L'euthanasie représente-t-elle l'ultime liberté ? - En toute vérité

  • il y a 6 mois
Avec Thomas Misrachi, grand reporter et auteur de "Le dernier soir" (Grasset - 2024), et Erwan Le Morhedec, avocat et blogueur.

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##EN_TOUTE_VERITE-2024-03-09##
Transcript
00:00 (Générique)
00:02 -Vérité, 11h30 sur Sud Radio. Alexandre Desvecquiaux.
00:05 -Sécurité, économie numérique, immigration, écologie.
00:08 Chaque semaine, nous débattons sans tabou
00:10 des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:13 Ce dimanche, nous recevons le journaliste Thomas Missraki
00:16 et l'avocat et essayiste Erwan Lemoredek.
00:19 Thomas Missraki est l'auteur du livre "Le dernier soir",
00:22 dans lequel il explique comment il a accompagné une amie de 77 ans
00:25 jusqu'à son suicide et se confie sur son propre souhait
00:28 d'avoir recours à l'euthanasie.
00:30 Dans une tribune publiée dans le Figaro,
00:32 Erwan Lemoredek a réagi vigoureusement,
00:35 accusant le journaliste de promouvoir le suicide des personnes âgées
00:38 et d'ouvrir la porte à une nouvelle forme d'eugénisme.
00:41 Le suicide assisté ou l'euthanasie représentent-ils
00:44 l'ultime liberté ?
00:45 Un pays démocratique qui a aboli la peine de mort
00:48 peut-il sacraliser un tel droit ?
00:49 Quels sont les risques de légiférer sur un tel sujet ?
00:52 Que faire pour les personnes dont on ne peut pas soulager
00:55 les souffrances et qui sont incurables ?
00:58 Comment essayer de tuer et se faire sauter le dernier repère ?
01:01 Tout de suite, les réponses de Thomas Missraki et Erwan Lemoredek,
01:04 en toute vérité.
01:05 - En toute vérité sur Sud Radio,
01:07 Alexandre de Vécu.
01:09 - Thomas Missraki et Erwan Lemoredek, bonjour.
01:11 - Bonjour. - Bonjour.
01:12 - Ravis de vous recevoir dans cette émission
01:15 pour débattre pendant une heure sur le thème de l'euthanasie.
01:18 Thomas Missraki, vous avez sorti ce livre qui est un récit,
01:22 "Le dernier soir".
01:23 Vous vous défendez de toute une façon de dire
01:26 "le dernier soir", de toute intention militante,
01:29 mais dans le contexte actuel,
01:31 ça peut s'assimiler à une forme de prise de position.
01:35 En tous les cas, c'est un livre dans lequel vous racontez
01:38 que vous avez accompagné une amie de 77 ans dans la mort,
01:42 alors qu'elle était en bonne santé.
01:44 Cette amie, vous l'appelez Sylvie dans le livre,
01:47 mais on sait que c'est Jacqueline Jekel
01:49 qui était vice-présidente de l'association
01:52 du droit de mourir dans la dignité.
01:55 Vous-même, vous expliquez que vous souhaitez mourir à 75 ans.
01:59 Est-ce que c'est pas un peu jeune, Thomas Missraki ?
02:03 Et comment vous avez vécu, je dirais,
02:06 cette... Alors, vous n'allez pas nous résumer tout le livre,
02:09 mais est-ce que ça a été, à un moment donné,
02:12 un choix de conscience de l'accompagner ou pas ?
02:16 Vous vous êtes posé la question,
02:18 est-ce que c'est de la non-assistance, finalement,
02:21 à personne en danger ?
02:22 - C'est un choix de conscience, de laisser quelqu'un mourir,
02:25 de laisser quelqu'un aller au bout de ses convictions.
02:27 Je l'ai fait parce que c'était une amie, parce qu'elle me l'avait demandé.
02:29 Initialement, il faut bien savoir
02:31 qu'elle devait procéder à ce suicide assisté
02:36 tel qu'il était prévu en Suisse.
02:39 Tout était organisé pour cela,
02:41 et que le jour où elle a décidé de le faire, finalement,
02:44 elle s'est dit qu'elle voulait mourir chez elle, avec ses meubles,
02:46 avec ses photos, avec ses bibelots,
02:48 et donc, je l'ai appelée par hasard, ce soir-là.
02:52 Et quand je lui ai téléphoné, elle m'a dit,
02:55 "Ecoute, c'est ce soir, est-ce que tu viens ?"
02:56 Je lui ai demandé où elle était, elle m'a dit, "Je suis chez moi, à Paris."
02:59 J'ai compris, évidemment, ce que ça voulait dire,
03:02 d'aller chez elle, ce soir-là,
03:04 mais j'y suis allé quand même parce que je lui avais promis,
03:06 parce que j'aimais cette femme,
03:08 parce que c'était important pour moi de tenir parole.
03:12 Ça, c'est pour répondre à votre première question.
03:15 Donc, évidemment, quand on se pose toutes ces questions,
03:17 "Qu'est-ce que je fais là ? Est-ce que je la laisse faire ?
03:20 Qu'est-ce que ça change, finalement, que je la laisse faire ou pas ?"
03:24 Elle avait repoussé sa décision à plusieurs reprises
03:29 à cause de la Covid, à cause de la naissance d'un petit-fils.
03:32 Ce soir-là, moi, je n'étais pas sûr qu'elle aille jusqu'au bout.
03:34 J'y suis allé, j'ai compris qu'elle allait aller jusqu'au bout
03:37 en cours de soirée, quand elle a commencé
03:39 ce qu'on peut appeler le processus de mort.
03:42 Avant, j'avais toujours un petit doute, évidemment.
03:46 Voilà, je savais que c'était son choix,
03:47 je savais que c'était sa conviction.
03:50 Pour répondre à votre deuxième question,
03:52 c'est une conviction que je partage pour moi-même.
03:54 Pour répondre à votre deuxième question,
03:56 oui, 75 ans, c'est jeune.
03:58 On me dit souvent, "Mais peut-être que tu seras en forme à cet âge-là."
04:01 - Oui, tout à fait, il y a des gens en pleine forme.
04:03 - Il y en a beaucoup, et tant mieux.
04:05 - Et quand bien même, vous pouvez être en mauvaise forme
04:07 et avoir envie de vivre. - Aussi, bien sûr.
04:09 Mais encore une fois, alors, d'abord, que les choses soient très claires,
04:11 moi, je ne fais aucun prosélytisme.
04:13 Je raconte une histoire, une histoire exceptionnelle
04:16 qui m'est arrivée.
04:17 Cette histoire, j'ai mis deux ans à l'écrire
04:21 pour ne pas l'oublier.
04:22 Et puis, par plusieurs hasards,
04:25 il se trouve que c'est devenu un livre.
04:27 Mais je ne veux forcer personne,
04:31 convaincre personne de faire ce choix-là.
04:34 La mort doit être un choix.
04:37 La façon de mourir doit être un choix intime.
04:40 Ça doit être le choix de chacun.
04:42 Moi, je n'essaie pas de provoquer quoi que ce soit.
04:44 Ça, c'est vraiment très important.
04:45 C'était le choix de celle que j'appelle Sylvie, c'est le mien.
04:48 Pourquoi 75 ans ?
04:49 Parce que j'espère, à cet âge-là, être en pleine capacité de...
04:53 en pleine possession de mes moyens, en capacité de décider.
