• il y a 10 mois
François Molins, ancien procureur de la République, était l'invité de Benjamin Duhamel dans C'est pas tous les jours dimanche, sur BFMTV.

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Transcription
00:00 Bonsoir François Mollins.
00:02 Pour les français,
00:04 vous êtes bien sûr ancien procureur à Paris,
00:08 votre dernier poste c'était procureur général près de la cour de cassation, vous avez
00:12 occupé toute une série de postes parmi les plus brillants dans le monde judiciaire que vous racontez dans ce livre.
00:18 Au nom du peuple français, vos mémoires aux éditions Flammarion.
00:22 Mais pour les français vous restez la voix, le visage de la vague d'attentats terroristes qui ont ensanglanté la France.
00:28 Je le disais en début d'émission, vous avez tenu 55 conférences de presses, c'est ça ? Vous avez tenu le compte ?
00:33 Quelques souvenirs, tristes, évidemment, regardez.
00:37 Mohamed Merad
00:40 va sortir brutalement de la salle de bain dans laquelle il s'était réfugié, il continue en fait à avancer,
00:45 armer et à tirer. Vers 11h30 ce matin, un véhicule Citroën C3 se présentait devant l'immeuble au siège de Charlie Hebdo.
00:53 Les deux hommes ouvraient alors le feu en rafale et tuaient dix personnes, trois commandos
00:58 coordonnés pour commettre les attentats au stade de France
01:02 contre des bars et restaurants dans les dixièmes et onzième arrondissements de Paris et au Bataclan.
01:08 Voilà trois extraits de conférences de presse, les attentats commis par Mohamed Merad à Toulouse,
01:13 Charlie Hebdo, janvier 2015, les attentats du 13 novembre. Il y a une phrase que vous racontez dans ce livre de Michel Mercier,
01:21 qui était ministre de la Justice, vous étiez son directeur de cabinet, il vous a dit un jour
01:25 "François, vous êtes entré dans la vie des Français."
01:28 Quand est-ce que vous en avez pris conscience ?
01:30 On en a pris conscience progressivement,
01:32 on a tout de suite ressenti le besoin intense de nos concitoyens d'être informés et
01:38 d'avoir une information qui soit la plus précise, la plus rigoureuse, la plus objective possible et on n'a pas immédiatement
01:44 vu cette dimension
01:48 d'entrée dans la vie quotidienne.
01:50 La première fois que j'en ai pris conscience, c'est à la suite de réflexions de journalistes qui ont commencé à nous dire, et de gens
01:57 qui nous ont dit qu'on les rassurait. Et effectivement, je pense que le besoin de l'information était tel,
02:02 que les gens avaient les yeux rivés sur leur poste télé le soir sur les informations,
02:06 et écoutaient ces informations qu'on leur donnait.
02:09 Ce qui frappe dans ces prises de parole, on vient encore d'en voir quelques extraits, c'est une forme de
02:13 je ne sais pas si c'est de la froideur, mais en tout cas quelque chose de clinique, avec toujours un luxe de détails.
02:18 C'était quoi ? C'était pour tenir l'émotion à distance de votre part ? C'était parce que
02:23 il y avait un besoin de mettre une sorte de rationalité dans quelque chose qui était totalement indicible ?
02:28 C'était quoi cette façon de dire les choses ?
02:32 C'est tout ça.
02:33 Alors l'émotion, on ne la voit pas, mais on n'a pas besoin de la voir, mais elle y est, parce que quand on
02:37 on fait ces points de presse, on est tous, et moi le premier, en état de sidération.
02:41 La rationalité aussi,
02:43 ce n'est pas de la froideur,
02:45 c'est finalement,
02:47 ça correspond à l'éthique de la communication d'un procureur. Il faut qu'on délivre une parole qui soit claire, qui soit neutre,
02:53 qui soit précise et qui soit objective. Et la neutralité est importante dans le message qu'on délivre.
02:58 Vous racontez dans votre livre que tout au long de cette terrible vague d'attentats,
03:02 c'est toujours la même personne qui vous appelle pour vous prévenir.
03:05 Vous racontez le soir du 13 novembre,
03:08 je crois de mémoire, il est 21h et quelques, que vous êtes sur le point d'aller vous coucher, vous voyez ce téléphone,
03:12 téléphone de permanence, vous regardez, là vous vous dites...
03:16 C'était la chef de la section antiterroriste, effectivement, et quand elle téléphonait dans ces moments-là,
03:22 intuitivement, je comprenais immédiatement que c'était pour annoncer des mauvaises nouvelles.
