• il y a 8 mois
Avec Arnaud Benedetti, professeur à la Sorbonne, rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire, et Jean Petaux, politologue.

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Transcription
00:00 - Sud Radio, le grand matin week-end, 7h-10h, Jean-Marie Bordry.
00:05 - On en parle tout de suite avec nos deux invités affaiblis sur la scène politique intérieure,
00:10 politique française. Est-ce qu'Emmanuel Macron et la majorité peuvent retrouver de l'air à l'international ?
00:15 On va en parler tout de suite.
00:17 Avec nos deux invités, nous sommes avec Arnaud Benedetti. Bonjour à vous.
00:26 - Bonjour à vous.
00:28 - Et bienvenue sur Sud Radio, professeur Alassore Bonne, rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire.
00:33 Nous sommes également en compagnie de Jean Peutot. Bonjour à vous.
00:35 - Bonjour à vous.
00:37 - Politologue, merci de nous avoir rejoint également sur Sud Radio.
00:40 Reportage avec Emmanuel Macron, c'est pas tout à fait une interview, mais ça reste un reportage,
00:45 dans le journal du dimanche, aujourd'hui dans vos kiosques.
00:49 Emmanuel Macron qui était à Bruxelles en train de négocier avec ses partenaires européens,
00:53 qui mettait en scène le durcissement de son ton à l'égard de la Russie.
00:58 C'était avant l'attentat à Moscou, attentat revendiqué par l'organisation État islamique.
01:03 Première question d'abord pour vous, Arnaud Benedetti.
01:06 Que change cet attentat pour la posture d'Emmanuel Macron ?
01:10 - Je ne suis pas sûr que ça ait un impact sur la posture d'Emmanuel Macron.
01:17 Je vais immédiatement la question et le savoir pour essayer de répondre à votre interrogation.
01:23 Savoir si finalement le durcissement du temps indéniable d'Emmanuel Macron
01:29 vis-à-vis de la Russie depuis plusieurs semaines,
01:33 l'idée qu'il faut peut-être envisager un rehaussement du niveau d'engagement
01:38 des Occidentaux et des Européens en Ukraine,
01:42 peut-il avoir un impact sur l'opinion publique dans la perspective des élections européennes ?
01:47 À ce stade, quand on regarde les différentes études d'opinion qui projettent les intentions de vote,
01:54 clairement ça a très peu d'effet pour l'instant, en tout cas, tout au moins.
01:59 Donc on ne peut pas évidemment préjuger de ce que sera l'évolution en Ukraine dans les deux mois qui viennent.
02:04 Une évolution qui pourrait peut-être, là en l'occurrence, avoir un impact.
02:08 Mais ce qui est sûr, c'est qu'on ne se retrouve pas comparativement dans la situation de 2022,
02:13 où en effet, lors de l'élection présidentielle, le président de la République avait pu bénéficier
02:18 de ce que les politologues ou les politistes appellent l'effet drapeau,
02:23 c'est-à-dire une sorte de mobilisation d'une partie de l'opinion publique
02:27 ou d'une grande partie de l'opinion publique autour du chef de l'État.
02:30 Donc c'est aujourd'hui, en tout cas, je serais très prudent sur l'impact de la situation internationale
02:37 sur les orientations du vote des Français à un peu plus de deux mois d'innofume.
02:43 Et d'ailleurs, effectivement, pendant la campagne présidentielle,
02:46 l'invasion de l'Ukraine par Vladimir Poutine avait clairement profité à Emmanuel Macron dans les sondages.
02:50 À ce stade, on ne voit pas la moindre progression de la majorité présidentielle
02:56 dans les sondages pour les élections européennes, notamment avec nos sondages IFOP fiduciales pour Sud Radio.
03:00 Jean Petau, Emmanuel Macron qui continue malgré tout à tirer à boulet rouge sur les dirigeants russes,
03:06 notamment après les insultes et propos particulièrement vulgaires proférés par certains officiels,
03:10 les dirigeants russes perdent leur nerf, dit-il.
03:14 Est-ce que ça peut lui servir à quelque chose sur la scène politique française de parler ainsi ?
03:19 Non, je ne crois pas.
03:21 Pour la raison très précise et exacte qu'a développée Arnaud à l'instant,
03:26 ce fameux "flag effect" dont on a déjà parlé,
03:30 le "défait de rapport", dont il faut savoir que c'est une drogue, ce n'est pas le terme exact,
03:36 mais c'est un produit à effet très rapide et très court.
