Avec Pierre Juston, administrateur de l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) et Dr Bruno Dallaporta, néphrologue, philosophe, Auteur "Tuer les gens, tuer la Terre : l'euthanasie et son angle mort" aux éditions des Compagnons d'humanité, 2024
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00:00 Vérissure, le numéro 1 des alarmes en France.
00:02 Rendez-vous sur verissure.fr pour votre demande de vie gratuite.
00:06 Vérissure présente...
00:08 Sud Radio, Parlons Vrai chez Bourdin, 9h10, Jean-Jacques Bourdin.
00:13 La fin de vie.
00:15 Le texte sur la fin de vie est actuellement en discussion à l'Assemblée Nationale,
00:20 il est passé en commission.
00:22 De la commission est sorti un texte,
00:25 qui va être amendé, évidemment, tout au long de la discussion à l'Assemblée Nationale, avant d'être voté.
00:32 François Braune, l'ancien ministre de la Santé,
00:36 a jugé ce projet de loi pas assez mûr.
00:39 Dans le texte tel qu'il est aujourd'hui, dit-il, il y a beaucoup de choses inacceptables.
00:46 Alors, en l'état actuel du texte, est-il inacceptable ou pas ?
00:53 C'est le débat que nous ouvrons ce matin avec nos deux invités,
00:57 le docteur Bruno De La Porta, qui est néfrologue, philosophe,
01:01 auteur de "Tuer les gens, tuer la Terre, l'euthanasie et son angle mort",
01:07 aux éditions des Compagnons d'Humanité.
01:10 Bonjour, merci d'être avec nous. - Merci de l'invitation.
01:13 - Et avec nous également, Pierre Juston, qui est administrateur
01:17 de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité.
01:19 - Bonjour. - Merci d'être avec nous.
01:21 Alors, je regarde le texte actuel en discussion à l'Assemblée Nationale,
01:25 l'article 1 de ce texte, le premier article du projet de loi,
01:28 qui vient consacrer les soins palliatifs et d'accompagnement.
01:31 C'est une notion un peu plus ambitieuse que les soins palliatifs actuels.
01:38 Il vise, je lis l'article 1, à offrir une prise en charge globale de la personne malade,
01:45 accessible sur l'ensemble du territoire national,
01:48 afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien-être.
01:51 Ils doivent répondre aux besoins physiques du patient,
01:54 mais aussi à ses besoins psychologiques et sociaux.
01:56 Ils passent par le recours aux soins palliatifs,
01:59 et incluent d'autres formes d'accompagnement dès le début de la maladie.
02:04 On met l'accent, dès le début du texte, sur les soins palliatifs.
02:07 Bonne chose ou pas ?
02:08 - En fait, oui et non.
02:10 C'est-à-dire que 1999, première loi sur la fin de vie,
02:13 il n'y a pas les moyens financiers ni humains.
02:15 2005, loi Leonetti, pas les moyens financiers ni humains.
02:18 2016, loi Kless-Leonetti, pas les moyens financiers ni humains.
02:21 2024, en réalité, même si on mettait les sous, ce qui n'est pas le cas,
02:26 parce qu'on a 1,6 milliard de dépenses par année pour les soins palliatifs,
02:32 là on propose 1 milliard sur 10 ans,
02:34 même si on mettait les sous, il n'y a plus les infirmières, il n'y a plus les médecins.
02:37 Donc même si on mettait les sous, il y a un grand différentiel de temps,
02:40 c'est-à-dire que l'euthanasie et le suicide assisté peuvent être mis en place en un an.
02:44 Les territoires, il y a une vingtaine de territoires qui ne sont pas assez dotés, etc.
02:49 Même si on mettait les moyens, les soins palliatifs arriveraient dans 10 ans, au mieux.
02:54 Et donc en fait, ce différentiel fait que non, la réponse est,
02:58 c'est très préoccupant de coller ces deux lois
03:00 et de faire croire qu'on fait un équilibre entre les deux parce que...
03:03 - Selon vous, on aurait dû sortir à la question des soins palliatifs de ce texte sur la fin de vie ?
03:09 - Évidemment ! Non, non, il aurait fallu différencier totalement...
03:12 - Donc sortir du texte de la question des soins palliatifs.
