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00:00 *Générique*
00:06 Comment va l'économie française ?
00:08 Est-elle en train de sortir de la stagnation, baisse de l'inflation, reprise de la consommation,
00:12 multiplication des investissements étrangers ?
00:16 Tout semble aller dans le sens d'un redémarrage progressif de notre économie après une année 2023 marquée par une croissance faible.
00:24 Mais quelles sont les projections des économistes pour les mois à venir ?
00:28 Bonjour Eric Eyer.
00:29 Bonjour.
00:30 Vous êtes directeur du département analyse et prévision de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques.
00:38 Êtes-vous d'accord avec ces différents constats, c'est-à-dire le signe que finalement nous aurions aujourd'hui un redémarrage de l'économie française ?
00:50 Une série d'indicateurs qui permettraient donc d'être relativement optimistes sur la manière dont se déroulent les choses.
00:57 Je pense que c'est pas pour tout de suite.
00:58 Je pense que s'il devait y avoir un redémarrage, ce serait plutôt pour la fin d'année, voire l'année 2025.
01:04 Mais l'année 2024, malheureusement, ne devrait pas être très bonne.
01:08 Alors on va essayer de l'expliquer.
01:09 C'est-à-dire que globalement, on est dans un ralentissement économique, mais qui a changé de nature.
01:13 Jusqu'à présent, et l'année 2023 en était un exemple, il y avait un ralentissement parce que les entreprises se plaignaient d'avoir des problèmes d'offres.
01:22 Elles n'arrivaient pas à produire parce qu'il y avait des difficultés de recrutement, des problèmes d'approvisionnement.
01:27 Les carnets de commandes étaient là, mais elles avaient du mal à produire pour ces raisons-là.
01:30 La bonne nouvelle, c'est que les problèmes d'offres sont en train de se résoudre.
01:34 C'est-à-dire que les problèmes d'approvisionnement sont peu ou prou revenus à la normale, même s'il faut quand même se méfier avec ce qui se passe aujourd'hui en mer Rouge.
01:41 Mais globalement, les problèmes d'approvisionnement, il y en a quasiment plus.
01:44 Et les difficultés de recrutement sont en train, petit à petit, de diminuer.
01:49 En revanche, le principal frein, nous dit l'échelle d'entreprise, c'est les carnets de commandes.
01:53 C'est-à-dire que là, c'est devenu complètement vide.
01:54 Donc, on est passé d'un problème d'offres à un vrai problème de demande.
01:57 Et là, malheureusement, au moins le premier semestre après, on verra.
02:01 Mais le premier semestre de l'année 2024 devrait être marqué par un problème de demande et donc une croissance quasi nulle au cours des deux prochains.
02:09 Et donc, ce n'est pas ça qui évoque une reprise.
02:12 Et l'élément central, c'est l'emploi.
02:14 C'est-à-dire que là, on a un gros doute.
02:16 C'est-à-dire que pour l'instant, ce qui était assez intéressant, c'est que malgré une croissance très faible, les entreprises créent énormément d'emplois.
02:24 Et donc, le pouvoir d'achat a été soutenu par des créations d'emplois extrêmement fortes.
02:27 Pas par des salaires qui étaient dynamiques, mais par le fait qu'on avait distribué beaucoup de masse salariale.
02:33 Là, il nous semble qu'aujourd'hui, on est dans une phase où l'échelle d'entreprise nous dit qu'on va beaucoup moins embaucher.
02:40 Et donc, ça, ça va nourrir ce problème de demande.
02:42 Donc, allez, je pense que 2024 sera encore une année difficile pour les Français.
02:46 Le gouvernement a décidé d'intensifier sa lutte contre le chômage avec une série de réformes.
02:51 - De France Travail, donc. À la question de l'indemnisation des chômeurs, y a-t-il urgence en la matière, Eric Keyer ?
03:00 - Alors non, je crois qu'il n'y a vraiment pas urgence.
03:02 C'est-à-dire que, vous voyez, quand, encore une fois, on était dans la situation de 2022-2023, où il y avait beaucoup de demandes des entreprises
03:10 et elles voulaient énormément embaucher, mais qu'il y avait des difficultés de recrutement, essayer d'inciter les chômeurs à reprendre un emploi pouvait avoir du sens.
03:19 Aujourd'hui, encore une fois, avec cette bascule, les entreprises nous disent très clairement dans les enquêtes, on ne va plus embaucher l'année prochaine.
03:28 Donc, vous voyez comment, quel est l'intérêt d'inciter un chômeur et de le contraindre alors qu'il n'y aura pas de demande d'emploi dans les prochains trimestres ?
03:39 Donc, ce n'était pas le moment. Et surtout, entre nous, si on est dans un problème de demande, durcir les conditions des chômeurs en baissant leur indemnisation,
03:46 ça va nourrir ce problème de demande.
03:48 Donc, non, il n'y avait vraiment pas d'urgence à, aujourd'hui, refaire une cinquième réforme du marché de l'assurance chômage.
03:56 Donc, vous voyez, attendons. Vous voyez, c'est ça aussi, je pense, un problème de méthode.
04:02 Depuis 2018, il y a eu cinq mesures pour réformer l'assurance chômage.
04:08 On n'a pas encore les résultats de ces mesures.
04:10 Attendons de savoir, est-ce que ces mesures étaient bonnes ?
04:13 Est-ce qu'elles ont porté leurs fruits ?
04:15 Et si elles n'ont pas porté leurs fruits, mettons une nouvelle mesure en place.
04:19 Mais là, on n'a pas encore de recul.
04:21 Au moment où la conjoncture se retourne, ce n'est absolument pas le moment de le faire.
04:24 Mais il y a encore ces problèmes de mismatch, comme on dit en français, c'est-à-dire de difficultés de rencontre entre l'offre et la demande.
