Mardi 7 mai 2024, SMART BOSS reçoit Xavier Astolfi (Directeur général, Cristal Union)
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00:00 *Générique*
00:08 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Boss, le rendez-vous des patrons et des patronnes.
00:12 Je suis ravie d'accueillir cette semaine Xavi Astolfi. Bonjour !
00:16 Bonjour !
00:17 Vous êtes directeur général du groupe Crystal Union, qui commercialise notamment la marque, on connaît presque tout, Sucre d'Ali.
00:24 Donc merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation. Alors on va commencer par la séquence David rencontre Goliath.
00:30 Et là vous allez faire face à une start-up et vous aurez quelques petits sujets en commun.
00:34 Ensuite on fera la séquence en coulisses où là vraiment on va parler de votre rôle de dirigeant, pour démystifier tout ça.
00:40 Et on terminera par l'interview chrono qui est là une série de questions réponses très rapide.
00:45 Très bien.
00:45 Et bien écoutez on va tout de suite pouvoir passer à la séquence David rencontre Goliath.
00:51 *Générique*
00:53 *Sonnerie de téléphone*
00:54 *Voix off*
00:55 Donc la start-up qui vous fait face c'est Erthium et je suis ravie d'accueillir son co-fondateur, Andrei Klochko. Bonjour !
01:01 Bonjour !
01:02 Merci d'avoir accepté l'invitation.
01:03 Avec plaisir.
01:04 Alors est-ce que déjà vous pouvez nous dire, allez dans les termes un peu simples, ce qu'est Erthium, parce que là on va parler plutôt de stockage d'énergie si j'ai bien compris.
01:12 Alors stockage d'énergie c'est comme ça qu'on a commencé. Pour stocker l'énergie il faut un convertisseur et ce convertisseur est devenu notre produit.
01:18 Ce convertisseur c'est une pompe à chaleur. Pompe à chaleur c'est comme un frigo à l'envers en gros. On s'en sert pour chauffer des maisons, on s'en sert pour faire de l'eau chaude, sanitaire et on peut aussi s'en servir pour faire de la vapeur et de l'air chaud dans l'industrie.
01:31 Et c'est justement l'application qu'on a choisie. Donc de fournir de la chaleur en fait industrielle, entre 100 et 550 degrés, c'est de la chaleur dont les industriels ont besoin pour faire un procédé.
01:40 Et de la fournir en consommant deux fois moins d'électricité que si on le faisait avec une résistance chauffante. Ce qui fait qu'on devient moins cher que le gaz naturel dans certains cas, alors que le gaz naturel est le vecteur le plus utilisé aujourd'hui pour ces applications là.
01:54 Alors vous connaissiez ou pas ?
01:57 Je découvre, mais les applications sont fort intéressantes parce que dans notre industrie on est consommateur de grande quantité de chaleur.
02:07 En fait on part d'un produit qui contient 75% d'eau qu'il faut déshydrater donc ça nécessite beaucoup d'énergie.
02:12 Et donc aujourd'hui on produit effectivement notre énergie à partir de gaz naturel.
02:16 Et comme on est en plus dans des milieux ruraux, puisqu'on ne cultive pas la betterave au centre des villes mais plutôt au milieu des campagnes, nous sommes très peu reliés au réseau électrique.
02:26 Et donc nous faisons ce qui s'appelle de la co-génération. Nous produisons à la fois de la vapeur et l'électricité dont nous avons besoin à l'intérieur de nos sites.
02:35 Mais au final, ce qui est intéressant, c'est que nous avons besoin de vapeur entre 130 et 200 degrés pour nos process sucriers.
02:44 Avec qui vous travaillez plutôt ? C'est plutôt des entreprises, des usines comme celle-ci ? Est-ce qu'il y a aussi une prise de conscience maintenant un peu plus des industriels sur ce sujet ?
02:56 Alors justement, les industriels, typiquement Crystal Union ferait partie de nos sites potentiels.
03:03 On en a beaucoup. Là, notre premier Memorandum of Understanding, donc le premier accord, pré-accord, c'est avec McInfood.
03:12 Donc, géant de la patate frite en gros. Ils ont plusieurs dizaines d'usines dans le monde qui consomment toute une quantité phénoménale de chaleur.