03:15 - Exactement. Ce sont deux enjeux complètement différents.
03:18 - Pierre Juston.
03:19 - On ne sera pas d'accord sur ce point.
03:21 Je pense qu'il y a une opposition assez artificielle entre les soins palliatifs et l'aide à mourir.
03:25 En Belgique, il y a plus de 20 ans, ils ont fêté l'anniversaire de leur loi il y a 20 ans,
03:29 ils ont développé massivement les soins palliatifs.
03:32 Je pense qu'ils n'ont pas à rougir de la loi qu'ils ont faite,
03:35 dans la mesure où précisément les soins palliatifs se sont développés.
03:38 - La Belgique, c'est une chose, la France, c'est autre chose.
03:40 - Je ne suis pas Jean-Jacques Bourdin, mais en l'occurrence...
03:42 - Mettons les moyens suffisants pour faire en sorte que chacun en France ait accès aux soins palliatifs.
03:49 - Universel et réel. Parce que ça c'est dans la loi depuis effectivement,
03:52 avant les années 2000, depuis 1999, mais ça n'est pas appliqué.
03:55 Donc là, il y a un plan décennal qui est annoncé par la ministre de plus d'un milliard,
04:00 1,1 milliard je crois, sur 10 ans. Vous avez entièrement raison.
04:04 Moi j'ai souvent dit à votre antenne, je pense que c'est sans doute pas assez courageux
04:08 et qu'il faudra plus d'argent pour les soins palliatifs.
04:10 C'est notre combat à la DMD de développer massivement les soins palliatifs.
04:13 Mais ça ne doit pas empêcher, parce qu'il n'y a pas d'opposition artificielle entre les deux,
04:17 la possibilité d'une aide à mourir, parce que je le rappelle, l'aide à mourir,
04:20 c'est la possibilité pour la personne qui le choisit dans un certain nombre de conditions très précises.
04:25 Donc il n'y a pas d'opposition artificielle, à mon avis, à faire entre les deux.
04:29 - Mais fallait-il installer les soins palliatifs dans ce texte, sur l'aide à mourir ?
04:36 - Écoutez, il n'y a pas le plan décennal dans le texte, il est annoncé.
04:40 J'ai noté quand même un point qui est intéressant, qui est important,
04:43 mais là où on sera d'accord, c'est que ça va s'installer sur le temps moyen, voire le temps long.
04:48 C'est notamment la création d'une formation spécifique dans le cursus universitaire.
04:53 - Formation à l'accompagnement de la fin de vie et à l'approche palliative.
04:57 - Exactement. Et encore une fois, je vais résumer notre position à la DMD,
05:01 mais nous nous avançons sur deux jambes.
05:02 Il faut développer massivement les soins palliatifs, le secteur des soins palliatifs,
05:06 qui sont appelés soins d'accompagnement, de manière plus globale dans ce projet de loi.
05:10 Et de l'autre côté, il faut permettre l'aide à mourir, que ce se fasse par suicide assisté ou euthanasie,
05:15 car nous n'avons pas peur des mots, contrairement au gouvernement qui a eu peur de ces deux mots.
05:19 Nous n'avons pas peur des mots, nous souhaitons à la fois le suicide assisté et l'euthanasie.
05:24 - Oui, le gouvernement parle d'aide à mourir, vous parlez de suicide assisté ou d'euthanasie ?
05:28 - L'aide à mourir englobe les deux modalités.
05:31 - Oui, mais le gouvernement n'emploie pas, effectivement, les mêmes mots.
05:36 Oui, l'accompagnement, une formation à l'accompagnement, c'est une bonne chose, de la fin de vie.
05:41 - Mais en fait, les études de médecine, c'est très problématique.
05:44 Un étudiant en médecine a 5 ou 6 000 heures de cours, de la génétique, de la biologie moléculaire, etc.
05:50 Et l'enseignement sur l'éthique médicale est extrêmement faible.
05:55 Donc oui, oui, oui, mais par contre, ce n'est pas des promesses qu'il faut...
05:58 On n'a pas besoin de changer de loi. La loi de 2005 est une très grande loi.
06:02 Elle est une loi universelle, la France doit en être fière.
06:05 On n'a pas besoin de loi, on a besoin de faire des formations sur ces lois auprès des médecins.