03:28 Il y a deux scènes que vous racontez dans vos mémoires qui, je trouve, marquent particulièrement. La première, c'est
03:35 quand vous racontez le visionnage des images de la GoPro de Mohamed Merah, terroriste qui, à Toulouse, en 2012, assassine
03:42 des soldats, mais aussi des enfants juifs de l'école Osaratora, à bout portant.
03:48 Ces images, elles vous hantent encore, François Mollins ? - Oui, c'est des choses que je n'oublierai jamais parce que
03:53 j'ai jamais voulu faire de hiérarchie dans l'horreur, mais
03:57 aller assassiner des enfants de 2 et 4 ans sur un bord de trottoir, c'est
04:01 absolument abominable et
04:05 j'oublierai jamais ce visionnage. On était
04:07 deux, trois magistrats et un policier à regarder ça,
04:11 on aurait entendu une mouche voler.
04:14 - Vous dites qu'il n'y a pas de hiérarchie dans l'horreur, mais c'est vrai que vous avez vécu beaucoup de scènes assez épouvantables. L'autre, c'est le 13 novembre
04:21 2015. À la fin de la prise d'otage au Bataclan, vous vous y rendez comme procureur de Paris
04:28 et là, il y a quelque chose qui vous marque quand vous rentrez
04:31 dans le Bataclan, vous voyez ce charnier, cette scène horrible, qu'est-ce qui vous marque ? - En fait, c'est un son,
04:38 puis après une image. Le son, c'était un téléphone portable qui sonnait, que je ne voyais pas parce qu'il était dans un sac à main
04:44 et sur ce sac à main était posée la tête d'une dame qui n'était pas très jeune d'ailleurs,
04:49 à mon avis, ça devait être une cadra ou une canca,
04:52 Jenner, qui était coiffée au carré,
04:56 et dont la tête reposait sur ce sac à main dans lequel il y avait ce portable qui sonnait, qui sonnait, qui sonnait, qui sonnait.
05:02 - Et vous expliquez que vous êtes rentré trois fois dans le Bataclan.
05:05 À la suite, et vous dites même dans ce livre,
05:07 "je ne suis même pas sûr de savoir tout à fait pourquoi". Est-ce que vous avez compris pourquoi vous étiez rentré trois fois ?
05:12 - Je me suis dit effectivement, je suis rentré trois fois
05:15 et je ne comprenais pas pourquoi j'étais rentré trois fois. Une fois aurait sûrement suffi, quand on va voir une scène de crime,
05:21 ça suffit. Donc c'est vrai que longtemps j'ai réfléchi et je me suis demandé pourquoi trois fois. Et je pense en réalité que c'est parce que
05:28 je suis face à un déni, c'est-à-dire je ne veux pas croire à ce que j'ai vu, j'arrive pas à y croire.
05:33 Et comme il faut quand même un choix dans la réalité, je vais y revenir.
05:37 Et finalement, bon, je pense que je refusais de croire à ce que je voyais.
05:41 - Ce qui est très frappant dans ce livre, François Bollin, c'est qu'au fond on se rend compte que vous avez,
05:47 que votre carrière a traversé tous les grands événements judiciaires qui ont rayonné la vie de notre pays. Le drame de Furiani,
05:53 le drame de Zied et Ebouna, ces deux jeunes en banlieue qui ont perdu la vie dans un transformateur électrique.
06:01 Je voudrais aussi qu'on aborde sans doute un épisode plus lointain dans votre,
06:06 plus lointain en tout cas, plus récent pour vous, mais qui est arrivé plus tard, c'est
06:09 votre relation avec l'actuel garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti.
06:12 Vous en parlez à la fin du livre.
06:15 Rappelons que c'est vous qui avez porté l'accusation dans l'affaire qu'il a conduite dans la Cour de justice de la République, où il a été relaxé.
06:20 On l'a lu dans les comptes rendus d'audience à la Cour de justice de la République, c'était un couteau tiré entre vous.
06:28 On a parfois le sentiment que vous en avez fait une affaire personnelle. Pourquoi ?
06:31 - Je n'ai absolument pas fait une affaire personnelle.
06:33 J'ai essayé de l'expliquer, je le redis dans le livre,
06:37 moi je ne connaissais pas monsieur Dupont-Moretti quand il a été nommé garde des Sceaux.