03:21 Et eux, pour le coup, ils ont beaucoup moins justement de matières premières qui peuvent brûler sur place.
03:27 Justement, le sucre est un petit peu une particularité. C'est que justement, vous avez beaucoup de biomasse disponible.
03:33 En tout cas, vous pouvez faire de la co-génération sur site alors qu'il y a des usines qui sont plus petites, qui n'ont pas forcément cette chance, on va dire.
03:40 Vous travaillez un peu avec des startups, des jeunes entreprises innovantes ou là, vous faites tout plutôt aller en interne ?
03:47 Alors, on essaye de faire beaucoup de choses en interne, mais on regarde aussi ce qui se passe du côté des startups.
03:53 On travaille avec différentes startups dans différents domaines. Dans le domaine de la transition écologique, notamment avec une startup qui s'appelle Maizy Farm.
04:03 On travaille dans le domaine industriel avec une startup qui n'est plus une startup aujourd'hui, qui s'appelle Global BioEnergy.
04:09 Mais on a accompagné cette société depuis le départ. Et puis, à chaque fois que le besoin s'en fait sentir ou que l'idée est bonne, on peut travailler avec des startups.
04:16 Il n'y a aucune contre-indication, bien au contraire.
04:20 Et alors, c'est facile d'aller les convaincre aujourd'hui ou pas tous ces industriels ?
04:24 Ça fait partie du jeu. C'est pour ça que mon associé est un commercial de formation qui, justement, sait amorcer les discussions, sait comprendre les besoins, etc.
04:33 Moi, à la base, je suis venu plus d'une partie technique. Je suis arrivé en position de CEO, c'est-à-dire stratège aussi sur cette entreprise-là.
04:43 Mais je suis parti à la base de ce background d'inventeur. Ça a commencé comme ça.
04:48 Mais au final, il y a un besoin réel et on apporte une solution qui satisfait ce besoin. Donc, ça facilite beaucoup les choses.
04:53 Qu'est-ce que vous pouvez lui donner peut-être comme conseil sur un jeune entrepreneur comme ça dans le monde de l'industrie ? Ce n'est pas évident.
05:00 Alors d'abord, de persévérer parce que quand l'idée est bonne, il faut aller jusqu'au bout.
05:04 Et le développement d'une société est toujours semé d'embûches.
05:08 Donc, il faut vraiment persévérer, surtout quand on est persuadé.
05:11 Et quand on est persuadé soi-même, ça permet aussi de pouvoir commercialiser beaucoup plus facilement.
05:17 Et d'autant plus que la route est longue, je crois que vous en êtes au stade du prototype.
05:23 Donc, il va falloir encore passer un peu de temps. Mais surtout, continuer, continuer, ne perdez pas espoir.
05:29 D'ailleurs, vous êtes plutôt au début. On voit que la solution a l'air en tout cas super sur le papier.
05:35 C'est quoi un peu les plus gros challenges que là vous pouvez avoir aujourd'hui ?
05:39 Je dirais que le plus dur dans une entreprise, c'est souvent le recrutement.
05:42 On a des très très bons profils, mais c'est la partie de notre travail.
05:47 C'est un travail important de les garder et d'en attirer de nouveaux et d'avoir vraiment les meilleurs.
05:53 Parce qu'on est sur un produit innovant, on est sur une machine qui n'a jamais existé.
05:56 Et il faut qu'on amène à l'industrialisation dans des délais qui ne sont pas ceux habituels.
05:59 C'est-à-dire qu'une industrie habituelle va dire, sur un projet comme ça, il faut 5 ou 10 ans pour passer du proto à l'industrie.
06:05 Nous, on n'a pas du tout ce temps-là.
06:07 Donc, il faut un peu y avoir des méthodes qui ne sont pas tout à fait standards, mais qui existent.
06:10 Ça a déjà été utilisé, il y a déjà des acteurs qui l'ont fait.
06:13 Et donc, on doit être parmi les meilleurs au niveau du temps d'exécution.
06:16 Mais pour l'instant, justement, on arrive à le faire, mais ce n'est pas quelque chose de facile.
06:22 Vous avez des soucis ou pas pour recruter ?
06:25 Les mêmes soucis. Nous aussi, on cherche des compétences et on cherche des compétences en milieu rural.
