• il y a 6 mois

Tous les jours dans Culture Médias, Thomas Isle dresse le portrait sonore de l'invité. Ce vendredi, c’est André Manoukian, auteur-compositeur et pianiste, pour son livre "Les Pouvoirs Extraordinaires de la Musique" publié le 20 mars.

Retrouvez "Le portrait sonore de l'invité" sur : http://www.europe1.fr/emissions/le-portrait-inattendu

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Transcription
00:00 J'ai la chance de recevoir un amoureux de la musique, un auteur, compositeur, chroniqueur, penseur...
00:06 Je ne sais pas si vous pensez à une autre rime en "eur" éventuellement pour vous caractériser.
00:10 Bonjour André Manoukian !
00:12 Merci d'être avec nous ce matin. On va allumer votre micro comme ça, ça permettra que nos auditeurs vous entendent.
00:18 Paul, s'il vous plaît, on allume le micro.
00:20 Bonjour André Manoukian !
00:22 Ah non, c'est bon, c'est bon ! Bonjour André Manoukian !
00:24 Merci !
00:26 Le bonjour le plus désiré quand même de l'histoire de la radio !
00:29 On va se faire baiser l'animal !
00:31 Merci d'être là avec votre clavier que vous allez pouvoir utiliser à votre guise tout au long de cette émission.
00:37 On va parler dans un instant de votre livre "Les pouvoirs extraordinaires de la musique"
00:41 dans lequel on apprend énormément de choses.
00:43 Mais d'abord, la tradition ici est de commencer par votre portrait sonore.
00:47 Mais alors, comme vous avez un clavier devant vous, je vous propose que ce soit vous qui improvisiez les sons de ce portrait.
00:52 D'abord, si je vous demande de nous jouer une petite musique qui évoque vos racines arméniennes, André Manoukian,
00:58 à quoi vous pensez spontanément ?
01:00 Alors, c'est une berceuse que me chantait ma grand-mère.
01:03 Il y a pas longtemps, enfin il y a une dizaine d'années à peu près,
01:08 une réalisatrice m'a demandé de faire la musique d'un documentaire sur l'Arménie.
01:13 Je dis "écoute, je connais pas grand chose" et puis j'ai joué ça,
01:15 elle m'a dit "c'est ça que je veux pour mon film".
01:17 Alors c'est une berceuse qui fait comme ça...
01:19 *Musique*
01:35 Vous voyez, on est toujours dans quelque chose d'un petit peu...
01:38 Il y a toujours un tout petit peu de tristesse.
01:40 On appelle ça la mélancolie heureuse.
01:44 Parlez-moi d'ailleurs un petit peu de votre grand-mère, Anouche,
01:46 parce qu'il paraît que c'est un peu d'elle que vient votre sens de la formule, André Manoukian.
01:50 *Rires*
01:52 J'ai appris ça...
01:54 Elle m'a élevé quand j'étais petit.
01:56 Elle faisait des feuilles de vignes farcies,
01:59 des tomates farcées, des courgettes farcées, des aubergines farcées...
02:03 A la fin on était farcis quand on mangeait tout ça.
02:06 Donc pour moi, c'était une grand-mère gâteau.
02:11 Et un jour, mon père, avant de partir, il y a pas très longtemps,
02:15 m'a dit "écoute, si tu veux savoir, voilà..."
02:18 Parce qu'il m'a rien raconté, quand je vous dis rien raconté,
02:20 c'est que tous les Arméniens de la diaspora ont tous la même histoire.
02:24 On est tous des enfants de survivants du premier génocide du XXe siècle.
02:29 Et il m'a dit "tiens, si tu veux savoir..."
02:31 Et j'ai lu le calvaire d'Anouche, elle s'appelait Anouche,
02:34 raconté par sa fille,
02:36 comme si les histoires de femmes ne se transmettaient que par les filles.
02:39 Moi, mon père me racontait l'histoire de son père,
02:41 donc du mari d'Anouche, qui lui avait été un héros, un grand combattant, etc.
02:46 Et quand j'ai lu son calvaire, je me suis dit
02:49 "en fait, je ne suis pas un petit-fils de survivant,
02:52 je suis un petit-fils de super-héros."
