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Vendredi 26 avril 2024, SMART BOURSE reçoit Michel Ruimy (Économiste, SPAK)

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00:00Le dernier quart d'heure de SmartBourg, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13Une fois par mois, nous avons rendez-vous avec Michel Rumi, économiste associé chez
00:17SPAC pour un exercice de décryptage économique.
00:20Bonsoir Michel.
00:21Bonsoir Édouard.
00:22Nous sommes le 26 avril, si je ne dis pas de bêtises, et tiens, on parle d'agence de
00:26notation avec vous ce soir Michel.
00:29C'est la saison pour en parler.
00:31C'est quoi une agence de notation Michel ?
00:33Alors en fait, ce qu'il faut bien voir, c'est qu'il y a à peu près 130 agences de notation
00:37dans le monde, mais bien sûr on connaît les trois plus grandes, c'est-à-dire Fitch,
00:42Moody's et Standard & Poor's, et qui détiennent à elles seules à peu près 90% du marché
00:48de la notation.
00:49Donc en ce sens, c'est pour ça qu'on les connaît très bien, et en fait, afin de desserrer
00:54cette mainmise, cet oligopole comme on l'appelle en économie, eh bien l'ABCE a récemment,
01:03c'était en novembre 2023, agréé une agence européenne qui s'appelle Scope Ratings,
01:08qui d'ailleurs, dont le siège est à Berlin, et donc du coup, ce qu'il faut voir, c'est
01:13que parmi ces 130, première des choses, il y en a très peu qui notent les souverains.
01:18Donc bien sûr, on entend les trois plus grandes.
01:21Alors, ce Citi, c'est quoi ?
01:23Première des choses, c'est que quand on prête, on a un risque, et donc ce risque
01:28a un prix qu'on appelle prime de risque, et l'idée, c'est que cette prime de risque
01:33va s'ajouter aux taux d'intérêt, on va dire, qui sont appliqués.
01:37Et donc, une agence de notation, son rôle et sa mission, c'est d'abord une entreprise
01:43privée, ce qu'il faut bien voir, qui va estimer la capacité d'un émetteur, aussi
01:48bien un État, une entreprise publique ou privée, ça peut être une ville éventuellement,
01:52à rembourser sa dette.
01:54Donc, en quelque sorte, elle évalue de manière synthétique et statistique, je dirais, sa
02:00solvabilité, et donc, dans une certaine mesure, elle évalue cette prime de risque.
02:04Et qu'est-ce qu'il faut voir, c'est que plus cette note est élevée, et plus la probabilité
02:10de faire faillite est faible.
02:11Mais ce qui est très important par rapport aux analystes financiers, c'est que s'il
02:15ne s'agit pas d'une recommandation, dans la mesure où ce n'est ni de recommandation
02:19d'achat, ni de vente, et donc, devant cette impartialité, en fait, on s'aperçoit que
02:26ces agences de notation, et notamment leur notation, sont des marqueurs de marché, et
02:31donc, ils sont faits des références.
02:33Et donc, dans une certaine mesure, on peut dire que les agences de notation sont des
02:38acteurs indirects de l'avenir, de certains acteurs économiques.
02:41Qu'est-ce qui détermine la notation formée, formalisée par ces agences, monsieur ?
02:47Alors, première des choses, c'est que la notation financière n'est pas, je dirais,
02:52l'application des formules mathématiques, comme ceci, etc.
02:55C'est une forme de prévision dont la pertinence va dépendre, en fait, de la situation conjoncturée.
03:02Et donc, si on prend, par exemple, une entreprise, elle va s'appuyer sur des caractéristiques
03:07financières et économiques.
03:09Et, première des choses, elle va s'attacher à avoir des paramètres quantitatifs, ça
03:14va être le bilan, ça va être la capacité, je dirais, de générer des revenus, ça va
03:19être également la rentabilité financière, et elle va comparer ces paramètres avec d'autres
03:26acteurs, je dirais, comparables, du secteur.
03:29Les pairs, on appelle.
03:30Voilà, exactement.
03:31Par contre, pour un État, ça va être le PIB, ça va être l'inflation, ça va être
03:35l'endettement public, ça va être d'autres paramètres macroéconomiques.
03:38Et puis, également, il va y avoir des facteurs qualitatifs, notamment, c'est la qualité
03:43de la gouvernance, on va dire aussi la responsabilité sociale de l'entreprise, etc., etc.
03:48Et pour les États, ça va être la crédibilité des politiques engagées et surtout la soutenabilité
03:55et bien sûr, la stratégie à venir.