06:35 Donc, voilà, il faut attirer les talents. Et une fois qu'on les a attirés, il faut les fidéliser.
06:42 Donc, tout ça, c'est une politique sociale interne à Cristal Union que nous avons développée, que nous poursuivons.
06:50 Mais on a beaucoup d'initiatives, justement, pour nous faire connaître et fidéliser, recruter,
06:57 faire en sorte que nous puissions attirer, comme tout le monde, les meilleurs.
07:02 Et alors, c'est quoi, un peu, vous, les prochaines étapes de Hertium 2024 ?
07:07 Alors, on a mis très longtemps à trouver les briques technologiques nécessaires pour que cette machine devienne réelle.
07:13 Là, on est sur le point de faire tourner la première machine qui atteindra une température de 200 degrés.
07:20 Il y a très peu de compagnies de boîtes dans le monde qui sont capables de faire des pompes à chaleur aussi chaudes, déjà.
07:25 Et nous, notre objectif avec cette technose, c'est de monter jusqu'à 550.
07:29 550, ça permet d'aller chercher le papier, le séchage par un pack d'air très chaud.
07:35 Ça permet d'aller chercher la chimie, qui a aussi besoin de décarbonation après cette température-là.
07:40 Et on va quand même se focaliser, enfin, la masse de notre clientèle future est quand même autour de 250 degrés.
07:47 Et cette machine, la suivante, les atteindra largement, les 250.
07:52 Et donc, en 2027, à peu près, 26, on aura un démonstrateur, une centaine de kilowatts,
08:00 qui prouvera en fait que cette machine est capable de fournir de la chaleur à la moitié du prix énergétique d'une résistance chauffante.
08:10 Évidemment, gros sujet de toute façon, avec la hausse des coûts de l'énergie, on n'a pas pu en parler.
08:15 Mais en tout cas, merci beaucoup André d'être venu avec nous sur le plateau.
08:18 Et on va pouvoir passer à la séquence en coulisses.
08:21 [Musique]
08:25 Alors, vous êtes diplômé de Polytechnique, d'Émines.
08:29 Est-ce que ça veut dire que vous êtes un patron très technique et pas du tout business ?
08:33 Alors, je suis, pour commencer déjà, je suis rentré dans le milieu sucrier, alors que rien ne m'y prédestinait.
08:43 Je suis Parisien d'origine et j'ai fait donc mes études à Paris, effectivement, en classe préparatoire,
08:50 que le Polytechnique, l'école des mines de Paris.
08:52 Et a priori, rien ne me prédestinait à rentrer dans le secteur sucrier,
08:56 si ce n'est que j'ai découvert ce secteur au cours d'un stage pendant mes études et que ça m'a tout de suite plu.
09:04 Donc voilà, c'est comme ça que je suis rentré dans le milieu sucrier.
09:09 Et j'ai été passionné.
09:11 La passion fait qu'on progresse d'ingénieur de formation à tous les stades de l'entreprise et pour finir, directeur général.
09:22 À touche à tout. Et qu'est-ce qui vous a intéressé plutôt dans l'industrie ?
09:25 Parce que j'ai lu que vous avez plutôt commencé, d'ailleurs, dans le secteur financier.
09:28 Ça vous ennuyait un peu ?
09:30 J'ai commencé dans le secteur financier et au bout de deux années, je me suis posé la question,
09:34 qu'est-ce que je raconterais plus tard ?
09:36 Et je n'avais pas d'idée de ça. J'avais besoin de retourner à des racines plus terre-à-terre, plus terrestres.
09:43 Et donc, j'ai postulé pour rentrer, commencer dans une sucrerie.
09:48 Et ça a été le début.
09:50 En fait, au bout de deux ans de carrière, sans doute un peu d'ennui et puis un manque de perspective.
09:56 Finalement, transformer des bêtamins sucres en alcool et en éthanol,
10:00 eh bien, c'est participer à la souveraineté alimentaire, c'est participer à l'alimentation générale.
10:05 Et puis, on côtoie aussi un milieu qui est fantastique, qui est le milieu agricole.
10:09 Et dans le cadre d'une coopérative comme l'est Crystal Union aujourd'hui,
10:13 eh bien, je côtoie 9000 adhérents coopérateurs.
10:17 Alors, pas forcément régulièrement, mais je les vois et c'est la force de ce modèle.