06:41 Je n'avais jamais croisé le faire avec lui dans les audiences, donc ça n'est pas une affaire personnelle. Simplement je me suis trouvé dans un rôle
06:47 et effectivement
06:49 on va dire que les quatre ans qui se sont déroulés, au cours desquels il s'est défendu comme il avait le droit de se défendre,
06:57 j'allais dire, et c'est le parti que j'ai pris dans le récit que je fais dans le livre,
07:01 c'est de raconter la réalité des faits pour montrer comment cette situation avait pu créer un blocage institutionnel
07:07 et empêcher toute relation institutionnelle entre
07:11 le Parc des Généraux et la Cour de cassation, le CSM et monsieur Dupont-Moretti.
07:14 Mais moi je n'ai pas réglé d'affaire personnelle.
07:16 - Oui mais François Mollin, je suis quand même un peu étonné parce que vous avez donné une interview à nos confrères du Monde
07:19 à l'occasion de la sortie de vos mémoires et vous expliquez, vous dites "je n'ai pas compris sa relaxe"
07:25 parlant de la relaxe d'Éric Dupont-Moretti, ajoutant qu'elle était contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation.
07:30 Pour quelqu'un comme vous qui a occupé toutes les plus grandes fonctions de la justice française, c'est quand même un peu étonnant d'aller
07:36 contester un jugement qui en plus n'a pas fait l'objet
07:40 d'un appel de la part de l'accusation.
07:42 - Mais je vais vous expliquer.
07:44 - Je n'ai pas compris.
07:46 Et voilà, vous dites même "je l'ai mal vécu".
07:48 - Je vais vous expliquer.
07:49 Je l'ai mal vécu parce qu'on a dans tout ça essayé de faire penser que c'était moi le coupable.
07:53 Qu'est-ce qu'on disait ? Le coupable c'est Mollin, c'est lui qui a poursuivi.
07:57 Jusqu'à preuve du contraire, le conflit d'intérêt c'est pas moi qui l'ai créé,
08:00 c'était pas à moi de le résoudre, c'était à monsieur Dupont-Moretti.
08:03 - Et il a été relaxé dans cette affaire ?
08:05 - Après que la Cour ait constaté que les éléments matériels, la prise égale d'intérêt étaient constitués.
08:09 C'était pas à moi de le régler.
08:11 - C'est-à-dire qu'au fond...
08:13 - Laissez-moi décliner le raisonnement parce que sinon on tombe dans des choses simplistes.
08:17 Moi je suis coupable de rien là-dedans, j'ai exercé mon rôle, j'ai fait mon travail.
08:22 Et quand je poursuis, je suis obligé de poursuivre.
08:25 Parce que je vous rappelle que la commission des requêtes a donné un avis favorable
08:28 et n'importe quel procureur général aurait fait comme moi parce que la loi l'y obligeait.
08:32 - Oui mais franchement Mollins, il y a...
08:34 - Il y a un verdict.
08:35 - Il y a effectivement cette obligation de poursuite,
08:37 mais il y a le combat médiatique qu'il y a eu.
08:40 Notamment cette tribune que vous signez dans Le Monde
08:42 avec la présidente de la Cour de Cassation Chantal Arrins,
08:44 où là vous dites "les magistrats sont inquiets de la situation dans laquelle se trouve l'institution judiciaire".
08:49 Là c'est une façon d'assumer, pour les plus hauts postes de l'institution judiciaire,
08:54 de rentrer frontalement en conflit avec le garde des Sceaux.
08:57 Il y a quelque chose d'autre que vous dites beaucoup dans ce livre,
08:59 vous dites "au fond les rapports entre la politique et la justice se sont beaucoup dégradés".
09:02 Mais est-ce que précisément en faisant cela,
09:04 vous n'avez pas aussi une part de responsabilité dans la dégradation de ces rapports ?
09:07 - Ma responsabilité, ça a été d'exercer les fonctions que la loi me donnait à travers ma nomination.
09:13 Les relations politiques-justice, elles sont dégradées depuis bien plus longtemps
09:16 que depuis l'affaire du monsieur Dupond-Moretti.
09:19 Cette tribune, on l'a faite avec la première présidente
09:21 parce que le problème du conflit d'intérêts n'était pas traité par les organes de contrôle qui auraient dû le faire.
09:26 Pour revenir au verdict que vous évoquiez, parce que je veux quand même répondre à votre question,
09:29 et ce n'est pas une critique mais on a quand même le droit de penser,
09:32 c'est objectif de rappeler qu'une décision est contraire à la jurisprudence de la Chambre criminelle fixée depuis le 15...
