre américain.
05:04 Il me présente, Jorge.
05:07 Salut, ravi de te rencontrer.
05:09 Comme Bill devait partir, je me retrouve à faire une partie avec Jorge.
05:13 Un peu plus tard il me dit "si jamais t'as besoin de te détendre".
05:21 Je réfléchis et je me dis "c'est un agent des stups".
05:27 J'avais entendu des histoires sur des gens qui avaient acheté à des mexicains qui s'étaient empressés d'aller les dénoncer aux flics.
05:34 C'est cool mais non merci, j'ai besoin de rien.
05:37 Mais après l'avoir croisé plusieurs fois sur la plage, j'ai remarqué qu'il était accompagné d'une dame anglaise et de son gamin.
05:44 Je trouvais ça curieux.
05:46 Salut !
05:49 Il me présente, ma femme Maria, elle vient de Paris et voici notre fille.
05:53 Je me dis "super, peut-être que c'est pas un agent des stups".
05:58 Tu veux un château de sable avec nous ?
06:01 Allez viens !
06:03 Oui, pourquoi pas, merci.
06:05 Après avoir fait connaissance, on s'est fumé un joint.
06:10 Je crois qu'il me testait.
06:12 Quand il a senti que l'idée ne me dérangeait pas, il m'a dit...
06:16 L'autre jour j'ai remarqué que t'étais vachement mal à l'aise par rapport à la marijuana.
06:19 Les américains entendent souvent parler d'arrestation pour consommation de marijuana par ici.
06:23 Tu vois, j'ai pas envie de rester en taule pour le reste de mes jours.
06:26 Il me dit "je comprends, je vends un peu d'herbe par-ci par-là à ceux qui en veulent".
06:30 C'est ce que tous les américains et les européens se disent quand ils viennent ici.
06:34 Avec tous ces américains qui viennent en ville ?
06:36 En général, quand ils hésitent à se fournir auprès d'un mexicain, ils vont voir un américain.
06:43 Moi ?
06:44 Je lui dis qu'il n'est pas question que j'embrasse la combine.
06:48 Je lui dis que je préfère être pauvre et dormir sur la plage que d'aller en prison avec de l'argent plein les poches.
06:53 Et il me fait "écoute, tu dois comprendre comment ça marche ici avec la police locale".
06:57 Ils trouvent de la marijuana tous les jours.
06:59 Ils te disent que tu es en état d'arrestation, mais tout ce qui les intéresse, c'est ton fric.
07:03 Tu crois ?
07:05 Je crois pas, j'en suis sûr, on va pas en taule pour ça.
07:08 Au fond de moi, je suis un peu déçu.
07:11 Au fond de moi, je me dis "oublie ce qu'on raconte, tu ne vas pas passer le restant de tes jours en prison si tu te fais prendre avec trois joints".
07:17 Et ils ajoutent "c'est toi qui vois".
07:20 Si t'as envie de te faire un petit peu d'argent de poche...
07:23 C'est cette phrase, "tu veux te faire un peu d'argent de poche".
07:29 Je me disais que j'étais plutôt ric-rac côté fric, et je lui ai répondu "ouais, t'as raison, j'aimerais bien me faire un peu d'argent de poche".
07:37 Le plus souvent, nos clients venaient d'Europe.
07:39 On finit par les repérer.
07:42 "Ouais, celui-là, il aime bien s'éclater.
07:47 Ces deux gars là-bas, ils ont peut-être envie d'essayer".
07:50 C'est ce qu'on peut appeler du profilage.
07:54 Évidemment, on va pas vendre à monsieur et madame Dupont avec leurs cheveux gris et leur chemise de touriste à fleurs.
08:02 "Ça vous dit un petit joint ?" C'est pas la bonne cible. On choisit des gens plus jeunes.
08:08 "Un petit joint ?" Plus jeunes, avec les cheveux longs peut-être.
08:13 "Vous en voulez combien, les gars ?" Je me demandais si c'était bien ou mal, mais je n'ai jamais pensé à me demander si c'était légal ou illégal.
08:22 Je suis content de pouvoir faire ce que je veux.
08:31 J'étais content d'aller à la plage et de vendre d'inoffensifs petits sachets d'herbe pour Jorge.
08:36 C'est là que je rencontre Steve, de Houston, Texas.
08:41 Un Américain typique. Il a la chemise à fleurs, on le repère à un kilomètre de distance.
08:47 Je m'approche de lui, un client potentiel.
08:52 "T'es Américain ?" "Du Texas." "C'est dingue, moi aussi." "C'est cool."
08:57 On bavarde, banalité habituelle. Je lui dis "Tu veux descendre à la plage plus tard et t'éclater ?" Il écartille les yeux et me dit...
09:03 "Euh... Pas à Mexico." Je lui réponds "Écoute mec..." "Ça craint pas plus qu'ailleurs ?"
09:10 J'avais un petit sachet sur moi. Je le sors, il me regarde fixement et il fait...
09:18 Je voyais qu'il était impressionné.
09:22 On a fumé ensemble et il était encore plus impressionné.
09:26 "Trop cool !" "Et il est bon ?"