04:56 Et vous savez, quand vous commencez à perdre le contrôle
05:00 sur ce que vous êtes, de qui vous êtes,
05:04 vous avez peur.
05:05 Parce qu'évidemment, personne n'a envie de mourir.
05:07 La peur fait... La mort fait peur à tout le monde.
05:11 Et quand vous avez peur, eh bien, souvent, vous renoncez.
05:13 Et moi, c'est une croyance que j'ai depuis très longtemps.
05:17 Je préfère partir un tout petit peu plus tôt
05:20 que de ne plus avoir la maîtrise de mon destin à ce moment-là de ma vie.
05:24 Vous parlez de peur.
05:25 Il y a la peur de mourir,
05:27 mais il y a aussi la peur, très répandue dans nos sociétés,
05:30 de mourir dans la souffrance ou dans de mauvaises conditions.
05:33 Est-ce que finalement, votre choix
05:36 n'est pas un choix dicté par cette peur-là ?
05:38 Bien sûr.
05:39 Mais alors, vous pouvez appeler ça de la lâcheté.
05:42 Certains vont considérer que c'est du courage de partir avant.
05:44 Mais moi, je ne veux pas avoir à subir
05:48 tout ce que la vieillesse provoque.
05:51 Je ne parle pas, évidemment, de cette vieillesse heureuse
05:53 que la plupart des gens ont,
05:55 mais de ces derniers mois, de ces dernières années
05:57 où, parfois, vous vous retrouvez
06:00 soit abandonné, soit dans un EHPAD, soit voilà.
06:03 Mais ça, encore une fois, c'est un choix personnel.
06:05 Je sais que ça n'engage que moi
06:08 et ça n'engageait que celle que j'appelle Sylvie dans le livre.
06:10 Oui, sauf qu'elle a impliqué, d'une certaine manière,
06:14 un tiers, et je suppose que vous êtes
06:16 pour une forme de suicide racisté.
06:19 Est-ce qu'un choix aussi intime
06:21 doit impliquer une tierce personne
06:23 ou l'approbation de l'État ?
06:25 Alors, il y a deux choses.
06:26 D'abord, ce qui s'est passé et ce que je raconte dans ce livre
06:29 n'a rien à voir avec ce que je souhaiterais
06:32 qu'on ait en France, comme dans de nombreux autres pays en Europe,
06:35 c'est-à-dire la possibilité d'avoir une loi sur la fin de vie.
06:39 Voilà. La fin de vie, qu'est-ce que ça veut dire ?
06:41 Une loi sur la fin de vie, qu'est-ce que ça voudrait dire ?
06:43 Ça voudrait dire qu'on aide les gens
06:46 qui sont dans une situation de mort,
06:50 enfin, de... Comment dirais-je ?
06:51 Dans une situation où ils ne peuvent plus se soigner,
06:56 où ils sont atteints par une maladie irréversible et incurable,
06:59 où ils savent qu'ils vont mourir
07:01 et que cette mort va être longue et douloureuse.
07:03 Donc, j'aimerais qu'en France, comme c'est le cas aux Pays-Bas,
07:06 en Suisse, en Belgique et dans d'autres pays,
07:10 on ait la possibilité pour ces gens-là, malades,
07:13 qui n'ont pas d'autre choix, en tout cas médicalement,
07:17 que d'aller vers la mort, qu'on les aide,
07:20 qu'ils évitent les souffrances,
07:22 leurs souffrances, les souffrances de leur famille également.
07:24 Ça, c'est ce que j'aimerais voir en France
07:29 dans les prochains mois, les prochaines années.
07:30 Ça, c'est une chose.
07:31 Ce qui se passe dans ce livre, ça va évidemment au-delà de ça.
07:34 C'est un choix qui n'entre pas dans le cadre de la loi
07:37 que j'aimerais voir en France.
07:38 Donc, il faut bien différencier les deux, ce ne sont pas les mêmes choses.
07:41 - Erwan Lemoredek, vous allez pouvoir répondre en profondeur,
07:45 notamment aussi sur la question de la loi.
07:49 Est-ce que vous souhaitez ou pas une loi ?
07:52 Mais je voulais d'abord vous présenter.
07:56 Vous êtes avocat et CIS,
07:58 vous avez fait paraître l'année dernière ce livre,
08:01 "Fin de vie en République", avant d'éteindre la lumière.
08:06 Mais vous, personnellement,
08:08 est-ce que c'est quelque chose qui vous interroge, la fin de la vie ?
08:13 Est-ce que c'est quelque chose qui vous fait peur aussi ?
08:15 Vous avez peur de vieillir dans de mauvaises conditions
08:18 ou de souffrir de la maladie ?
08:20 - Bien évidemment.
08:22 C'est quelque chose dont on a probablement un peu tous peur.
08:27 Ce que l'on a entendu ces derniers temps,
08:29 ne serait-ce qu'avec le scandale sur Orpea,
08:31 n'est pas de nature à nous rassurer.
08:33 Donc, et la dégradation et la mort me font peur.
08:37 C'est clair.
08:39 Après, c'est un sujet...
08:42 Je suis bénévole en soins palliatifs.
08:43 Donc, je vais toutes les semaines auprès de personnes
08:46 qui affrontent la mort prochaine.
08:49 Et ça me permet quand même d'avoir une petite connaissance
08:56 de ce que les uns et les autres peuvent ressentir à ce moment-là
08:59 et de ce que l'on est capable de faire pour elles.
09:01 - Merci Erwan Lemoredek.
09:03 Merci Thomas Misrachit.
09:05 Erwan Lemoredek, je vous redonne la parole
09:07 après une courte pause sur Sud Radio.
09:10 On poursuit ce débat sur l'euthanasie.
09:14 "En toute vérité", c'est tout de suite sur Sud Radio.
09:16 - "En toute vérité", 11h30 sur Sud Radio.
09:19 Alexandre Desvecquiaux.
09:21 - Nous sommes de retour sur Sud Radio.
09:23 "En toute vérité" avec Thomas Misrachit,
09:26 auteur du livre "Le dernier soin",
09:28 dans lequel il explique comment il a accompagné une amie de 77 ans
09:31 jusqu'à son suicide.
09:33 Avec Erwan Lemoredek,
09:36 avocat et essayiste,
09:38 auteur de "Fin de vie en République avant d'éteindre la lumière".
09:41 C'est aux éditions du CERN.
09:42 C'est paru il y a un an,
09:44 mais toujours disponible dans les bonnes librairies.
09:47 Erwan Lemoredek, avant la cour pure pub,
09:52 vous nous expliquez que vous aviez une expérience de la mort
09:56 puisque vous accompagnaiez les gens en soins palliatifs.
09:59 Est-ce que ça vous a peut-être fait vaciller
10:04 certaines de vos certitudes sur la fin de vie ?
10:08 Est-ce que ça vous a rassuré aussi personnellement
10:10 sur la manière dont vous alliez aborder cette épreuve
10:15 ou cette expérience de la vie,
10:17 cette ultime expérience de la vie ?
10:19 - Disons que ça a illustré beaucoup de ce que je pensais.
10:25 Ça m'a confronté aussi à des cas limites.
10:28 On parle souvent des cas limites.
10:31 J'ai été confronté à des demandes claires de mourir, fermes.
10:35 Évidemment, un certain nombre de demandes
10:38 qui disparaissent par la prise en charge des soins palliatifs,
10:41 c'est plus de 99 % des demandes d'euthanasie
10:45 qui disparaissent quand on est bien pris en charge des soins palliatifs.