09:38 - Mais il y a l'autorité de la chose jugée.
09:40 - L'autorité de la chose jugée n'empêche pas des commentaires juridiques sur une décision.
09:44 15 décembre 1905.
09:46 Pour autant, cette décision, moi je l'accepte très bien, je vais vous dire plus,
09:50 j'aurais été procureur général à la place de Rimietz, j'aurais fait comme lui.
09:54 Je n'aurais pas fait de pourvoi. Je vais vous dire pourquoi.
09:56 Je n'aurais pas fait de pourvoi parce que je pense que s'il y avait eu un pourvoi,
10:01 il y aurait certainement eu des chances de cassation au niveau de la Cour de cassation.
10:05 L'affaire aurait été renvoyée devant un cours de justice de la République
10:08 qui aurait vraisemblablement fait la même chose.
10:10 Donc il y a un moment, il faut tourner la page et ne plus parler de ces choses-là.
10:14 Tout ça en réalité.
10:15 - Je sens quand même, François Mollens, quand on aborde ce sujet, que ça vous tient à cœur.
10:19 Quelque chose d'autre qui m'a frappé, vous parlez de sa nomination,
10:23 de la nomination d'Éric Dupond-Moretti dans le livre.
10:25 Vous dites que ce n'était pas la meilleure façon d'entamer la relation
10:28 et le dialogue social avec les magistrats.
10:30 Et toujours dans les colonnes du Monde, vous dites, est-ce qu'au fond,
10:32 on aurait nommé Place Bovo un ministre de l'Intérieur
10:35 si les syndicats de police s'y étaient opposés,
10:37 faisant référence à ce qu'avaient dit les syndicats de magistrats
10:39 qui avaient qualifié de déclaration de guerre pour la plupart la nomination d'Éric Dupond-Moretti.
10:43 Ça veut dire que c'est au syndicat de magistrats de choisir qui va être leur ministre de la justice ?
10:47 - Non, j'ai simplement comparé, j'allais dire, des situations et des visions différentes
10:52 suivant les ministères et je pense qu'il y a un œil particulier
10:55 qui est aujourd'hui porté par les politiques sur notre justice.
10:58 Je pense que quand la justice fait son travail, elle dérange.
11:01 Quand vous avez une affaire politico-financière, j'en ai fait l'expérience à plusieurs reprises,
11:05 quoi que vous fassiez, vous serez critiqué.
11:08 - Il aurait fallu être nommé Éric Dupond-Moretti ?
11:10 - Si vous poursuivez, vous serez critiqué par l'autre bord politique
11:13 et si vous classez, on vous reprochera d'enterrer un dossier,
11:16 d'être complaisant avec le pouvoir.
11:17 Quoi que vous fassiez, vous êtes critiqué.
11:19 Donc vous avez une fonction, vous l'exercez.
11:22 Moi, j'ai ma responsabilité de magistrat, j'avais ma responsabilité de procureur,
11:26 j'estime que j'ai fait mon métier comme je devais le faire,
11:29 conformément à la loi, sur le reste, après, les questions politiques,
11:33 ce n'est pas de mon niveau.
11:34 - Non, mais vous en parlez, vous dites au fond,
11:37 certains ont pensé que je m'en prenais, ou du moins que j'avais un rôle dans cette histoire
11:41 parce que vous auriez aimé être à la place d'Éric Dupond-Moretti.
11:44 - Oui, ça, c'est vrai.
11:45 Le procureur général, au cours de l'audience,
11:48 puisque vous avez l'air de l'avoir suivi précisément,
11:51 je vous rappelle, a dit que tout ça était une fable.
11:53 Je n'ai jamais voulu être garde des Sceaux, je n'ai pas d'ambition politique.
11:57 - Donc si Emmanuel Macron vous appelle dans les quotidiennes ?
12:00 - Je n'en ai pas eu dans le passé, je n'en aurai pas plus dans l'avenir,
12:02 ça ne m'intéresse pas, j'ai des engagements qui prennent d'autres formes
12:06 et je suis très heureux de ce que j'ai aujourd'hui.
12:08 Je sers autrement, c'est sur la transmission, le partage, sur la formation.
12:12 Je n'ai aucune ambition dans ce domaine-là.
12:14 Je le redis très fermement.
