On a l’habitude d’opposer les actes et les paroles. Mais parfois, dire, c’est faire, on ne peut même faire qu’en disant. Pour jurer, par exemple, il faut dire "je le jure". Quels sont les verbes performatifs et leurs limites ? Et celle entre performatif et magique ? Laélia Véron vous ex
plique.Retrouvez toutes les chroniques linguistes de Laélia Veron dans « Le grand dimanche soir » sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-linguiste-de-laelia-veron
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AmusantTranscription
00:00 C'est un moment d'émotion pour moi.
00:02 C'est toujours un moment d'émotion.
00:03 Pour vous, ça va être beaucoup de réflexion.
00:05 Moi, la réflexion va être peut-être un petit peu plus difficile parce que c'est l'émotion.
00:08 C'est la linguistique, c'est la sémantique, c'est la stylistique, c'est tous les trucs
00:11 qui me font des trucs dans le bas du dos.
00:13 J'adore ça, c'est ma passion.
00:14 Et c'est avec la Elia Veyron.
00:16 Merci Charline.
00:19 Aujourd'hui, je vais vous parler Charline de pragmatique et même de performative.
00:26 Performative, ça peut nous faire penser à performance, performer au fait de faire, de
00:32 mener une action à bien.
00:33 Et on va se demander dans cette chronique quand est-ce que le langage peut jouer ce
00:36 rôle et comment.
00:37 Parce que vous savez, d'habitude, on différencie les actes et les paroles, parole, parole.
00:41 C'est une opposition classique.
00:43 Le langage serait du côté du symbolique et les actions du côté du concret, du réel.
00:48 Mais il y a des moments où dire c'est faire, pour reprendre le titre de l'ouvrage d'un
00:52 philosophe du langage, Austin.
00:53 Il y a même des moments où on ne peut faire qu'en disant.
00:56 Par exemple, comment promettre en disant « je te le promets ». Après, si on tient sa
01:01 promesse ou non, c'est une autre question.
01:02 On a besoin quelquefois de mots pour que l'action soit accomplie, que ce soit dans
01:16 la vie privée, je te demande pardon, je te remercie, ou dans des rituels plus publics,
01:21 comme le baptême, le mariage, qui passent par des mots.
01:23 Ce qui accomplit par exemple l'événement du mariage, c'est la profération des mots
01:27 « je vous déclare unie par les liens du mariage ».
01:30 Alors, cette notion de performatif a été critiquée, notamment par le sociologue Bourdieu,
01:35 qui a rappelé que ces paroles ne sont pas efficaces toutes seules, qu'elles dépendent
01:38 des institutions qui décident quelles paroles, dans quel contexte, sont légitimes pour agir
01:43 ou non.
01:44 Par exemple, si en soirée vous avez bu un coup de trop et que vous décidez de marier
01:46 la cigarette avec la bouteille de bière et que vous pouvez brailler « je vous déclare
01:50 unie par les liens du mariage », est-ce que vous faites vraiment quelque chose ? Est-ce
01:54 que l'énoncé peut être performatif dans l'économie, celle du discours, hors du contexte
01:58 social ? Ça c'est contestable.
01:59 Mais donc c'est compliqué de savoir à quel point les conditions extérieures sont nécessaires.
02:05 Par exemple, au hasard, vraiment au hasard, Charline, promis, si Darmanin disait « je
02:11 démissionne », promis Charline, quand Poutou sera au pouvoir, je prendrai comme exemple
02:15 la démission de Poutou pour équilibrer, parce que je sais que c'est important.
02:18 Si Darmanin dit qu'il démissionne, est-ce que ça suffit à que sa démission soit effective
02:22 ? Quelquefois les ministres vont nous dire, par exemple Sylvie Rotailleau lors de la loi
02:26 immigration « ah ben non, moi je voulais vraiment m'opposer à cette politique mais
02:29 ma démission n'a pas été acceptée par le président donc je reste en place et j'applique
02:33 finalement cette politique ». Et là on peut se poser la question « mais t'as vraiment
02:37 dit que tu démissionnais ? » S'il ne suffit pas de dire « je démissionne pour que ce
02:40 soit effectif », qu'est-ce qu'il a fait en plus ? Aurélien Rousseau, lui qui avait
02:43 vraiment démissionné, il a pissé sur la moquette ? Ou est-ce qu'il a simplement
02:47 pris les mots au sérieux ? Si on reprend l'exemple de la promesse, vous savez, quelquefois
02:51 quand on jure, on a besoin d'insister sur les mots, d'en rajouter « croix de bois,
02:54 croix de fer, si je mens je vais en enfer » ou quand on fait jurer l'autre, on prend
02:58 des garanties sur ce qui lui est précieux.
02:59 Tu le promets ? Sur ton honneur ? Sur la tête de tes enfants ? Sur le cop de Benalla ? Et
03:05 ça peut marcher.
03:06 Il y a des gens qui ne promettront pas un mensonge de peur d'être puni, que la contrepartie
03:11 promise par ces mots se réalise.
03:13 Et là, on dépasse le performatif pour aller vers le magique et on peut quelquefois regretter
03:18 que celles et ceux qui nous promettent beaucoup n'ont plus trop l'air de croire en la
03:21 magie.
03:22 Laélia Veyron et Sacremy Clagoustique, que vous pouvez podcaster aussi bien sûr.
03:29 Merci chère Laélia.
03:30 (Applaudissements)