Marie Toussaint, 8h30 franceinfo du 24.02

  • il y a 8 mois
Marie Toussaint, tête de liste des écologistes pour les élections européennes, réagit notamment aux heurts qui ont marqué l'ouverture du salon de l'Agriculture.

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Transcription
00:00 30 France Info, Adrien Bec, Jules Dequise.
00:03 Et nous sommes ce matin avec Marie Toussaint,
00:05 eurodéputée écologiste et tête de liste des écologistes pour les européennes.
00:11 On peut s'interroger, Marie Toussaint, sur la relation qu'il y a entre les écologistes et les agriculteurs.
00:17 Donc, vous avez toujours l'idée de nous dire, voilà, finalement, nous nous combattons,
00:22 nous nous battons pour les mêmes choses.
00:24 Mais quand même, vous avez, si on regarde dans le détail,
00:26 beaucoup de points de désaccord avec avec les agriculteurs, par exemple,
00:29 sur les produits phytosanitaires.
00:30 C'était une demande des agriculteurs, un petit peu de simplification.
00:34 Le gouvernement veut désormais utiliser un nouvel indicateur,
00:37 un indicateur européen plutôt qu'un indicateur français.
00:41 C'est un début d'harmonisation.
00:43 Ça pourrait aller dans le bon sens.
00:44 Oui, alors ce qui est le mieux, vous savez, en Europe, c'est quand on harmonise par le haut
00:48 et donc on choisit les indicateurs qui sont les plus efficaces.
00:53 On pourra revenir sur la question de ces indicateurs parce que c'est un point intéressant.
00:57 Mais je veux repartir sur votre entrée.
00:59 C'est à dire, vous dites, on peut s'interroger sur vos relations parce que les agriculteurs disent
01:04 on ne veut pas sortir de l'utilisation des produits phytosanitaires.
01:07 Bon, la réalité, c'est que quand vous écoutez les agriculteurs, les agricultrices,
01:11 et c'est heureux, on les entend beaucoup en ce moment.
01:13 Eh bien, ils disent nous sommes les premières victimes de ces produits phytosanitaires.
01:17 C'est nous qui avons des taux de cancer, pas tous, mais certains cancers qui sont liés aux pesticides,
01:21 qui explosent.
01:23 Alzheimer, Parkinson, on sait aussi que ça touche les riverains de nos exploitations agricoles.
01:28 Et donc, on a besoin d'en sortir.
01:30 Mais la difficulté que nous avons, c'est que nous ne pouvons pas le faire
01:35 parce que nous galérons déjà à tenir les deux bouts, à finir nos fins de mois, nos fins d'année,
01:41 à payer nos dettes.
01:42 On reçoit les aides trop tard.
01:44 On est mis en concurrence en permanence.
01:46 Et donc, qu'est ce qu'il faut faire ?
01:47 Qu'est ce qu'il faut faire ?
01:48 Cette transition écologique, elle est impérative.
01:51 Je vous l'ai dit, on a perdu 70% des insectes, 2/3 des oiseaux des champs.
01:55 Donc, on voit bien qu'on ne peut pas continuer comme ça.
01:58 Mais en fait, ce que vous expliquez, c'est que si les agriculteurs et vous avez des désaccords
02:01 sur les produits phytosanitaires, par exemple,
02:02 c'est parce que certains n'ont pas forcément compris qu'il fallait en sortir.
02:06 Absolument pas. Ils ont parfaitement compris.
02:08 Ils ont parfaitement compris ce que nous pointons du doigt.
02:10 C'est le fait que le modèle économique de l'agriculture d'aujourd'hui ne permet pas la justice,
02:16 ne permet pas que les petites exploitations soient plus soutenues que les grandes.
02:19 C'est l'inverse qui se passe.
02:21 Le modèle économique de l'économie ne permet pas de sécuriser les revenus des agriculteurs
02:25 qui sont soumis aux aléas des fluctuations des cours de bourse,
02:28 des accords de libre-échange qu'il faut signer ou des aléas climatiques.
02:31 Vous savez, quand il fait 25 degrés, il y a toujours des risques de gel.
02:34 Quand il fait 25 degrés en février, on a toujours des risques de gel.
02:36 Et donc, les exploitations peuvent être emportées d'un coup.
02:39 Et les agriculteurs ne sont pas protégés face à ça.
02:41 Vous dites qu'ils ont compris cela, mais ils se réjouissent, par exemple,
02:43 du report du plan EcoFITO, de sa suspension avec des nouvelles mesures.
02:47 On entend évidemment les agriculteurs nous dire qu'à certains égards,
02:50 l'étau se desserre un peu au niveau des pesticides, des produits phytosanitaires.
02:54 Donc, il y a une contradiction manifeste avec ce que vous nous dites.
02:56 Non, moi, ce que j'entends de la part du terrain, c'est...