04:31 Et il y a beaucoup de secteurs qui cherchent à embaucher, qui n'y parviennent pas.
04:35 On parle de secteurs en tension.
04:37 Est-ce qu'il ne faut pas durcir les conditions d'indemnisation ?
04:41 La politique ne m'en est pas, le gouvernement, pour inciter, obliger, vous utilisez le verbe que vous voudrez,
04:48 les chômeurs à prendre des emplois qu'ils n'auraient probablement pas pris en premier examen.
04:53 Alors, quand on regarde le problème de mismatch que vous avez signalé, les raisons sont connues.
04:59 Le raison, c'est d'abord le logement.
05:01 C'est-à-dire que tant que votre logement et le coût pour se loger est extrêmement élevé,
05:07 globalement, ça coûte cher lorsque vous déménagez.
05:09 Donc, vous ne déménagez pas.
05:10 Vous restez dans votre logement et donc vous êtes fixé dans un endroit, alors que les emplois peuvent être ailleurs.
05:16 Et donc, ça, c'est un vrai problème, mais ce n'est pas la réforme de l'assurance chômage qui va les résoudre.
05:20 Le deuxième, c'est typiquement le coût du transport et le coût du permis de conduire.
05:26 C'est-à-dire que beaucoup de Français ne peuvent pas accepter des emplois qui sont à quelques kilomètres et il y a des problèmes de transport.
05:32 Donc, ces deux raisons principales qui sont bien documentées n'ont aucun lien avec la réforme de l'assurance chômage.
05:39 Et rappelez-le, on a fait des réformes de l'assurance chômage.
05:42 Encore une fois, on a durci les conditions.
05:44 On est passé de quatre mois d'indemnisation à six mois pour être éligible.
05:47 On a diminué l'indemnisation.
05:50 On a mis de la dégressivité.
05:52 On a fait des bonus malus.
05:53 On l'a rendu contracyclique.
05:55 Attendons de voir si ça, ça a résolu les problèmes.
05:58 Et encore une fois, la conjoncture est extrêmement importante.
06:00 Aujourd'hui, vous voyez les perspectives d'emploi indiquées dans l'échelle d'entreprise a perdu dix points.
06:06 C'est passé de 110 à 100 en l'espace de six mois.
06:09 C'est un signal fort que l'échelle d'entreprise nous dise ce n'est plus le problème, ce n'est plus l'emploi.
06:13 Le problème, ce sont les carnets de commandes qui sont vides.
06:15 Tant qu'il n'y a pas de commandes, on ne va pas embaucher.
06:17 Je poursuis dans la question de l'emploi.
06:20 Les secteurs en temps sont, ils existent.
06:22 On l'a vu, par exemple, avec la question agricole, puisque c'était vraiment une demande des agriculteurs.
06:28 Alors pourquoi? Et bien entendu, c'est une question qui est devenue déjà politique.
06:33 Pourquoi faut-il considérer qu'on a besoin de mesures pour embaucher dans les secteurs en tension?
06:42 Vous dites il y a des freins, par exemple la question du logement.
06:45 Et je pense qu'il va falloir qu'on développe ce thème.
06:48 Mais est ce que ces freins sont moins importants, par exemple, pour les personnes qui viendraient de l'étranger pour occuper ses emplois?
06:56 Justement, Eric Keyer.
06:57 Non, mais alors l'immigration, c'est intéressant.
07:00 Effectivement, c'est une façon de résoudre ce problème.
07:02 C'est faire appel. Il est possible aussi qu'il y ait des problèmes de compétences et le mismatch.
07:06 C'est que globalement, on n'a pas besoin de ces compétences là.
07:09 En France, on a des compétences qui sont plus nécessaires et il en manque dans d'autres.
07:13 Faisons appel à l'immigration.
07:14 Et la question a souvent été de l'immigration quand on a du chômage.
07:19 C'est quand même un peu dommage et il faudrait mieux faire travailler les personnes natifs.
07:24 Alors, les études académiques, encore une fois, on ne fait pas une science exacte, mais les études académiques sont là pour nous aider.
07:30 Nous indiquent bien que ouvrir à l'immigration n'a aucune incidence sur le chômage des natifs.
07:36 Ça, c'est extrêmement important et surtout n'a aucune incidence sur le salaire des natifs.
07:40 Même si on arrive à montrer un effet, c'est plutôt un effet positif.
07:45 C'est à dire que ça aide effectivement à notamment des femmes natives à reprendre un emploi parce que ce sont des emplois,
07:52 les emplois qui sont nous pourvus sont souvent des emplois assez difficiles à la fois physiquement et aussi dans le rythme de vie.
07:59 Et donc, globalement, les femmes ont du mal à essayer d'être dans ces emplois là.
08:06 Et donc, quand elles sont aidées par des personnes qui viennent de l'étranger, ça les aide.
08:12 Donc, il faut voir l'immigration.
08:14 Alors, bien sûr, il faut le contrôler.
08:15 Il ne faut pas ouvrir complètement les vannes sans réfléchir.
08:19 Mais l'immigration est une solution, effectivement, pour ces métiers en tension.
08:22 Et c'est dommage qu'on ne soit pas allé au-delà de ce que le gouvernement a fait.
08:28 L'esprit de cette réforme, notamment de l'indemnisation du chômage, vous me direz si vous êtes d'accord, Éric Eyer.
08:34 Je vais la résumer à gros trait. C'est d'accroître la différence de rémunération entre ceux qui sont en emploi et ceux qui sont donc hors de l'emploi.
08:46 Aujourd'hui, chômeurs, quelles sont les conséquences généralement de ce type de mesures?