12:16 - Vous savez que quand on interrogeait Éric Dupond-Moretti
12:17 avant qu'il soit nommé en lui demandant si un jour il ferait de la politique,
12:19 il disait que non.
12:20 - Moi, j'ai une parole et je m'y tiens.
12:22 - François Mollens, pour terminer, je voudrais qu'on aborde la question
12:24 des violences faites aux femmes.
12:26 Le week-end a été marqué par la cérémonie des Césars
12:28 et notamment le discours très fort de l'actrice Judith Godrech sur scène.
12:32 Je rappelle qu'elle a porté plainte notamment pour viol contre le réalisateur Benoît Jacot.
12:36 Son témoignage a relancé le mouvement de libération de la parole dans le monde du cinéma.
12:39 Le monde du cinéma auquel elle s'est adressée vendredi soir.
12:42 Je vous cite notamment une phrase qu'elle a prononcée.
12:44 "Depuis quelque temps, je parle, je parle, mais je ne vous entends pas ou à peine.
12:47 Où êtes-vous ?" Elle parlait à la salle.
12:49 Ça aussi, c'est un incroyable défi qui est lancé à la justice
12:53 d'être à la hauteur de cette vague de la libération de la parole.
12:57 - C'est un défi très important, d'autant plus qu'il y a plus de 60 %
13:01 des affaires de délinquance sexuelle qui sont classées sans suite.
13:04 Donc c'est effectivement un défi considérable pour la justice.
13:09 Mais moi, ce que j'ai envie de dire à ces femmes qui sont victimes
13:13 de ces crimes et de ces délits sexuels, c'est qu'il ne faut pas avoir peur de la justice.
13:18 - Parce que vous racontez notamment ne pas avoir apprécié ce qu'avait dit Adèle Henner.
13:23 Qui au fond avait dit "moi, je ne veux pas aller dans la justice
13:26 parce que de toute façon la justice ne sera pas à la hauteur".
13:28 Elle avait d'ailleurs changé d'avis.
13:30 - Et elle a porté plainte et il y a des réquisitions de renvoi pour avoir un procès.
13:33 Le défi est considérable. Il est très dur à relever.
13:36 Mais je pense qu'il faut faire conscience à la justice
13:38 parce que la justice est engagée sur ces choses-là.
13:40 Simplement, il faut comprendre qu'elle travaille avec ces règles,
13:43 avec les règles du procès équitable, et que ces dossiers sont difficiles
13:46 et que malheureusement, il faut un peu de temps.
13:48 J'espère que la formation aidant, on a de plus en plus de magistrats
13:52 qui se spécialisent sur ces questions, la justice répondra toujours mieux.
13:56 Il y a des moyens nouveaux maintenant pour le faire.
13:58 J'espère qu'ils porteront leurs fruits.
13:59 Et j'espère surtout qu'on sera un jour en mesure de répondre plus rapidement.
14:02 Parce qu'effectivement, 4 ou 5 ans pour répondre à ce genre de dossier,
14:06 à ce genre d'enjeu, c'est peut-être effectivement beaucoup
14:08 et ça ne peut pas véritablement satisfaire les victimes.
14:11 Donc il faut qu'on progresse là-dessus.
14:13 - Vous évoquez la question de la présomption d'innocence.
14:16 Je cite ce que vous dites, présomption d'innocence
14:18 qui est foulée au pied par le tribunal médiatique et populaire.
14:22 Toujours un mot sur les Césars, on a beaucoup commenté ce qui a été mis en place,
14:25 ce qu'on appelle un dispositif de non-mise en lumière,
14:27 c'est-à-dire que les personnes qui étaient condamnées,
14:29 mais aussi accusées, c'est-à-dire mises en examen,
14:32 donc présumées innocentes, qui ne pouvaient pas monter sur scène
14:34 pour récupérer leurs récompenses.
14:36 Est-ce que ça vous, l'homme de droit, attaché au principe
14:38 et donc à la présomption d'innocence, est-ce que vous avez été choqué par ça ?
14:41 - Moi je trouve qu'il faut jouer le jeu.
14:44 On a des règles, nos ancêtres se sont battus
14:48 pour avoir ces libertés et ces garanties.
14:51 Il faut les observer.
14:53 Et je trouve qu'il ne faudrait pas opposer comme ça la parole des victimes
14:58 et la présomption d'innocence.
15:00 La présomption d'innocence ne signifie pas qu'on contredit la victime
15:05 et qu'on ne croit pas ce qu'elle dit.