06:09 Les médecins ne sont pas informés, ils sont très désorientés.
06:11 En dehors des médecins qui sont en relation avec les conditions de la mort,
06:14 comme les gériates, les oncologues, les cancérologues, les soins palliatifs,
06:18 les autres médecins sont assez peu formés.
06:20 - Bien, regardons le texte, maintenant, article 5, qui est le plus symbolique.
06:24 Cet article 5 qui porte sur l'introduction de l'aide à mourir en France
06:29 sous forme d'un suicide assisté, voire à titre exceptionnel d'une euthanasie.
06:34 Je le répète, et vous l'avez dit, deux termes qui ne figurent pas explicitement dans le projet de loi.
06:41 Alors, pour accéder... Oui ? Vous voulez dire quelque chose ?
06:44 - Oui, sur ce point-là, j'aimerais faire une clarification un peu plus longue.
06:47 En fait, "aide à mourir", c'est du bourrouillard qui est un enfumage.
06:51 En réalité, 90% des Français sont pour l'aide à mourir,
06:55 mais on se demande pourquoi 100% ne sont pas pour l'aide à mourir.
06:58 Donc c'est un mot qui a une grande perversité.
07:00 En réalité, il y a cinq situations qui conduisent, qui relient le médecin et la mort.
07:04 Premièrement, vous avez l'abstention.
07:06 Vous ne transférez pas en réanimation un malade de 90 ans
07:09 parce que vous savez qu'il ne va pas tenir avec les machines,
07:12 au risque d'accélérer la mort.
07:14 Deuxièmement, vous avez l'anthalgie.
07:16 Vous pouvez prescrire des sédatifs puissants et des analgésiques puissants
07:19 à une personne qui souffre terriblement de métastases osseuses,
07:21 au risque d'accélérer la mort.
07:23 1) abstention. 2) anthalgie. 3) limitation à l'arrêt de traitement.
07:27 Vous pouvez arrêter un traitement vital, inutile et disproportionné
07:31 à une personne au risque d'accélérer la mort.
07:33 Je travaille en dialyse, on peut arrêter la dialyse.
07:35 Quatrièmement, vous avez ce qu'on appelle le suicide assisté.
07:38 Vous remettez à la personne un poison qu'elle absorbera elle-même
07:41 ou une perfusion qu'elle va déclencher.
07:43 Cinquièmement, vous avez l'euthanasie.
07:45 Le médecin provoque délibérément la mort avec une substance étale.
07:48 Ce qu'il faut voir, c'est que le 1, 2, 3, 4, 5,
07:51 il y a un crescendo dans la gravité morale de l'acte.
07:54 L'abstention est un peu moins grave que l'arrêt de traitement,
07:56 qui est un peu moins grave que le suicide assisté, que l'euthanasie.
07:58 Et deuxièmement, et là c'est important, je finis,
08:00 il y a une très grande rupture entre le 1, 2, 3,
08:02 abstention, anthalgie, arrêt de traitement,
08:04 et le 4, 5, euthanasie, suicide assisté.
08:06 Dans le 1, 2, 3, la personne meurt du fait de la maladie,
08:09 elle meurt du fait des choses.
08:10 L'intégrité du professionnel de santé n'est pas très attaquée.
08:13 Dans le cas 4 et 5, suicide assisté, euthanasie,
08:16 en fait c'est l'humain qui fait quelque chose à l'humain,
08:18 c'est l'humain qui provoque la mort.
08:19 Et là vous faites tomber l'interdit anthropologique de donner la mort.
08:22 - Je comprends. - Et les amalgames sont partout.
08:24 - Oui. - Juste une dernière phrase.
08:26 - Oui. - Et en fait, les français disent
08:28 "oui je suis pour l'euthanasie" parce qu'ils pensent
08:30 que soulager la souffrance, c'est le cas 4 et 5.
08:33 Alors que le cas numéro 2 de la loi Leonetti le permet totalement.
08:36 On peut soulager la souffrance au risque d'accélérer la mort.
08:39 Ils vont dire "je suis contre l'acharnement thérapeutique,
08:41 il faut l'euthanasie", or le cas numéro 3,
08:43 c'est l'interdiction de l'acharnement thérapeutique.