08:52 Puisque ce n'est pas la première fois que celles-ci sont menées selon vos différentes études à l'OFCE où vous travaillez.
09:01 Oui, alors non, mais effectivement, que le travail paye plus que le non-travail, on va dire, est sans doute un objectif qui est vertueux.
09:08 Il faut inciter, effectivement, potentiellement à travailler.
09:11 Sinon, en tout cas, s'il y a des difficultés de recrutement, c'est une solution.
09:15 Habituellement, les gouvernements précédents, on pense au gouvernement sous Nicolas Sarkozy, c'était le travailler plus pour gagner plus.
09:21 C'est-à-dire quand on travaillait, on gagnait plus.
09:24 Là, effectivement, la logique de ce gouvernement, c'est plutôt de dire on ne va pas faire que le travail gagne plus.
09:32 On va faire que le non-travail gagne moins.
09:34 Donc, ce n'est pas le travailler plus pour gagner plus.
09:36 C'est quand je travaille moins, je gagne moins.
09:39 D'accord. Et donc cet écart, l'incitation, elle se fait plutôt par le bas.
09:43 Elle se fait plutôt en essayant de, allez, le mot est peut-être un peu fort, mais paupériser ceux qui ne travaillent pas pour les inciter à retravailler.
09:52 Alors, qu'est-ce que ça fait ?
09:53 Alors, quand on est dans une conjoncture avec un problème de demande, ce n'est pas une bonne solution.
09:58 D'accord. Premièrement.
09:59 Deuxièmement, ce que ça fait, d'accord, quand on le fait dans le sens, c'est qu'effectivement, on a des résultats souvent sur l'incitation et la reprise à l'emploi est plus rapide.
10:09 Mais attention, pas de bonne qualité, c'est-à-dire que je suis qualifié à un certain niveau.
10:15 J'accepte dans ces conditions-là d'avoir un emploi moins qualifié que mes qualifications.
10:20 Et ça, on sait que ce n'est pas très bon.
10:22 D'accord. À long terme, pourquoi ?
10:24 Parce que je me sens déclassé.
10:26 Ma productivité n'est pas bonne parce que je vais au travail à reculons.
10:30 Et surtout, j'ai pris l'emploi de quelqu'un qui était au chômage et avec la qualification requise.
10:35 Ça déplace le problème.
10:36 Et donc, ça déplace le problème.
10:38 Le résultat de tout cela, c'est que du coup, à long terme, ce n'est pas soutenable.
10:44 Mais par contre, ça fait des économies à court terme.
10:46 Et ça, si vous voulez faire des économies budgétaires, c'est une façon de faire qui est relativement efficace.
10:51 Parce que globalement, vous remplacez un chômeur qui coûte cher par un chômeur qui coûte moins cher.
10:56 Et donc, globalement, les économies que vous faites, elles sont réelles.
11:00 Et donc, je pense que c'est comme ça qu'on doit voir à peu près toutes les mesures proposées par ce gouvernement.
11:05 C'est à l'aune d'un critère qui est comment je fais pour faire des économies,
11:09 pour essayer de respecter mes engagements vis-à-vis de la Commission européenne,
11:13 en tout cas, d'essayer de réduire les déficits.
11:15 On va continuer à en parler dans une vingtaine de minutes,
11:17 puisqu'il y a aujourd'hui à la une de la presse, ces 10 milliards d'économies.
11:22 Les ministères cherchent où faire ces économies.
11:27 Ils ont trouvé d'ailleurs, en tout cas sur le papier, les économies qu'il faudrait faire.
11:32 On va voir quelles peuvent être les conséquences de ces économies.
11:36 Nous serons donc toujours avec vous, Eric Keyer.
11:39 Je rappelle que vous êtes directeur du département analyse et prévision de l'OFCE,
11:46 autrement dit l'Observatoire français des conjonctures économiques.
11:50 7h56 sur France Culture.
11:53 Nous sommes en compagnie d'Eric Keyer, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE.
12:05 Nous avons vu avec vous, Eric Keyer, les prévisions pour l'économie française,
12:09 avec peut-être une embellie, mais pas tout de suite selon vous, avec une question du chômage.
12:15 Et vous avez évoqué, disons, votre scepticisme à l'égard des mesures prises par le gouvernement
12:21 pour lutter contre le chômage.
12:24 Et dans l'actualité, il y a 10 milliards, 10 milliards en moins, si j'ose dire,
12:29 puisque ce sont 10 milliards d'euros d'économies qui sont donc des annulations de crédits,
12:36 des coupes budgétaires avec un peu plus de 2 milliards en matière d'écologie,
12:42 de développement et de mobilité durable.
12:45 1 milliard demandés en matière d'économie pour le secteur du travail et de l'emploi.
12:50 La recherche et l'enseignement supérieur, dont on aurait pu imaginer qu'ils soient sanctuarisés,
12:55 eux vont devoir réaliser 900 millions d'économies.
12:58 Je ne vais pas faire la liste, mais on voit qu'il y a tous les secteurs qui sont touchés,
13:03 l'enseignement aussi.
13:04 700 millions, votre regard d'économiste sur ces économies, Eric Yeyer ?
13:10 Alors, il faut comprendre que les économies arrivent au moment où le gouvernement révise
13:14 sa prévision de croissance.
13:15 C'est-à-dire qu'ils avaient voté un budget il y a 6 mois avec une croissance économique
13:20 pour 2024 à 1,4%.
13:22 Et donc, du coup, ils avaient déjà proposé des économies de 12 milliards pour essayer
13:28 de respecter les engagements vis-à-vis de Bruxelles, la réduction des déficits et
13:32 des efforts sur la dépense publique.
13:33 Là, ils révisent de 1,4 à 1 et donc disent qu'il y aura moins de croissance, donc
13:39 moins de recettes.
