• il y a 9 mois
Dans ses interviews, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, se met dans la peau des patrons...

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00:00 Antoine Despoux, je suis enchantée de vous accueillir, patron en question,
00:04 vous êtes un vrai patron, innovant.
00:06 Vous allez me dire exactement ce que vous faites,
00:09 parce que vous avez beaucoup progressé dans votre vie de patron,
00:15 et vous êtes surtout directeur général de Lost Larnodi.
00:18 On a la salive qui nous vient aux lèvres.
00:21 Excellent produit par définition.
00:24 Alors racontez-nous un peu votre parcours, le début.
00:26 Oui, le début est simple. A partir du moment où, venant de la campagne
00:33 et d'une famille très attachée aux produits premium,
00:38 je me suis lancé il y a 40 ans maintenant, oui bientôt,
00:44 dans la fabrication et la vente de produits premium en France.
00:49 Quand vous dites premium, ça veut dire ce qu'il y a de meilleur ?
00:52 Oui, ça veut dire ce qui est du plus qualitatif,
00:58 en essayant d'être aussi compétitif,
01:02 parce qu'on ne peut pas faire que des produits Hermès dans l'alimentation,
01:07 ils ne se vendraient pas beaucoup.
01:09 Et d'ailleurs c'est amusant, parce que je lisais que,
01:12 je trouve ça formidable, vous êtes un visionnaire de talent
01:15 qui débute dans les monts du Lyonnais, pour la charcuterie,
01:19 et le visionnaire de talent pour la charcuterie, ça m'a enchantée.
01:22 Ça veut dire quoi ?
01:24 Le visionnaire de talent, je ne sais pas ce que ça veut dire.
01:27 Je sais que, de toute façon, une entreprise aujourd'hui,
01:31 avec 18 ateliers de fabrication en France, 3 en Italie,
01:38 3 500 personnes dans le monde entier, mais 3 000 en France à peu près,
01:44 on ne fait rien tout seul, ce n'est qu'une aventure d'équipe,
01:49 une aventure d'hommes, de femmes, pour travailler ensemble
01:53 avec un objectif commun, qui est de faire le mieux possible
01:57 pour l'ensemble de l'équipe, mais aussi pour la collectivité,
02:01 parce qu'on est une entreprise qui paye beaucoup d'impôts,
02:04 beaucoup de cotisations, et on est très content de le faire,
02:08 parce que c'est notre rôle social aussi.
02:11 - Bien sûr. Nous, les patrons, nous n'arrêtons pas de dire
02:14 qu'on fait le maximum pour nos salariés, ce qui est peut-être faux,
02:17 parce que c'est exagéré, mais quand même, nous savons tous,
02:20 il n'y a pas un patron ici qui ne sait pas que ce sont ses équipes
02:23 qui le font réussir. Mais encore faut-il que les gouvernants nous croient.
02:27 En ce moment, justement, on a vu qu'il y a des tas de crises,
02:31 qu'elles soient agricoles, sociales, etc.
02:33 Comment se porte votre business ?
02:35 - Le business, c'est plutôt difficile.
02:37 On ne va pas dire que c'est la joie partout,
02:42 parce que nos consommateurs sont ponctionnés
02:46 d'une manière absolument incroyable par toutes les taxes,
02:50 l'essence, l'électricité et tout l'ensemble du dispositif
02:55 qui fait que leur pouvoir d'achat s'affaiblit,
02:58 et voire diminue, surtout que l'alimentation
03:03 est à une variable d'ajustement.
03:06 Et cette variable d'ajustement, en ce moment,
03:09 est totalement entachée par une consommation de premier prix,
03:14 de marques distributeurs et peu de produits premiums,
03:18 parce qu'ils sont un peu plus chers, évidemment.
03:20 - Et d'ailleurs, d'où, finalement, indirectement,
03:22 la crise qu'on vient de vivre avec les agriculteurs ?
03:24 - Absolument, les agriculteurs.
03:26 Il faut savoir qu'on est aussi... - Vous en dépendez.
03:29 - On dépend des agriculteurs avec lesquels nous sommes très liés,
03:32 puisque nous sommes en filière.