10:48 Maintenant, il y en a qui restent, qui demeurent.
10:51 J'ai été amené à passer 45 minutes dans la chambre d'une femme
10:57 qui demandait l'euthanasie,
10:59 qui était en colère qu'on ne puisse pas la pratiquer en France.
11:04 En tant que bénévole, évidemment, il est hors de question de débattre.
11:09 Je suis là pour écouter les gens, pas pour leur répondre.
11:12 J'essayais d'orienter un peu la discussion
11:15 vers ce qui pourrait tendre vers la vie.
11:17 Je voyais que tout était bloqué.
11:20 Mais vous voyez, il s'est trouvé que cette personne,
11:24 elle a demandé une sédation profonde et continue,
11:26 maintenue jusqu'au décès,
11:28 qui n'était pas possible car elle ne remplissait pas les critères.
11:31 Ensuite, elle a demandé un arrêt de traitement.
11:34 C'était une personne qui avait une pathologie pulmonaire.
11:38 On a arrêté les traitements médicamenteux,
11:40 on a arrêté l'alimentation en oxygène.
11:44 Elle a eu un léger mieux pendant 24 heures,
11:46 puis elle est décédée au bout de 48 heures,
11:48 supervisée par les médecins.
11:51 - Vous nous dites que d'une certaine manière,
11:53 il y a une zone grise où on pratique déjà un certain nombre de choses
11:56 pour soulager les souffrances du patient ?
11:59 - Oui, ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas noir ou blanc.
12:02 Aujourd'hui, effectivement...
12:04 D'abord, soyons clairs, quand je suis allé en soins palliatifs,
12:07 j'y suis allé avec un certain nombre d'angoisse et de peur.
12:10 Une peur qui était d'entendre des gens hurler de douleur.
12:12 Ça n'est jamais le cas.
12:14 Il y a bien des gens qui souffrent.
12:16 Il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas rose.
12:19 La fin de vie peut rester une forme de douleur.
12:22 Mais elle est dans la quasi-totalité des cas stabilisés à un niveau
12:28 qui permet de concevoir ces derniers temps
12:31 comme encore une forme de vie, si je puis dire.
12:34 Parce que quand on n'est que de la douleur,
12:36 ou quand on est plongé dans l'inconscience, c'est différent.
12:39 Ce que je veux dire, c'est qu'on est déjà en mesure
12:41 de faire un certain nombre de choses.
12:43 Tout patient a le droit de demander l'arrêt d'un traitement
12:47 qui le maintient en vie.
12:49 Et cette demande doit être satisfaite.
12:52 Donc, pour un grand nombre de pathologies,
12:55 la réalité, c'est que si l'on souhaite partir vite,
13:01 on peut le demander.
13:02 Et lorsque l'on a une souffrance réfractaire,
13:07 il y a ce que l'on appelle la sédation profonde
13:09 et continue maintenue jusqu'au décès,
13:11 qui est, pour simplifier, une forme d'anesthésie générale
13:15 qui fait que vous dormez le temps que la mort naturelle
13:20 fasse son effet.
13:22 - On va rentrer dans la question de la loi
13:25 et aussi sur votre tribune,
13:26 puisque vous avez réagi assez vigoureusement
13:30 au livre de Thomas Missraki,
13:32 ou en tout cas à ses interventions médiatiques.
13:36 Mais vous parlez effectivement de cas de maladies graves.
13:40 Il y a aussi le cas des maladies dégénératives
13:44 qui engendrent non seulement des souffrances physiques,
13:47 mais je suppose des souffrances également morales, psychologiques.
13:51 Je pense par exemple à la maladie de Charcot,
13:53 où on est enfermé à l'intérieur de soi-même
13:56 et où on n'a même plus la possibilité de se suicider.
13:58 Donc, du coup, le suicide assisté pourrait être une solution.
14:05 Est-ce que vous croyez que les soins palliatifs
14:08 répondent à ce type de cas aujourd'hui ?
14:12 - Déjà, je vous dirais que la maladie de Charcot,
14:15 on en fait une espèce d'étendard,
14:17 même en Belgique, où on pratique l'euthanasie.
14:21 C'est extrêmement minoritaire dans les demandes d'euthanasie.
14:24 C'est-à-dire qu'on agite toujours la maladie de Charcot,
14:29 en plus en faisant peur ce qui me hérisse,
14:31 parce que je trouve que c'est une instrumentalisation des malades.
14:35 Mais 70 % des euthanasies en Belgique
14:37 sont réalisées sur des personnes âgées de plus de 70 ans.
14:40 Donc, la réalité de l'euthanasie,
14:41 c'est plutôt l'euthanasie des personnes âgées,
14:44 plus que des malades.
14:45 - La principale cause, c'est le cancer. Vous avez tout à fait raison.
14:48 - Et vous avez en France, effectivement,
14:52 des malades de la maladie de Charcot.
14:54 Il y en a dans l'unité de soins palliatifs où je suis.
14:58 Déjà, il faut quand même bien dire
14:59 que la très grande majorité ne demande pas l'euthanasie.
15:03 Et puis ensuite, parmi ceux qui souhaitent partir plus tôt,
15:07 le fait est, comme je vous le disais,
15:09 que c'est typiquement une pathologie
15:13 pour laquelle vous pouvez demander l'arrêt de traitements
15:17 qui vous maintiennent en vie.
15:18 C'est-à-dire que quand la maladie de Charcot progresse,
15:22 vous allez être nourri éventuellement par une gastrostomie,
15:25 vous allez éventuellement avoir une trachéotomie,
15:28 vous allez éventuellement aussi avoir une ventilation non-invasive
15:32 pour laquelle, si on l'interrompt, la mort intervient.
15:37 - Elle est assez vite. - Oui, quasiment immédiatement.
15:39 Donc, le fait est que tout ça, en plus, ça n'est pas fait...
15:44 On n'est pas des barbares.
15:45 Je veux dire que si on arrête un traitement de ce genre,
15:50 on continue les soins palliatifs, on continue les soins,
15:53 on fait en sorte que ça ne génère pas de douleur.
15:55 Donc, vous avez un certain nombre de stades
15:57 dans l'évolution de la maladie
16:00 à partir desquels vous pouvez dire "stop".
16:03 Et typiquement, il y avait dans mon service
16:06 une patiente atteinte de la maladie de Charcot.
16:08 Cette femme était autonome.
16:10 Elle avait perdu l'usage de la parole.
16:14 Pour le reste, elle était sur ses pieds.
16:17 Elle était même en mesure d'aider à se lever
16:20 une amie qui était venue la visiter.
16:22 Et puis, elle avait en revanche décidé de mourir.
16:27 Et donc, ça a été très compliqué.
16:29 Je ne veux pas dire que c'est simple,
16:30 parce que d'un point de vue éthique et d'un point de vue médical,
16:32 c'était dur pour l'équipe.
16:34 Ce qui s'est produit, et c'est vraiment un cas très limite,
16:37 ça ne peut pas être un exemple,
16:38 mais ce qui s'est produit, c'est qu'elle a d'abord souhaité
16:41 l'arrêt de l'alimentation.
16:44 Et ensuite, comme elle avait une autre pathologie
16:47 dont les symptômes étaient aggravés par l'arrêt de l'alimentation,
16:51 a été pratiquée une sédation profonde et continue.
16:54 Donc, cette personne qui aurait pu vivre
16:57 encore des mois, des années, je ne sais combien,
17:02 mais qui aurait encore pu vivre longtemps, a demandé à mourir.