13:40 Donc, si on veut tenir les déficits, il faut faire des économies supplémentaires.
13:44 Ces économies, ça a été annoncé, vous les avez rappelés, c'est à peu près 10 milliards.
13:49 Alors, quand j'entends ça, d'abord, 1, il me semble que c'est trop 10 milliards
13:54 par rapport à la révision.
13:56 Vous voyez, quand vous passez de 1,4 à 1, en fait, il ne vous manque que 5 milliards.
13:59 Donc, en fait, c'est deux fois plus, finalement, que la révision.
14:03 Et donc, ils sont allés un peu plus loin que le budget précédent de ce point de vue-là.
14:08 Ça, c'est la première remarque.
14:09 La deuxième remarque…
14:10 Pourquoi ?
14:11 Ah ben, c'est une bonne question.
14:12 C'est-à-dire que globalement, il y a une solution.
14:15 Enfin, il faudrait leur poser la question eux-mêmes.
14:17 Vous avez des hypothèses ?
14:19 Oui, alors, une hypothèse, c'est qu'en gros, globalement, si vous dites qu'il
14:22 manque 5 milliards, d'accord ? Si vous ne faites que 5 milliards d'économies, puisque
14:26 ces économies-là vont peser sur la croissance, vous allez avoir moins de recettes.
14:32 Et donc, ces 5 milliards d'économies vont finalement aboutir à finalement 2 milliards,
14:38 3 milliards d'économies.
14:39 Donc, si vous cherchez 5 milliards, en fait, aujourd'hui, il faut proposer 10, parce
14:43 qu'au bout du compte, ça va casser un peu plus la croissance économique.
14:46 Et donc, vous n'aurez que 5 à l'arrivée.
14:48 Donc ça, je pense que c'est important à rappeler.
14:51 Et là, du coup, ça met un peu à mal leur perspective de 1%.
14:54 C'est-à-dire qu'ils n'ont peut-être pas assez bien pris en compte l'incidence
14:58 de ces économies sur la croissance économique.
15:01 Mais alors, là aussi, si je vous demande votre regard d'économiste sur les secteurs
15:06 où ont été réalisées les économies, alors c'est un peu étonnant parce que la recherche,
15:12 l'enseignement, on considère que ce sont des investissements à long terme.
15:16 Est-ce que c'était opportun, selon vous, de réaliser des économies dans ces secteurs-là ?
15:23 Non, mais là, on touche bien le problème court terme, moyen terme.
15:27 C'est-à-dire que si vous pensez que ces secteurs-là sont les secteurs d'avenir,
15:30 et c'est en ayant des étudiants mieux, avec une compétence augmentée et des étudiants
15:38 qui sont mieux éduqués, ça fera une productivité de main et donc de la croissance de deux mains.
15:43 Donc là, aujourd'hui, on a l'impression que le gouvernement veut respecter à tout
15:47 prix le court terme, mais en mettant en danger possiblement la croissance de moyen terme
15:52 et de long terme.
15:54 Et ça, c'est un peu dangereux parce qu'on connaît les conséquences de tout cela, parce
15:58 qu'il nous l'a bien rappelé, les 10 milliards d'aujourd'hui, de 2024, vont être répétés
16:04 en 2025, en 2026, en 2027.
16:07 Et donc il va falloir chercher encore plus.
16:10 Et donc attention à ne pas paupériser un peu trop l'État, parce que pour l'instant,
16:13 et là je pense que le gouvernement ne pourra pas échapper, il fait porter l'austérité
16:18 on va dire, sur l'État, pas sur le modèle social.
16:24 Mais attention, je pense que l'État, on n'est pas loin d'être à l'os.
16:27 Et donc du coup, je pense que cette année, c'est l'État, et les années suivantes,
16:31 ça va être le modèle social.
16:32 Jean Lemarie, arrêtons-nous sur ce mot incandescent, vous venez de le prononcer Eric Keyer, le
16:36 mot "austérité", un mot toujours mis en avant, vanté ou redouté d'ailleurs, selon
16:41 qu'on est de droite ou de gauche, débat classique de la politique.
16:43 Si on regarde les échelles de grandeur, les chiffres dont on parle aujourd'hui, donc
16:47 10 milliards cette année, probablement 15 milliards si on suit la tendance l'année
16:50 prochaine, est-ce que c'est un type d'austérité qu'on a connu en France ces dernières années,
16:55 ou est-ce que ce serait inédit ?
16:56 Non, je ne veux pas inédit.
16:58 Très souvent, 3-4 ans après une crise économique, vous voyez, pendant une crise économique,
17:03 on ouvre les vannes pour essayer de limiter la casse.
17:07 Donc on fait des plans de relance, la croissance revient, les déficits par contre sont élevés,
17:13 la dette publique a augmenté, et donc on se dit 3-4 ans plus tard, tiens, il va falloir
17:16 commencer à rembourser.
17:17 Donc on a connu ça, on a connu ça en 2011, 3 ans après la crise de 2008, on s'est lancé
17:23 dans de l'austérité un peu partout en Europe.
17:25 Là on est 3-4 ans après le début de la crise, les déficits sont élevés, la dette
17:30 publique est élevée, on se dit il va falloir commencer à rembourser, et bien on fait des
17:35 efforts, on nous demande de faire des efforts structurels.
17:38 C'est ça aussi le pacte de stabilité, c'est-à-dire quand on est au-dessus des
17:41 3%, il faut faire des efforts pour y revenir.
17:44 Et donc la conjoncture n'étant pas là, on va demander un peu plus d'efforts.