03:34 Nous avons des éleveurs, des gaveurs qui travaillent que pour nous.
03:37 - Ah, des gaveurs ! - Avec nous.
03:39 - Je retiens le mot "gavage des oies fois gras".
03:41 - Oui, oui, le gavage très technique et très...
03:46 qui s'est modernisé d'une manière considérable
03:48 dans les dernières années et qui ne fait pas ou peu souffrir les animaux,
03:53 mais qui est un savoir-faire unique et ancestral français.
03:58 Le gavage des oies, les oies, enfin, ou les canards,
04:02 ça vient des Égyptiens, donc c'est pas quelque chose
04:05 qui est tout à fait récent, quoi.
04:07 C'est avec un savoir-faire unique,
04:10 et qu'on peut pas exporter,
04:12 parce que le savoir-faire, il est dans la génétique,
04:15 dans l'élevage, dans le gavage, dans le process du produit,
04:20 et après, dans la consommation.
04:24 Donc c'est un produit absolument unique.
04:27 - Et est-ce que vous avez l'impression que...
04:29 D'abord, vous êtes très présent à l'international.
04:32 - Oui, alors on a 18 entrepôts à l'international,
04:36 beaucoup en Asie, qui distribuent nos produits,
04:39 mais pas que nos produits, on distribue tous les produits premiums
04:42 des PME ou ETI, mais surtout pas mal de PME,
04:48 agricole française, dans toute l'Asie.
04:52 Et ça, c'est uniquement destiné aux hôtels 4 et 5 étoiles
04:56 et palaces dans l'Asie.
04:58 On en a 3 500 qui sont clients chez nous.
05:01 - Et est-ce que vous avez l'impression que le système législatif,
05:05 fiscal, français ou même européen,
05:08 est un frein pour des entreprises comme les vôtres,
05:12 qui sont vraiment des fleurons français ?
05:15 - Oui, alors on est extrêmement attentifs,
05:20 parce qu'on a une commission européenne
05:23 avec des fonctionnaires qui ne sont pas élus
05:27 et qui ne sont pas toujours sous contrôle,
05:30 qui édictent en permanence des règlements et des lois
05:34 qu'on a beaucoup de mal à appliquer et qu'on applique
05:37 et qui nous coûtent des fortunes.
05:40 - Et qui sont liées à votre secteur ?
05:42 - Et qui sont liées à tous les secteurs.
05:44 Ce n'est pas que nos secteurs.
05:46 - Et vous, il y en a particulièrement dans votre secteur,
05:49 il y a des choses qu'il faudrait supprimer ?
05:52 - D'abord, dans toutes les transpositions européennes,
05:55 la France a rajouté des dispositions,
05:58 c'est-à-dire a rajouté des normes supplémentaires
06:02 qui font que quelquefois, nous ne sommes plus du tout compétitifs
06:05 par rapport à nos pays voisins,
06:07 qui sont l'Allemagne, l'Italie, la France,
06:10 enfin pas la France, l'Espagne,
06:12 qui ont des transpositions et des réglementations
06:16 moins pénalisantes pour nous.
06:19 - Et vos fédérations ?
06:20 - Je suis vice-président d'une fédération.
06:23 - Laquelle ?
06:24 - La FIC, la Française de Charcuterie.
06:28 - Boucherie ?
06:30 - Non, la Fédération des Industries de Charcuterie.
06:33 - Et vous n'arrivez pas à avoir des contacts pour l'expliquer ?
06:36 - Si, on explique tout ça, mais si vous voulez,
06:40 on n'a pas de pilote dans l'avion,
06:43 parce que ça dépend de beaucoup de ministères,
06:47 de beaucoup d'administrations dans tous les sens.
06:51 - C'est pas une seule tête ?
06:53 - Non, c'est pas une seule tête.
06:55 Vous savez, dans le lot, on est obligé de faire 45 km
06:59 pour faire signer un papier à des vétérinaires
07:02 qui ne veulent pas le signer parce que ça les engage,
07:05 qui ne sont pas responsables de l'exportation,
07:08 et qui ont quelquefois, qui sont absents pour des raisons,
07:12 et qui ne veulent pas voter.