08:45 Donc il y a une confusion totale, si bien que le débat n'est pas possible,
08:47 tant qu'on ne pose pas ça. - Mais vous, vous mettez
08:50 le débat sur le terrain moral.
08:53 - Et légal. - Avant tout. - Et légal.
08:55 - Et légal, bien. Alors, regardons, vous allez répondre,
08:58 mais regardons ce que dit l'article 6 de ce projet de loi.
09:02 "Pour accéder à une aide à mourir, une personne devra répondre
09:06 à l'intégralité des cinq conditions définies
09:09 à l'article 6 précisément.
09:12 Quelles sont ces conditions ?
09:14 Être âgé d'au moins 18 ans, être de nationalité française
09:17 ou résider de façon stable et régulière en France,
09:19 être atteinte d'une affection grave et incurable
09:22 en phase avancée ou terminale."
09:25 Je vais revenir sur cette terminologie.
09:28 "Présenter une souffrance physique, accompagnée éventuellement
09:31 d'une souffrance psychologique liée à cette affection,
09:34 qui est soit réfractaire au traitement, soit insupportable
09:38 lorsque la personne ne reçoit pas de traitement
09:40 ou a choisi d'arrêter d'en recevoir.
09:42 Et puis, dernière condition,
09:47 être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée."
09:52 Bien. Là, il y a débat autour des mots utilisés.
09:57 "Une personne doit être atteinte d'une affection grave
10:01 et incurable en phase avancée ou terminale."
10:05 Il y a débat autour de ces mots-là.
10:07 Tout à fait. Le texte est passé en commission spéciale.
10:10 En commission spéciale a été modifiée la question du pronostic vital
10:14 à court ou moyen terme. Et c'est une bonne chose.
10:16 Nous, c'est ce que nous souhaitions, pour une raison très simple.
10:18 C'est ce que disait le texte à l'origine.
10:20 Bien sûr.
10:21 On est bien d'accord.
10:22 Bien sûr. Le projet de loi initiale par les députés eux-mêmes,
10:24 dans la commission, les représentants de la nation,
10:26 ça passe toujours un texte en commission avant,
10:28 avant de devenir en séance plénière comme ça a débuté hier.
10:31 Le pronostic vital à court et moyen terme,
10:33 le problème, c'est la définition même du moyen terme.
10:35 Je pense qu'on pourra être d'accord là-dessus.
10:37 Il est très difficile pour un médecin, d'ailleurs,
10:39 beaucoup de médecins, qu'ils soient pour ou contre l'aide à mourir,
10:41 ce projet de loi, le disaient très bien,
10:43 le moyen terme est indéfinissable.
10:45 La ministre n'est pas capable, la ministre de la Santé, Madame Vautrin,
10:47 n'est pas capable de définir le moyen terme.
10:49 Elle a essayé de le faire, ça a été compliqué,
10:51 et elle sait qu'elle n'en est pas capable.
10:53 Et que c'est difficile pour les soignants de pouvoir le faire.
10:55 Nous, on est assez heureux que cette formulation ait été changée
11:00 avec "phase avancée ou terminale". Pourquoi ?
11:02 Parce que cette formulation va permettre de pouvoir inclure
11:05 un certain nombre de malades qui étaient exclus du projet de loi initial.
11:08 Je pense notamment à certaines maladies neurodégénératives,
11:11 la maladie de Charcot, par exemple,
11:13 ou la sclérose en plaques, qui étaient exclus aujourd'hui,
11:15 parce que comme ce sont des maladies neurodégénératives,
11:17 et bien sûr, la question du moyen terme,
11:19 ils étaient nécessairement exclus du dispositif.
11:22 Donc pour nous, c'était un point important.
11:24 Mais je voudrais revenir sur les déclarations qui ont été faites tout à l'heure.
11:26 Les Français, moi je ne dis pas que vous les prenez pour des idiots,
11:29 mais il ne faut pas les prendre pour des idiots.
11:31 - C'est pas le gamme des confusions dans les médias.
11:33 - Je suis d'accord que c'est important le lexique.
11:35 Juste, peut-être un point, "phase avancée ou terminale",
11:37 ça ne sort pas de nulle part.