03:00 Et encore, ce n'est pas tous les agriculteurs.
03:01 On sait qu'ils ne sont pas tous d'accord.
03:02 On veut pouvoir changer de modèle.
03:03 D'ailleurs, on le fait déjà autant que nous le pouvons.
03:06 Sauf qu'entre dépenser un peu pour être sécurisé avec les pesticides...
03:15 Pour remplacer les pesticides, vous savez, il faut de l'emploi.
03:17 C'est ça, la base. Il faut de l'emploi, il faut du temps.
03:20 Or, aujourd'hui, on a une politique agricole commune qui rémunère à quoi ?
03:23 À l'hectare, à la machine, aux pesticides et à l'engrais.
03:26 C'est quand on a ce modèle-là qu'on reçoit le plus d'aide.
03:28 Et ceux qui essayent de faire autrement ne reçoivent rien.
03:32 Et donc, il faut changer ça.
03:33 Et c'est la sécurisation du modèle économique des agriculteurs,
03:36 la capacité de leur permettre de vivre dignement de leur travail,
03:39 qui leur permettra de sortir réellement des produits phytosanitaires.
03:42 Il y a d'un mot aussi, Marie Toussaint, quand même, toutes les normes sur les jachères,
03:45 sur les haies, sur à quel moment on peut faire telle action ou pas dans son exploitation.
03:51 Le sujet, c'est le réchauffement climatique, pas les normes environnementales,
03:54 dit la députée Sandrine Rousseau, qui est de votre camp.
03:58 Est-ce que vous comprenez que ça, ça puisse agacer les agriculteurs quand ils entendent ça ?
04:03 Oui, mais il faut aussi creuser les questions.
04:05 C'est-à-dire, quand on parle de normes, une norme, elle peut être très simple.
04:08 Et c'est différent de parler des normes que de parler de la papras,
04:13 de la charge administrative qui pèse aujourd'hui sur les agriculteurs et les agricultrices.
04:18 Elle est trop lourde, cette charge administrative.
04:20 Et du coup, on a des paysans...
04:21 Mais c'est lié à des normes environnementales, parfois.
04:23 Mais pas que. Parce que pour demander les feuilles de la PAC, etc.,
04:27 il faut remplir des tas de papiers.
04:28 Ce qui fait qu'on transforme des paysans en des charges administratives.
04:31 Ce n'est pas ce qu'ils ont souhaité faire de leur vie.
04:33 Et ce n'est pas d'ailleurs ce qu'on leur demande de faire.
04:34 Et ce n'est pas la raison pour laquelle nous sommes fiers d'eux.
04:37 Et donc ça, il faut le changer.
04:38 Et puis, la plupart des normes, elles sont effectivement imposées,
04:41 soit depuis Bruxelles, soit depuis Paris,
04:42 sans avoir aucun rapport avec les réalités de terrain.
04:45 Et donc, en fait, on a des dates, par exemple pour les semis.
04:48 Parfois, il fait sec au moment où on est censé planter.
04:50 Donc, il ne faut pas le faire.
04:50 Parfois, c'est l'inverse, c'est mouillé.
04:52 Et donc, il ne faut pas le faire.
04:53 Et donc, pour réussir à faciliter la vie des agriculteurs,
04:56 il faut re-régionaliser la PAC.
04:57 Il faut aller au plus proche du terrain.
04:59 Et il faut que les agriculteurs et les agricultrices contribuent à l'écriture de ces lignes.
05:03 Et donc, oui, il y a une différence entre la norme et la charge administrative.
05:08 Et combattre la charge administrative, c'est aussi l'un de nos engagements.
05:11 On est en train de créer un électorat trumpiste,
05:14 alerte ce matin dans Le Parisien, aujourd'hui en France,
05:17 le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau,
05:19 à propos, justement, de cet excès de normes.
05:21 Est-ce que c'est votre crainte aussi ?
05:24 Moi, ma crainte, c'est que...
05:26 Un électorat qui, pardon, ne croirait plus à la science,
05:28 ne croirait plus à la nécessité des normes
05:30 et ne croirait plus à l'écologie et à la protection de l'environnement.
05:33 Ma crainte, c'est que le gouvernement alimente un électorat trumpiste.
05:38 Quand on voit la façon dont Marc Fesneau jette les rapports de l'ANSES,
05:42 le ministre de l'Agriculture de l'ANSES, des scientifiques,
05:45 sur tant les pesticides que les nouveaux OGM,
05:48 quand on voit comment le gouvernement s'assoit sur les rapports du GIEC,
05:51 des climatologues, des écologues, sur des projets comme la 69
05:55 ou sur les puits de pétrole qu'on veut rouvrir dans la forêt de la Thèse de Buche,
05:59 dans le bassin d'Arcachon,
06:00 quand on voit cette façon dont le gouvernement tourne en permanence le dos
06:04 aux scientifiques, malgré leurs appels incessants,
06:06 des centaines, des milliers de scientifiques français
06:08 qui nous appellent à écouter leurs préconisations,
06:11 quand on voit qu'en plus, sur les coupes budgétaires,
06:13 Bruno Le Maire va couper dans le budget de l'enseignement et de la recherche,
06:16 dans cette économie de la connaissance dont on a besoin.