03:41 C'est pour ça que ça a eu un effet sur la présidentielle de 22,
03:45 compte tenu du fait que l'agression russe était du 24 février et que l'élection a eu lieu quelques semaines plus tard.
03:53 On voit bien, et les sondages le montrent par vagues successives,
03:56 qu'on voit bien les Français de plus en plus, non seulement se désintéressent de la situation en Ukraine,
04:02 mais également sont de plus en plus réservés même sur une aide matérielle.
04:07 Et je ne parle même pas d'envoi de troupes, bien sûr.
04:10 Donc c'est le paradoxe de ces élections européennes.
04:13 On a le sentiment, en quelque sorte, que la polémique Macron-Poutine n'intéresse que les Russes, et pas les Français.
04:21 Le paradoxe de ces élections européennes, c'est qu'il est question de se prononcer dans une élection importante,
04:27 qui d'ailleurs n'aura qu'un seul tour.
04:29 Celui-ci, il faut le rappeler, c'est des enjeux qui sont supranationaux.
04:33 Et finalement, ça n'intéresse pas véritablement les Français sur cette question-là.
04:38 Alors avec un bémol, c'est vrai que le soutien à l'Ukraine s'est considérablement affaibli dans l'opinion publique depuis le début de l'invasion.
04:45 En revanche, il reste nettement majoritaire, y compris d'ailleurs pour la fourniture de matériel militaire,
04:49 qui est la partie la plus controversée à ce stade, dans ce qui est déjà fait en tout cas.
04:53 Parlons maintenant de la scène politique intérieure.
04:56 La majorité nettement, très très nettement décrochée par le Rassemblement national.
05:01 Scénario catastrophe pour la majorité.
05:03 Est-ce qu'on pourrait imaginer que la majorité présidentielle se retrouve troisième à ses élections, Arnaud Bénédetti ?
05:09 Il y a deux enjeux pour l'instant, en tout cas à l'heure où nous parlons dans cette élection.
05:15 Le premier enjeu, c'est si le Rassemblement national est en tête,
05:19 quand même force est de constater que c'est l'hypothèse à ce stade la plus probable au regard de tous les sondages,
05:24 c'est de savoir quel sera finalement le niveau du Rassemblement national
05:30 et l'écart qui le sépara de la liste de la majorité, qui pour l'instant est quand même donnée en seconde position.
05:38 Il est évident qu'un écart de plus de 10 points constituerait indéniablement un échec grave pour le président de la République et pour la majorité.
05:47 Mais c'est le sens de ma question, Arnaud Bénédetti.
05:49 Deuxième enjeu ?
05:50 Si vous permettez, Arnaud Bénédetti, on regarde tous l'écart entre le Rassemblement national et la majorité.
05:57 Il se trouve qu'il y a moins d'écart, pardon, entre la majorité et la troisième liste, souvent celle du Parti socialiste,
06:04 qu'entre la majorité et le Rassemblement national.
06:06 Oui, j'allais y venir justement.
06:08 Le deuxième enjeu, c'est de savoir si le frémissement dont semble bénéficier l'offre de M. Glucksmann va se prolonger, se poursuivre.
06:18 Il est vrai que, si vous voulez, aujourd'hui, cette offre politique a une fenêtre d'opportunité dans le cadre de cette élection européenne.
06:26 Il y a une partie peut-être des électeurs de gauche d'Emmanuel Macron qui, aujourd'hui, considèrent que sa triangulation à droite
06:34 est, disons, peu acceptable pour eux.
06:38 Ils peuvent éventuellement revenir sur une offre social-démocrate plus classique, celle qui est incarnée à ce stade par M. Glucksmann.
06:46 Et puis, il y a aussi une partie de l'électorat de gauche qui peut ne plus se retrouver dans les radicalités,
06:54 en tout cas exprimées notamment du côté de les filles, dans une moindre mesure, en tout cas des écologistes, et revenir vers M. Glucksmann.
07:01 Donc, il y a en effet risque à ce stade, encore une fois, pour la liste de la majorité, de devoir se battre sur deux fronts,
07:10 c'est-à-dire le front du Rassemblement national, qui fait largement la course en tête,
07:14 et puis le front d'une liste, d'une troisième liste, en tout cas, qui apparaît aujourd'hui en capacité de pouvoir la concurrencer.