17:06 Son choix a été respecté,
17:08 pas exactement dans les termes qu'elle voulait,
17:10 parce qu'on est plusieurs dans ce cas-là.
17:11 Il y a une équipe médicale à protéger aussi.
17:14 Et donc, voilà, ce que je veux dire,
17:16 c'est qu'on a l'impression qu'effectivement,
17:18 l'alternative, c'est entre mourir dans d'atroces souffrances
17:22 que rien ne permet d'alléger, ou l'euthanasie.
17:25 On est très, très, très loin de ça.
17:28 Et ce qui m'orripile dans ce débat,
17:32 c'est qu'on perd un temps incroyable à discuter de l'euthanasie,
17:36 alors que les soins palliatifs, leur développement
17:39 et leur généralisation sur tout le territoire,
17:42 ça fait 25 ans que ça aurait dû être réalisé
17:45 et qu'on ne le fait toujours pas.
17:46 - Thomas Miskraki, qu'est-ce que vous répondez à cela ?
17:50 Vous nous avez dit tout à l'heure que vous étiez,
17:53 vous pour le coup, bourreau de loi au moins,
17:54 pour soulager les souffrances les plus intenses.
17:56 Mais si on écoute Erwan Lemoredek,
17:59 qui a l'expérience des soins palliatifs,
18:01 d'une part, la plupart des souffrances peuvent être soulagées.
18:04 Et d'autre part, il y a déjà des zones grises
18:07 qui permettent la sédation profonde,
18:08 qui permettent une manière, si vous voulez,
18:11 d'abréger ces souffrances quand les patients le souhaitent vraiment.
18:14 Donc, du coup, est-ce que cette loi sur l'euthanasie est réellement utile ?
18:18 - Alors, on parle de deux choses complètement différentes.
18:20 D'abord, cette loi qui existe en France,
18:22 vous avez raison de le mentionner,
18:24 la loi Léonetti de 2005, je crois,
18:26 elle aide, évidemment, ceux qui sont en fin de parcours.
18:30 Ça, c'est important.
18:33 Et c'est utile.
18:34 Le problème, il y en a deux avec cette loi,
18:37 dans le cadre du débat sur la fin de vie.
18:39 Le premier problème, c'est que vous le savez mieux que personne,
18:41 probablement, alors je ne sais pas comment les choses fonctionnent
18:43 dans votre service, mais de manière générale,
18:46 tous les hôpitaux ou tous les centres de soins palliatifs
18:49 ne sont pas équipés comme il le faudrait.
18:52 Là, je suis entièrement d'accord avec vous,
18:53 il faut faire plus en la matière,
18:55 il faut renforcer l'application de cette loi,
18:58 donner aux soignants et à tous ceux qui s'occupent de ces personnes-là
19:02 plus de moyens pour que les choses se passent
19:04 dans les meilleures situations et conditions possibles.
19:06 Entièrement d'accord avec vous.
19:07 Le second problème, c'est que là, de quoi parle-t-on ?
19:11 On parle des derniers instants,
19:13 c'est-à-dire des dernières semaines, des derniers jours,
19:15 des dernières heures, où l'on soulage les ans.
19:18 Ce que l'on oublie, c'est qu'avant d'arriver là,
19:21 il y a parfois des années de souffrance.
19:23 Et la loi sur la fin de vie répond à cette problématique-là,
19:28 aux années de souffrance.
19:29 Alors, évidemment, développer des soins palliatifs,
19:33 c'est une bonne chose.
19:34 S'occuper mieux de nos vieux, c'est une bonne chose
19:38 pour tous ceux qui font le choix de vivre.
19:41 Et c'est un choix digne, c'est un choix magnifique.
19:44 Mais pour tous les autres, les quelques autres, j'ai envie de dire,
19:47 ceux qui ne supportent plus de vivre
19:52 dans la condition ou dans les conditions dans lesquelles ils vivent.
19:54 Vous parliez de la personne atteinte de la maladie de Charcot tout à l'heure.
20:00 Oui, vous dites qu'elle aurait pu vivre des mois en plus.
20:03 Mais pourquoi ? Dans quelles conditions ? Comment ?
20:07 C'est ça, les questions qu'il faut qu'on se pose.
20:08 Quand on est malade, et vous le savez mieux que personne,
20:10 quand on est malade et qu'on vit dans ces conditions-là,
20:12 c'est souvent très difficile, très difficile pour la personne,
20:15 très difficile pour l'entourage, très difficile pour les soignants.
20:17 Admirable qui entoure ces personnes-là.
20:21 Et c'est pour ça qu'un texte sur la fin de vie est nécessaire.
20:24 Juste une petite chose pour vous dire que dans les pays
20:26 où ces textes ont été adoptés, instaurés,
20:29 on a maintenant près de 25 ans d'expérience.
20:32 Pour les Pays-Bas, je crois que c'était le premier pays
20:35 à adopter un texte sur la fin de vie, sur l'euthanasie en 2001.
20:38 Il n'y a pas eu d'explosion de suicide.
20:40 Il n'y a pas eu de changement dans la démographie.
20:43 Il n'y a pas eu des familles qui se débarrassaient des plus faibles.
20:45 Ça n'est pas arrivé. On a cette expérience-là aujourd'hui.
20:48 Il y a peu... - Sur quoi je suis en total désaccord.
20:51 Il y a peu de chances qu'en France aujourd'hui,
20:53 si une loi était adoptée, on ait une situation différente.
20:57 Merci Thomas Missraki. Merci Erwan Lemouredek.
21:00 Erwan Lemouredek pourra répondre notamment sur l'expérience
21:04 qu'on a dans les pays où l'euthanasie est pratiquée.
21:07 On fait une courte pause et on se retrouve tout de suite
21:11 en toute vérité avec Erwan Lemouredek et Thomas Missraki.
21:14 Merci, à tout de suite.
21:15 En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
21:20 Nous sommes de retour en toute vérité sur Sud Radio
21:23 avec Thomas Missraki, auteur du livre "Le dernier soir",
21:26 dans lequel il explique comment il a accompagné une amie de 77 ans
21:29 jusqu'à son suicide et se confie sur son propre souhait
21:31 d'avoir recours à l'euthanasie.
21:34 Pour débattre justement de l'euthanasie,
21:37 en face de lui, Erwan Lemouredek,
21:40 auteur de "Fin de vie en République avant d'éteindre la lumière".
21:44 Avant la pause, Thomas Missraki expliquait
21:47 qu'on avait une expérience européenne de l'euthanasie
21:52 dans des pays comme la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas,
21:56 que selon lui, ça n'avait pas modifié le rapport à la mort,
22:01 qu'on n'avait pas eu d'explosion des suicides.
22:04 Je vous ai vu sauter d'une certaine manière,
22:08 en tout cas sur Erwan Lemouredek.
22:11 Vous ne partagez pas, vous, cette analyse.
22:14 Je vois que vous êtes venu avec un document.
22:18 C'est filmé, mais pour ceux qui nous écoutent,
22:21 simplement, peut-être, décrivez-nous ce qu'il y a sur ce document.
22:26 - Oui, c'est un graphique qui est issu du dernier rapport
22:30 de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie belge.
22:35 Commission qui n'est pas suspecte de partialité en ma faveur,
22:38 puisqu'elle est exclusivement composée de partisans de l'euthanasie,
22:42 voire de militants de l'euthanasie.
22:45 On a l'évolution du nombre d'euthanasie déclaré.
22:49 On sait que ce n'est pas le nombre d'euthanasie total.