10:22 Qu'est-ce que c'est la différence qu'on vient de comprendre, de travailler avec des coopérateurs ?
10:27 C'est quoi, en fait ?
10:29 Eh bien, la différence est toute simple.
10:31 Les seuls actionnaires de Crystal Union, ce sont des planteurs, livreurs de betteraves à Crystal Union.
10:37 Et donc, ils sont attachés non seulement à la culture de la betterave pour eux-mêmes,
10:42 mais ils sont aussi attachés au développement de l'entreprise qui va transformer ces betteraves
10:46 en sucre, en alcool et en éthanol pour la carburation automobile.
10:50 Et donc, de ce fait, tous les intérêts sont alignés et on travaille main dans la main avec l'ensemble des actionnaires.
10:59 C'est assez particulier en ce sens.
11:02 Pas d'autres actionnaires dans le giron de Crystal Union.
11:05 Alors, vous avez, avant Crystal Union, on va dire que ce n'était pas le même nom.
11:11 Vous avez rejoint ce qu'on appelait le groupe Vermandoise à l'époque.
11:14 Vous avez commencé direct agricole, après direction générale, adjoint du groupe, bon, 2018-2008.
11:21 Et donc, c'est en 2011 que le groupe est racheté par Crystal Union.
11:25 À ce moment-là, vous êtes comment ? Dans quel état d'esprit quand on se fait racheter dans ce cas-là ?
11:30 Alors, quand on se fait racheter, c'est une aventure.
11:33 La société Vermandoise était une société familiale.
11:36 Pour des raisons patrimoniales, les dirigeants et les actionnaires de la société ont décidé de passer la main.
11:42 Et donc, moi, j'étais directeur général de la société à l'époque, hors de l'actionnariat.
11:48 Et donc, j'ai participé justement à cette aventure qui a été la transmission.
11:54 Mais on se pose toujours des questions. Est-ce que je vais rester ? Est-ce que je vais devoir partir ?
11:59 C'était un moment de doute à l'époque. On est en 2011, fin 2011, début 2012.
12:06 Et finalement, Alain Commissaire, mon prédécesseur chez Crystal Union, avait sans doute décelé quelques talents chez moi.
12:14 Il avait décidé de me faire confiance.
12:16 Et donc, je suis resté à ses côtés pendant une petite dizaine d'années au sein de Crystal Union,
12:23 avec un poste de directeur général adjoint pendant tout ce temps-là.
12:26 Alors oui, ça fait quand même une dizaine d'années. Ce n'était pas un peu trop long ?
12:30 On peut toujours être un petit peu impatient.
12:32 Mais ça m'a permis de prendre la mesure de ce qu'est une société qui a 9 000 adhérents coopérateurs,
12:39 2 000 salariés qui génèrent un peu plus de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
12:43 Il faut apprendre à bien connaître tous les rouages.
12:47 Et finalement, ça m'a permis aussi d'apporter ma petite touche.
12:52 J'ai été en 2014 ou 2015, maintenant ça commence à remonter,
12:55 mais on a été la première entreprise à créer une direction RSE au sein du groupe.
13:01 Quand j'ai présenté le modèle de la RSE à notre conseil d'administration,
13:07 j'ai vraiment cru que je n'allais pas sortir vivant du conseil d'administration.
13:12 Mais finalement, 10 ans après, on s'aperçoit que c'était nécessaire.
13:16 Et ça nous permet aujourd'hui d'avoir tous les leviers de transformation au sein du groupe,
13:20 puisqu'on a embarqué l'ensemble des salariés,
13:22 on a embarqué une grosse partie des adhérents coopérateurs dans la transition environnementale,
13:28 qui est un des piliers de notre RSE.
13:30 Il n'y a pas que ce pilier dans notre politique RSE,
13:33 il y a aussi une politique d'accompagnement de nos clients,
13:35 il y a aussi une politique d'accompagnement social de l'ensemble de nos collaborateurs.
13:39 Mais finalement, cette création en 2014 de cette direction RSE a été un moteur pour l'entreprise.
13:47 J'ai également, pendant ce temps-là, participé à quelques développements de l'entreprise,
13:51 à l'extérieur de l'entreprise, en faisant quelques acquisitions de ci, de là.
13:56 Ça permet aussi de se faire un petit peu la main.