17:48 Bon, appelons-le austérité, rigueur, peu importe, mais ce qui est très important,
17:54 et ce que nous apprend quand même l'analyse du passé, c'est que lorsque tous les pays
17:58 européens se mettent en même temps à faire cette politique de rigueur, lorsque l'on
18:03 est dans une économie qui est en ralentissement, et lorsque la banque centrale n'aide pas
18:09 l'activité, et même à des taux d'intérêt un peu trop élevés, ce sont les conditions
18:13 où l'incidence économique de cette austérité est la plus importante.
18:17 Donc attention à ne pas répéter l'erreur de 2011-2014.
18:19 Mais on y est là ? C'est ça que vous identifiez ?
18:22 Eh bien, allez, on va dire que 2024, effectivement, tous les pays, y compris l'Allemagne,
18:28 vous voyez l'Allemagne c'est quand même assez incroyable.
18:31 L'Allemagne aujourd'hui est, on va dire, l'élève malade à très court terme.
18:35 C'est-à-dire que c'est l'économie qui rebondit le moins en zone euro.
18:38 D'accord ? Qui, si vous prenez un peu de recul, produit la même chose qu'il y a
18:42 4 ans.
18:43 Donc ils ont zéro de croissance depuis 4 ans.
18:46 D'accord ? Ils ont des marges budgétaires suffisantes pour essayer de le relancer, plutôt
18:51 que de continuer à relancer leur activité, ils se mettent eux aussi à faire de l'austérité.
18:55 Donc vous voyez, l'Italie fait de l'austérité, l'Espagne fait de l'austérité, la France
18:58 fait de l'austérité, l'Allemagne fait de l'austérité.
19:00 Toute cette austérité va nourrir un ralentissement économique.
19:04 On aurait là, pour le coup, aimé que l'Allemagne, qui n'a pas de problème budgétaire, continue
19:09 à soutenir son activité pour que, finalement, l'austérité des uns ne soit pas nourrie
19:15 par l'austérité des autres.
19:17 Et là, il aurait fallu une coordination au niveau européen, plutôt que de dire "Allez,
19:20 aujourd'hui, on est quatre ans depuis le début de la crise, allez, on se lance tous
19:25 dans de l'austérité".
19:26 Bon, mais si on essaye de défendre ces mesures, ou alors de les juger insuffisantes, on prend
19:34 le niveau des déficits de l'État depuis un certain nombre d'années, on se rend compte
19:38 que ceux-ci se chiffrent aux alentours de 170 milliards d'euros.
19:43 Alors, je peux vous dire que 10 milliards sur 170 milliards de déficit, c'est une
19:47 paille, comme on dit, Eric Yeyer.
19:50 Non, non, mais qui faille petit à petit revenir à un équilibre financier.
19:55 Oui, petit à petit, avec 170 milliards de déficit, il va falloir...
20:00 La question qu'on doit se poser dès qu'on parle de déficit, c'est à quoi il a servi.
20:04 Vous voyez, si ce déficit a servi à investir dans les infrastructures, à sauver des entreprises,
20:12 à aider les ménages, bon, c'est un investissement.
20:15 Et demain, il y aura un retour sur cet investissement.
20:19 Effectivement, si ce déficit, par contre, a été gaspillé, là, c'est la catastrophe.
20:23 Donc, la question, on a du mal à répondre à votre interrogation si on n'a pas fait
20:27 finalement la liste de à quoi a servi cette augmentation.
20:32 Alors, est-ce qu'on a des indications là-dessus ? Est-ce que ça a servi ? Puisque on sait
20:36 qu'on a 400 millions d'euros pour les agriculteurs, on en a beaucoup parlé.
20:43 On a promis également de l'argent à l'Ukraine, on a promis 3 milliards.
20:48 Ce sont des choses qui pèsent.
20:49 Si on prend ces sommes-là, c'est toujours difficile, Éric Ayer, de savoir si on a
20:54 affaire à des investissements pour l'avenir ou à des choses...
20:59 Non, mais même, revenons depuis la crise sanitaire.
21:01 C'est là où vraiment la dette a franchi vraiment un cap.
21:04 Vous voyez, on a fait un quoi qu'il en coûte.
21:06 Le quoi qu'il en coûte, Covid, on peut dire, comme le dit le prix Nobel Joseph Stiglitz,
21:11 que c'était important.
21:13 Sinon, on aurait eu un capital missing.
21:15 C'est-à-dire qu'on aurait perdu du tissu productif.
21:17 On a sauvé, grâce à ce quoi qu'il en coûte, le tissu productif en France.
21:22 On a sauvé les entreprises en France, en Allemagne, etc.
21:25 Et donc, si la reprise a eu lieu juste après la crise sanitaire, c'est parce qu'on a sauvé.
21:31 Donc là, cette dette publique a été, me semble-t-il, bien utilisée pour sauver le tissu productif.
21:35 Maintenant, si on en vient au bouclier énergétique, là, la question se pose.
21:40 Effectivement, le fait d'avoir aidé tout le monde, les ménages qui n'avaient pas de problèmes
21:45 financiers et de la même manière que les ménages qui en avaient un, ceux qui étaient obligés
21:49 de prendre leur voiture, ceux qui n'étaient pas obligés.
21:51 Et on peut dire que ça a été sans doute pas très bien utilisé.
21:54 Pourquoi ? Parce que globalement, on aurait préféré l'utiliser plutôt dans un choc d'offres,
21:59 aider les ménages à transformer leur mode de consommation pour utiliser moins d'énergie fossile
22:06 plutôt que de subventionner l'énergie fossile.
22:08 Donc là, effectivement, ça a soutenu la consommation.
22:11 Et généralement, le déficit n'est pas là pour soutenir la consommation.
22:15 Donc, je mettrais beaucoup plus de doute sur la deuxième partie du quoi qu'il en coûte,
22:19 quoi qu'il en coûte énergétique.