22:52 On était à 259 en 2003, on est à 2700 en 2021.
22:58 Donc le nombre d'euthanasie en Belgique a été multiplié par 10 en 20 ans.
23:02 On ne peut pas me dire qu'il n'y a pas eu d'évolution.
23:05 Il y a aussi un sociologue,
23:09 directeur d'un centre de bioéthique,
23:12 qui a fait paraître deux études dans le journal of ethics in mental health,
23:18 qui est de David Albert Jones,
23:21 qui a notamment fait une étude entre deux États voisins d'Australie,
23:27 l'État de Victoria et les Nouvelles-Galles du Sud.
23:30 Victoria ayant légalisé le suicide assisté et pas l'autre.
23:33 On voit très clairement qu'il y a eu une explosion du nombre de suicides
23:39 suicides assistés et suicides non assistés.
23:42 Et en particulier des personnes âgées.
23:45 Quand on regarde l'évolution...
23:48 Évidemment, on est à la radio, je le sais.
23:50 Mais quand on regarde l'évolution de ces 4 dernières années...
23:54 C'est une radio filmée.
23:56 Ça, c'est l'évolution.
23:59 Pour ceux qui ne nous regardent pas, mais qui nous écoutent,
24:02 on voit effectivement une courbe remontée très nettement.
24:08 Et en plus, c'est l'État d'à côté.
24:11 Même démographie, même culture, etc.
24:14 Réponse de Thomas.
24:16 C'est très intéressant, ces courbes, et vous avez entièrement raison.
24:21 Je suis ravi d'entendre.
24:23 Pour la deuxième courbe que vous montrez,
24:25 c'est pour ça qu'il faut une loi pour encadrer le phénomène.
24:29 Comme vous le dites, je vais le faire très vite.
24:33 Sans loi, ces choses se déroulent de toutes les manières.
24:37 Il vaut mieux que ça se déroule de manière contrôlée,
24:40 vérifiée avec des pannels d'experts, des comités de soignants,
24:43 de médecins, de psychiatres, etc.
24:46 Pour les chiffres en Belgique, il y a 3 explications très simples.
24:50 On part à zéro.
24:52 Donc, la loi entre en vigueur, elle entre dans la société.
24:57 Au début, personne n'est au courant,
24:59 puis les gens se saisissent de cette loi pour pouvoir en profiter.
25:02 C'est la première explication de la progression.
25:05 Les deux autres explications de la progression sont assez simples.
25:07 D'abord, il y a eu, ça ne vous a pas échappé,
25:10 la crise de la Covid qui a provoqué...
25:12 Non, mais c'est des explications de ces chiffres.
25:14 La crise de la Covid qui a provoqué
25:17 une augmentation du nombre de maladies et donc de suicides,
25:20 et, tout simplement aussi, ça ne vous a pas échappé,
25:23 la population européenne et la population belge, en l'occurrence,
25:26 est une population vieillissante.
25:27 Donc, proportionnellement parlant, effectivement,
25:30 les chiffres progressent. Avant, ça n'existait pas.
25:32 Donc, il n'y en avait pas. Après, ça existe.
25:34 Les gens s'en saisissent. Pratique.
25:36 Donc, voilà comment on explique ces chiffres.
25:38 Ce que je dis,
25:40 c'est qu'il n'y a aucune explosion,
25:42 que ce soit en Belgique, en Suisse,
25:44 aux Pays-Bas, en Espagne ou ailleurs,
25:46 de ce type de pratique.
25:47 Une fois que la loi est installée et rentre dans la population...
25:51 Il y a des vieillissements de population,
25:52 donc il y a de plus en plus de vieux,
25:53 de plus en plus de personnes âgées qui font ce choix.
25:55 Mais c'est comme ça que s'expliquent ces chiffres.
25:57 Il n'y a pas de changement démographique.
25:58 Il n'y a pas de gens qui se suicident
26:01 et qui seraient restés en vie, en bonne santé,
26:03 si ces lois n'avaient pas existé.
26:05 Je vais vous dire, j'ai dirigé un livre il y a quelques années
26:07 avec un médecin belge qui s'appelle Yves Delocte,
26:09 qui est un monsieur remarquable,
26:10 catholique, pratiquant,
26:12 et qui s'est mis à l'euthanasie très tard
26:15 parce qu'il avait ses convictions religieuses.
26:17 Il a commencé, je crois, sa première euthanasie à 65 ans.
26:20 C'était un prêtre, pour la petite histoire.
26:23 Yves Delocte, 90 % de sa clientèle,
26:26 elle est française.
26:27 Donc, il ne faut pas croire qu'en France, aujourd'hui,
26:29 les gens, un, ne se déplacent pas.
26:31 Ceux qui désirent bénéficier de ce processus-là,
26:35 encore une fois, c'est un choix en plus.
26:37 On n'enlève rien à personne.
26:38 Ceux qui veulent continuer à vivre et à mourir
26:41 de la façon dont ils vivent et meurent aujourd'hui,
26:44 personne ne les oblige à avoir recours
26:47 à ce texte possible sur la fin de vie.
26:49 - Thomas Missraki,
26:52 moi, je n'ai pas de présupposés religieux sur cette question.
26:55 Je ne suis pas dans l'absolu d'une ture à poids,
26:59 mais peut-être ce qui m'effraie, finalement, dans ce...
27:02 Si je peux parler de mon cas personnel,
27:04 dans la manière dont est posé le débat
27:06 et dans les cas qu'on voit,
27:08 c'est tout de même, il n'y a peut-être pas d'explosion démographique,
27:12 mais on voit des gens en parfaite santé, vous l'avez dit, demander...
27:16 Et c'est d'ailleurs, vous partez de ce cas-là,
27:18 enfin, dans votre livre,
27:20 demander l'assistance de l'État pour un suicide
27:22 ou des gens qui sont dépressifs.
27:25 Donc, on voit qu'on n'est pas tout à fait dans le droit
27:29 dans le cas d'une loi qui soulage des extrêmes souffrances,
27:32 mais dans le cas d'une loi qui, finalement,
27:35 assiste...
27:36 D'ailleurs, on parle de suicide assisté,
27:38 elle assiste dans le suicide des personnes.
27:40 Est-ce que c'est vraiment le rôle de l'État et d'une société
27:43 de légiférer là-dessus ?
27:45 - C'est une très bonne question, parce qu'on pense souvent à tort
27:49 que parce qu'on est dépressif,
27:51 on va pouvoir bénéficier d'un suicide assisté.
27:53 Ça ne se passe pas du tout comme ça.
27:55 On va voir un médecin, il y a des comités d'experts,
27:58 ça ne se fait pas du jour au lendemain.
27:59 Il y a tout un processus qui se met en place
28:01 quand on demande à bénéficier d'une euthanasie
28:04 ou d'un suicide assisté dans tous les pays qui ont instauré ces lois.
28:07 Ce n'est pas si simple.
28:08 Les cas qui sont pris en compte
28:10 et les gens qui sont autorisés à en bénéficier
28:13 sont des gens, aujourd'hui,
28:14 et c'est ce que je souhaite pour la France,
28:17 qui ont été reconnus comme ayant des maladies
28:20 irréversibles et incurables.
28:22 On soulage la douleur, on évite à ces personnes
28:25 des semaines, des mois, parfois des années de souffrance.
28:28 C'est la première chose.