09:28 Alors je lui ai dit "Si t'en veux un peu, t'as qu'à me le dire et j'irai en prendre chez mon pote, je vous mettrai en contact."
09:33 Et il me fait... "Il est Mexicain ?" "Ouais, ouais." "Laisse tomber, je veux pas jeter au Mexicain." "Pas de problème, t'as pas besoin de le rencontrer."
09:40 "Ah ouais ?"
09:43 Deux jours plus tard, je le croise à nouveau.
09:49 "Salut mon pote." "Ça va ?" Il devait être défoncé. Il me fait...
09:53 "Il faut que je te dise, l'herbe que tu m'as passée, c'était de la bombe atomique." "Ah ouais ?" "Il y aurait moyen d'en avoir plus ?"
09:59 Je lui réponds "Oui, bien sûr." "T'en voudrais combien ? Deux kilos, voire plus ?"
10:03 "C'est à mon tour d'être étonné. Je n'ai jamais vendu une telle quantité." "Quoi ? Deux kilos ?"
10:10 Mon gène de cupidité est entré en action. C'est pas de la paranoïa. J'entendais "Ting !"
10:16 "Deux kilos ?"
10:21 Je pensais qu'il y avait de l'argent. Il me répond "Oui, mais pas tout de suite." "Quand je repasserai."
10:25 Je me dis "Ok, je vois." Parce que j'avais déjà eu des gens qui m'avaient promis de revenir, mais...
10:30 Je lui fais "Ça roule. Je pense que je peux te dégotter ça." "Je veux la même." Et je lui dis "Ouais ? Ou meilleur."
10:41 "T'es sérieux ?" J'essaie de le ferrer. Et il continue. "Tu peux choper plus de deux kilos ?"
10:50 "Waouh, c'est un client sérieux." Je lui réponds que oui. "Je vais voir avec mon fournisseur, mais je... Je crois que oui. Ouais, ça doit pouvoir se faire."
10:57 Qu'est-ce que je peux dire ? La situation a évolué rapidement. Et au bout du compte, assez brutalement.
11:04 J'avais fait une croix sur Steve. J'ai repensé à lui pendant un ou deux jours en espérant qu'il reviendrait.
11:16 Et puis je me suis dit que c'était juste un autre baratineur. Et voilà qu'il se pointe. Quelque chose comme huit ou dix jours plus tard, il refait surface.
11:25 "Salut mec, c'est moi." "Bah ouais, je vois ça." Il avance sur les planches avec un grand sourire. "Comment ça va ?" "Excellent, excellent."
11:34 J'étais stupéfait. Quand je l'ai vu, je me suis dit "Ouais, mon gros client est revenu. Il est là."
11:41 "Oui, mais pas ici. Allez, viens, on décolle." "Cool, allons-y." Ah, j'en pouvais plus d'être dans ce bus. Je m'occupe de tout.
11:47 On part en bavardant, on a la banane, tout baigne. Il est là pour se faire du fric, et moi aussi.
11:53 "Si je suis content, je risque de venir te voir régulièrement." "Bah, tant mieux."
11:57 Je me dis "C'est génial. Tout ce que j'ai à faire, c'est d'aller voir Jorge, traverser la ville avec le colis, le remettre à ce type, l'aider à emballer et lui dire au revoir."
12:09 "Je ne croyais pas que tu y arriverais si facilement." Après, je m'offre un petit déj' 5 étoiles à l'El Camino Real.
12:14 "Pas mal, hein ?"
12:20 On retourne à l'hôtel et je lui dis "Alors, t'en veux combien ? 2, 3, 5 kilos ?"
12:30 "Ça dépend de ton prix. Je veux en avoir un max."
12:36 Je lui sors une grosse liasse de billets de vin entourée d'un élastique.
12:39 "Waouh ! C'est le jour de paye, on dirait."
12:43 Cool. Je lui dis que je vais lui chercher un échantillon. Et au moment où je sors, il me lance un truc du style "J'ai pas l'intention de me faire pigeonner."
12:50 Ça m'a paru bizarre. J'ai la main sur la poignée de la porte, je me retourne, et il a un petit automatique dans la main.
12:57 Je savais que les armes au Mexique, c'était tabou.
13:02 "Ça dépend de ton prix."
13:05 "Je veux en avoir un max."
13:07 "Attends, moi je vais chercher un échantillon et je reviens."
13:10 "J'ai pas l'intention de me faire pigeonner."
13:13 La première chose qui me vient à l'esprit, c'est "Merde, un flingue."
13:21 Les armes au Mexique, je savais que c'était tabou.
13:25 Ils ont des lois très strictes sur le port d'armes.
13:32 Les Mexiques sont les seuls à pouvoir en porter, point final.
13:34 Je lui fais "Débarrasse-toi de ce truc."
13:37 Au fond de moi, je flippe.
13:39 "Ce gars est mon pote."
13:41 Je continue "Eh Steve, tu vas pas te faire avoir. Personne ne cherchera à te prendre ton pognon, tu sais."
13:46 "Vas-y mollo avec le flingue, d'accord ?"
13:49 "D'accord."
13:51 "Bon."
13:58 "J'en ai pas pour longtemps."
14:02 J'avais vu des flingues.