15:07 Elle signifie simplement que la personne qui est accusée
15:09 bénéficie d'un certain nombre de garanties, elle aussi,
15:12 et que les choses doivent se faire dans un cadre
15:14 sous le contrôle et sur la décision de magistrats
15:17 qui sont indépendants et qui vont appliquer des règles équitables,
15:20 le procès équitable.
15:21 Et je pense que ce n'est pas contradictoire.
15:24 Respecter les règles du procès, ce n'est pas refuser la parole des victimes
15:29 et la rejeter, bien au contraire.
15:31 - Quand vous avez entendu Emmanuel Macron défendre Gérard Depardieu
15:34 en direct à la télévision, expliquant qu'il rendait fière la France
15:36 malgré les plaintes pour viol dont il fait l'objet,
15:38 qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
15:39 Est-ce que vous vous êtes dit là, le garant des institutions
15:42 respecte la présomption d'innocence,
15:44 ou il y a une parole qui est mal calibrée ?
15:47 - Ecoutez, moi personnellement, avec mes mots, je ne l'aurais pas dit comme ça,
15:50 mais je ne suis qu'un magistrat retraité.
15:53 Il y a des problèmes dont la justice est saisie,
15:56 et puis après il y a des problèmes beaucoup plus généraux
15:59 qui renvoient au fonctionnement de notre société
16:01 et qui ne sont pas forcément, j'allais dire, de mon niveau.
16:04 Mais encore une fois, la liberté artistique,
16:07 la liberté de création, c'est une chose,
16:09 la justice en est une autre.
16:11 - Un tout dernier mot sur cette question des violences sexuelles.
16:13 Beaucoup ont regretté le départ du juge Durand,
16:16 de la CIVIS, cette commission indépendante sur l'inceste
16:18 et les violences sexuelles sur les enfants.
16:20 Est-ce que vous considérez que ce dossier a été mal géré ?
16:22 Est-ce que vous dites qu'il faudrait qu'il revienne ?
16:25 - Je ne connais pas ce dossier dans le détail,
16:28 par contre je connais le juge Durand, je sais que c'est un grand magistrat,
16:31 c'est quelqu'un qui a beaucoup travaillé sur ces questions,
16:34 et c'est quelqu'un qui a un discours qui, moi,
16:36 m'a toujours paru extrêmement fiable, sérieux et compétent.
16:40 Donc je suis tout à fait conscient, en ce qui me concerne,
16:43 des bienfaits et du beau travail qu'il a fait à la tête de cette commission.
16:47 - Une dernière question, François Mollens,
16:48 est-ce qu'il y a encore beaucoup de gens qui vous appellent "commissaire Mollens" ?
16:50 - Non, il n'y en a pas beaucoup, c'est rare.
16:52 - J'explique pour ceux qui nous regardent, vous dites qu'il y a un passage très drôle,
16:55 où au fond, vous expliquez que les gens vous connaissent,
16:57 on en a parlé au cours de cet entretien,
16:59 mais ils n'ont pas toujours en tête les subtilités des titres que vous avez pu avoir,
17:03 "procureur général près de la cour de cassation", "procureur de Paris",
17:07 et donc il y en a quelques-uns qui, visiblement,
17:08 avaient en tête que vous étiez commissaire, donc on ne vous appelle plus trop.
17:12 - Non, mais c'est aussi un peu pour ça que ce livre,
17:15 c'est pour mieux expliquer le métier de procureur,
17:17 pour qu'on ne confonde pas avec les préfets, les juges et les commissaires.
17:24 - Surtout vous qui êtes jaloux de votre indépendance.
17:27 Un tout dernier mot, qu'est-ce que vous aimeriez qu'on retienne de votre carrière ?
17:31 - J'aimerais qu'on retienne que j'ai toujours essayé de faire mon travail honnêtement,
17:41 au service de la justice, tout au long de ces 46 ans.
17:44 Je n'ai sûrement pas été parfait, personne n'est parfait,
17:47 tout le monde est faillible, j'ai certainement fait des erreurs,
17:50 mais j'ai toujours fait mon travail avec honnêteté et en respectant la loi.
17:56 - Merci beaucoup François Mollens d'avoir été l'invité de C'est pas tout le jour dimanche.
17:59 Je rappelle, votre livre aux éditions Flammarion,
18:01 "Au nom du peuple français, vos mémoires",
18:04 écrite avec la collaboration de Chloé Triomphe.
18:07 Merci beaucoup.

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