22:20 Par contre, c'était bien pour le deuxième.
22:22 Et ensuite, par rapport à toutes les dépenses d'avenir qu'on va avoir face à nous,
22:26 on sait que la transition écologique, nous dit le rapport Pisani-Mafous, c'est 66 milliards
22:33 d'investissements chaque année pendant 10 ans.
22:36 Et ça, on ne peut pas demander aux ménages, aux entreprises de le financer intégralement.
22:39 Donc, il va bien falloir qu'il y ait des aides publiques.
22:41 Et ces aides publiques, c'est fait pour transformer.
22:43 Mais ce n'est pas fait pour avoir plus de croissance.
22:45 C'est fait pour que cette croissance soit soutenable.
22:47 Est-ce que ce n'est pas ça, le jeu de la dette publique ?
22:50 C'est aider, finalement, le monde de demain à être meilleur et que, finalement, les jeunes
22:59 d'aujourd'hui financent une partie de cette transformation par des intérêts que l'on
23:03 va payer sur cette dette.
23:04 Ça, ça paraît vertueux.
23:05 Si on demande à cette génération de financer l'intégralité de la transition écologique,
23:08 on n'y arrivera pas.
23:09 - Jean Lemarie, c'est la question du choix, des choix que nous faisons et que nos représentants
23:13 vont faire.
23:14 Est-ce que le débat politique est bien posé aujourd'hui sur ces arbitrages-là ?
23:18 - Non, l'arbitrage, non.
23:20 Parce que, globalement, on voit bien qu'il y a en France des partis pour qui la dette
23:27 n'est absolument pas un problème, quelle que soit l'utilisation de cette dette.
23:30 C'est qu'on peut financer, y compris de la consommation.
23:32 Allez, la dette, ce n'est pas un problème.
23:34 On aura toujours une banque centrale qui pourra nous aider.
23:36 Non, ça, je pense qu'il y a ce côté-là.
23:38 Et de l'autre côté, des partis politiques qui voient la dette ou le déficit comme
23:44 un objectif, alors que la dette ou le déficit, ce sont des instruments pour une politique
23:49 économique.
23:50 Donc, ce qu'il faudrait, c'est bien clarifier les choses, bien rappeler que le déficit
23:55 et la dette, ce sont des instruments.
23:56 Et quels objectifs ont associé à cet instrument ?
23:59 Est-ce que ça doit financer les retraites ? Non.
24:02 Ce n'est pas un bon instrument pour financer les retraites.
24:04 Est-ce que c'est un bon instrument pour financer la transition écologique ?
24:08 Oui, en partie.
24:10 Peut-être aussi que ce gouvernement-là devrait réfléchir à d'autres pistes,
24:14 comme possiblement des augmentations d'impôts.
24:16 Encore une fois, se dire qu'on va tout régler sans augmenter les impôts, ça veut
24:21 dire qu'une partie de la population, la partie la plus aisée, ne sera jamais mise
24:26 à contribution, puisque tout faire par la dépense publique, c'est tout faire peser
24:30 sur la classe moyenne inférieure.
24:32 Et ça, cette classe moyenne inférieure, au bout d'un moment, va dire stop.
24:35 Mais alors, si on reprend les chiffres, là aussi, ce qui peut donner un peu le vertige
24:40 et ricaillère, c'est qu'on est aujourd'hui avec un déficit qui est finalement en tout
24:45 point comparable à celui de 2020, donc 2020, année du quoi qu'il en coûte.
24:49 On se retrouve avec 170 milliards de déficit en 2023, conséquence notamment du bouclier
24:57 énergétique.
24:58 Et les deux années intercalaires en 2021 et 2022 ont finalement permis d'aboutir
25:04 à un déficit un petit peu inférieur au quoi qu'il en coûte, mais pas beaucoup,
25:08 environ 140-150 milliards d'euros.
25:10 C'est vrai.
25:11 Non mais il y a deux points.
25:12 Un d'abord, la reprise n'a pas été aussi forte qu'on l'attendait.
25:16 C'est-à-dire que globalement, il faut l'avoir en tête.
25:18 On a parlé en première partie de l'émission, il y a un ralentissement économique.
25:22 Mais aujourd'hui, la France produit 2% de plus qu'il y a quatre ans.
25:26 Ça veut dire que la croissance depuis quatre ans n'est que de 0,5.
25:29 Vous voyez, quand vous avez 0,5 de croissance en moyenne annuelle depuis quatre ans, les
25:33 déficits ne peuvent qu'augmenter parce qu'il n'y a pas assez de recettes.
25:35 Donc ça, c'est le premier point.
25:36 La recette...
25:37 Il faut dire, pardonnez-moi, je vous coupe Eric Heyer, c'est toujours important à mon
25:40 sens de remettre ça en perspective.
25:42 Et il faut dire que dans le même temps, la population française ayant augmenté, si
25:45 on annule de l'augmentation de la population, ça veut dire qu'on n'a aucune croissance.
25:50 Oui, il n'y a pas de croissance par habitant, donc très faible.
25:52 D'accord.
25:53 Mais pour les recettes publiques, c'est la croissance qui compte.
25:56 La croissance n'étant pas au rendez-vous, il n'y a pas beaucoup de recettes publiques
25:59 de ce point de vue-là.
26:00 Et le gouvernement est allé au-delà.
26:02 C'est que non seulement l'activité étant faible, on a une croissance des recettes qui
26:07 sont faibles, mais en plus, on a diminué les prélèvements obligatoires.
26:10 C'est-à-dire que ce gouvernement-là est allé avec des baisses d'impôts sur la taxe
26:15 d'habitation, sur les impôts à la production, etc.
26:17 Donc du coup, les recettes chutent.