14:04 Je savais que ce n'était ni le lieu ni le moment d'en avoir.
14:07 Mais s'il y tenait, très bien. Je savais qu'il n'aurait pas besoin de s'en servir.
14:11 "J'le laisse et je vais chez Jorge."
14:15 "Ca va Maria ?"
14:17 Je lui dis que le type est revenu, le type dont je lui ai parlé.
14:20 "Il m'a demandé, genre 5 kilos."
14:23 Jorge est tout excité. Il me fait "Cool, ouais, je m'en occupe."
14:26 "T'en aurais pas un peu pour qu'il la goûte ?"
14:30 Je lui explique qu'il nous faut de la bonne cam.
14:32 Parce que ce type a quelque chose comme 2000 dollars.
14:35 Ce qui est énorme pour nous.
14:37 Et il me file un super bon échantillon.
14:41 "C'est de la bonne, voyons ce qu'il en pense."
14:44 Une quinzaine de grammes pour Steve.
14:48 "Waouh, t'as raison, elle a l'air super bonne."
14:51 On est dans sa chambre d'hôtel, il examine l'échantillon et il me fait...
14:54 "Bien meilleur que l'autre."
14:56 "Je te l'avais dit, non ?"
14:59 Je lui dis "On va fêter ça."
15:00 "On se roule un ou deux sticks et on fête ça sur la plage."
15:04 "Elle est vraiment bonne, mon vieux."
15:10 "La nuit, y'a pas de touristes sur la plage."
15:13 "Rien que pour ça, je reviendrai tous les mois."
15:15 "On fume, tout va bien, on discute."
15:18 "Il a de grands projets."
15:20 "On venait de finir."
15:24 "Et je me rappelle que je me suis avancé vers l'eau."
15:29 "Et que j'ai lancé le mégot dans la mer."
15:30 "Quand tout à coup, j'ai entendu une voix très autoritaire."
15:35 "Qu'est-ce que vous faites là ?"
15:38 "Tu sais qui c'est ?"
15:41 "Non, je sais pas."
15:43 "Cette voix, je savais que c'était mauvais signe."
15:45 "Nada, señor."
15:48 "On est juste là, on traîne."
15:50 Et le type me sort.
15:52 "Comment vous vous appelez ? Où sont vos papiers ?"
15:57 Steve me lance.
15:58 "Qu'est-ce qui se passe ? Mais qu'est-ce qu'ils nous veulent ?"
16:00 "Relax, vieux, surtout tu gardes ton sang-froid."
16:02 Il s'avance vers nous, et ils nous disent.
16:04 "Sous papeles, ahora mismo !"
16:06 "Si, si, si, tengo, tengo, je les ai !"
16:08 "Somos policia federal."
16:11 "On est de la police judiciaire fédérale."
16:13 "Les méchants."
16:16 Alors Steve me sort.
16:18 "J'espère pour toi que c'est pas un coup monté."
16:20 Au moment où il me dit ça,
16:26 je vais dire ces mots dans la chambre d'hôtel.
16:27 Je ne me ferai pas arnaquer.
16:31 Et je sais, sans avoir à le demander,
16:37 que cet imbécile a son flingue sur lui.
16:39 Je me dis que je ne peux quand même pas lui demander
16:43 s'il a un flingue dans sa poche.
16:45 Alors je lui sors.
16:49 "Dis-moi que t'as pas ton flingue dans ta poche, Steve."
16:51 "Bah si, tu crois quoi ?"
16:53 Et là je me dis,
16:55 ça y est, on va en taule.
16:56 Alors je lui fais, écoute,
16:58 "T'as ton flingue dans ta poche, Steve."
17:00 "Occupe-toi de ça."
17:02 Je sors mon passeport.
17:05 Ils sont tous les deux en train de vérifier mes papiers.
17:09 Tout à coup, je vois quatre éclairs de lumière.
17:19 Ils sont tombés d'un coup.
17:20 Y a pas eu de ralenti comme au cinéma
17:22 où les types s'affaisent sur le sol.
17:24 Ils sont tombés comme des pierres.
17:26 Je suis en état de choc.
17:30 "Quel idiot."
17:34 "Occupe-toi de ça."
17:36 J'aurais dû lui dire,
17:38 "Jette-le, débarrasse-t'en."
17:40 Seigneur,
17:43 c'est un peu trop tard pour ça.
17:45 Je vais me faire un petit déjeuner.
17:47 Seigneur,
17:48 une simple petite phrase peut précipiter votre vie
17:50 dans une direction entièrement différente.
17:52 Steve est déjà parti.
17:55 Il a tiré, il a fait demi-tour et pris la fuite
17:58 avant que je retrouve mes esprits.
18:00 Ça n'a pas dû prendre plus de deux ou trois secondes, je sais pas.
18:05 Dans ce genre de situation,
18:07 on entre en état de choc
18:09 et on perd la notion du temps.
18:11 Le temps...
18:12 se blanche.
18:14 Je me dis que c'est grave.
18:18 C'est tout ce qui me vient à l'esprit.
18:20 C'est très grave.
18:22 J'entends des voix qui se rapprochent et je me dis,
18:26 "J'ai deux flics morts à côté de moi et...
18:28 "voyons voir.