03:57Et ce qu'il faut bien voir, c'est qu'en plus, parce que nous sommes dans des États souverains,
04:01eh bien, il y a des paramètres plus globaux, par exemple, on va dire, les tensions sociales
04:06éventuelles.
04:07C'est lorsque, on a parlé notamment de la France il y a quelques mois, eh bien, on a
04:11pris en place, on va dire, c'est, je dirais, les tensions qui pouvaient juger sur le financement
04:18des retraites.
04:19Dans quelles mesures ces notations sont-elles fiables ? Ou autrement dit, est-ce que ces
04:24notations sont faillibles dans une certaine mesure ?
04:30C'est ça, le fait, c'est que ces notations, d'abord, elles ne sont pas infaillibles, dans
04:36la mesure où, première des choses, elles varient au cours du temps et c'est surtout
04:43qu'elles s'appuient sur, on va dire, des évaluations humaines, donc qui sont soumises, on va dire,
04:48à des, je dirais, variations et surtout des erreurs.
04:51La première erreur, la plus remarquable, c'était il y a à peu près 15 ans, eh bien, lorsqu'elles
04:58ont apprécié la situation de Lehman Brothers, elles ont considéré que cette banque était
05:04si grande que l'État ne pouvait pas, ne pas soutenir cette, on va dire, cette banque
05:08systémique que j'utilisais et en fait, elles se sont ratées, entre guillemets, et c'est
05:14ça qui fait qu'on peut dire que ce n'est pas systématiquement quelque chose de rationnel.
05:19C'est sûr qu'il y a eu une décision prise, au niveau notamment du Trésor américain,
05:24sur Lehman qui, effectivement, a complètement balayé la notation, enfin, les arguments
05:28que les agences pouvaient avoir sur la notation de Lehman Brothers.
05:32Qu'est-ce que ça change d'être dégradé ? Alors, je rappelle, il y a un système de notation et souvent,
05:37on attache également des perspectives aux notations, donc, on peut soit réévaluer
05:43la perspective qui est attachée à la notation, soit la notation elle-même.
05:47Qu'est-ce que ça change dans le cadre d'un État souverain, en l'occurrence, Michel ?
05:51Alors, de manière générale, l'abaissement d'une notation et des, on va dire, des perspectives,
05:56si vraiment elles sont négatives, va se caractériser par une remontée des taux d'intérêt.
06:01Mais, ce qu'il faut bien voir, ce n'est pas réglementaire, c'est, en fait, une relation de cause à effet.
06:06Ce qui peut être logique dans la mesure où le prêteur peut se dire, ben tiens, je prends un risque,
06:11donc, ça serait bien de pouvoir rentabiliser, on va dire, la...
06:14Alors, ce qui va se passer, c'est que ça va poser des problèmes pour le financement des politiques publiques,
06:20ça va être aussi la capacité à assainir les finances publiques également,
06:25et puis, surtout, à mener ces stratégies.
06:26Et puis, dans une certaine mesure, une dégradation amène aussi, je dirais, une perte de souveraineté,
06:32puisque je suis totalement dépendant des extérieurs, puisque, par exemple, dans le cas de la France, à peu près,
06:37il y a à peu près 55 à 60% de la dette qui est achetée par le reste du monde.
06:42Oui, oui, par l'étranger.
06:43Et donc, c'est pour cela que, dans une certaine mesure, eh bien, les agences de notation sont souvent accusées
06:49de contribuer à détériorer la situation qui était déjà pas terrible, mais...
06:54C'est procyclique, comme on dit.
06:55Exactement. Je n'osais pas trop le dire, mais tout à fait.
06:59On a le droit, quand même, Michel.
07:00Oui, oui, et tout à fait.
07:01On s'en souvient, l'engrenage crise souveraine, pour ceux qui la suivaient de près,
07:06c'était vraiment, effectivement, ce côté procyclique...
07:09Tout à fait, et ça a été trop rapide, oui, ça a été rapide.
07:13Et la Grèce est devenue très spéculative.
07:17Justement, là, quand on est dans le registre des critiques qu'on peut émettre sur le fonctionnement de ces agences,
07:23quelles sont les critiques qui vous paraissent pertinentes, légitimes, rationnelles, Michel ?
07:28C'est ce qu'il faut. Il y a deux grandes critiques, d'abord.
07:31Premièrement, un conflit d'intérêt, dans la mesure où le modèle économique qu'elle développe,
07:35c'est-à-dire que c'est le principe de l'émetteur-payeur, on va dire,
07:39dans la mesure où, eh bien, il ne faut pas oublier que l'émetteur, c'est son client,
07:42et donc, d'un certain côté, on n'ose pas trop être trop, on va dire, terrible dans la notation,
07:48et donc, on fait attention.
