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Dépendance de l’UE au maïs non-OGM ukrainien, poids de la Chine, relation entre le Mexique et les États-Unis, etc. : le chercheur Sébastien Abis explique à quel point la géopolitique influence le marché mondial du maïs

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00:00 [Musique]
00:12 Le marché mondial du maïs ces dernières années, il s'est polarisé autour de trois grands sujets.
00:17 Il y a le sujet des OGM et des non-OGM,
00:21 et avec finalement une Ukraine qui est devenue un grand pays producteur de maïs dans le monde
00:26 depuis une dizaine d'années avec du maïs non-OGM,
00:30 et notamment pour fournir le marché européen puisque l'Union Européenne voulait du maïs non-OGM.
00:35 Donc ça, première chose, sachant qu'on a quatre grands pays producteurs exportateurs de maïs dans le monde,
00:40 les États-Unis, le Brésil, l'Argentine et l'Ukraine.
00:43 Bon, et avec cette question qu'une Ukraine fragilisée depuis deux ans par la guerre
00:47 a vu aussi des difficultés pour exporter ce maïs,
00:50 et on a un maïs ukrainien qui néanmoins reste aujourd'hui,
00:53 et risque de devenir encore plus demain, la céréale dominante de l'Ukraine,
00:58 beaucoup plus que le blé.
01:00 Le jaune du drapeau ukrainien, c'est sans doute le maïs plus que le blé.
01:04 On a un deuxième point sur le maïs,
01:06 c'est que nous avons finalement une Chine qui a fait des achats de plus en plus volumineux de maïs
01:14 après avoir fait des énormes poussées sur le soja ces dernières années sur le maïs,
01:19 parce que finalement, tout en étant le premier producteur mondial de maïs,
01:23 la Chine a des besoins intérieurs qui continuent de s'amplifier,
01:27 a eu aussi des problématiques de récolte pour le climat,
01:30 et a eu cette fièvre porcine africaine à partir de 2018
01:33 qui fait que, en ayant dû abattre la moitié du cheptel porcin,
01:38 a dû reconstituer un élevage porcin important par rapport à cette problématique de santé animale,
01:43 parce qu'il ne fallait absolument pas qu'en plus, les années de Covid arrivant,
01:47 le consommateur chinois n'ait plus la viande de porc.
01:49 Donc on a reconstitué, on a acheté encore plus de soja mais aussi de maïs
01:53 pour l'alimentation animale, et avec une Chine qui du coup a acheté des volumes
01:57 encore plus importants de maïs qu'elle le faisait précédemment.
02:00 Et comme toujours, quand la Chine arrive,
02:03 même si c'est 5% de sa consommation qui vient de l'importation,
02:07 quand la Chine se met à avoir 5% de sa consommation qui vient du marché mondial,
02:11 ça prend des volumes énormes,
02:12 et c'est vrai qu'il y a un énorme sujet autour de
02:16 est-ce que la Chine demain va être capable de produire stablement du maïs.
02:20 Elle s'est donné un rendez-vous autour des biotechnologies,
02:24 c'est mon troisième point,
02:25 c'est qu'on sait que la planète maïs aujourd'hui, le sujet ce n'est pas tant les OGM,
02:28 ça va être les New Genomic Technics,
02:30 et la Chine a décidé d'arrêter son refus de biotech,
02:36 commence à mettre le turbo sur les biotech et notamment sur soja et maïs,
02:40 pour se dire "je ne peux pas importer toujours plus du marché mondial,
02:44 en plus la planète a un peu évolué ces dernières années,
02:47 il faut que j'arrive à créer un peu plus de marge de manœuvre intérieure,
02:50 et entre mes problématiques climatiques qui s'intensifient
02:52 et un marché mondial qui ne va peut-être pas toujours me fournir plus,
02:56 la réponse biotech que j'ai longtemps refusée,
02:58 aujourd'hui j'y vais parce que c'est peut-être le seul moyen pour moi
03:01 de stabiliser un peu mes besoins de consommation intérieure,
03:05 et donc la planète maïs va être très variée aujourd'hui
03:09 par ce qui se passe avec la Chine,
03:11 mais finalement aussi autour du sujet des biotech.