18:30 "Ah oui, j'ai un terrain décampé."
18:32 Je cours comme un dératé.
18:40 C'est la meilleure façon de décrire ça,
18:42 courir comme un dératé.
18:44 Et pendant ma fuite, j'entends "bang, bang, bang".
18:47 Je me demande ce que c'est.
18:49 Et puis je sens ces "zim, zim, zim"
18:52 qui passent en sifflant contre mon oreille.
18:55 Et avant d'avoir compris que les balles
18:58 étaient vraiment très près de ma tête puisque je les entendais,
19:01 j'en prends une.
19:04 Je suis touché.
19:05 Je suis touché à l'arrière de la cuisse.
19:14 Ma jambe est soulevée en l'air.
19:16 C'est alors que tout se mélange dans ma tête.
19:20 Tout se bouscule.
19:22 Je me dis qu'il y a encore au moins un flic en vie,
19:25 qu'il me tire dessus
19:27 et que je viens de me prendre une balle.
19:29 L'adrénaline prend le dessus.
19:33 Si je ne courais pas très vite avant,
19:34 là je file comme l'éclair,
19:36 style Flash Gordon.
19:38 Je dois saigner beaucoup parce que
19:43 je sens le sang qui s'accumule dans ma tennis.
19:46 Et je me dis "d'accord, c'est grave".
19:51 J'arrive au milieu d'un groupe de gens.
19:54 Je les traversais et dépassais avant qu'ils aient eu le temps de me voir.
19:57 Je me dis "c'est grave, c'est grave".
20:01 Je me dis "c'est grave, c'est grave".
20:02 Je cours dans deux ou trois rues,
20:05 je zigzague dans une allée
20:07 et je me retrouve devant un talus.
20:09 Je grimpe jusqu'en haut et j'arrive au bord de l'autoroute.
20:12 Juste au moment où je commence à manquer de souffle,
20:18 j'atteins le raccourci qui mène de l'autoroute à la maison de Jorge.
20:21 Je fonce là-bas et je cogne à sa porte.
20:24 Je suis complètement désorienté.
20:26 Il ouvre la porte.
20:29 "Eh, Maria !"
20:30 Je m'écroule de tout mon long sur le seuil.
20:32 "Maria ! Maria !
20:35 Qu'est-ce que t'as, Jake ?"
20:37 Tout ce dont je me souviens après, c'est que je suis allongé sur le canapé.
20:48 Jorge est assis près de moi, une seringue à la main.
20:54 "C'est quoi ?"
20:59 Il me dit...
21:00 "Tétanos."
21:01 Tétanos.
21:02 Juste au cas où la balle du flic aurait été sale.
21:04 Il me bande la jambe.
21:06 Je regarde derrière lui et je vois Maria emballer des affaires dans des sacs.
21:11 Et je me dis...
21:13 "C'est mauvais signe."
21:14 L'image des rats qui quittent le navire me traverse l'esprit.
21:20 Jorge remarque mon regard et il me dit...
21:24 "Écoute, Maria et moi, on va passer quelques jours à Manziano.
21:28 On t'a laissé ce qu'il faut dans la cuisine.
21:30 Y'a de la nourriture et de l'eau pour 3, 4, peut-être 5 jours.
21:32 Ensuite, je reviendrai pour te soigner.
21:36 Je changerai ton bandage et si je trouve de la péliciline, je t'en rapporte.
21:39 D'accord ?"
21:41 Genre... "Garde ton calme."
21:43 "Garde ta jambe en l'air.
21:45 Le verrou sur la porte, les fenêtres fermées.
21:48 Et surtout, n'allume pas les lumières.
21:50 Reste tranquille.
21:51 Ok ?
21:53 À plus tard."
21:55 J'entends leurs voitures démarrer.
21:57 Elles remontent péniblement la petite allée et s'en vont.
22:01 J'étais en pleine déprime.
22:10 Je voulais pas aller en prison.
22:12 Je voulais pas mourir.
22:14 Alors je n'ai pas allumé les lumières ni fait le moindre bruit.
22:17 Je n'ai pas mis la télé.
22:19 Je suis resté dans l'obscurité totale de jour contre jour.
22:23 L'obscurité totale de jour comme de nuit.
22:25 Jorge m'avait recommandé de boire beaucoup d'eau.
22:34 J'ai essayé de faire ça.
22:35 Ça avait l'air logique.
22:37 Tu perds du sang, tu bois de l'eau.
22:39 Ma blessure me faisait souffrir.
22:45 Une douleur lancinante.
22:47 Chaque fois que je bougeais, je sentais qu'elle tirait sur le muscle
22:50 et qu'elle continuait à saigner.
22:52 Je voyais du sang frais traverser le pansement.
22:54 Au bout de trois jours, j'en pouvais plus.
23:02 J'ai décidé de changer mon pansement.
23:05 J'ai essayé d'enlever la compresse, de la détacher,
23:10 mais j'ai fini par l'arracher.
23:12 C'était pas une bonne idée parce que la plaie a recommencé à saigner.
23:20 J'ai un peu de croute, il y a un peu de pu,
23:23 et ça fait un mal de chien.
