Éric de Riedmatten reçoit un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique…
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00:00 On connaît la polémique sur les pesticides. La France est totalement opposée, vous le savez, à l'utilisation des néonicotinoïdes.
00:08 Ça concerne les betteraves entre autres, avec les conséquences que l'on sait pour les agriculteurs et les producteurs.
00:13 Alors, on a mis au point un procédé extraordinaire, insecticide vert. On en parle avec Alain Thibault, qui est président fondateur de la start-up Agriodor.
00:22 Merci d'être avec nous. Comment ça se fait qu'on n'a pas eu plutôt ce type d'insecticide pour protéger nos productions ?
00:28 Il y a eu une interdiction au niveau de l'Europe de trois molécules de néonicotinoïdes. Je crois que c'était en 2018 exactement.
00:39 Et la France a décidé de faire la sur-tromposition, c'est-à-dire d'interdire cinq molécules.
00:45 Donc, on se retrouve aujourd'hui dans une situation où les betteraviers français ne peuvent pas utiliser ce que leurs collègues peuvent utiliser en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Europe,
00:56 jusqu'en 2033, parce que le compte à arbour est lancé aussi pour eux. Donc, l'enjeu, c'est comment je fais ?
01:02 Heureusement, l'État français a lancé ce qui s'appelle le PNRI. À l'époque, c'est le ministre de l'Agriculture, qui a été Julien Denormandie, qui a lancé cette opération,
01:09 pour trouver une solution de manière urgente pour trouver ça. Et la petite start-up que j'ai le plaisir et l'honneur de piloter a trouvé une solution en travaillant étroitement avec les betteraviers et avec l'ITB.
01:22 Mais vous êtes le tout petit par rapport aux géants. Par exemple, quand on pense à Bayer, à Monsanto, etc., qui eux sont des géants mondiaux, ils ont les moyens de faire ce que vous faites pour que le tourneau soit fait ?
01:31 Bien sûr, ils ont les moyens, sauf que c'est une nouvelle technologie. Ils ne la connaissaient pas. Ils ne l'ont pas vue arriver. Ils n'ont pas investi dessus.
01:36 Et puis, vous savez, quand vous avez une technologie telle que les phytosanitaires, qui ont servi le monde entier pour faire beaucoup de production, vous avez un mindset de l'ensemble des dirigeants, d'une certaine manière.
01:47 Et nous, c'est une technologie qui est complètement différente. Les phytosanitaires, c'est létal. Ça tue les insectes et ça détruit la biodiversité.
01:54 Et ce n'est pas bon pour l'homme.
01:55 Et ce n'est pas bon pour l'homme. Ça laisse des résidus dans le sol, dans l'eau et puis parfois dans nos aliments.
02:01 Alors que l'insecticide vert que vous développez, lui, il est inoffensif ?
02:05 Exactement. Il est inoffensif. On fait du préventif.
02:07 Et à partir de quoi ?
02:08 Alors, vous voyez, au niveau de la betterave, c'est un répulsif, c'est-à-dire ce qui vient rendre la jaunisse qui est à la maladie, c'est un petit puceron, un minuscule puceron vert qui amène cette jaunisse.
02:21 Et c'est ce qu'on veut éviter. Donc, il faut éviter que le puceron vert…
02:24 Et pourquoi il s'en va, le puceron ?
02:25 Pourquoi il s'en va ? Parce qu'on va mettre du répulsif, on va mettre des petits granulés. Je vous ai apporté…
02:29 C'est à base d'odeurs, vous m'avez dit.
02:31 C'est des petits granulés comme ça, vous voyez. Je ne sais pas si on les voit très bien à la télévision. Ça fait 3 mm. On les met avec des quoi ? Sur les champs. Il y a à peu près un granulé par plan de betterave de ce point de vue-là, 4 kg par hectare.
02:46 Et vous allez dégager des odeurs qui vont empêcher le puceron d'arriver sur la betterave et qui vont perturber son alimentation s'il arrive à venir.
02:53 Alors, on sait qu'il y a eu des invasions de moustiques tigres en France. Il y a eu le chikungunya, il y a Zika. Ça pourrait marcher, ce système ?
02:59 Alors, ça pourrait marcher, sauf que notre technologie cible un insecte. C'est extrêmement bon pour la biodiversité parce que les abeilles, les moustiques ou autres ne sont pas perturbés.
03:08 Donc, si on voulait faire quelque chose pour le… Il faudrait qu'on lance un projet.
03:12 Pour chaque insecte ?
03:13 Pour chaque insecte. Et pourquoi vous ne l'avez pas lancé ? Tout simplement parce qu'il y a déjà beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens qui travaillent sur le moustique et donc la concurrence est très forte.
03:21 D'accord. Les fongicides nouveaux, il y a aussi à base de micro-algues. Vous y croyez ?