03:18 Le marché mondial du maïs aujourd'hui, le poids européen est somme toute relatif,
03:25 c'est-à-dire que l'Europe ne couvre pas ses besoins à 27,
03:29 heureusement que quelques pays comme la France, la Pologne, la Roumanie
03:35 ont encore des volumes de production non négligeables,
03:39 dans le cadre de la France on a une production qui pourrait être supérieure
03:42 mais qui ne l'est pas,
03:44 et on a aussi des vraies difficultés d'évolution climatique,
03:48 le sujet de l'eau évidemment,
03:49 qui montre que le maïs est souvent sous le feu des projecteurs,
03:52 parfois à tort, y compris sur l'eau,
03:54 on sait que c'est une plante qui est décriée sur l'irrigation,
03:56 alors que quand on prend le bilan comptable de l'eau par rapport au maïs,
04:00 c'est peut-être une plante qui est plus vertueuse que d'autres,
04:02 donc on a des idées très tenaces autour du maïs,
04:05 et finalement l'Europe, pour moi sur le maïs, doit se poser une question,
04:09 c'est est-ce que je suis sûr de pouvoir toujours compter sur l'Ukraine voisine
04:16 pour le maïs dont j'ai besoin ?
04:19 L'inconnu du conflit ukrainien, qui n'est pas fini,
04:26 fait dire que l'Europe du maïs aurait intérêt à continuer à produire tout ce qu'elle peut produire,
04:31 j'ajoute un petit élément,
04:32 c'est que quand bien même l'Ukraine demain,
04:34 le sujet ne serait pas celui du conflit qui persisterait,
04:37 est-ce que le maïs demain ukrainien,
04:39 dans une Ukraine tenue un peu par les milieux économiques états-uniens,
04:43 est-ce que le maïs ukrainien restera pour sûr non OGM ?
04:47 Et donc quelle acceptabilité demain en Europe
04:49 si le maïs ukrainien est autre chose que du non OGM ?
04:52 Pour le dire autrement, est-ce qu'on va réussir à faire en sorte
04:54 qu'il y a une partie du maïs ukrainien qui soit dédiée uniquement au marché européen
04:57 et donc avec des caractéristiques non OGM ?
05:01 C'est beaucoup d'inconnu,
05:03 mais au milieu de ces incertitudes-là,
05:08 je pense qu'il y a un gros travail au niveau européen
05:10 pour dire que sur le maïs, on ne peut pas passer à 100% de dépendance
05:14 vis-à-vis du marché extérieur.
05:17 Comment on produit encore du maïs en Europe demain ?
05:19 Et peut-être se dire oui, il y a des questions sociétales sur l'eau,
05:22 il y a des questions sur les territoires
05:24 et les évolutions climatiques dans ces territoires,
05:26 il y a un sujet d'acceptabilité sociétale sur les biotech, les NGT,
05:30 et donc est-ce que l'Europe va y aller ou pas ?
05:32 Et je pense que ce sont des questions inévitables à traiter, à ne pas contourner.
05:38 Par contre, ça veut dire aussi que dans la classe politique et les consommateurs,
05:42 on comprend aussi que le maïs, si on doit en produire en Europe,
05:44 ça demande quelques conditions,
05:46 de la mobilisation d'eau, de la mobilisation de terre,
05:49 de la mobilisation de moyens scientifiques,
05:51 parce que c'est une culture qui est exigeante,
05:54 mais qui aujourd'hui sur l'alimentation animale,
05:56 les usages industriels qui s'intensifient avec la bioéconomie
06:00 et dont l'Europe veut être le chantre
06:02 et les consommateurs sont bien heureux aujourd'hui de penser à cette bioéconomie circulaire,
06:07 plus un maïs quand même semence et un maïs alimentation humaine qui existe sur le marché.
06:13 On a une plante qui est assez étonnante par ses caractéristiques d'usage très démultipliée
06:19 et en même temps qui fait l'objet de controverses, de débats assez légitimes,
06:24 mais dans la séquence européenne de tâtonnement dans laquelle on est
06:27 qui montre bien que l'Europe doit essayer de produire encore du maïs,
06:31 peut-être en produisant un maïs qui ne ressemble pas au maïs du reste du monde,
06:35 surtout parce que celui qu'elle achète à certains dans le monde,
06:38 notamment l'Ukraine, pourrait demain ne pas être tout à fait identique que depuis 10-15 ans.
06:42 Ce qui est certain, c'est que le marché mondial du maïs a aussi cette tonalité géopolitique très forte
06:51 parce qu'on a évoqué l'hyperconcentration productive et exportatrice,
06:56 le jeu clé du pachyderme chinois pour les équilibres ou déséquilibres au niveau mondial,
07:03 une Chine qui stocke aussi beaucoup de maïs, il ne faut pas l'oublier, ce que l'Inde fait également.
07:07 Je rappelle toujours que tous ces réals confondus,
07:10 la planète a 4 mois et demi de consommation dans le monde avec ses stocks,
07:14 mais si vous enlevez les stocks de céréales, blé, maïs, riz de la Chine et de l'Inde,
07:20 il vous reste 4 semaines, ce n'est pas tout à fait la même affaire.