23:25 J'étais déjà inquiet,
23:30 mais je l'ai été encore plus quand j'ai senti la plaie.
23:33 Une odeur nauséabonde.
23:37 J'avais de puissants motifs pour me lancer dans le plan débile que j'ai concocté.
23:49 Je me réveille un après-midi
23:51 et j'aperçois une robe de Maria.
23:53 Une robe longue, à manches courtes, de couleur orange.
23:57 Ils recherchent deux Américains, deux hommes.
24:05 Je peux devenir une femme un peu masculine,
24:09 monter dans un bus,
24:12 me rendre directement à la frontière
24:14 et sauver ma jambe.
24:18 Tout ce que j'ai à faire, c'est m'habiller comme une femme.
24:21 Je passe donc le reste de l'après-midi à me pomponner.
24:26 Je fais la totale.
24:30 Le soutien-gorge, la robe.
24:32 Je me dis que ça va marcher, c'est sûr.
24:37 Je devais avoir de la fièvre.
24:42 Dans le cas contraire, j'étais juste idiot ou dingue.
24:47 Encore mieux, je tombe sur une paire de grosses lunettes de soleil,
24:51 du style lunettes de stars de cinéma.
24:53 Je trouve un chapeau, un grand chapeau de soleil en paille
24:59 et j'enfile une paire de sandales.
25:03 Je me dis, super, c'est parfait.
25:09 J'avoue que je n'étais pas un canon, mais je croyais que ça passerait.
25:15 J'avais vu des femmes plus moches que ça.
25:17 Je voulais juste sortir, je ne pensais qu'à ça.
25:22 Me sortir du pétrin et sauver ma jambe.
25:25 Je n'avais pas vu la lumière du soleil depuis je ne sais combien de temps.
25:31 Et ça m'a fait un choc.
25:35 J'ai attendu, mais ça tapait fort.
25:40 J'ai décidé d'aller au pétrin.
25:44 J'ai décidé d'appliquer mon plan.
25:46 C'est terrible d'essayer de marcher dans des chaussures de femmes
25:51 sans compter que je boitais à cause de ma blessure.
25:53 Je me suis dit que je n'aurais pas trop de mal à remonter le sentier,
25:58 mais qu'arrivée sur la route, il allait falloir me concentrer
26:02 et marcher normalement.
26:04 Je commence à avancer en boitant et je me motive.
26:13 Oui, je vais y arriver. Je vais sortir de la ville et je vais sauver ma jambe.
26:17 L'adrénaline reprend le dessus.
26:23 Je remarque un premier groupe de personnes.
26:27 Et jetant un oeil sur le côté, je vois que tout le monde se retourne et me regarde bizarrement.
26:32 C'est mauvais signe.
26:37 Je me rends compte que mon plan n'est pas béton.
26:42 A peu près au même moment, j'entends un bruit.
26:45 Je lève les yeux et j'aperçois une voiture de patrouille.
26:49 J'essaie de maîtriser ma peur.
26:54 Ils passent devant moi et je les entends ralentir.
27:01 Le bruit suivant est encore pire.
27:05 Ils font demi-tour en faisant crisser les pneus.
27:10 Je les entends arriver.
27:12 Ils ont l'air très énervés.
27:15 Je suis terrifié.
27:18 Je me dis que je suis fichu.
27:21 Je me suis réveillé à l'arrière de la voiture de patrouille et croyez-moi, j'étais coincé.
27:39 J'avais un flic de chaque côté qui me serrait de près en me tenant la tête en arrière et je me sentais plutôt mal.
27:45 Je me souviens que j'ai vu le ciel par la lunette arrière et que j'ai pensé qu'il était vraiment beau, même vu d'ici, en enfer.
27:54 Ils sont tous en train de hurler et de me crier dessus quand on s'arrête devant le poste de police.
28:00 Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie, jamais.
28:06 Tu entends cette cacophonie de voix espagnole, tu sens la surexcitation dans l'air, l'adrénaline coule à flot.
28:12 Ils ont attrapé le tueur de flics.
28:15 À ce moment-là, je vois le commissaire de police sortir de son bureau.
28:22 Ce type est le parfait modèle du flic mexicain vu par Hollywood.
28:32 Il se contente de me fixer du regard et la haine dans ses yeux. On aurait dit ceux d'un animal.
28:38 Je le regarde et je comprends. Tu as tué deux de mes hommes, t'es mort.
28:45 Il me pose tout un tas de questions.
28:49 Il ne parle pas anglais, je ne parle pas espagnol.
28:53 Et ça le rend furieux.
28:58 Il fait sauter la brique de son étui à revolver, dégaine son arme, m'attrape par l'épaule...
29:03 et me frappe en pleine figure avec la crosse de son semi-automatique.
29:08 C'est dingue.
29:11 J'ai tourné de l'œil. Il m'a envoyé dans l'évap'.
29:16 Je me rappelle qu'on s'est approché d'une grosse porte métallique.
29:27 Un type l'a ouverte et ils m'ont juste balancé dans les airs.
29:30 J'étais pas pressé de me relever. Je crois pas que j'en aurais été capable de toute façon.
29:45 J'ai jeté un regard sur le côté et tout le monde me regardait. Toute la prison.