03:25 Oui, j'y crois. Les fongicides, il y a des herbicides aussi qui arrivent de champignons. Il y a une véritable révolution agricole. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point elle est en route à l'échelle mondiale.
03:35 Et donc, les phytosanitaires vont avoir de moins en moins d'impact de ce point de vue-là en raison de cette révolution agricole.
03:42 D'accord. Tant mieux. Donc, ça peut marcher parce que quand je lis que pour les pommes de terre, on les asperge jusqu'à 32 fois dans l'année.
03:47 Exactement.
03:48 Ça sera fini ?
03:49 Alors, ça sera fini. Vous prenez sur les pommes de terre, vous en parlez justement. On a des tests, on a des essais sur les pommes de terre pour lutter encore contre ces pucerons qui attaquent les plantes de pommes de terre et qui font beaucoup de dégâts.
04:01 Donc, on va réduire les phytosanitaires. Mais je pense que ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on est dans une phase de transition et donc, ça ne va pas être blanc-noir ou noir-blanc.
04:09 Ce sont des nuances de gris. On commence, vous voyez, pour la betterave. On est complémentaire à des insecticides aussi. Et au fur et à mesure de l'évolution de notre produit et de l'évolution de tout ce qui va se passer, les insecticides seront de moins en moins nombreux dans les champs.
04:23 C'est pareil pour les pommiers. Il paraît qu'ils reçoivent jusqu'à 22 traitements chimiques.
04:26 Exactement.
04:27 C'est effrayant.
04:28 C'est effrayant.
04:29 On mange les pommes, il ne faut pas manger la peau.
04:30 Quand on entend ça, on est effrayé. Par contre, la bonne nouvelle, c'est que dans l'arboriculture, c'est peut-être les plus avancés sur le biocontrôle. Ils investissent énormément sur des produits de cette nature.
04:39 Et on a des tests aussi contre le puceron, à l'heure actuelle, dans le sud de la France, pour avoir un produit qui permet de lutter contre ces fichus pucerons.
04:47 On a bien compris. La France est brillante et dynamique dans ce domaine. D'ailleurs, il faut même citer l'INRA, qui est très avancée. Vous travaillez avec eux.
04:54 Un très beau partenaire. Et on a un spin-off de l'INRA.
04:56 Voilà. Très bien. Et pourtant, la France et vous, entreprise, vous souffrez parce que vous manquez de moyens et vous n'êtes pas aidés. C'est un petit peu le message que vous voulez faire passer.
05:04 Le message, on est aidé dans des structures comme l'ABPI, qui aident énormément les jeunes entreprises ou des dispositifs comme ça.
05:12 J'ai trouvé des financiers, des fonds d'investissement qui ont investi, qui croient au green et à la révolution écologique, ce genre de choses.
05:19 Par contre, le coût d'un projet, non pas le coût du projet pour faire techniquement parler une solution qui marche, mais le coût du projet dans sa globalité, il faut doubler la mise avec le problème de l'homologation.
05:29 Et ça, vous n'en avez pas.
05:30 Et ça, vous arrivez à avoir des montants énormes. Rendez compte, une année même…
05:34 Mais vous voudriez plus parce que vous êtes prêts à quitter la France si ça continue.
05:38 Le problème ne se pose pas comme ça. Une fois que vous vous maîtrisez, vous regardez les marchés.
05:44 On vous dit qu'il y a un marché européen. Non, il y a 27 pays, plus un 28ème. Il y a 27 règles d'homologation.
05:50 Ça coûte très cher. Vous prenez aux États-Unis ou au Brésil, vous avez plus d'hectares et vous avez une seule règle de soins de vie.
05:58 Vous voulez dire que les pays d'Europe vous bloquent.
06:00 Les pays d'Europe bloquent et surtout l'Europe, si elle ne mute pas, si elle ne change pas ses réglementations, elle va être la dernière de la classe dans très peu de temps.
06:07 Elle était la première, comme d'habitude. On a des chercheurs qui sont incroyables.
06:12 Mais si la réglementation n'évolue pas à la vitesse où le monde évolue de ce point de vue-là, les États-Unis et le Brésil vont largement nous dépasser.
06:20 Et là, vous menacez de partir si ça continue.
06:22 Vous menacez. J'ai des confrères qui sont partis de ce point de vue-là parce que les choses sont…
06:27 Ce n'est pas une volonté de partir, c'est une contrainte économique qui fait que les marchés sont plus importants et l'équilibre économique là-haut aussi.
06:34 On retient votre nom, Agriodor, donc l'insecticide du futur, vert, inoffensif, ça marche, ça continuera même de se développer.
06:41 Merci d'être venu nous voir sur le plateau de CNews, Alain Thibault.
06:44 Merci.
06:45 [Musique]
06:50 [SILENCE]