07:22 Oui, mais c'est un paradoxe qui est intéressant à soulever, Jean Petau,
07:25 parce qu'on a l'impression que la majorité fait presque exclusivement campagne sur la politique étrangère et les rapports entre la France et la Russie,
07:34 et pourtant, ça profite à M. Glucksmann, qui lui aussi parle presque exclusivement de cela. Faut bien le dire !
07:41 Oui, d'abord parce qu'il a une antériorité, si je puis dire.
07:45 Et il n'a jamais changé d'avis, d'ailleurs, sur ce sujet.
07:47 Alors qu'on ne peut pas dire qu'Emmanuel Macron ait changé d'avis, mais il y a quand même eu certains comportements
07:57 qui ont pu laisser à croire que la France était plutôt en retrait par rapport à une aide inconditionnelle à l'Ukraine.
08:05 Alors, un peu dans la technique des embardés, assez chère parfois et assez propre à Emmanuel Macron,
08:11 le coup de volon a été donné non seulement à droite, ça c'est en politique intérieure,
08:15 mais également à côté, maintenant nous faisons la course en tête comme soutien numéro un de l'Ukraine.
08:22 Alors, il n'est pas forcément étonnant que l'électorat soit un peu chamboulé par ses accros, si je puis dire, sur la ligne ou dans la ligne.
08:32 Et quand vous faites la course, j'allais dire, dans la voie du milieu, sur une route à trois voies,
08:37 si le trafic de droite a tant à mordre sur la voie du milieu, et si le trafic de gauche aussi dévie un peu vers vous,
08:49 c'est vous qui vous retrouvez entre les deux camions plutôt mal en point.
08:52 Donc c'est bien ça la situation, je crois.
08:54 D'une certaine façon, Emmanuel Macron et sa ligne politique sont un peu victimes de tout ce qu'il a enrangé,
08:59 si je puis dire, politiquement, depuis ces temps maintenant.
09:02 Un mot Arnaud Bénédicti, des autres listes dont on n'a pas encore parlé, celle notamment des Républicains,
09:08 qui fait campagne avec un certain nombre de militants d'ailleurs qui se pressent dans les meetings, il faut bien le reconnaître.
09:13 Est-ce que François-Xavier Bélami a de la place ?
09:16 C'est tout l'enjeu pour les LR, parce qu'on voit bien que l'objectif que s'assignent aujourd'hui les LR,
09:22 c'est l'objectif de réaliser le score, ou le même score, que celui de 2019.
09:29 Après notamment l'échec cinglant de la présidentielle de 2022.
09:33 Donc on voit qu'ils n'ont pas mis la barre très très haute, mais leur objectif c'est au moins de parvenir à ce score.
09:41 La difficulté en effet pour eux, c'est qu'ils risquent à la fois de pâtir de la concurrence de la liste Reconquête,
09:49 menée par Marion Maréchal, qui aujourd'hui se situe dans un étage entre 5 et 7,
09:56 qui n'a pas quand même réussi pour l'instant manifestement à susciter une dynamique.
10:01 Et puis aussi d'avoir le risque d'une sorte de vote utile qui joue dans l'anti-macronisme de droite en faveur de M. Bardella.
10:13 En effet, imaginons le scénario catastrophe, le pire pour les LR, c'est de se retrouver sous les 5%.
10:19 Quand on discute avec un certain nombre de responsables LR, c'est une crainte qu'ils affichent,
10:24 même si on voit bien que M. Bellamy, en tout cas pour l'instant, essaye d'occuper l'espace.
10:29 C'est plutôt un bon débatteur, on le voit dans les débats, il est assez bon orateur,
10:35 donc il est en tout cas, j'allais dire, une carte importante pour les Républicains.
10:41 Mais l'équation des Républicains finalement n'a pas bougé depuis 2017.
10:46 Ils sont toujours pris en étau entre d'un côté la Macronie et de l'autre le Rassemblement National.
10:51 Les Républicains dont vous parliez, effectivement en 2019, ils avaient obtenu 8%.
10:56 C'était un échec à l'époque, bien sûr, là ils seraient contents de refaire le même score ou de le réobtenir.
11:00 Merci à tous les deux d'avoir débattu ce matin sur Sud Radio.
11:03 Merci à vous Jean Poteau, politologue Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la revue Politique et Parlementaire.

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