Vendredi 25 octobre 2024, SMART BOURSE reçoit Marc-Olivier Strauss-Kahn (directeur général honoraire, Banque de France) et Anthony Benhamou (Économiste et maître de conférences, Sciences Po Paris)
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00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13Parlons d'économie et d'éducation économique ce soir.
00:17L'éducation économique pour tous, c'est le sens du livre qui a été publié récemment
00:22aux éditions Ellipse par deux économistes, Marc-Olivier Stroskan, directeur général
00:27honoraire de la Banque de France par ailleurs, et Anthony Benhamou, professeur d'économie
00:32dans différentes institutions.
00:34Leur livre s'intitule « On parie que vous allez aimer l'économie », je l'ai dit
00:39aux éditions Ellipse, les deux auteurs sont venus nous en parler il y a quelques jours
00:42à peine dans Smart Bourse.
00:43En fait on part d'un constat assez simple, les français adorent l'économie, ils aiment
00:51l'économie même s'ils ne la comprennent pas toujours, mais ils ne savent pas qu'ils
00:55en font tous les jours.
00:56Et donc on a voulu leur montrer qu'ils en font tous les jours et on a voulu leur faire
01:01comprendre qu'en faisant de l'économie, ils deviennent plutôt acteurs de la société
01:05non plus de simples spectateurs.
01:07Et donc pour ça on a fait un ouvrage assez ludique et pédagogique, et on a une méthode
01:13qui est assez simple, qui tient sur trois termes, d'abord on simplifie, on illustre
01:19et puis on explique avec un ton décalé, et d'ailleurs sur le ton décalé j'en
01:23veux pour preuve notre couverture, où on a un faucon et une colombe dans la même
01:27voiture et avec deux volants, un volant chacun, et si l'un tourne le volant d'un sens et
01:35l'autre dans l'autre sens, c'est le tête à queue assurée, donc il va falloir trouver
01:38des compromis.
01:39J'ajoute juste un dernier point Grégoire, ce n'est pas qu'un livre sur l'ornithologie,
01:44on a également une chouette qui a fait passer le bouquin, qui est Christine Lagarde.
01:48Qui s'est présentée telle une chouette dans cette animalerie des banquiers centraux.
01:53Qu'est-ce qui vous a poussé à participer, à écrire ce livre Marc Olivier ? Encore
01:59une fois, quels sont les objectifs que vous poursuivez avec cet ouvrage ?
02:02Alors c'est un peu la même chose, je vais compléter ce qui a été dit pour qu'on
02:07comprenne un peu ce que c'est cette histoire de faucon, de colombe et de chouette.
02:12Et de chouette aujourd'hui !
02:13La caricature, c'est que le faucon il est strict, il est rigoureux, notamment dans
02:18la lutte contre l'inflation, mais ce n'est pas nécessairement dire qu'il est méchant
02:22parce que l'inflation c'est une taxe, notamment sur les plus pauvres qui ne peuvent pas épargner.
02:27La colombe au contraire, elle est plutôt arrangeante et elle a peur du chômage, elle
02:32a peur de la récession, elle veut éviter même la déflation, c'est-à-dire un système
02:38de baisse des prix qui s'auto-entretient et qui a mené dans le passé, en 1930, à
02:43la Grande Dépression et à la Deuxième Guerre mondiale.
02:46Donc c'est un peu les rôles qu'on a joués par moments en discutant parce qu'en économie
02:51il n'y a pas qu'une seule façon.
02:52Qui a joué le faucon ? Qui a joué la colombe ?
02:54Ça dépend des sujets.
02:55D'accord.
02:56C'est comme les Daft Punk, on ne sait pas qui était derrière l'autre.
02:59C'est interchangeable.
03:00Et quand on a posé la question à Christine Lagarde, qui nous a fait la même idée
03:04de préfacer, et on lui a demandé s'il était plutôt faucon ou colombe, elle a choisi
03:09un autre rapace mais qui est sage et perspicace, c'est la chouette.
03:13Et qui a la capacité, je crois, je ne suis pas un spécialiste, mais de tourner la tête
03:17effectivement au moins dans les deux sens.
03:19Mais ça n'en vaut pas autant d'être une jury ouette.
03:20Non.
03:21Mais moi, j'ai lu la préface de Christine Lagarde bien sûr, j'ai lu aussi la postface
03:24de Peter Pratt.