07:13 Alors tous les jours, vous avez quelqu'un qui fait 45 km
07:15 et qui vient aller-retour pour faire signer un papier.
07:18 Ça, c'est quand même, je veux dire,
07:21 c'est inimaginable aujourd'hui, en 2024.
07:25 - J'en reste muette.
07:27 Et une question par oui ou par non,
07:32 qui est fondamentale, qui est un peu traditionnelle,
07:34 est-ce que pour vous, la France est toujours
07:37 le pays de la gastronomie ?
07:40 - Alors la gastronomie, la culture culinaire,
07:43 il y a deux pays qui ont une vraie culture culinaire.
07:45 Il y a la France et l'Italie.
07:47 Ou l'Italie et la France, comme vous voulez,
07:49 mais c'est deux vraies cultures culinaires.
07:51 Ces deux cultures, on les diffuse,
07:54 on fabrique dans les deux pays,
07:57 et on essaye de les développer dans le monde entier.
08:00 Et là, on s'aperçoit qu'on a une force incroyable
08:04 de savoir-faire unique, à la fois en France et en Italie.
08:08 Et la France étant plus sophistiquée dans les produits
08:11 que l'Italie, qui fait des produits simples,
08:13 mais très qualitatifs.
08:15 - Est-ce qu'on va être détrôné, c'est ma dernière question,
08:18 par le fast-food américain et mondial ?
08:24 - Ecoutez, c'est une question d'éducation.
08:26 Je pense que si on fait une véritable éducation,
08:33 instruction des jeunes sur l'alimentation,
08:38 qui doit être variée, qui doit être totalement éclectique,
08:42 je pense qu'on ne risque rien.
08:44 Si on ne dit rien et qu'on se limite à dire
08:50 que tout ça, c'est convenient et que ça peut se manger,
08:55 sans discernement...
08:57 - Alors, je suis d'accord, mais moi,
08:59 j'ai mes limites absolues du rôle de l'Etat.
09:01 J'ai vu une étude ce matin,
09:03 il y a un jeune sur cinq qui sait reconnaître une courgette.
09:07 - Je ne vais pas faire de mauvais jeu de mots,
09:10 mais si maintenant, la ministre du Commerce
09:14 se lance en disant "oui, je vais leur apprendre à bien manger",
09:17 non, stop, mon libéralisme a des limites.
09:20 C'est un peu inquiétant.
09:23 Qui doit les éduquer, les enfants ?
09:25 - D'abord, une courgette, ça ressemble beaucoup à un concombre,
09:28 donc je pense qu'on peut se tromper.
09:30 Dans l'assiette, on ne peut pas se tromper,
09:32 mais on peut se tromper en regardant...
09:34 - Il y a les aubergines aussi.
09:36 - Les aubergines, elles ne sont pas vertes.
09:38 Mais bien sûr que...
09:41 Et le Salon de l'agriculture, moi, ce qui m'a frappé,
09:44 puisque j'y étais beaucoup toute la semaine,
09:46 c'est qu'il y a un nombre incroyable de jeunes et de parents
09:52 qui viennent de la France entière
09:54 pour découvrir ce que c'est que l'agriculture française.
09:57 Et ça, moi, ça me rassure un peu.
09:59 Mais vous, Sophie, qu'est-ce que vous pensez
10:02 des élections européennes, alors ?
10:04 - Écoutez, quand je vous écoute, je pense qu'elles doivent avant tout...
10:08 Parce que je pense Europe en pensant entreprise.
10:11 J'ai un prisme.
10:12 Donc le prisme de l'entreprise, c'est celui qui m'importe.
10:15 Et je crois que c'est à l'Europe, justement,
10:18 de faire comprendre que la gastronomie, c'est vous, c'est l'Italie.
10:22 C'est à l'Europe de simplifier, d'empêcher qu'on coure des kilomètres
10:25 pour faire remplir un papier.
10:27 Et il faut que ça, ce soit le vrai progrès à venir.
10:29 - Et j'espère, je compte sur vous, et merci infiniment d'être venu,
10:34 mais je compte sur vous pour vous battre là-dessus.
10:36 - Je suis battu d'avance.
10:40 (musique)
10:43 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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