Pouvoir d'achat : qui sont les gagnants et les perdants de l'inflation ?

  • il y a 7 mois

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00:00 6h30, 9h, les matins de France Culture, Quentin Laffey.
00:06 7h15, la question du jour avec vous Marguerite Caton, bonjour.
00:09 Bonjour Quentin et bonjour à tous.
00:11 Et ce matin, une bataille économique.
00:13 Une guerre d'usure pourrait-on dire, celle que l'inflation fait subir à notre pouvoir d'achat.
00:17 Depuis la fin de l'épidémie de Covid, la France connaît une hausse des prix inédite.
00:21 12,3% entre septembre 2021 et décembre 2023.
00:26 Autant dire un appauvrissement généralisé contre lequel il n'existe que peu d'armes.
00:31 Le blocage des prix, la hausse des salaires, la hausse des prestations sociales ou la baisse des prélèvements fiscaux.
00:37 Selon la dernière étude de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques,
00:41 tous ces mécanismes de résistance ont permis de stabiliser le pouvoir d'achat.
00:46 Il aurait même très légèrement augmenté de 10 euros par an en moyenne entre 2021 et 2023.
00:52 Mais ce chiffre dissimule des gagnants et des perdants.
00:54 Bonjour, on bline Julien Depomerole.
00:56 Bonjour.
00:57 Vous êtes économiste à l'OFCE, vous êtes la coautrice de la note que je mentionnais de la crise Covid de choc inflationniste.
01:03 Une analyse macro et micro du pouvoir d'achat en France.
01:06 Le premier renseignement de cette étude, c'est que les salaires n'ont pas suivi la hausse des prix.
01:12 Exactement, ça a été beaucoup repris par la presse que le travail ne paye plus.
01:16 En fait, si on rentre dans le détail un peu de cette formule,
01:21 c'est que les salaires réels n'ont pas augmenté au même rythme que l'inflation.
01:25 Et donc, on a une perte de pouvoir d'achat sur ce point là.
01:29 Donc, ils n'ont pas contribué positivement à maintenir le pouvoir d'achat, au contraire que d'autres sources de revenus.
01:34 Parce qu'on a souvent l'impression que le pouvoir d'achat, c'est que le revenu du travail,
01:38 alors qu'en fait, il se décompose en, comme vous l'avez dit, prestations fiscales ou sociales.
01:42 Il y a aussi ce qui était important dans ce maintien du pouvoir d'achat, les revenus du patrimoine,
01:48 qui ont eux été positifs et ont permis d'avoir des gains sur ce pouvoir d'achat.
01:55 Notamment, on a beaucoup parlé des super profits.
01:57 Et donc, ces super profits ont permis de verser des dividendes records sur la période 2021-2023.
02:06 Et en fait, aussi, il y a la remontée des taux d'intérêt bancaire qui permettent, eux, un rentement plus positif de ce patrimoine.
02:13 Donc voilà, si on rentre dans le détail du revenu du patrimoine.
02:16 Et il y a enfin un troisième composant de ce pouvoir d'achat, c'est les prestations sociales.
02:21 Est-ce que c'est elles qui ont permis de maintenir ce pouvoir d'achat ?
02:25 En fait, non, comparé à la période du Covid, où ce maintien du pouvoir d'achat était très fort grâce au quoiqu'il en coûte.
02:33 Sur la période, malgré le bouclier telfer qui avait quand même atteint 60 milliards d'euros,
02:38 qui a permis un blocage des prix, comme vous l'avez dit.
02:40 En fait, on se rend compte que ce n'est pas suffisant pour compenser cette perte en salaire.
02:46 Il y a eu d'autres mécanismes, comme la prime Macron.
02:50 La prime de partage de la valeur.
02:51 Exactement, voilà, vous avez dit le mot technique.
02:55 Mais ces mécanismes-là n'ont pas permis de maintenir le pouvoir d'achat via les prestations sociales.
03:03 Donc, on comprend que les salaires ne suffisent pas, les prestations sociales,
03:07 pas vraiment parce que l'indexation sur l'inflation n'est pas continue, pas synchronisée.
03:11 Elle est retardée, en fait, c'est ça, il y a un effet de retard sur ces prestations.
03:15 Donc, les revenus du patrimoine sont finalement la seule chose qui a vraiment tiré le pouvoir d'achat.
03:20 Ce qu'on comprend, donc, Juliane Pomerol, c'est que l'inflation, c'est un choc qui vient creuser les inégalités.
03:27 Quand on regarde, ce qui a été intéressant dans cet étude-là, c'est qu'on a essayé de regarder par des cils, en fait.
03:32 De décomposer comment les revenus étaient impactés et comment l'inflation impactait ces revenus-là en termes de pouvoir d'achat par des cils.
03:41 Et en fait, on remarque que forcément, si les revenus du patrimoine sont les plus importants,
03:45 ceux qui ont le plus de patrimoine ont le plus de revenus et ont pu avoir une croissance de leur pouvoir d'achat.