11:39 C'est sur le lexique du ministère de la Santé, de Mme Vautrin.
11:41 Donc je veux dire, ce n'est pas quelque chose que les députés ont sorti de leur chapeau.
11:44 C'est une terminologie qui était utilisée par le ministère de la Santé.
11:47 Mais juste, je voudrais revenir sur au moins un point qui me tient à cœur.
11:51 Les Français, ils ne veulent pas forcément l'euthanasie,
11:53 il suffit d'assister, d'ailleurs, les choix, ils évoluent.
11:55 C'est la question de la liberté de conscience.
11:57 Je le dis souvent sur votre antenne, et donc ça c'est important,
11:59 la liberté de conscience, elle évolue selon qu'on soit atteint d'une maladie ou pas.
12:03 Et ça, c'est le cœur du réacteur de la loi. C'est important.
12:06 Les Français, ils veulent avoir le choix.
12:08 Et c'est ça qui est important.
12:10 Ils ne veulent pas nécessairement dire "je veux une euthanasie,
12:12 je veux un suicide assisté, je veux vivre sans aucune aide à mourir,
12:16 quelle qu'elle soit, je veux, face à la maladie, avoir des antacides".
12:18 C'est pas leur question.
12:20 Les Français, ils veulent avoir le choix.
12:22 Et moi, ce que j'entends souvent par un certain nombre de médecins,
12:24 et je ne vous fais pas de procès, ce n'est pas votre cas du tout,
12:26 mais c'est une absence totale de prise en compte de la parole du patient.
12:32 Quand on parle de déséquilibre du texte aujourd'hui,
12:34 mais de quel équilibre parle-t-on ?
12:36 La réalité, c'est que l'équilibre, c'est l'équilibre que place le patient pour lui-même.
12:40 Et c'est ça qui nous importe à l'Association pour le droit de mourir dans la dignité.
12:44 - Bien, vous allez répondre. Il est 9h44, à tout de suite.
12:48 - Vérissure, le numéro 1 des alarmes en France.
12:50 Rendez-vous sur verissure.fr pour votre demande de vie gratuite.
12:54 - Vérissure présente.
12:56 Sud Radio, Parlons Vrai chez Bourdin, 9h10, Jean-Jacques Bourdin.
13:01 - Docteur Bruno Dalaporte, vous vouliez répondre à Pierre Juston ?
13:05 - Oui, donc il y avait deux points.
13:07 Tout d'abord, le problème de la liberté d'un protocole de mort programmé.
13:11 Si vous venez dans mon service tout à l'heure, je vous invite à venir,
13:13 on a 150 personnes âgées, épuisées, qui souffrent avec des multi-amputations.
13:18 Vous n'aurez aucune demande de mort.
13:21 C'est-à-dire, il n'y a aucune demande de mort réelle et tenace.
13:23 On a repris les 200 derniers décès, c'est juste un service.
13:27 On a eu 1% de demande de mort tenace, résistante.
13:31 - Et quelle réponse apporte-t-on à ce pourcentage ?
13:33 - La moitié cède lorsqu'on soulage la souffrance, qu'on hospitalise, qu'on estime et qu'on considère la personne.
13:39 L'autre moitié, 0,5%, pose problème.
13:42 La question qui se pose dans une démocratie qui est très compliquée...
13:44 - C'est pas un problème ?
13:45 - La question qui se pose...
13:46 - Est-ce que c'est un problème ?
13:47 - La question qui se pose...
13:48 - Vous dites "pourquoi problème ?"
13:49 - Non, la question qui se pose c'est "est-ce qu'on légifère l'exception ?"
13:52 Est-ce qu'on fait tomber une loi symbolique et universelle pour l'exception,
13:57 au risque de provoquer des problèmes chez les grandes vulnérabilités, chez le grand âge à long terme ?
14:02 Donc c'est un problème de "est-ce qu'on focalise sur l'individu et le court terme,
14:05 les 2-3 ans, mais des critères stricts, ou est-ce qu'on pense au monde qu'on veut pour demain ?"
14:09 Et deuxième réponse par rapport à l'histoire des critères d'éligibilité qui ont été élargis,
14:14 parce que vous posez la question du malade...
14:17 Donc Pierre Jusson a totalement raison.