03:25Très intéressant parce que je rappelle, Peter Pratt, pour les plus jeunes, ça fait
03:28partie du triumvirat qui, moi je le dis comme ça, qui a sauvé l'euro en 2012, ce sont
03:33les trois piliers du whatever it takes, Mario Draghi, Benoît Curé et Peter Pratt qui était
03:36chef économiste de la Banque Centrale Européenne à l'époque.
03:39Il réagit à l'idée des faucons et des colombes.
03:42Il dit, c'est marrant parce qu'on m'a toujours classifié comme une colombe alors
03:45que moi-même, je me considère comme faucon dans le sens où quand le risque déflationniste
03:50était tellement important en zone euro telle qu'on l'a vécu, moi je mettais toute mon
03:55énergie justement pour atteindre l'objectif de 2% tel un faucon.
03:59Il se voyait lui-même comme un faucon à l'époque.
04:01Et donc, c'est pas une animalerie tout ça, c'est pour rendre les choses concrètes,
04:06parler avec des termes simples, alors ça intrigue un petit peu aussi, et on a essayé
04:10d'avoir très souvent, de raconter des histoires et d'avoir des images parlantes.
04:16Alors c'est celles connues de l'inflation, parce que l'inflation ça peut être dangereux
04:22aussi, on l'a vu récemment, et cette image que lorsqu'elle sort du tube de dentifrice
04:27c'est difficile de y remettre, les banques centrales sont en train d'y arriver, on a
04:31vu ce dessin de Peter Pratt qui jongle, fait par l'IA, c'est ça Marc-Olivier ?
04:41C'est en fait Anthony qui a demandé à l'IA de faire, mais peut-être qu'il continue.
04:44Oui, j'ai demandé à l'IA, en fait l'objectif c'était, à un moment donné on a senti
04:48qu'on était dans beaucoup de jargon un peu monétaire, on s'est dit on va faire
04:52une pause, il faut que le lecteur aussi fasse une pause, et pour amuser le lecteur on va
04:55demander à l'IA de nous représenter un banquier central en train de jongler avec
04:58des sigles monétaires qu'on explique par ailleurs.
05:00Et surprise, l'IA nous donne un banquier central qui ressemble à Peter Pratt.
05:06C'est incroyable.
05:07Quand on a montré ça à Peter, lui-même était très ravi de voir ça.
05:11Oui, il n'y a pas eu de connivence entre vous et l'IA pour aboutir à ce qui ressemble
05:15très fortement, je dois le dire, au portrait de Peter Pratt.
05:19Qu'est-ce qui fait peur aux Français ? Christine Lagarde, la première ligne de sa préface
05:23elle cite ce chiffre, 80% des Français s'intéressent à l'économie, très bonne nouvelle, mais
05:28les seuls 34% se pensent bien informés et je crois qu'ils sont une quinzaine à penser
05:32maîtriser les concepts économiques.
05:35J'ai l'impression que l'économie fait peur.
05:38Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ? Et comment est-ce que vous expliquez cet écart
05:42entre l'amour déclaré des Français pour la chose économique et la réticence ou les
05:49freins qu'ils peuvent avoir à se penser informés sur les sujets économiques ?
05:53L'amour déclaré, pas vraiment, c'est pour ça qu'on les y pousse.
05:57L'intérêt marqué, oui, et comme l'a expliqué auparavant Anthony, c'est parce qu'on la
06:03vit au quotidien.
06:04On est tous des Monsieur Jourdain de l'économie, on fait de l'économie sans le savoir, vous
06:07l'avez dit.
06:08Exactement.
06:09Après, elle est rébarbative, elle est souvent très mathématisée et ça, ça fait peur
06:13à beaucoup de gens.
06:14C'est la faute à qui ça ? Aux économistes, Marc Olivier ?
06:17Une branche de l'économie, effectivement, a fait ça et à part dans un ou deux chapitres
06:23un peu théoriques, on a vraiment minimisé les formules mathématiques.
06:27Il faut reconnaître que parfois, une formule mathématique simplifie la présentation.
06:31Donc, pourquoi s'en priver ? Mais on a beaucoup recouru à des histoires, à des images.