02:55 Et elle, c'est une super-héroïne,
02:56 il fallait avoir l'intelligence d'Ulysse et la force d'Hercule pour survivre à tout ça.
03:00 Et entre autres, elle a remarqué que le commandant turc du convoi qui la déportait
03:06 faisait sa prière cinq fois par jour, ce qui était rare à l'époque.
03:10 Du coup, elle est allée le voir, un jour elle a tout bravé,
03:13 elle lui a dit "tu as l'air d'être un homme pieux, au nom de ta foi,
03:17 comment peux-tu laisser se passer ces horreurs ?"
03:20 Parce que dès qu'ils arrivaient dans un village, ils étaient tous massacrés.
03:23 Et en fait, elle lui a parlé son langage.
03:26 Et je dis souvent, ma grand-mère, elle a inventé la PNL,
03:28 c'est-à-dire, vous savez, quand vous voulez vous faire comprendre de l'autre.
03:31 Et j'ai l'impression que c'est une espèce de truc de survie des Arméniens.
03:35 Quand vous avez vécu 500 ans dans un milieu hostile,
03:38 comprendre la langue de l'autre pour s'exprimer,
03:41 c'est une question de survie.
03:43 Donc voilà, moi j'ai toujours été un jazzman dans le monde de la variété
03:46 qui a essayé de survivre, et je pense souvent à elle en me disant
03:49 "on a peut-être ça dans les gènes".
03:51 - Et alors le piano, il est arrivé dans votre vie à six ans,
03:54 à l'Église arménienne de Lyon.
03:56 Vous vous souvenez d'un air que vous jouiez à l'époque ou pas ?
03:58 Vous avez ça en tête ?
03:59 - En tout cas, je me souviens de ce que jouait mon père.
04:02 Et je le dis souvent, mon père jouait du piano, mais pas bien.
04:05 Et ça c'est important, parce que du coup pour un enfant c'est prenable.
04:09 Et lui il jouait les inventions de Bach, la première qui fait comme ça.
04:13 Et je le fais souvent de temps en temps.
04:24 - Où je trouve votre père !
04:26 - Et puis alors ensuite, à l'âge de 13 ans, vous découvrez le pianiste de jazz,
04:31 Fats Waller, ça a été une révélation pour vous.
04:34 Vous vous êtes mis à reproduire à l'oreille son style, son "ragtime".
04:38 Vous pourriez nous faire un petit peu entendre ce que ça donne ?
04:41 Difficile ça !
04:58 - C'est difficile et en même temps, il y a du Jean-Sébastien Bach là-dedans.
05:04 Avec les accords diminués.
05:06 Ce qu'on appelle les accords de gospel.
05:09 Et la première fois que j'ai entendu ce disque-là,
05:11 chez moi on n'écoutait pas de jazz.
05:12 Mon père écoutait Beethoven et maman écoutait Schella.
05:14 Donc du coup, ça a été comme une fulgurance.
05:17 J'ai commencé le piano classique à l'âge de 6 ans.
05:19 J'ai joué Bach, Mozart, Beethoven et tout.
05:21 Et quand j'ai entendu ça, j'ai dit "mais c'est ça que je veux faire".
05:23 - Et alors vous avez monté un studio à Lyon,
05:25 vous écrivez des jingles au départ, des spots de pub avec Philippe Viennet.
05:30 Vous composez, lui il écrit les textes et les voix.
05:33 C'était Yann Folli qui était là avec vous.
05:36 Si je vous demande d'ailleurs pour finir,
05:37 quelle est la meilleure chanson que vous ayez composée pour Yann Folli ?
05:40 - Ah bah ça va être celle-ci !
05:42 - Tu vas me faire un petit peu chier là.
05:51 - Mais on le fait pas aussi bien.
05:58 - C'est joli quand vous chantez.
06:00 - Magnifique.
06:01 - Merci André.
06:03 - Et André a un léger penchant pour les voix féminines.
06:06 On va continuer à en parler.
06:08 - Il faut chercher des excuses.
06:09 - Non c'était pas bon, c'était pas bon, c'est tout.
06:12 - C'était mauvais, c'était mauvais.
06:13 On va parler de ce livre "Les pouvoirs extraordinaires de la musique".
06:15 On revient dans deux minutes sur "En Pas".
06:17 suite. 9h30, 11h.

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