07:49Donc, c'est peut-être un problème de conflit d'intérêt.
07:52Et puis, deuxième chose, aussi, c'est la pertinence des notations,
07:54qui, en matière d'évaluation du risque souverain, par exemple, en 2011,
07:59les États-Unis, alors que Standard & Poor's les avait dépréciés,
08:03eh bien, les États-Unis ont dit « non, non, je ne suis pas d'accord, vous faites de mauvais calculs »,
08:06et en fait, tout le monde n'avait pas pris les mêmes bases de calculs, en quelque sorte.
08:13Et en même temps, surtout, c'est le fait qu'elles n'ont pas su anticiper, on va dire,
08:19les dégradations de certains émetteurs, c'est le cas de la crise asiatique,
08:22c'est le cas de Enron, c'est le cas des subprimes,
08:24et il ne faut pas oublier, pour l'anecdote, que quelques semaines avant, je dirais,
08:30la faillite de Vivendi Universal, elle était estampillée « AAA ».
08:35Et donc, c'est ça qui pose problème.
08:36– Je précise, sous votre contrôle, Michel,
08:38mais les souverains ne payent pas pour être notés.
08:41– Non, tout à fait.
08:42– Ce qui est quand même une grande différence par rapport à des émetteurs privés.
08:44Et pour revenir à l'EMA, je me souviens, effectivement,
08:46c'était le phénomène de « rating shopping ».
08:48C'est-à-dire que, évidemment, on titrisait, « à tout va », etc.
08:52et en fait, on allait voir les agences, S&P, Moody's ou Fitch,
08:55je vais voir S&P, est-ce que vous me notez ça ? Combien ?
08:58Ah, vous ne me le mettez pas triple A ? Bon, ce n'est pas grave,
09:00je vais aller voir chez Moody's, je paierai Moody's pour me faire ma notation.
09:03Donc, ce qu'il y a effectivement…
09:05– Oui, entretenir certains doutes.
09:07– Oui, entretenir certains doutes autour de ces CDO.
09:13– Et c'est ça qui pose problème.
09:15– Eh bien, bien sûr.
09:16Comment est-ce qu'ils ont géré ce sujet des conflits d'intérêts
09:21depuis la grande crise ?
09:22– Alors, ce qui se passe, c'est qu'en Europe, en fait,
09:24c'est l'Union européenne qui a cherché justement à encadrer cela.
09:28Et donc, qu'est-ce qu'elle a indiqué, notamment ?
09:30Première des choses, c'est que les agences doivent être enregistrées
09:33dans les pays où elles exercent, on va dire, d'une certaine manière.
09:36Et deuxième chose, il faut que leur méthode soit plus transparente
09:39dans la mesure du possible, parce que c'est toujours difficile
09:41après de donner sa méthode.
09:43Et donc, l'idée est qu'on les surveille et ça peut aller jusqu'à,
09:48on va dire, perdre leur accréditation.
09:50Et puis, bien sûr, à des sanctions.
09:51Il ne faut pas oublier qu'en 2021, eh bien, c'était Moody's
09:55qui avait payé à peu près un peu moins de 4 millions d'euros
09:58parce que son actionnaire principal, c'était Berkshire Hathaway,
10:02ou alors une société, qui avait, je dirais, des parts dans le capital
10:08de certaines sociétés qui avaient été notées.
10:10– Ah oui, je comprends.
10:12– Et donc, c'est pour ça.
10:13– Ça coûte combien une notation ?
10:14Pour finir, il nous reste 30 secondes, Michel.
10:16– Difficile d'évaluer.
10:17– C'est quoi la clé du tarifaire notée par Moody's ?
10:21– L'idée, c'est que c'est toujours quand on parle d'argent,
10:24on n'en parle pas.
10:25Mais certaines estimations font qu'il y en a qui s'appellent
10:29les quelques dizaines de milliers pour une PME,
10:31à des millions d'euros pour une banque importante.
10:35Je prends un exemple, la ville de Paris avait budgété
10:38un million d'euros pour, je dirais, sur 4 ans,
10:40pour évaluer son risque de crédit.
10:42– D'accord, notée par les agences de notation,
10:44on note effectivement des collectivités locales
10:47comme d'autres émetteurs, n'importe lesquels.
10:49Merci beaucoup Michel, merci pour cet exercice de pédagogie
10:52autour des agences de notation en ce 26 avril.
10:56Très bon week-end, Michel Ruby, économiste associé de SPAC,
10:59qui était avec nous l'invité de ce dernier quart d'heure de SmartBourse.

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