06:18 Voilà, moi je dis à Marc Fesneau, regardez-vous dans la glace,
06:21 revenons à la raison, gouvernons avec la science.
06:23 Marie Toussaint, il y a un point sur lequel à coup sûr vous êtes d'accord
06:26 avec la grande majorité des agriculteurs,
06:28 c'est sur le contrôle qu'il faut faire sur les produits importés,
06:31 parce qu'ils sont plus poids loin, s'ils viennent de plus loin.
06:34 Est-ce que cet accord avec le Mercosur
06:35 que Emmanuel Macron annonce suspendu,
06:37 est-ce qu'il faut l'enterrer définitivement ?
06:39 Ça se passe au niveau européen.
06:40 L'accord avec le Mercosur, il faut l'enterrer définitivement,
06:43 mais pas seulement parce que les produits sont plus polluants,
06:46 aussi parce que sur l'espace du Mercosur,
06:49 eh bien on produit avec des normes sociales, sanitaires, environnementales
06:52 qui sont bien inférieures aux nôtres.
06:54 Et donc l'enjeu, c'est évidemment d'arrêter le Mercosur,
06:56 mais derrière, de mettre en cause tous les traités de libre-échange
07:00 qui traitent de l'agriculture, parce que vous voyez bien
07:02 que du côté de la Nouvelle-Zélande, on va importer des moutons
07:05 qui vont venir faire concurrence aux moutons sur notre territoire,
07:08 qu'on importe du poulet, on en parle beaucoup.
07:10 Donc c'est l'ensemble de ces accords de libre-échange qu'il faut revoir.
07:13 C'est là où je ne comprends pas votre position, pardon.
07:16 La majorité de votre groupe au Parlement européen,
07:18 le groupe écologiste, large majorité a voté en faveur
07:22 de cet accord avec la Nouvelle-Zélande.
07:24 C'est le premier au monde dans lequel le chapitre social et environnemental
07:27 est juridiquement contraignant.
07:28 C'est un accord d'un nouveau type,
07:30 dit l'eurodéputé écologiste belge Philippe Lambert.
07:33 Est-ce que vos collègues n'ont rien compris ?
07:35 Non, ils n'ont pas rien compris.
07:36 Ils ont fait un choix stratégique, qui est de dire
07:39 cet accord avec la Nouvelle-Zélande, il n'est pas souhaitable
07:42 puisque c'est un accord de libre-échange, qui continue à dire
07:46 on va toujours commercer plus et tout va bien se passer
07:49 alors qu'on a une pollution qui explose pour le coup.
07:51 Mais ils disent attention parce que cet accord-là,
07:54 c'est peut-être celui qui est le moins destructeur
07:57 des agriculteurs européens.
07:58 Et donc, puisque nous vivons avec une majorité politique parlementaire
08:02 qui est tellement avide de ces accords de libre-échange,
08:05 disons-leur, en dessous de ce niveau-là, on ne peut pas aller.
08:09 Et donc, pas de Mercosur, et donc pas d'accord de libre-échange
08:12 avec le Kenya, avec le Chili.
08:13 Mais nous, on va nous allier tout d'abord, quand même.
08:15 Non, vous savez, les écologistes, nous sommes la famille européenne
08:17 la plus solide, la plus cohérente.
08:19 On peut avoir des désaccords tactiques de temps à autre,
08:22 mais par contre, notre horizon est le même.
08:24 Et notre horizon n'est pas le "commerça tout va".
08:27 Notre horizon n'est pas la mise en concurrence de l'Europe
08:30 avec la reste du monde, ni des agriculteurs et des agricultrices
08:34 européens, entre eux, dans les pays mêmes de l'Union européenne.
08:37 Notre horizon, c'est un horizon de protection du climat,
08:40 de justice sociale, de paix.
08:42 Et donc, nous y oeuvrons toutes et tous ensemble.
08:44 Et puisque vous avez fait votre travail en allant chercher
08:47 les propos de mes collègues au Parlement européen,
08:49 vous pouvez aussi regarder les chiffres.
08:50 Et vous verrez que les écologistes européens ont le plus haut taux
08:53 de cohésion de l'ensemble des groupes politiques du Parlement européen.
08:56 Merci beaucoup, Marie Toussaint, députée européenne,
08:58 tête de liste pour les écologistes pour les élections européennes qui se
09:01 profilent dans trois mois à peu près.

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