28:29 Dans le cas du livre, vous avez raison,
28:31 celle que j'appelle Sylvie a décidé d'outrepasser
28:35 le cadre de ces textes-là
28:38 et de se saisir elle-même de cette question pour elle-même.
28:41 Elle n'était pas malade, elle avait ce qu'elle disait,
28:43 être des polypathologies liées à la vieillesse,
28:46 c'est-à-dire des trous de mémoire, des mains qui tremblent,
28:48 des douleurs récurrentes.
28:50 Elle avait perdu un peu l'appétit de la vie
28:52 et elle ne voulait pas se voir dégradée.
28:54 Ça, c'est son choix.
28:55 C'est le mien aussi, en l'occurrence.
28:57 Mais ce n'est pas un choix de société.
28:59 Il faut bien que les choses soient claires.
29:01 La loi que je souhaiterais voir arriver en France,
29:05 ce n'est pas "je suis déprimé, je me suicide".
29:07 Non, ça ne marche pas comme ça.
29:08 Mais est-ce que mécaniquement, ça ne crée pas des dérives ?
29:11 Parce que Thomas Miskraki m'a dit non.
29:14 Mais j'ai vu moi des reportages où ça semblait être le cas.
29:18 J'ai le souvenir même d'un prisonnier en Belgique
29:22 pour pédophilie qui demandait
29:24 est-ce que l'État, finalement, le suicide ?
29:28 Donc où est la vérité ?
29:31 Est-ce qu'on a des données là-dessus ?
29:33 Est-ce que vous avez des exemples précis ou pas
29:35 qui viendraient contredire ce qui a été dit ?
29:38 Le plus simple, c'est un gériatre hollandais
29:42 qui a fait cette réponse dans une émission
29:44 à laquelle je participais,
29:45 qui est l'émission 28 sur Arte.
29:47 Donc ça peut se retrouver.
29:48 Le gériatre s'appelle Bert Kaiser.
29:50 Ça fait 14 ans qu'il fait des euthanasies.
29:53 Le journaliste lui demande, lui dit
29:55 "Les opposants au projet disent qu'il y a une pente glissante.
29:59 Qu'est-ce que vous leur répondez ?
30:00 Est-ce que pour vous, on est sur une pente glissante ?"
30:02 Et il répond "Yah, yah, yah, trois fois oui,
30:04 on est sur une pente glissante.
30:05 Au début, personne n'aurait pensé demander l'euthanasie.
30:08 Puis on a accordé l'euthanasie aux personnes
30:11 qui souffraient de maladies incurables.
30:13 Et puis maintenant, on accorde l'euthanasie
30:15 à des personnes qui ont des souffrances
30:16 exclusivement psychologiques.
30:18 Donc oui, on va toujours rajouter des nouvelles catégories.
30:22 Et je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose.
30:24 Ce n'est pas un opposant à l'euthanasie qui le dit,
30:27 c'est un partisan et un praticien qui le fait.
30:30 En Belgique, vous avez eu le cas notamment de Shanti de Kort,
30:34 belge de 23 ans,
30:36 qui était dépressive depuis de nombreuses années, certes,
30:40 qui avait été victime des attentats de Bruxelles,
30:43 qui a demandé et obtenu l'euthanasie.
30:45 Vous avez eu le cas de Jock Mariman,
30:48 une femme qui était en fauteuil roulant
30:51 et qui explique qu'elle n'a plus les moyens financiers
30:55 de vivre comme elle doit vivre, comme elle voulait vivre,
30:58 et qui a reçu l'euthanasie,
31:01 alors qu'on sait très bien que c'est pour une question de moyens.
31:04 Au Canada, il y a eu...
31:05 - Pas simplement sur ces bases-là, mais...
31:07 - Au Canada, il y a eu...
31:09 Notamment, j'ai eu accès à des vidéos de formation
31:13 de l'association des praticiens de l'euthanasie.
31:16 Vous avez une femme qui rapporte le cas
31:20 d'une personne du nom de Mary,
31:22 qui...
31:24 Et elle dit clairement...
31:26 Mary était très claire, elle ne voulait pas mourir,
31:29 elle voulait vivre, mais elle souffrait terriblement
31:32 et elle avait explosé tous ses plafonds bancaires.
31:34 Et elle dit ensuite, sur la diapo de formation,
31:38 "Mary identifie la pauvreté comme le moteur de sa demande."
31:43 Donc, oui, bien sûr qu'il y a des dérives,
31:46 mais il n'y a pas un pays qui ait institué l'euthanasie
31:50 qui n'ait pas fait sauter petit à petit
31:53 toutes les limites qu'il avait posées.
31:55 Donc, ça, c'est une évidence.
31:58 Et on se retrouve en plus dans une situation
32:00 où, clairement, la question financière
32:05 se pose tout à fait pour les personnes.
32:08 C'est simplement l'accès aux soins.
32:10 Et ce qui est sidérant au Canada,
32:14 parce que c'était une autre vidéo de cette association de formation,
32:18 c'est qu'il y avait un des formateurs qui disait
32:21 "je pensais que la loi sur l'euthanasie
32:24 serait un magnifique levier pour faire réformer le régime social."
32:28 La réalité, c'est que ce n'est pas en faisant disparaître les personnes
32:32 qu'on fait pression sur les gouvernements
32:34 pour que l'hôpital public soit à la hauteur de nos demandes,
32:37 pour que le système social soit à la hauteur de nos demandes.
32:40 Tout ça, ce sont des vrais risques qui se sont concrétisés.
32:42 Merci Erwann Lemoredek, merci Thomas Missraki.
32:45 On fait une courte pause et ensuite on aborde la dernière partie de l'émission.
32:50 J'ai vu que Thomas Missraki voulait réagir à vos propos,
32:53 Erwann Lemoredek, donc je lui laisserai la parole
32:55 après la pause, en toute vérité, sur Sud Radio.
32:57 À tout de suite.
32:59 En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
33:04 Nous sommes de retour sur Sud Radio, en toute vérité,
33:07 avec Erwann Lemoredek,
33:09 auteur de "Fin de vie en République avant d'éteindre la lumière",
33:13 qui s'oppose à une future loi peut-être sur l'euthanasie.
33:16 On sait qu'Emmanuel Macron et sa majorité y réfléchissent.
33:22 Et Thomas Missraki, auteur du livre "Le dernier soir",
33:24 dans lequel il explique comment il accompagnait une amie de 77 ans
33:27 jusqu'à son suicide,
33:29 se confie sur son propre souhait d'avoir recours à l'euthanasie.
33:31 Il nous a expliqué qu'il était favorable à une loi sur l'euthanasie,
33:36 mais dans des circonstances très encadrées.
33:39 Le cas qu'il décrivait dans le livre était un cas exceptionnel
33:43 et qui voulait pas...
33:45 Qui outrepasserait ce qui sera probablement
33:48 dans une future loi sur l'euthanasie.
33:50 Erwann Lemoredek expliquait que tous les pays
33:54 qui avaient essayé d'encadrer l'euthanasie
33:56 avaient finalement été au-delà des limites qu'il s'était imposées
34:00 et qu'il y avait quand même un risque, finalement,
34:03 dans une société aussi où il y a des problèmes budgétaires,
34:06 de plus en plus libérales, finalement,
34:08 d'élimination des plus fragiles.
34:12 C'est ce que j'ai compris des propos d'Erwann Lemoredek.
34:16 Vous vouliez réagir ?
34:18 Je suppose que vous partagez pas ce constat.
34:20 Est-ce que vous vous posez quand même la question
34:22 avant de militer pour une telle loi ?