06:36Il y en a une autre, on n'ira pas dans le détail, mais il y a un concept en économie
06:40qui a consisté à mettre beaucoup de liquidités dans l'économie après la première grande
06:46crise récente, c'est-à-dire la crise financière mondiale.
06:49Puis, pendant la pandémie, ça s'est appelé en anglais le quantitative easing ou bien
06:55l'accommodement quantitatif, ce qui consiste à mettre beaucoup de liquidités et puis
06:59on peut, à l'inverse, la retenir.
07:00La reprendre.
07:01Et donc, quand on l'explique ici, on fait l'image d'une baignoire, tout simplement,
07:05qui remplit plus ou moins de liquidités, un robinet qu'on ouvre et qui en ajoute, ça,
07:10c'est la liquidité injectée par la banque centrale et puis au fond, le bouchon qu'on
07:14enlève lorsqu'on veut la retirer, c'est ce qui se passe actuellement, pour réabsorber
07:19cet excès de liquidités qui a été donné à l'économie parce qu'on ne savait pas
07:24de combien elle en avait besoin.
07:25On parle souvent de plomberie, mais je trouve que les images physiques, mécaniques, automobiles,
07:31moi aussi, ça fait 15 ans que je parle de sujets complexes, etc., j'essaye de trouver
07:35des images et il y a toute une gamme d'images qui s'offrent à nous et qui, je pense, permettent
07:39de rendre accessible sans dénaturer le propos économique.
07:43Comment on enseigne mieux l'économie aujourd'hui ? Anthony, vous êtes tous les deux enseignant
07:48et j'aimerais bien que vous nous expliquiez votre démarche, alors que ce soit peut-être
07:51face au public de Sciences Po, mais face à d'autres publics qui ne sont pas forcément
07:54destinés justement à l'acquisition de ces choses-là.
07:59C'est vrai que Marc-Olivier et moi, on enseigne à un public qui a envie de comprendre l'économie
08:05mais on dispense aussi des conférences, que ce soit à des chefs d'entreprise qui vivent
08:09au quotidien, en fait, le carnet de commandes, en fait, quand par exemple la banque centrale
08:12a remonté ses taux à partir de 2022, ça a directement impacté les chefs d'entreprise
08:17et ils ne comprenaient pas, mais pourquoi la banque centrale remonte les taux ? Qu'est-ce
08:20qui se passe ? Pourquoi le prix des matières premières a augmenté ? Donc il faut pouvoir
08:23adapter sa façon de parler de l'économie en fonction du public, donc on le fait auprès
08:27des chefs d'entreprise, on le fait auprès des étudiants et on le fait aussi maintenant
08:31auprès des enfants avec cette association que j'ai fondée en 2022 qui s'appelle A3E,
08:35Agir pour l'éducation économique des enfants, où on intervient dans des classes, l'objectif
08:40c'est de rentrer dans le monde des enfants, ce n'est pas de les faire rentrer, en tout
08:42cas dans un premier temps dans un autre monde, et de leur expliquer des choses, pas compliquées,
08:49mais sur lesquelles ils vont être confrontés tout le long de leur vie par exemple.
08:52C'est quoi un concept qu'on fait passer aux enfants ?
08:54La formation des prix, la formation des prix, et donc là on va leur expliquer rareté et
08:58utilité, on va leur expliquer le concept de marge, on va leur expliquer la concurrence
09:02et l'offre et la demande.
09:03Tout ça en entrant dans le monde des enfants, typiquement, on va leur présenter une planche
09:08où on aura une carte Pokémon, première édition, drague au feu, etc., qui a été
09:12adjugée à plus de 420 000 euros aux enchères à Londres en 2018, et puis une bouteille
09:16d'eau à 2 euros.
09:17Et puis on leur demande « lequel est le plus cher selon vous ? ». Alors comme on est rentrés
09:20dans le monde des enfants, ils savent très bien que c'est la carte Pokémon, on fait
09:25disparaître notre bouteille d'eau, et puis on refait apparaître une bouteille d'eau
09:27dans un désert aride.
09:28Et là en fait, ils sont tous prêts à donner leur carte, donc une bouteille d'eau vaut
09:32plus que 420 000 euros.
09:34Donc là, on aborde la rareté, l'utilité.
09:36Le prix, la valeur ?
09:38La valeur aussi.
09:39On fait ça aussi sur les marges, avec des choses qui parlent aux enfants, des hamburgers,
09:44etc.