13:58 Oui, parce qu'en plus, vous êtes arrivé, je crois que vous étiez,
14:01 alors la situation était plutôt bonne, mais vous étiez sur un exercice déficitaire, c'est ça ?
14:07 Alors qu'est-ce qu'il fait ? Qu'est-ce qu'on décide ?
14:10 Est-ce qu'on arrive avec un gros plan d'attaque ?
14:12 On va changer tout, tout de suite ? Ou vous avez attendu ?
14:14 Effectivement, on a traversé un trou d'air.
14:17 Ce trou d'air est arrivé en 2018 et 2019, mais un véritable trou d'air pour l'industrie sucrière,
14:23 avec des déficits, c'était la première fois que ça arrivait chez Crystal Union,
14:28 des déficits importants, et là on s'est posé la question,
14:31 qu'est-ce que sera le modèle coopératif demain ?
14:34 Est-ce que toutes les zones seront capables de continuer de produire de la betterave ?
14:37 On a fait faire des études par Météo France, par exemple,
14:40 pour savoir si toutes les zones betteravières que nous avions seraient en mesure,
14:44 à l'horizon 2030, 2050, 2070, de continuer de faire de la betterave.
14:48 Et finalement, on a remodulé le groupe.
14:52 Alors ça passe bien sûr par des réorganisations internes,
14:56 mais ces réorganisations, elles ont eu lieu entre 2019 et 2020,
15:00 sur pas mal de sujets, ça a été une réorganisation sur le domaine de la distillerie.
15:05 Je vous rappelle, on est producteur d'alcool et de bioéthanol carburant,
15:09 donc on a harmonisé toutes nos pratiques en matière de distillerie.
15:13 On a fait exactement la même chose sur le pôle de la sucrerie,
15:16 de la production de sucre à partir de betterave.
15:18 Et puis on s'est attaqué aussi à un atelier de conditionnement,
15:23 là c'est pour le sucre d'Addi dont vous parliez tout à l'heure.
15:26 On est connu sous cette marque d'Addi,
15:28 donc on s'est attaqué à cette réorganisation avec un changement de gamme complet.
15:34 Par exemple, on est passé des saches plastiques à des saches en craft.
15:38 On a profité de cette situation pour réinventer notre modèle,
15:42 et notamment notre modèle commercial vis-à-vis du grand public,
15:45 montrer qu'on était capable d'avancer.
15:47 En 2020, cette réorganisation a été terminée,
15:49 et finalement on est toujours sur ces bases-là,
15:51 et ce sont des bases solides qui nous permettent aujourd'hui
15:54 de tirer avantage de la situation.
15:57 En dégageant maintenant des résultats positifs,
16:01 qui nous permettent de financer toutes les étapes de la décarbonation.
16:05 Bien sûr, et vous parliez un petit peu aussi tout à l'heure,
16:08 on parlait avec André de la façon de recruter, etc.
16:11 Mais vous aujourd'hui, c'est quoi un petit peu votre style de management,
16:15 en tant que patron ?
16:18 Alors, quand vous êtes à la tête d'une société de 2000 personnes,
16:21 ça ne peut pas être du management direct,
16:23 c'est forcément du management assez collaboratif.
16:26 Le modèle coopératif est un modèle totalement collaboratif.
16:30 On rencontre souvent nos adhérents coopérateurs.
16:35 J'ai ce style de management vis-à-vis de mes équipes,
16:39 déjà avec un comité de direction d'une dizaine de personnes,
16:43 on est 10 aujourd'hui,
16:44 qui nous permet de veiller au destiné du groupe.
16:49 Mais tout le monde sait que je suis d'un accès relativement facile,
16:54 d'un accès relativement simple,
16:55 et pour cause, j'ai connu dans ma carrière
16:58 toutes les étapes et tous les niveaux de production.
17:01 Donc, je suis d'un accès plutôt facile,
17:04 ça facilite aussi le travail collaboratif,
17:06 mais c'est quelque chose que nous avons mis en œuvre
17:09 à grande échelle sur l'ensemble du groupe.
17:11 Vous avez un quotidien, une journée type, ou alors ?
17:14 C'est vrai qu'il arrive toujours plein de choses
17:16 quand on n'est pas trop d'entreprise,
17:18 même que des crises, des galères,
17:20 mais est-ce qu'il y a un petit fil rouge ?