14:20 - Pronostic engagé à court terme, on sait ce que c'est nous les médecins.
14:23 C'est quelques heures à quelques jours.
14:25 Les moyens de terme, il a totalement raison, on sait plus trop ce que c'est, 6 mois à 1 an.
14:28 Mais en revanche, je suis en désaccord total, c'est qu'en réalité, cette phrase "maladie en phase avancée ou terminale"
14:35 est encore plus floue.
14:36 Un malade en insuffisance rénale terminale de 20 ans,
14:39 qui reçoit une annonce de mise en dialyse ou de greffe,
14:42 et qu'un immeuble lui tombe sur la tête, il a 20 ans, il a une maladie terminale.
14:46 Mais il n'est pas en phase terminale, il peut vivre encore 10, 20, 30 ans.
14:49 Il a droit au suicide d'assisté ou à l'ananasie.
14:52 Donc en élargissant ce critère, c'est encore plus flou que le moyen terme.
14:56 C'est beaucoup plus flou.
14:57 Vous faites rentrer toutes les pathologies.
14:59 Les cirrhoses chroniques, les polymathologies, le vieillage, la CCD, etc.
15:03 - Pas du tout. Je vous rappelle que les conditions qui ont été citées par Jean-Jacques Bourdain tout à l'heure
15:06 sont des conditions cumulables.
15:08 C'est pas une condition qui est prise comme ça, ce sont des conditions cumulables.
15:12 Ainsi, il faut être atteint d'une maladie grave, dans laquelle la notion...
15:17 - Cirrhose d'insuffisance rénale, c'est grave.
15:18 - Je vous ai écouté, dans laquelle la maladie grave, l'idée même et la notion même de pronostic vital est inclue.
15:24 Une maladie grave est incurable. Vous savez très bien ce qu'est une maladie incurable.
15:29 Une maladie incurable, c'est une maladie qui n'est pas guérissable et qui mène directement à la mort.
15:33 Et je ne rappelle pas toutes les autres conditions, elles ont été rappelées tout à l'heure,
15:35 mais ce sont bien des conditions cumulatives.
15:37 - Je voudrais, maintenant que l'on parle finalement de l'administration du produit,
15:46 l'aide à mourir consiste à autoriser et accompagner une personne qui en a exprimé la demande
15:51 à recourir à une substance létale afin qu'elle se l'administre,
15:56 ou lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder,
16:00 cela fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu'elle désigne
16:05 et qui se manifeste pour le faire.
16:07 Voilà ce que détaille le texte.
16:09 Alors, est-ce que ça veut dire qu'un médecin pourrait prendre une décision de mort uniquement sur dossier ?
16:16 - Donc là on voit très bien que les critères qui étaient supposés être très stricts,
16:20 on a entre-ouvert la porte et en 8 jours elle est grand ouverte,
16:23 parce qu'en fait on est le seul pays au monde à autoriser suicide assisté ou euthanasie au choix,
16:29 nulle part ailleurs, on est le seul pays au monde où une personne volontaire peut le faire,
16:34 un proche, etc. C'est le seul pays au monde.
16:36 En tous les cas c'est une exception à la française, ce qui est remarquable,
16:39 on est allé très très loin en quelques jours.
16:41 Donc tout le monde disait "faites attention, il ne faut pas toucher d'un micron à cette loi".
16:45 J'étais en relation avec un académicien qui disait "c'est une loi symbolique,
16:48 elle ne doit même pas être discutée, elle doit être maintenue fermée".
16:51 Les portes, dès qu'elles sont entre-ouvertes, finissent grand-ouvertes,
16:54 et là ça a été le cas en 8 jours à l'Assemblée.
16:56 Plus d'ouverture en 8 jours que le Canada en 8 ans ou que la Belgique en 20 ans ou 22 ans.
17:01 - Je ne vais pas être d'accord, parce que vous parliez du choix tout à l'heure,
17:03 cas unique au monde, pas du tout.
17:05 Dans la Belgique, il y a le choix entre l'euthanasie et le suicide assisté.
17:08 Et encore, dans la mouture du texte qui est sortie de la commission,
17:10 ça n'est pas totalement le cas.
17:12 C'est plutôt ambigu la formulation qui a été retenue.