29:52 À ce que j'ai vu, j'étais le seul Américain incarcéré et je portais une robe,
29:56 ce qui n'est probablement pas une bonne combinaison dans une prison mexicaine.
30:00 La nuit commençait à tomber, on se couchait tôt dans cette prison.
30:14 Il y avait très peu de lumière.
30:17 Je n'avais pas beaucoup d'espoir. J'étais pris au piège comme une mouche dans une toile d'araignée.
30:22 Je me considérais comme perdu. J'étais fichu.
30:27 Je ne voyais pas comment ça pouvait s'arranger. Je voyais tout en noir.
30:42 Aucune lumière au bout du tunnel.
30:45 Le lendemain matin, tout le monde était debout.
31:00 Tout le monde s'agitait.
31:03 Je m'inquiétais surtout pour ma jambe, elle était en pitots états.
31:09 On avait dépassé le stade où on pouvait arranger ça avec un comprimé.
31:12 C'est à ce moment-là qu'on a appelé mon nom.
31:16 J'entends crier mon nom et les autres prisonniers reprennent en chœur.
31:22 Parce que quand les gardiens vous veulent, ils ne plaisantent pas.
31:25 Ça ne me dit rien de bon.
31:28 Deux types m'empoignent de chaque côté et me traînent dans le couloir,
31:37 jusqu'à une autre pièce.
31:39 J'ai peur de ce qui va arriver.
31:58 Hier, j'ai brutalement pris conscience de ma situation.
32:06 C'est comme une bombe qui fait tic-tac à l'intérieur de ton corps.
32:09 Tu ne veux surtout pas qu'elle explose parce que sinon tu es perdu,
32:12 tu es anéanti par la peur.
32:14 Je suis assis sur une chaise et je remarque un éclair de lumière dans un coin de la pièce.
32:19 C'est un officier de la police mexicaine.
32:22 Je ne savais même pas qu'il était là.
32:24 Il est resté dans l'obscurité jusqu'à ce qu'il allume une cigarette.
32:27 La porte s'ouvre violemment.
32:29 Le commissaire de police me balance une baffe qui m'assomme.
32:32 Ensuite, je me souviens juste que j'ai relevé la tête.
32:37 Il me regardait, les mains appuyées sur la table.
32:41 Il commence à me bombarder de questions.
32:48 Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis dit que c'était un coup de feu.
32:54 Je me suis dit que c'était un coup de feu.
32:58 Deux policiers.
32:59 Mes policiers !
33:01 Je ne comprends pas l'espagnol.
33:03 Tu veux voir comment ? Tu peux tuer des policiers, mais tu ne comprends pas ?
33:07 Mais ce n'était pas moi.
33:09 L'officier planqué dans le coin s'avance. Il me fait...
33:11 Vous avez tué des policiers.
33:13 Je lui dis non, non.
33:15 Le chef me pose une autre question.
33:17 Tu vas te faire mal si je ne te met pas un tir.
33:20 Alors qui a tué des policiers ?
33:22 Je... Je n'en sais rien.
33:24 Je lui réponds, je ne sais pas.
33:26 En me disant qu'il faut nier, toujours nier, c'est ce que tout le monde dit.
33:29 Je vous jure que je suis pour rien.
33:31 Ce type se penche dans le cercle de lumière, il me regarde droit dans les yeux et il dit...
33:36 Vous devriez répondre à nos questions.
33:39 Répondez aux questions, c'est pour votre bien.
33:43 Je me dis alors qu'il a raison.
33:47 Il vaudrait mieux pour moi que je réponde à leurs questions.
33:50 Qui a tiré sur les policiers ?
33:53 Il s'appelle Steve.
33:56 Je lui donne le nom du type, je lui dis où il habite.
33:59 Il est à New Texas, c'est tout ce que je sais.
34:02 Je réponds à toutes ses questions.
34:04 Oui, il avait un flingue.
34:06 Sauf pour la drogue.
34:09 C'est la seule fois que je lui mens, parce que pour moi, Rolfe est un type bien.
34:15 Le lieutenant colonel, le type imperturbable, me demande...
34:27 Ce sont vos vêtements ?
34:30 Oui.
34:32 Changez-vous.
34:34 Je ne peux pas.
34:36 Je me dis qu'on en a fini.
34:40 Mais le grand chef revient avec un papier et un stylo et les balance sur la table.
34:45 Le lieutenant colonel me dit alors, dans son mauvais anglais...
34:49 Signez votre déposition.
34:51 Ce sont vos aveux, c'est ce que vous nous avez raconté.
34:55 Si je signe, ils m'emmèneront à l'hôpital.
34:59 Je vous avoue que ma jambe me faisait très mal.
35:06 Et que je me sentais aussi très mal.
35:10 Mais Dieu seul savait ce qui était écrit, parce que c'était en espagnol.
35:14 Je ne peux pas signer ça. Pas question, non.
35:17 Comment ?
35:19 Je n'allais pas signer.
35:21 Je n'avais pas l'intention de passer le restant de mes jours dans cette prison.
35:25 La réalité était déformée.
35:27 Le temps était faussé.
35:30 Le temps n'existait pas à l'intérieur de la prison.
35:35 Il n'y avait pas de temps.