17:22 Je dirais qu'il n'y a pas forcément de journée type,
17:24 mais on a une particularité dans notre secteur sucrier,
17:27 c'est que nous sommes une industrie saisonnière.
17:29 En fait, la betterave est récoltée pendant l'automne et l'hiver,
17:36 donc on commence ce qu'on appelle des campagnes de production
17:39 qui s'étalent de septembre à janvier,
17:41 et pendant ce temps-là, on a nos outils
17:43 qui tournent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
17:46 Donc, une organisation du travail en interne chez Cristal Union
17:49 de façon à faire en sorte que l'ensemble de la production
17:52 puisse être assurée sous ces délais pendant 4 à 5 mois dans l'année.
17:57 Effectivement, deux stades.
17:59 Le stade où on est en campagne,
18:01 et donc ma journée commence par, je dirais,
18:04 la réception des données de fabrication du jour,
18:06 ça n'a pas forcément de commentaires tous les jours.
18:09 Et puis, la période d'intercampagne,
18:11 où là on est plus sur les opérations de maintenance,
18:13 les opérations de développement de l'entreprise,
18:15 les plans d'investissement,
18:17 ça nous laisse un peu plus de temps pour réfléchir
18:19 à l'avenir de Cristal Union.
18:22 Et dans vos échanges avec les coopérateurs,
18:26 le monde agricole, que ce soit en période difficile ou non,
18:30 c'est quoi un petit peu la façon, la stratégie que vous avez avec eux ?
18:33 Vous échangez très régulièrement, enfin, comment ça se passe en gros ?
18:37 Alors déjà, la coopérative fonctionne autour d'un binôme président-directeur.
18:44 Donc, le président est un agriculteur,
18:47 il a été élu par ses pairs au sein du Conseil d'administration,
18:50 et il est président de Cristal Union.
18:52 Et ça ne peut bien fonctionner que si nous sommes en phase l'un et l'autre,
18:56 et qu'on porte la même parole.
18:58 De temps en temps, je ne dis pas qu'il n'y a pas des discussions internes,
19:01 mais ces discussions ne transpirent pas.
19:03 Une fois qu'on est d'accord sur les sujets, ça permet d'avancer.
19:07 Ensuite, nous avons des réunions fréquentes de notre Conseil d'administration,
19:11 c'est environ une par mois, donc ça permet aussi d'avoir le relais.
19:15 Et ces Conseils d'administration, en plus, relaient sur le terrain,
19:18 puisqu'on a une organisation territoriale qui permet de faire remonter
19:21 à la fois les informations du terrain provenant des coopérateurs,
19:25 mais également de faire redescendre les informations sur la vie de la société.
19:29 C'est ça qui crée la proximité entre les adhérents coopérateurs
19:32 et le directeur général, même s'il y a quelques strates entre nous.
19:35 Est-ce que c'est un handicap le fait, vous disiez, vous venez de Paris,
19:38 vous avez fait des très très belles écoles d'ingénieurs,
19:42 et vous dites "j'étais pas fait pour venir dans ce monde-là",
19:45 c'est pas un handicap quand vous vous présentez face à eux ?
19:48 Ou alors vous me dites "bon maintenant ça fait tellement d'années que je suis ici".
19:52 Il y a sans doute eu des phases d'agglimitation, je vais pas vous le cacher,
19:55 mais finalement, il y a toujours du respect,
20:00 toujours, les compétences sont au cœur du développement de Christian Union.
20:06 Donc si chacun fait son travail avec ses compétences et apporte sa pierre à l'édifice,
20:11 on construit quelque chose de très haut et de très puissant.
20:15 Et quand il y a eu toutes les manifestations des agriculteurs en début d'année,
20:20 où il y a eu beaucoup de tension, vous comment est-ce que vous avez réagi ?
20:25 Qu'est-ce qui s'est passé de votre côté ?
20:28 De mon côté pas grand chose, parce que c'était vraiment une grogne,
20:35 plus qu'une grogne, une contestation agricole.
20:38 Et là vraiment, au niveau de l'entreprise, c'était pas notre affaire.