26:20 Donc vous êtes dans un moment où globalement, il n'y a pas d'activité.
26:24 Les recettes chutent et donc les déficits ont du mal avec ce si peu de croissance à
26:29 se résoudre.
26:30 Donc effectivement, il faut trouver des solutions pour essayer de les ramener à un niveau un
26:34 peu plus équilibré.
26:35 Alors le problème, c'est comme pour la Banque centrale.
26:39 On doit le faire, mais à quelle rapidité on doit le faire ?
26:43 C'est-à-dire qu'on doit avoir un objectif.
26:45 Aujourd'hui, il ne faut pas aller trop vite.
26:47 Comme la Banque centrale est allée trop vite dans sa hausse de taux.
26:50 Attention, l'histoire nous rappelle que quand vous allez trop vite dans la réduction
26:53 des déficits, vous n'avez pas de bons résultats parce que vous cassez votre croissance économique
26:58 et donc vos déficits ne sont pas résorbés.
27:00 Donc il y a une question de timing et après de choix.
27:02 Il va bien falloir indiquer quel est l'objectif de demain.
27:06 Et une fois qu'on aura l'objectif, on saura où sont les coupes sur la dépense publique.
27:11 Jean-Les-Marie, choix politiques ou choix budgétaires ?
27:14 Non, ça ne doit pas être des choix budgétaires, ça doit être des choix politiques, économiques
27:19 et ensuite l'instrument budgétaire sera au service de cet objectif politique économique.
27:24 Mais alors là aussi, si on reprend la question fiscale, puisque bien entendu, dans le débat
27:29 politique qui a été ouvert depuis la réduction de ces déficits, ou je devrais dire d'ailleurs
27:35 la tentative de réduction de ces déficits avec ces coupes budgétaires de 10 milliards,
27:40 il y a bien sûr eu différents commentaires politiques.
27:45 Un commentaire politique des socialistes Chloé Rydal et Alexandre Wiesel qui évoque une
27:50 vague d'austérité panique, donc hostile à ces coupes budgétaires qui auraient préféré
27:58 semble-t-il un plan de fiscalité.
28:01 Mais la fiscalité, que peut-on en attendre ?
28:03 Puisqu'un rétablissement de l'ISF, ça serait 5 milliards d'euros.
28:06 Est-ce qu'une nouvelle grille fiscale, ça permettrait là aussi d'être à la hauteur
28:13 de ces déficits qui sont encore une fois, je le rappelle, de 170 milliards d'euros ?
28:18 Je pense qu'il faut distinguer à la fois ce qu'on veut rembourser qui était lié
28:23 à la crise sanitaire et à la crise énergétique, ça c'est quand même un gros paquet, on
28:27 a mis plus de 260 milliards d'argent public.
28:30 Tout le monde en a bénéficié.
28:32 Si on avait fait un quoi qu'il en coûte ciblé sur une population, on aurait pu dire
28:35 "c'est toi qui l'as eu, c'est toi qui le rembourse".
28:37 Mais là, on l'a donné à tout le monde.
28:39 Donc à partir du moment où vous le donnez à tout le monde, vous pouvez dire "maintenant
28:43 tout le monde doit contribuer à son remboursement".
28:45 Et donc vous pouvez, ça c'est compliqué, dire "je vais faire un impôt Covid", c'est-à-dire
28:50 un impôt pour rembourser toutes ces aides que l'on a données, y compris à des ménages
28:55 ou à des entreprises qui n'en avaient pas besoin.
28:56 Donc comment on reprend cet argent-là qui était finalement assez mal...
29:01 Avec des effets d'aubaine, comme on dit.
29:04 Oui, il y a eu beaucoup d'effets d'aubaine et c'est normal qu'il y en ait eu.
29:06 Il y avait une urgence, on est allé très vite, maintenant on peut se dire "on va les
29:10 reprendre".
29:11 Mais c'est un impôt qui soit transitoire, uniquement, et il faut l'appeler Covid, pour
29:16 se souvenir dans cinq ans s'il existe encore, pourquoi il existe encore, et dire "c'est
29:21 normal, ça fait une partie".
29:22 Et donc ça c'est le premier point.
29:23 Le deuxième point, c'est qu'il va y avoir tellement de dépenses publiques pour des
29:27 enjeux de demain qu'on ne pourra pas tout financer par du déficit et de la dette.
29:32 Et donc il va bien falloir qu'on invente un impôt.
29:35 Et là, Pisani, Feri et Selma Mahfouz en avaient proposé un.
29:39 Mais on voit bien qu'une partie des 66 milliards, donc des 600 milliards, puisque c'est 66
29:45 milliards chaque année pendant 10 ans, devront être financés, en tout cas, par de l'impôt.
29:51 Et donc ça, il va falloir trouver un impôt.
29:53 Et le troisième impôt qu'il va falloir mettre en place, c'est un impôt qu'on appelle
29:56 "tax carbon", c'est-à-dire un impôt qui n'a pas vocation à rembourser les déficits,
30:00 mais à faire changer les comportements.
30:02 Donc se dire qu'aujourd'hui, on n'utilisera plus la fiscalité est sans doute un instrument
30:08 en moins et c'est vraiment dommage parce qu'on aura besoin pour changer les comportements,
30:12 pour essayer de financer à court terme ce qu'on a dépensé pendant la crise sanitaire
30:18 et faire contribuer tout le monde à sa juste valeur.
30:21 Jean-Libari, vous avez vu quand le rapport Pisani-Feri-Mahfouz a proposé ce prélèvement
30:26 exceptionnel, vous avez vu l'accueil du côté de l'exécutif et du côté de Bercy d'ailleurs.
30:31 Oui, mais c'est ça le problème.