17:14 On ne sait pas exactement s'il y a véritablement le choix entre le suicide assisté et l'euthanasie.
17:17 Pourtant c'est effectivement quelque chose que nous nous portons à la DMD,
17:20 donc sans difficulté.
17:22 En tout cas, nous nous l'assumons, il n'y a pas de difficulté de ce côté-là.
17:25 J'aimerais revenir sur un point. Vous avez utilisé un mot tout à l'heure.
17:27 Vous avez dit, sur les demandes d'aide à mourir que vous avez dans votre service,
17:31 sur les 1%, une partie d'entre eux cèdent.
17:35 En fait, ce mot "céder"...
17:37 - La souffrance cède, quand on la soulage.
17:39 - Il est intéressant. Oui mais, cher monsieur, et je vous entends,
17:42 il y a une partie, Jean-Jacques Bourdin vous l'a souligné tout à l'heure,
17:45 tout de même des patients qui, quand bien même,
17:47 enfin, comment dire...
17:49 - Donc qu'est-ce que vous pensez que vous...
17:51 - Dont la souffrance ne s'arrête pas, et la souffrance n'est pas toujours soluble
17:54 dans la morphine, dans les anthalgiques, ou même dans la bienveillance,
17:57 et je veux leur rendre hommage, des soignants
17:59 en secteur des soins palliatifs ou dans tout autre service.
18:01 - Là, vous faites un effet de loupe sur un problème qui n'existe pas,
18:04 et le problème de notre société n'est pas l'euthanasie,
18:06 c'est de bien soigner les patients, ce n'est pas des droits à mourir...
18:08 - Mais quand bien même ça ne concernerait qu'une minorité de personnes,
18:10 - Estimé et considéré...
18:12 - Quand bien même ça ne concernerait qu'une minorité de personnes,
18:13 pourquoi l'enjeu des accords n'en fait chier ?
18:15 - Là où ce n'est pas très clair, me semble-t-il, c'est...
18:17 Qui va donner la mort ?
18:19 - Ah mais ça, c'est... Nous, nous souhaitons...
18:21 - Ça, c'est la grande question !
18:23 - Si on légifère sur la possibilité, effectivement,
18:27 d'avoir recours à l'aide à mourir,
18:29 qui va donner la mort ?
18:31 - Je vais vous le dire...
18:33 - C'est pas très clair...
18:35 - Je vais vous le dire, c'est soit par suicide assisté,
18:37 la modalité que vous rappeliez très très bien tout à l'heure,
18:39 la personne est en capacité de faire le geste elle-même,
18:41 elle répond à toutes les conditions, elle est passée par toutes les étapes,
18:43 encore une fois, ne caricaturons pas,
18:45 le projet de loi, c'est pas "je demande une euthanasie ou un suicide assisté le lundi,
18:47 le mardi soir, j'ai ce que je veux",
18:49 c'est pas du tout comme ça que ça se passe,
18:51 c'est plus un paramédical, enfin bon voilà...
18:53 Donc soit c'est la personne elle-même,
18:55 soit c'est un tiers, qui peut être un soignant,
18:57 qui le fait, mais encore une fois,
18:59 nous nous demandons une loi de liberté de conscience
19:01 pour les patients, c'est pas pour la nier pour les soignants,
19:03 et en l'occurrence, il y a bien une clause de conscience
19:05 qui est prévue pour les soignants qui ne souhaiteraient pas le faire,
19:07 et c'est bien fondamental et normal,
19:09 et donc, tout le monde sera respecté dans sa conscience,
19:11 le patient qui décide
19:13 et qui réitère jusqu'au dernier moment
19:15 sa volonté d'une aide à mourir
19:17 et qui respecte toutes les conditions qui sont posées,
19:19 et le soignant, qui souhaiterait le faire,
19:21 ou qui, si il ne souhaite pas le faire...
19:23 - C'est un acte médical ou pas ?
19:25 - Nous nous considérons que c'est un soin,
19:27 et que c'est un acte médical dans certaines circonstances, effectivement.
19:29 - En fait, le vrai problème, c'est que le médecin est toujours
19:31 enclenché dans la démarche, même pour le suicide assisté,
19:33 parce qu'il doit poser le diagnostic,
19:35 tenir compte du discernement,
19:37 prescrire l'ordonnance, etc.