34:26 En toute honnêteté intellectuelle,
34:27 dire qu'il y a des dérives, c'est vrai.
34:29 C'est vrai. Je mentirais si ce n'était pas le cas.
34:32 Si il y a eu des excès,
34:37 dans tous les pays, je ne sais pas,
34:39 mais dans certains pays, c'est une certitude.
34:42 Mais une somme d'exemples ne fait pas une généralité.
34:46 C'est comme si vous me disiez,
34:48 il y a des gens qui brûlent des feux rouges,
34:49 donc il faut faire quelque chose, supprimer les feux rouges,
34:52 ça sert à rien. Non, c'est pas ça.
34:54 Là, l'histoire de cette loi,
34:55 c'est de permettre à ceux qui le veulent
34:57 et qui veulent le faire dans le cadre d'une loi,
35:01 qui soit une loi stricte, une loi pensée,
35:04 une loi débattue,
35:05 une loi faite pour protéger, encore une fois,
35:09 ceux qui demandent à bénéficier de la fin de vie,
35:12 leurs familles et les soignants.
35:14 Que ces gens-là puissent en bénéficier,
35:17 il faudra, et vous avez raison là-dessus,
35:20 si cette loi venait à être adoptée en France,
35:23 qu'il y ait des garde-fous, il faudra faire attention.
35:27 Mais une loi, toutes les lois, malheureusement,
35:31 souvent sont, comment dirais-je, abusées.
35:36 Donc ce sera peut-être et malheureusement
35:38 le cas de cette loi-là aussi.
35:39 Mais c'est pas parce qu'il y a des abus
35:42 qu'on doit renoncer à cette loi.
35:43 Il faut accompagner les gens qui procèdent d'ores et déjà
35:46 à ces choses-là en France.
35:47 Vous savez, ça me fait penser, et je ne veux pas mélanger les deux,
35:49 attention, ça n'a rien à voir,
35:51 mais un peu au débat sur l'IVG.
35:53 On disait, il faut réglementer l'IVG, etc.
35:57 Oui, non, il ne faut pas.
35:58 La vérité, c'est que les femmes allaient se faire avorter ailleurs.
36:01 Donc il a fallu réglementer.
36:03 Ça n'a pas réglé tous les problèmes.
36:05 Ceux qui sont contre l'IVG sont toujours contre l'IVG, etc.
36:07 Mais il a fallu réglementer tout cela.
36:09 C'est pour ça que cette loi est nécessaire.
36:10 Pour qu'il y ait une réglementation
36:12 de quelque chose qui, de fait, existe déjà.
36:15 Moi, je vais vous dire une chose qui m'a vraiment surpris.
36:19 C'est que depuis que ce livre est sorti,
36:20 j'ai reçu des dizaines de témoignages
36:23 de gens qui me disent, "Ah ben, vous savez quoi ?
36:26 Moi, j'ai aidé papa, j'ai aidé maman, j'ai aidé mon oncle,
36:28 ma tante, mon frère, ma sœur, etc."
36:31 Des gens de tout âge, de tout milieu sociaux, de toute classe.
36:35 Pas forcément pour un texte de loi, d'ailleurs.
36:38 Beaucoup de débats dans les lettres que je reçois.
36:40 Beaucoup de personnes âgées, c'est vrai,
36:43 mais qui se posent ces questions tout à fait légitimement
36:45 parce que c'est à cet âge-là qu'on commence à se poser ces questions-là.
36:47 Justement sur les personnes âgées, parce que c'était...
36:50 On n'a pas parlé de la tribune d'Erwann Lemoredek
36:52 en réaction à votre livre et vos propos.
36:54 Et vous attaquez précisément là-dessus.
36:58 Il allait même assez loin, puisqu'il expliquait
37:01 que c'était une porte ouverte à l'eugénisme.
37:04 Est-ce que quand on légifère là-dessus,
37:06 et vous dites vous-même,
37:08 "Moi, quand je serai inutile à la société..."
37:12 C'est pas une question d'inutilité. Ça n'a rien à voir avec ça.
37:14 Je crois que vous utilisez tout de même le mot,
37:16 mais est-ce que ça va pas justement induire une pression sociale
37:19 sur tous ceux qui pourraient se sentir inutiles ?
37:24 Vous êtes âgé, vous êtes à la charge de vos enfants,
37:27 vous êtes handicapé,
37:29 vous vous dites, "Autant peut-être en finir."
37:32 Est-ce que là, il n'y a pas un véritable risque ?
37:34 Erwann Lemoredek le dit,
37:36 mais j'ai retrouvé des propos de Robert Badinter...
37:41 - Qui était contre. - Qui était effectivement
37:43 contre l'euthanasie et qui disait exactement cela.
37:45 "Au nom d'une autonomie prétendue mais non vérifiable,
37:48 "cela pourra aussi servir des pratiques eugéniques
37:51 "d'élimination de personnes qui coûtent cher et ne rapportent au rien."
37:54 Je rappelle ce que c'est l'eugénisme.
37:56 "Théorie cherche à opérer une sélection sur les collectivités humaines
37:59 "à partir des lois de la génétique."
38:01 On en est très loin quand même.
38:02 - J'ai pas dit que c'est ce que vous vouliez. - Non, mais voilà.
38:04 Que les choses soient bien claires.
38:06 Je dis juste que la pression sociale peut conduire des gens à se supprimer
38:10 parce qu'ils auront le sentiment d'être inutiles à la société.
38:12 La pression sociale peut conduire beaucoup de gens à faire beaucoup de choses,
38:14 y compris des choses stupides.
38:15 Moi, j'ai cette faiblesse-là.
38:17 C'est de penser que les gens ont un cerveau,
38:21 et comprennent quelle est la valeur de leur vie,
38:25 ont le choix, ont l'intelligence de savoir ce qu'ils veulent faire avec.
38:28 Voilà. Ça ne veut pas dire qu'il faut faire n'importe quoi.
38:30 Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas encadrer ce type de loi.
38:32 Ça ne veut pas dire qu'on doit tolérer le suicide.
38:36 Bien sûr que non. Bien sûr que non.
38:38 La vie, il n'y a rien de plus cher, rien de plus beau.
38:42 Maintenant, j'ai la faiblesse de penser
38:44 que chacun doit pouvoir avoir le droit,
38:47 selon certaines conditions fixées par la loi.
38:50 Parce que l'État est là aussi pour ça,
38:52 pour nous protéger parfois de nous-mêmes,
38:55 d'accéder à cette possibilité.
38:57 C'est un choix qu'on offre, on n'enlève rien à personne.
39:00 Et quand je dis "on", ce n'est pas moi,
39:02 je n'ai pas participé à la Convention citoyenne,
39:04 je ne suis pas militant à la DMD, je suis adhérent, mais pas militant.
39:08 - Et... - Je ne vois pas trop la différence.
39:10 La différence entre aller voter pour un parti et coller des affiches,
39:15 c'est ça, c'est la même chose.
39:16 Moi, je paie une cotisation tous les ans.
39:18 Je ne suis jamais allé dans une réunion
39:21 où je ne fais pas de prosélytisme.
39:23 - En tout cas, je m'attestais à qui est transparent.
39:25 - Voilà la différence. - Et c'est une bonne chose.
39:27 Erwan Lemoradek, est-ce que vous ne sous-estimez pas
39:31 la capacité des personnes à faire preuve de responsabilité individuelle ?
39:36 - Je vais y répondre tout de suite, mais je voudrais reprendre un point.