20:43 Donc on n'est pas intervenu sur le sujet, j'ai pas forcément d'opinion,
20:47 quelques-uns de nos coopérateurs sont intervenus,
20:50 après chacun a son libre arbitre et bien sûr peut intervenir,
20:55 mais au niveau de Christian Union, on n'a pas pris position,
20:57 on a simplement dit qu'il n'y avait pas de sujet qu'on interviendrait pas sur le sujet,
21:04 on l'a écrit à l'ensemble de nos coopérateurs.
21:06 Il y a plein d'événements extérieurs, je disais comme souvent,
21:09 qui impactent la vie d'une entreprise.
21:11 Et alors vous, je sais qu'en 2022, c'était pas non plus une année qui était facile,
21:15 la campagne betteravière, les rendements étaient décevants,
21:20 c'est ce que vous disiez, il y a aussi l'interdiction du recours néonicotinoïdes,
21:26 est-ce que là quand vous avez tout ça qui vous arrive au fur et à mesure,
21:30 vous dites bon alors là il faut changer tous les plans ?
21:33 Alors oui, notre métier c'est de s'adapter en permanence.
21:38 Donc effectivement on a beaucoup de données d'entrée, il faut être capable de les digérer,
21:43 je fais avec mon équipe, je ne suis pas capable de tout faire tout seul,
21:48 donc bien sûr je m'appuie sur mon équipe et notamment mon comité de direction
21:52 pour avancer sur les sujets, mais ensuite on bâtit une stratégie
21:58 quand il s'agit de long terme, une tactique quand il s'agit de court terme.
22:01 Je vais vous donner un exemple, quand les prix du gaz se sont envolés,
22:04 il a fallu qu'on change notre stratégie commerciale du tout au tout.
22:08 On avait travaillé pendant des années avec un prix du gaz qui était stable,
22:12 je dirais que les paramètres, les coûts de fabrication étaient relativement connus
22:17 et donc si on contractait du sucre finalement on n'avait pas beaucoup de variations.
22:21 Quand le prix du gaz est monté, c'est un des postes principales de dépense de notre industrie,
22:28 je le disais tout à l'heure en présence d'Airtium, on a besoin de beaucoup d'énergie pour nos process.
22:34 Et donc le prix du gaz étant monté, il a fallu qu'on change notre stratégie
22:38 et donc on a par exemple mis en place une stratégie vraiment de boucle courte,
22:42 c'est-à-dire que tous les jours on remettait à jour nos coûts de fabrication,
22:46 on faisait des offres au client, si le client contractait, on arbitrait,
22:52 on achetait le gaz, on achetait le CO2, on achetait le blé, on achetait la betterave
22:58 et donc ça nous permettait de fixer les coûts et de ne pas prendre de risque.
23:01 Ça c'est ma responsabilité vis-à-vis des 9000 adhérents coopérateurs,
23:06 c'était normal mais ça a été un exemple de ce qu'on a fait pour s'adapter
23:11 et finalement on a bien fait parce que je dirais qu'on a réussi à ne pas trop subir la crise,
23:18 ça s'est traduit par une hausse des coûts de fabrication, une inflation,
23:22 mais on a fait aussi augmenter, on a répercuté ces hausses sur nos produits vendus,
23:32 que ce soit le sucre, l'alcool et l'éthanol.
23:34 Alors évidemment là toutes ces questions amènent souvent, on pense plus à la transition écologique
23:39 quand on voit la hausse de tous ces coûts et vous l'avez dit,
23:42 vous avez amorcé très tôt en tout cas toutes ces problématiques de RSE,
23:46 mais comment est-ce que vous avez un peu pris en main le sujet ?
23:49 Est-ce que vous avez été aidé aussi par des personnes ? Comment ça s'est défini ?
23:54 Alors vous posiez la question tout à l'heure de savoir si j'étais pas trop technique ou ingénieur,
24:00 mais effectivement j'ai ce background qui me permet de comprendre les process
24:03 et j'ai moi-même travaillé au sein d'une sucrerie donc je connais le fonctionnement d'une sucrerie.
24:09 Effectivement la décarbonation pour nous c'est un sujet qui a toujours été d'actualité.