03:52 Et donc, au contraire, ceux dont les revenus du patrimoine sont nuls voient leur pouvoir d'achat se creuser.
03:58 Donc, on peut dire que d'un côté, ça renforce ces inégalités-là.
04:02 Après, voilà, c'est toujours des précautions. C'est sur deux ans de période.
04:06 On ne peut pas voir aussi l'effet que l'inflation a sur le patrimoine en stock.
04:10 Là, c'est que des revenus qui sont liés à ces patrimoines-là.
04:15 Mais en effet, ceux qui sont le plus touchés, c'est du deuxième des cils, entre guillemets, aux décès.
04:21 Donc, en fait, c'est la classe moyenne, si je vous comprends bien.
04:24 À peu près, on peut le dire comme ça. C'est ceux qui n'ont pas vraiment...
04:28 Les prestations sociales ne jouent pas un rôle très important dans leur revenu
04:31 et qui n'ont pas non plus un gros revenu du patrimoine.
04:33 Les gens qui, entre guillemets, sont censés vivre de leur travail, c'est ça ?
04:37 En effet, si vous n'avez pas... Parce qu'on n'en a pas parlé aussi, mais ceux qui ont...
04:43 Il y a eu beaucoup d'emplois qui ont été créés pendant la période.
04:45 Donc, ça, ça a permis de maintenir, entre guillemets, le revenu du travail total.
04:50 Et donc, si vous n'avez pas changé de statut d'actif entre employeur et chômeur
04:56 et que, comme vous l'avez dit, vous ne bénéficiez pas forcément de prestations sociales,
05:00 c'est vrai qu'on peut voir que votre pouvoir d'achat n'a pas été...
05:06 On n'a pas lié sur ce point-là.
05:08 Après, c'est vrai qu'en économie, on a toujours un peu des réserves sur le concept de classe moyenne.
05:12 Mais en fonction des sources de votre revenu, forcément, vous êtes plus ou moins impacté.
05:18 Et sachant qu'encore une fois, il y a une perte de salaire réel.
05:21 Évidemment. Et alors, si on parle plus précisément encore de ces différents niveaux de vie et du revenu des ménages,
05:28 ce que vous montrez dans cette étude, c'est que les retraités,
05:32 et notamment les retraités des zones rurales, sont les plus touchés.
05:36 En effet, en fait, c'est toujours avec ce côté d'effet retard, surtout.
05:39 Vu que leurs pensions n'ont pas été indexées, elles le sont à partir du 1er janvier à 5 %,
05:47 il y a eu un retard de...
05:51 Forcément, l'inflation a minimisé leurs pensions.
05:56 Ça va être un peu rattrapé sur l'année 2024, puisqu'on voit une baisse de l'inflation qui va être, du coup,
06:01 mitoyenne avec une hausse de 5,3% des pensions.
06:05 Mais en effet, c'est ces ménages-là, quand on regarde l'hétérogénéité du choc inflationniste,
06:11 qui ont été les plus impactés.
06:14 - Et pourquoi les zones rurales ?
06:16 - Parce que ça tient au panier de consommation, qui est différent en fonction des endroits où vous habitez.
06:22 Et il faut se rappeler que le choc inflationniste vient surtout des prix de l'énergie.
06:26 Et donc, plus vous consommez d'énergie, plus votre panier de consommation a une inflation élevée.
06:33 - Et si on se penche sur les revenus des ménages les plus modestes,
06:37 où les prestations sociales jouent un rôle important,
06:40 est-ce que l'indexation, finalement, même un peu différée,
06:43 a permis de moins perdre au dépouvoir d'achat que cette fameuse classe moyenne dont vous n'aimez pas le terme,
06:48 mais qui reste très dépendante des revenus des salaires ?
06:52 - Les prestations sociales, elles, pour le coup, vont être revalorisées à partir d'avril,
06:58 donc pour avoir un effet de rattrapage.
07:01 En fait, ce qu'on voit sur les classes, ce qui est un peu difficile à comprendre,
07:04 mais le D1 de la distribution, les classes les plus appauvries, elles se sont moins endettées.
07:11 En fait, on peut parler d'un gain de pouvoir d'achat parce qu'elles se sont moins endettées pour consommer.
07:18 Structurellement, elles s'endettent pour consommer,
07:22 et en fait, c'est un peu trompeur parce qu'on se dit "oui, il y a 0,3% de gains de pouvoir d'achat",
07:26 mais c'est pas du pouvoir d'achat réel, c'est le fait de moins s'endetter grâce à cette...
07:33 - Les prestations sociales n'ont pas permis de compenser la pauvreté ?
07:37 - Non, non, parce que c'est toujours le même.
07:39 - Évidemment. Merci beaucoup, Ombline Julien de Pomerol.
07:41 Je rappelle que vous êtes économiste à l'OFCE, l'Observatoire français des Conjonctures économiques,
07:45 donc que vous êtes la co-autrice de "Cenote", sortie jeudi,
07:50 de la crise Covid de choc inflationniste, une analyse macro et micro du pouvoir d'achat en France.

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