30:32 C'est-à-dire qu'on dit il faut, on est tous d'accord pour faire les 600 milliards
30:37 sur 10 ans, donc tout le monde est d'accord, mais on se pose la question comment on les
30:41 finance.
30:42 On ne veut pas le faire par le déficit et la dette, on vient de le rappeler, il y en
30:44 a trop, et on ne veut pas le faire par l'impôt.
30:46 Il va bien falloir le financer.
30:48 C'est là où on n'est pas cohérent.
30:51 C'est-à-dire que si on pense que les 600 milliards, il faut les faire, il va falloir
30:55 trouver un moyen de financement.
30:56 Et moi, ce qui m'inquiète le plus, c'est que tant qu'on ne s'est pas mis d'accord
31:00 sur comment on les finance, on ne va pas les faire.
31:03 Et on sait que plus on attend, plus ça va nous coûter cher.
31:06 Et donc, il y a une urgence à les mettre en application.
31:09 Et je pense que malheureusement, après qu'à l'impôt, c'est compliqué, il faut qu'il
31:13 y ait un débat, effectivement.
31:14 Mais aujourd'hui, il va bien falloir se dire que, effectivement, ces 600 milliards sont
31:19 indispensables si on veut avoir une chance de respecter nos engagements vis-à-vis de
31:24 la transition écologique.
31:25 Et donc, trouvons un financement qui soit un mix entre un peu de déficit, un peu de
31:31 fiscalité, un peu de dépense publique, d'économie.
31:34 Il va falloir que ça soit un mix de ces trois.
31:37 Mais dedans, dans les trois, il y a de la fiscalité.
31:40 Mais alors, comment qualifier ces politiques qui ont été menées jusqu'ici, ces politiques
31:45 économiques ? Eric, hier, il y a eu les époques de désinflation compétitive, il
31:51 y a eu des époques d'austérité budgétaire.
31:53 On voit bien qu'on ne peut pas qualifier notre époque d'austérité budgétaire.
31:58 Non, non, non.
31:59 A ces niveaux de déficit, on n'en est pas là.
32:01 Donc, quel terme employer ? Je ne sais pas.
32:04 Là, aujourd'hui, c'est… Aujourd'hui, les gros chocs…
32:07 Vous ne savez pas ? Moi, je dirais, a priori, en fonction des chiffres, un keynésianisme
32:11 mal employé.
32:12 Alors, moi, je dirais qu'aujourd'hui, les chocs ne sont plus économiques.
32:17 Les grands chocs, crise sanitaire ou le choc énergétique, ce n'est pas lié à de l'économie,
32:22 c'est lié à de la transition écologique et des dérèglements climatiques ou à de
32:28 la géopolitique.
32:29 Donc là, on est plutôt en économie de guerre.
32:32 Nous sommes en économie de guerre dans le sens où on faisait la guerre contre, finalement,
32:37 un virus et on a fait, là, aujourd'hui, la guerre en partie au niveau russe.
32:42 Et quand vous êtes en économie de guerre, vous avez des déficits qui apparaissent et
32:46 on se pose la question qui doit financer ces déficits en économie de guerre ? Donc,
32:50 peut-être, c'est l'économie de guerre qui reflète le plus ce qu'on est en train
32:53 de vivre aujourd'hui.
32:54 Mais alors, là, c'est par exemple la critique, puisque j'ai parlé des critiques socialistes,
32:58 mais aussi les critiques du Rassemblement National qui évoquent que tous les pays ont
33:02 été soumis à ces mêmes chocs.
33:04 Mais l'économie française, elle, approche d'une dette de 112% du PIB alors que la
33:09 moyenne européenne est à 90%.
33:11 En fait, quand vous regardez les grands pays, d'accord, c'est-à-dire que vous avez deux
33:16 cas polaires.
33:17 Vous avez l'Allemagne qui n'est pas endettée aux alentours de 66 points de PIB et un autre
33:22 grand pays, le Japon, qui est très fortement endetté aux alentours de 250 points de PIB.
33:27 Et les autres pays, que vous regardez l'Italie, l'Espagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni,
33:33 sont tous entre 100 et 140 points de PIB et la France est au milieu de tout cela.
33:37 Une autre façon de se rassurer, c'est de se dire que lorsqu'on regarde les taux d'intérêt
33:42 sur la dette publique, les taux d'intérêt français sont en dessous des taux d'intérêt
33:46 italiens, espagnols, américains, britanniques.
33:51 Donc vous voyez, il n'y a vraiment qu'en France où on se dit que c'est la priorité
33:54 des priorités, les marchés financiers, les agences de notation notent 18 sur 20.
33:59 La note a tremblé quand même.
34:01 La note a tremblé.
34:02 Mais vous voyez, on est passé de 19 sur 20 à 18 sur 20.
34:05 Mais vous voyez, quand on a 18 sur 20…
34:07 Ça dépend comment vous envisagez l'excellence scolaire, Eric.
34:11 Exactement.
34:12 Mais vous voyez que les agences de notation notent notre dette de qualité supérieure.
34:18 On a une dette de qualité supérieure.
34:20 Ça ne veut pas dire qu'on va le garder ad vitame, mais on a encore deux crans, c'est-à-dire
34:24 qu'on peut descendre jusqu'à 16 sur 20 pour être de qualité supérieure.
34:28 Bon, vous voyez, on peut se dire que c'est ça la priorité des priorités, c'est garder
34:32 un 18 sur 20.
34:33 Moi, je pense que la priorité, c'est se reposer la question à quoi sert cette dette
34:38 publique et à quel projet économique ou politique on la met en application.
34:42 Merci beaucoup Eric Ayer de nous avoir accompagnés.
34:46 Je rappelle que vous êtes directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire
34:49 français des conjonctures économiques.