35:37 Le temps était déformé.
35:39 Le temps était faussé.
35:41 Le temps n'existait pas à l'intérieur de la prison.
35:44 Le temps n'existait pas à l'intérieur de la prison.
35:47 Le temps n'existait pas à l'intérieur de la prison.
35:50 Le temps n'existait pas à l'intérieur de la prison.
35:53 Le temps n'existait pas à l'intérieur de la prison.
35:55 Il n'y avait que l'interrogatoire, la lumière vive.
36:05 C'est tout.
36:07 Chaque fois que j'en avais l'occasion, je leur parlais de ma jambe.
36:13 J'avais appris à dire « jambe » en espagnol, « pierna ».
36:17 Je leur disais « mi pierna, malo, malo ».
36:22 Ils répondaient « signe, hôpital, pierna et hôpital ».
36:26 Ils voulaient que j'avoue quelque chose que je n'avais pas fait.
36:31 Mais je croyais vraiment que si je le faisais, j'étais fichu.
36:38 La porte se refermait et je passais le reste de ma vie en prison.
36:44 Cette dernière fois dans la pièce verte, je me sentais mort à l'intérieur.
36:49 Comme s'ils m'avaient entièrement vidé.
36:52 Je me sentais vide, désespéré.
36:55 Un ou deux jours plus tard, je me suis retrouvé dans la pièce verte.
37:05 Je me suis retrouvé dans la pièce verte.
37:10 Un ou deux jours plus tard, ils ont appelé mon nom.
37:13 Le plus dur que j'ai jamais eu à faire, ça a été de marcher jusqu'au barreau de la porte en entendant mon nom.
37:20 Et quelqu'un a crié « Hey Jake, je crois qu'ils ont décidé de t'emmener à l'hôpital finalement ».
37:29 « Ils t'emmènent à l'hôpital ? » et je réponds « Génial ».
37:36 Je me dis « J'y suis arrivé, j'ai survécu, je vais sauver ma jambe. »
37:40 « Peut-être qu'ils ont attrapé Steve et qu'il a avoué. »
37:43 « Maintenant tout va bien. »
37:45 J'en croyais pas mes yeux.
37:52 Je me retrouve devant deux types l'air furieux, le torse élevant, les mains en l'air.
37:58 Je me dis « Oh, c'est pas possible, c'est pas possible, c'est pas possible ».
38:03 Deux types l'air furieux, le torse élevant, couvert de bandages.
38:06 Je comprends tout de suite que ce sont les flics de la fusillade.
38:13 Je me dis « Je croyais qu'ils étaient morts ».
38:16 Deux balles dans le torse à bout portant.
38:18 J'ai pas tiré sur eux, mais je ne les ai certainement pas aidés.
38:25 Tu laisses quelqu'un se vider de son sang, tu te retrouves complice.
38:30 « Bienvenue à l'hôpital, gringo. »
38:32 C'est là que je vois El Jefe, debout dans un coin.
38:36 Un des flics me regarde et me balance un gros crachat.
38:43 Au fond de moi, je ne lui en veux pas.
38:47 « Est-ce que c'est l'homme que nous avons agarré à la plage ? »
38:53 « Les gars l'ont agarré le jour où ils l'ont tiré. »
38:55 « Est-ce que c'est l'homme qui l'a tiré ? »
38:57 « Oui, c'est lui. »
38:58 « Mais tous les deux, visiblement à contre-cœur, ont secoué la tête. »
39:03 « Non. »
39:07 « C'est là que j'ai compris que je venais d'échapper au pire. »
39:13 « Ce non signifiait que je n'étais pas le tireur. »
39:19 « Je me sentais bien en prison. »
39:22 « Je me sentais bien en prison. »
39:25 « Je me sentais bien en sortant de cette chambre d'hôpital. »
39:28 « C'est comme si on m'avait enlevé un poids de 5 tonnes sur les épaules. »
39:32 « Je dirais presque que je ne me suis jamais senti aussi bien de ma vie. »
39:43 « Dès le lendemain, on m'a mis sous perfusion, fait des piqûres, donné des comprimés. »
39:54 « Un ou deux jours plus tard, des gardiens sont venus me ramener en prison parce que ma jambe allait mieux. »
39:58 « J'étais fou de joie. J'étais sûr que j'allais sortir. »
40:06 « Vous savez ce que c'est quand on est plein d'espoir et que rien ne se passe ? »
40:13 « Des jours, des semaines, un mois se sont écoulés. »
40:16 « La vie peut être dure en prison. »
40:22 « Au point où j'en étais, j'en avais tellement bavé que je me contentais de survivre. »
40:25 « Occupe-toi de ça. Pas moi qui le voulait. »
40:30 « C'est du fric. »
40:33 « Appelez vos parents maintenant. Vous leur lisez ça. »
40:36 « Ils me disent, tu vas appeler tes parents et voilà ce que tu vas leur dire. »
40:41 « Ils me tendent un petit bout de papier sur lequel il est écrit en anglais que je suis en prison »
40:46 « et que je peux être libéré sous caution s'ils viennent avec de l'argent. »
40:50 « Je croyais que c'était juste pour soutirer de l'argent à mes parents. »
40:53 « Quelques semaines plus tard, on m'appelle à la porte. »
41:03 « Et je vois mon père. »
41:08 « Papa ? »
41:11 « C'était incroyable. »
41:14 « Je me disais, c'est pas possible. »
41:19 « Je ne pouvais pas le croire. »
41:21 « Je n'y croyais pas. »
41:23 « Franchement, je ne peux pas décrire ce que je ressentais. »
41:27 « Mon père est comme ça. »
41:29 « Il irait à l'autre bout du monde pour aider un de ses gosses. »
41:47 « L'avocat nous fait asseoir, mon père et moi. »
41:49 « Et il nous dit, votre fils est libéré sous caution. »
41:53 « C'est tout. »
41:54 « Il est libéré sous caution. »
41:56 « Et si par hasard, il se présentait à l'aéroport demain matin à 7h30 »
42:01 « pour prendre le seul vol sans escale de Puerto Vallarta à Los Angeles, »