19:39 Donc l'administration est toujours
19:41 prise dans un nihilisme, une pulsion de mort,
19:43 elle peut pas être dégagée, elle peut pas être désengagée.
19:45 Et ensuite, ce qu'il faut bien voir,
19:47 en fait, je pense que Pierre Jouston
19:49 a totalement raison, à 100% raison,
19:51 dans le périmètre de l'ancien monde
19:53 qui se base sur l'individu, sur la liberté,
19:55 sur la maîtrise, sur le nihilisme d'Etat.
19:57 Donc en réalité, il a totalement raison.
19:59 Mais nos points d'appui, nous, ce sont les valeurs du soin.
20:01 C'est-à-dire, c'est la responsabilité
20:03 à l'égard de la vulnérabilité, c'est une économie
20:05 du don et du contre-don, c'est de la reconnaissance
20:07 réciproque, c'est "quel mon don veut demain ?
20:09 Est-ce qu'on veut, pour nos personnes âgées...
20:11 Vous savez que le grand âge va devenir phénoménalement
20:13 grand. 2,5 millions de plus
20:15 de 85 ans en 2030, à cause
20:17 du papy-boom et du mamy-boom, 5 millions
20:19 en 2050. On ne sait pas quoi en faire.
20:21 Il y a un risque d'euthanasie économique.
20:23 Donc Pierre Jouston a totalement raison.
20:25 S'il focalise sur le court terme, l'exception
20:27 qu'on légifère, et
20:29 on ne tient pas compte du
20:31 long terme et du monde qu'on veut. Et nous,
20:33 ce qu'on veut, on considère que les valeurs du soin sont
20:35 une fine pointe de notre humanité, et que
20:37 la fine pointe de notre humanité ne se sédit pas
20:39 au bout d'une seringue. - Excusez-moi, juste sur un
20:41 point, je ne peux pas vous laisser dire ça. Dans
20:43 un certain nombre de pays, on peut être d'accord avec les modalités
20:45 ou pas, mais est-ce qu'il y a des charniers
20:47 de vieux, excusez-moi de le dire comme ça, en
20:49 Belgique, au Canada, aux
20:51 Pays-Bas, en Espagne... - Attendez 30 ans, attendez 20 ans,
20:53 les crises écologiques arrivent, le monde est désorienté,
20:55 l'univers se multiplie... - Là, vous êtes dans la rhétorique
20:57 du nuage de Sauterelle, je peux pas
20:59 l'accepter, et oui, effectivement,
21:01 l'individu... Laissez-moi finir.
21:03 La déclaration des drogues lombes... - Les mecs, les mecs, les mecs,
21:05 la zone belge nous alerte, nous disent "N'y allez pas, levez-vous,
21:07 et levez-vous tôt". - Un mètre, un mètre,
21:09 un mètre, un mètre, arrêtez. - On fait un élément...
21:11 - La déclaration des drogues lombes et du citoyen 1789,
21:13 elle est sur cet équilibre du commun,
21:15 déclaration de l'homme et du citoyen, - Non, non, vous, c'est l'individu contre le commun.
21:17 - et de l'individu, et non, c'est un équilibre. - C'est l'individu contre le commun, c'est la liberté
21:19 contre la liberté. - Vous ne voulez pas voir l'équilibre
21:21 entre l'homme et le citoyen. - C'est deux récits,
21:23 vision du monde contre vision du monde. - On sera d'accord, on sera d'accord,
21:27 laissons la liberté individuelle à l'égard,
21:29 et la liberté collective aux citoyens. - Messieurs,
21:31 merci beaucoup pour le débat, je suis très intéressé.
21:33 - Messieurs, "Tuer les gens, tuer la terre,
21:35 l'euthanasie et son ongle mort",
21:37 c'est le livre publié par
21:39 le docteur Bruno Dallaporta.
21:41 Merci de nous avoir accompagnés,
21:43 dans un instant après les infos,
21:45 Sud Radio Média, Valéry Exper et Gilles Gansman.
21:47 Sud Radio, parlons vrai chez Bourdin, 9h10, Jean-Jacques Bourdin.
21:55 Avec Vérissure, le numéro 1 des alarmes en France.
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