39:39 Vous me dites "il y a des dérives, toutes les lois sont abusées".
39:42 Oui, mais toutes les lois ne portent pas sur la vie et la mort.
39:44 Donc, moi, qu'il y ait des abus,
39:46 ça veut dire qu'il y a des personnes, et quel que soit leur nombre,
39:50 c'est 100, c'est 50, c'est 10, c'est 2,
39:53 il y a des personnes qui vont subir une euthanasie
39:57 et qui ne le devraient pas.
39:58 Donc, ce n'est pas un feu rouge, c'est la vie ou la mort.
40:02 - On est d'accord. - Ensuite, là où j'ai réagi aussi,
40:05 c'est que je crois que vous négligez totalement
40:08 la réalité charnelle, concrète de l'existence humaine.
40:12 Vous avez une cinquantaine d'années.
40:16 Il vous reste 25 ans avant l'échéance que vous êtes fixée.
40:20 Moi, j'ai accompagné des personnes qui, en 10 jours, ont changé d'avis.
40:23 Je trouve cet engagement
40:27 malsain, et malsain même pour vous-même,
40:30 parce que, comme Jacqueline Jenkel, qui l'a d'ailleurs dit,
40:34 vous, publiquement, vous prenez un engagement
40:37 sur lequel vous pouvez être amené à vouloir revenir,
40:41 et vous ne le souhaitez pas, moi, je vous le souhaite.
40:44 Et ce que je trouve surtout, c'est que vous négligez totalement
40:48 la suggestibilité des personnes, et notamment des personnes âgées.
40:52 On est dans ce débat comme si on parlait
40:56 du citoyen éclairé qui, sans aucune influence,
40:59 sans aucun contexte social,
41:02 prenait sereinement sa décision.
41:05 Ce n'est pas ça, c'est des personnes âgées
41:08 qui sont dans un contexte social,
41:09 où des personnes, je suis désolé de le reprendre,
41:12 mais des personnes comme vous,
41:13 viennent sur tous les plateaux de télévision dire
41:16 "à partir de 75 ans, il faut commencer à penser à y aller".
41:19 - Non, ce n'est pas ce que je dis. - Vous nous dites
41:21 que vous ne faites pas de prosélytisme,
41:24 et ça fait un mois que vous développez l'idée
41:26 qu'à 75 ans, vous voudrez partir sur LCI,
41:30 qui était l'émission à laquelle j'ai le plus réagi,
41:33 vous expliquez que Jacqueline Jenkel était arrivée
41:36 à cette période de la vie où il n'y a plus rien à construire.
41:39 Pour elle, on parle de choix personnels,
41:42 je n'engage personne à faire la même chose.
41:45 Mais vous l'aurez, en disant ça sur tous les plateaux de télévision,
41:49 vous n'avez pas d'influence sur les gens.
41:51 Vous avez évidemment une influence.
41:53 On parle de personnes âgées qui, souvent, vont être isolées,
41:56 vont être seules, sont éventuellement un peu malades,
41:59 sont déjà dans une société qui ne les aime pas, globalement,
42:03 et auxquelles on dit, effectivement,
42:06 à partir de 75 ans, c'est un peu difficile.
42:08 Mais bien sûr qu'il y a une influence.
42:10 Et moi, là, il se trouve que je fréquente pas mal de personnes âgées.
42:14 Quand on a parlé de ça,
42:16 je peux vous dire que leur regard est triste,
42:18 de se dire, mais on est en train de me dire qu'effectivement,
42:22 à partir de cet âge-là, j'ai plus une contribution suffisante.
42:25 C'est ce que vous comprenez. Peut-être me suis-je mal exprimé.
42:29 Évidemment que la vieillesse peut être quelque chose de merveilleux.
42:32 Il ne s'agit pas d'inciter les gens à partir à 75, 80, 85 ans.
42:37 Chacun doit pouvoir décider. C'est tout. C'est tout.
42:41 Rien de plus.
42:42 - Mais moi, ce que je veux, parce qu'on me dit toujours
42:44 "vous êtes contre l'euthanasie",
42:46 mon propos et mon plaisir dans la vie,
42:48 c'est pas d'être contre ce que veulent des gens.
42:50 Mon propos, c'est de protéger les personnes vulnérables.
42:53 Et les personnes que je rencontre,
42:56 mais en soins palliatifs, je rencontre pas mal de personnes âgées.
43:00 Et quand je vois le tableau...
43:03 difficile, voire méprisant qu'on a de certaines d'entre elles,
43:07 je passe des moments merveilleux avec des personnes âgées,
43:10 et en soins palliatifs, pas forcément dans la meilleure des situations.
43:15 Mais ces personnes, déjà, bien souvent, me disent
43:20 qu'elles se sentent un poids pour la société,
43:23 qu'elles se sentent un poids pour leurs enfants,
43:25 que vous avez un nombre de femmes pas croyables
43:29 qui ont ce sens du sacrifice en se disant
43:32 "mes enfants ont leur vie, ils ont déjà ces soucis comme ça,
43:36 je les empêche, il a un travail, il n'a pas le temps de venir me voir."
43:40 Ces gens-là, ils ont besoin qu'on les soutienne,
43:42 qu'on les soutienne dans leur droit à continuer leur vie.
43:46 Tout à fait, mais je ne dis pas autre chose.
43:48 Il faut développer toutes les structures.
43:50 Mais je crois que vous ne réalisez pas ce que ça produit
43:54 sur ces personnes, ce genre de discours.
43:57 Vous ne réalisez pas qu'on insiste sur leur pire angoisse,
44:00 sur le fait qu'elles se sentent inutiles et un poids pour la société.
44:05 On va laisser Thomas Missra qui répond.
44:07 Je suis d'accord avec vous.
44:09 On ne fait pas assez attention aux personnes âgées en France.
44:11 On devrait faire plus, faire mieux.
44:13 Je suis entièrement d'accord avec vous.
44:15 Tout ce que je dis, c'est que pour les personnes qui souffrent
44:17 et qui n'ont aucune autre option que de mourir
44:20 dans des souffrances atroces,
44:22 il faut pouvoir leur laisser le choix de faire différemment.
44:26 C'est tout.
44:27 À 75 ans, on peut être en pleine forme.
44:28 À 80, 85, 90, mon grand-père est mort.
44:31 À 95, c'était un homme plein de vie.
44:34 Et tant mieux, on a besoin de ces gens-là pour nous,
44:38 pour l'histoire, pour se souvenir, pour comprendre, pour apprendre.
44:41 Ils sont utiles à la société.
44:42 Ce que je dis simplement,
44:44 c'est que quand vous êtes atteint d'une maladie incurable
44:47 et irréversible, on peut aujourd'hui, en France,
44:50 épargner des mois, des années de souffrance.
44:53 Si on peut le faire, faisons-le en protégeant
44:56 ceux qui veulent bénéficier de ce type de loi,
44:59 en protégeant leur entourage, en les préparant,
45:02 en protégeant les soignants, ceux qui veulent y contribuer
45:04 et ceux qui ne veulent pas y contribuer.
45:06 C'est tout ce que je dis.
45:08 - Merci à tous les deux.
45:09 Je crois que c'était un débat respectueux
45:11 et éclairant sur une question difficile
45:14 dont on va peut-être être amenés à débattre
45:16 dans les mois à venir.
45:18 Ce sera la décision notamment du gouvernement.
45:21 Je vous laisse avec les informations
45:23 et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau numéro dans toute vérité.

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