42:04 « je crois que personne n'y trouverait à redire. »
42:07 « Tout le monde y trouvera son compte. »
42:09 « Ils ont l'argent. »
42:12 « Il ne risque pas d'ennui si vous ne vous présentez pas au tribunal »
42:16 « dans la mesure où vous avez fui le pays à l'heure insue. »
42:19 « Tout est réglé. »
42:21 « Ils ne peuvent pas vous faire revenir. »
42:23 « Vous n'avez qu'à monter dans cet avion demain matin et tout est terminé. »
42:28 « Bon sang. »
42:33 « Sortir de cette prison sans un gardien de chaque côté, »
42:36 « je ne me suis jamais senti aussi libre de ma vie. »
42:39 « J'avais l'impression de pouvoir m'envoler dans les airs. »
42:43 « Quel sentiment de liberté ! »
42:45 Après plusieurs semaines de convalescence, je suis parti à la recherche de Steve.
42:48 Je ne voulais pas vivre dans le même état que le type qui savait que j'avais témoigné contre lui.
42:55 Il avait clairement prouvé qu'il savait servir d'un flingue.
42:58 Je ne tenais pas à ce qu'il revienne me voir pour l'utiliser contre moi.
43:01 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
43:05 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
43:08 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
43:12 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
43:14 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
43:16 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
43:18 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
43:20 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
43:22 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
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43:34 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
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43:40 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
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43:50 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
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44:00 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
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44:44 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
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44:48 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
44:50 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
44:52 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
44:54 J'ai été envoyé à la prison pour faire un travail.
44:56 Ils n'avaient aucun autre témoin.
44:58 Ils n'avaient pas l'arme.
45:00 Les policiers ne pouvaient pas l'identifier parce qu'il faisait nuit noire.
45:02 Ils faisaient nuit noire.
45:04 Alors je lui dis...
45:06 Je trouve ça super dégueulasse.
45:08 J'ai passé des mois dans une tôle mexicaine alors que c'est toi qui leur a tiré dessus.
45:10 C'est toi qui me l'a demandé.
45:12 Tu rigoles ?
45:14 Je lui dis "Steve, crois-moi j'ai retourné cette phrase des milliers de fois dans ma tête.
45:18 Occupe-toi de ça."
45:22 Ça voulait dire "débarrasse-toi du flingue, balance-le à la merde, n'importe quoi."
45:26 T'avais qu'à le dire.
45:28 Au lieu de ça, tu m'as sorti "T'as pas ton flingue ? Tu l'as pas dans la poche ?"
45:30 La communication est la clé de tout, non ?
45:36 C'est ainsi qu'on déclenche des guerres dans le monde.
45:38 Une simple petite phrase.
45:40 Tu sais, j'ai été obligé de te balancer aux flics.
45:42 Ouais, je comprends.
45:46 Et il poursuit.
45:48 Tu sais, je suis chrétien maintenant.
45:50 Tout ce que tu cries est entré dans ma vie.
45:52 Pour moi c'est fini les armes, la drogue, tout ce qui m'écarte du droit chemin.
45:54 Alors je te pardonne.
45:56 J'espère que tu me pardonneras aussi.
46:00 C'était surréaliste. Toute la scène était surréaliste.
46:02 Il te reste plus qu'à oublier ça.
46:06 Tout avait l'air différent.
46:08 J'ai pris conscience plusieurs jours plus tard que c'était moi.
46:10 Que c'est moi qui avais changé.
46:12 En y repensant, si je devais le refaire, je m'y prendrais autrement.
46:14 Mais on n'a jamais l'occasion de refaire quoi que ce soit.
46:18 Ça m'a marqué, et pas seulement en mal.
46:20 Ça peut sembler ringard, mais j'apprécie beaucoup de choses que la plupart des gens considèrent comme acquises.
46:22 J'apprécie beaucoup plus de choses dans ma vie,
46:24 ces petits détails que les gens tiennent pour acquis.
46:26 Je ne sais pas si tu as déjà vu ce film,
46:28 mais c'est un film qui est très bien réalisé.
46:30 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:32 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:34 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:36 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:38 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:40 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:42 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:44 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:46 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:48 C'est un film qui est très bien réalisé.
46:50 C'est un film qui est très bien réalisé.