Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00 - Pascal, Emmanuel Ducrox, bonjour Emmanuel ! - Bonjour Dimitri, bonjour à tous !
00:04 - Vous réagissez ce matin à une déclaration de la tête de liste écologiste aux élections européennes, Marie Toussaint, lors d'un entretien à la chaîne parlementaire, c'était lundi.
00:12 - Eh oui, on l'interroge sur de nombreux sujets, notamment la crise agricole ou la réautorisation du glyphosate, et voici ce que dit Marie Toussaint.
00:20 - Il y a des tas de produits sur lesquels il existe des alternatives, mais vous voyez sur le glyphosate, si on rémunérait, comme nous nous le proposons, à l'emploi plutôt qu'à l'hectare,
00:28 eh bien on serait en capacité, en tout cas on donnerait aux paysans, les moyens de pouvoir lutter contre les herbes invasives contre lesquelles le glyphosate est utilisé.
00:37 - Je traduis. Ce que propose Marie Toussaint pour remplacer le glyphosate, qui est un désherbant, c'est ce que mes grands-parents appelaient le moteur à soupe.
00:44 Ils étaient agriculteurs, ils savaient de quoi ils parlaient, c'est-à-dire le désherbage à la binette, en subventionnant donc la main-d'oeuvre plus que les surfaces.
00:52 - C'est pas une bonne idée ça ?
00:54 - Ça dépend de quelle agriculture on veut. Si on rêve de celle qui était en France avant la première guerre mondiale, où elle reposait sur la force de travail, c'est une excellente idée.
01:02 A ceci près que les paysans en 1914 étaient 30 millions 40% de la population, sans compter les enfants dont le travail était la norme.
01:10 Eh bien oui, c'était eux qui désherbaient les champs. Aujourd'hui, les agriculteurs sont 1,5% des actifs.
01:16 En 1914, la population agricole finissait sa vie brisée à force d'être courbée pour désherber. Cette colonne vertébrale voûtée à l'extrême, ça s'appelle l'applicature champêtre.
01:26 Cette maladie professionnelle a disparu avec le progrès agricole. Personne n'a envie de la voir revenir, surtout pas, j'imagine, les héros de l'humanisme et du droit à la paresse.
01:37 - Bon, techniquement, c'est possible de se passer du glyphosate pour désherber ?
01:42 - Eh bien quand c'est possible, figurez-vous qu'on se passe déjà du glyphosate dans le maraîchage, parce que les surfaces sont petites, partout où on a pu mécaniser aussi.
01:50 Mais il y a encore beaucoup de cas où on ne sait pas faire, les céréales par exemple. 9 millions d'hectares en France.
01:55 Pour désherber à la main, à hauteur de 40 heures par hectare, il faudrait des millions de Français au champ avec une petite bêche et beaucoup de courage.
02:03 On peut déjà chercher les volontaires, conséquence prévisible de toute façon, une flambée délirante des prix de la nourriture.
02:09 - Vous pensez que Marie Toussaint a raté un épisode ?
02:12 - Clairement, le futur de l'agriculture est bien plus excitant que cette fadaise façon Martine à la ferme.
02:17 Robotisation, biotechnologie de sélection variétale, intelligence artificielle pour améliorer l'agronomie, prendre soin des sols de la biodiversité, limiter les émissions de carbone et s'adapter aux changements climatiques, il va falloir de la main d'œuvre, bien sûr !
02:31 Mais il va surtout falloir de l'intelligence, du talent, de l'innovation. On a beaucoup mieux à proposer aux jeunes générations qu'un travail de désherbage manuel subventionné.
02:41 C'est une image d'Epinal qui fait plaisir à quelques bobos qui confondent leur dimanche au potager avec le métier agricole de nourrir un pays.
02:49 Alors il y a une preuve que le mythe du désherbage manuel n'est pas la bonne solution, c'est que personne n'a envie de cette vie-là, répétitive, asservissante, pour lui-même ou pour ses enfants.
02:59 - Signature Europain Emmanuel Ducrot, merci !
03:03 8h53.