09:45Mais on entre à chaque fois dans leur monde, avant de les faire entrer dans notre monde,
09:47notamment à Citeco.
09:48Mieux enseigné, c'est aussi enseigné, comment dire, ces concepts, toutes ces notions dès
09:54le plus jeune âge.
09:55L'enfant n'a pas de limite par rapport à ça.
09:58Il n'y a pas de limite.
09:59Je vais évoquer là, parce qu'il a fait la transition quasiment, Citeco, la cité de
10:02l'économie, où on retrouve cette histoire de la rareté qui est empruntée à une image
10:08d'Adam Smith avec un diamant et un verre d'eau.
10:11Et ça parle énormément aux enfants quand ils viennent visiter, mais aussi aux plus
10:15grands.
10:16Et donc, cette cité de l'économie qui est à Paris, qui est une ancienne succursale
10:20de la Banque de France, dans un bâtiment magnifique, néo-gothique, rien que pour les
10:25gens, le visite pour l'architecture et le patrimoine, il est plein de numériques.
10:31Il y a des jeux qui amènent à s'engager, et de tous âges.
10:34On peut y emmener des enfants, même l'exposition Astérix, c'est ça, Marceau-Guillet ?
10:41Anthony est actuellement sollicité pour nous aider, je dis nous, parce que je continue
10:46à être dans le processus, à créer un espace enfant-famille qui n'apparaîtra que l'année
10:52prochaine.
10:53C'est la cité de la Villette, quoi !
10:54C'est la cité de la Villette de l'économie !
10:56Et dans Paris !
10:57Et dans Paris !
10:58Et puis il y a d'autres actions qui doivent être faites, on ne va pas s'étendre là-dessus,
11:02mais sur les collégiens, parce que les enfants c'est bien, les terminales ou les secondes
11:07de l'économie, pas tous, pas toujours, les étudiants s'en occupent, les entrepreneurs,
11:13mais les collégiens aussi, et là il y a une démarche d'acquisition d'un passeport
11:18financier qui est lancé par la Banque de France.
11:20Un chapitre qui vous parlait d'actualité à nous vendre, Anthony, Marc-Olivier, vous
11:26avez chacun une minute.
11:27Alors il y en a un qui vient, et il y en aura d'autres après, c'est celui sur la dérive
11:33des finances publiques, parce que c'est d'actualité, avec l'idée que la dette, sa publique, elle
11:41peut avoir une utilité, parce que l'État peut faire des investissements qui feront
11:44de la croissance future, mais que pour autant c'est un fardeau à porter, on le ramène
11:49à la capacité à rembourser, c'est-à-dire le flux de production chaque année, le PIB,
11:55et à ce moment-là on essaye de le stabiliser.
11:58Cette dette, elle est créée par une accumulation de déficit depuis 50 ans, et actuellement
12:05on a une croissance qui ne fait que 3%, à peu près, en potentiel, puisque 1% de croissance
12:11réelle, 2% d'inflation une fois qu'on y est revenu, et donc c'est logique qu'il
12:17faille revenir d'un déficit qui est de 6% à 3%.
12:20Après il y aura un problème sur les taux d'intérêt, et actuellement c'est un peu
12:23inquiétant, parce que la France est challengée sur sa capacité à ramener progressivement
12:32ce chiffre.
12:33Mais il y a donc une transition sur d'autres chapitres aussi.
12:36Tu m'as piqué du coup le… C'était celui que vous vouliez citer Anthony ! Il faut
12:39en trouver un autre alors ! Non mais c'est facile, tu parlais de dette
12:42publique, le ratio de la dette c'est la dette sur PIB, donc il y a le chapitre sur
12:45la croissance, comment on fait de la croissance, et comment on fait de la croissance dans ces
12:48nouveaux environnements aussi, où on a des contraintes, des transitions actuelles où
12:52il faut une croissance soutenable, durable, donc le chapitre 2 de mémoire, qui s'appelle
12:57« De l'état stationnaire à la stagnation séculaire ? ».
13:00On parie que vous allez aimer l'économie, c'est le livre co-écrit par Marc-Olivier
13:10Strauss-Kahn et Anthony Benhamou, paru aux éditions Ellipse.
13:13Les deux auteurs étaient l'invité de Smart Bourse il y a quelques jours sur Bsmart4change.
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