07:22 Donc en fait, ces deux pays ont fait deux choses que l'OMC a refusées,
07:26 c'est-à-dire soutenir les prix aux producteurs sur ces denrées stratégiques plus,
07:30 stocker massivement ces céréales et on a une dimension géopolitique du maïs
07:35 avec ce que j'ai évoqué dans le cas de l'Ukraine,
07:37 avec les questions que j'ai soulevées pour ce qui concerne l'Union Européenne.
07:40 Et prenons les États-Unis précisément,
07:43 on a un pays qui a exporté encore beaucoup de maïs à la Chine,
07:49 Trump ou pas Trump, Biden ou pas Biden, les affaires continuent
07:53 et côté chinois ou côté américain, on n'oublie jamais que les affaires first
07:58 et puis la diplomatie derrière fera un peu de tempête ou pas.
08:01 Bon, je pense qu'il y a peu de pays dans le monde qui mettent la morale
08:05 sur le devant de la scène des relations internationales,
08:07 c'est d'abord les intérêts premiers.
08:10 On a un Brésil qui s'est positionné du coup
08:14 par rapport à ces tensions quand même croissantes entre États-Unis et Chine
08:18 et on a un Brésil qui a plus que jamais dit à la Chine "comptez sur nous,
08:22 notre maïs, il est pour vous".
08:24 Et là aussi, on voit bien que géopolitiquement, ce n'est pas inintéressant
08:27 puisque quel que soit le président brésilien ces dernières années,
08:32 le corridor maïs Brésil vers la Chine, il est solide, il tient ses priorités.
08:37 Lula III, il est revenu et Lula III, il a confirmé qu'on ne tapait pas sur l'ami chinois,
08:42 surtout qu'il achète beaucoup de maïs et de soja au Brésil.
08:46 Et dans le cas des États-Unis, dernier point que je voudrais évoquer,
08:50 c'est la relation spéciale avec le Mexique.
08:52 Ce n'est pas inintéressant ce qui se passe
08:54 parce que les autorités mexicaines, sous pression un peu de la population,
08:57 ont commencé à remettre en question l'achat de maïs OGM.
09:02 Et donc de remettre en question les OGM dans la tortilla.
09:06 Tortilla qui est le plat star emblématique du Mexique,
09:11 un pays où les consommations de maïs sont importantes.
09:15 C'est un pays qui est parmi les gros acheteurs de maïs de la planète
09:18 et c'est un pays qui a 135 millions d'habitants aujourd'hui, le Mexique,
09:22 il ne faut pas oublier, grosse population,
09:24 population qui a énormément grandi.
09:26 Le Mexique a gagné 35 millions d'habitants sur 20 ans,
09:29 c'est-à-dire que malgré le départ éventuel vers les États-Unis,
09:33 il y a d'abord beaucoup de Mexicains en plus au Mexique, il ne faut pas l'oublier.
09:35 Ces Mexicains consomment beaucoup de maïs,
09:37 le Mexique achète de plus en plus de maïs
09:39 et on a, depuis quelques mois,
09:42 entre un discours politique qui a surfé sur certaines tendances sociétales,
09:46 finalement le maïs des États-Unis à base d'OGM, peut-être qu'on n'en veut plus.
09:51 Le comble du comble, c'est qu'on voit aujourd'hui Donald Trump
09:54 s'offusquer de ces tendances mexicaines sur le maïs
09:57 en disant qu'il faut que le maïs états-unien continue de circuler vers le Mexique,
10:02 mur pour les humains, mais par contre pas de barrière de l'autre côté.
10:06 Et pourquoi il défend ça ?
10:08 Parce que pour les producteurs de maïs aux États-Unis,
10:11 aujourd'hui le premier marché de très loin, c'est le Mexique,
10:14 bien avant la Chine.
10:15 Et si le marché mexicain se ferme,
10:17 il y a toute la filière maïs aux États-Unis
10:19 qui va quand même regarder de ça de près.
10:21 Et là aussi, on aura peut-être du coup une géopolitique
10:25 qui va s'affranchir de la morale, OGM ou pas OGM, la société,
10:29 et peut-être d'un côté un Mexique qui va devoir tenir une cohérence
10:34 par rapport à ce que le pays a déclenché ces derniers mois,
10:37 et puis de l'autre côté des États-Unis qui vont défendre des intérêts.
10:39 Et pour l'instant, le maïs états-unien, il aime descendre vers le Mexique.
10:42 [Musique]

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