24:16 Ceci dit, les objectifs aujourd'hui qui sont fixés que ce soit à l'horizon 2030 ou à l'horizon 2050
24:22 sont très très ambitieux donc il a fallu qu'on donne un coup d'accélérateur sur cette stratégie de décarbonation,
24:29 mais pour vous dire on avait déjà commencé en 2010,
24:32 on avait fixé des objectifs qu'on a formalisés en 2014,
24:37 entre 2010 et 2020 de diminuer nos consommations d'énergie, nos émissions de CO2 et nos consommations d'eau.
24:44 Il y a un paramètre dont on ne parle pas beaucoup, c'est l'eau,
24:46 et nous dès 2014 on s'est fixé des objectifs.
24:50 Là on s'est fixé des nouveaux objectifs 2020-2030,
24:53 l'idée étant de réduire d'un petit peu moins de 25% l'ensemble des émissions sur l'ensemble du périmètre de cristallunion,
25:02 à savoir périmètre industriel, le périmètre agricole et le périmètre des transports.
25:05 Donc on a un objectif ambitieux et on le double d'un objectif sur les économies d'eau.
25:11 Parce qu'en fait dans notre métier quand on récupère de l'énergie, on récupère aussi de l'eau,
25:16 et donc on a allié les deux, et ce qui fait qu'aujourd'hui ces objectifs sont très ambitieux.
25:20 Cinq de nos huit sucreries, de nos huit sites industriels, aujourd'hui ne consomment plus d'eau dans le milieu naturel,
25:26 et on est capable de le faire, on est capable de le faire, et ça on le double avec des consommations d'énergie.
25:30 Donc globalement on a des compétences en interne pour développer cette stratégie.
25:37 Première économie c'est d'économiser l'énergie, c'est la première décarbonation.
25:43 La deuxième c'est de récupérer toutes les énergies qui restent dans le process.
25:47 Et la troisième étape ça sera l'utilisation de la biomasse, voire des ressources internes de la betterave,
25:52 pour avoir une circularité dans notre production d'énergie.
25:57 Aujourd'hui on a de la chance, dans la betterave, il y a un coproduit qui s'appelle la pulpe de betterave,
26:02 qui permet de fournir un excédent d'énergie par rapport à nos besoins.
26:05 Il faut développer la technique, c'est ce à quoi on s'attèle aujourd'hui.
26:09 Un gros programme.
26:10 Merci beaucoup, et on va pouvoir passer maintenant à l'interview chrono.
26:16 J'ai lu que vous jouez du piano, alors quel est votre musicien préféré ?
26:25 Musicien ou compositeur ?
26:27 Il s'agit d'un compositeur, je suis plutôt dans les romantiques,
26:31 Chopin, Debussy, toute cette période-là, Beethoven.
26:36 C'est un moyen pour moi de m'échapper, de changer, de sortir du travail de ma errée de cerveau.
26:45 Le dernier livre que vous avez lu ?
26:47 Le dernier livre s'appelle La carte postale, je vous le conseille, un livre très émouvant.
26:52 Anne Berets, je crois, mais La carte postale.
26:56 Super. Est-ce que vous pouvez me citer une entrepreneuse ou une dirigeante française qui vous inspire ?
27:01 Pas forcément une entrepreneuse ou une dirigeante, mais j'ai eu l'occasion d'aller déjeuner chez Anne-Sophie Pic à Valence,
27:10 qui a beaucoup développé la cuisine, elle était une des premières grandes chefs.
27:14 Chef, c'est une entrepreneuse !
27:16 C'était une entrepreneuse que j'ai beaucoup appréciée.
27:18 Sa cuisine et puis le fait qu'elle ait monté aussi, c'est une belle entreprise.
27:23 Votre rêve d'enfant, c'était quoi ?
27:25 Votre rêve d'enfant, c'était de devenir pilote d'avion.
27:29 Je ne désespère pas.
27:31 L'application que vous utilisez le plus ?
27:34 L'application informatique ?
27:36 Oui, sur votre téléphone.
27:37 Sur mon téléphone, plutôt les mails.
27:41 Vos dernières vacances, c'était où ?
27:43 C'était dans le sud de l'Italie, dans les Pouilles.
27:46 Prendre le soleil à un moment où il y avait un petit peu de grisaille en France.
27:50 Vous êtes plutôt sucré ou salé ?
27:52 Les deux, mais j'avoue que j'ai un petit faible pour le sucré.
27:56 Et enfin, dernière petite question,
27:59 chaque GPT, ça vous fait peur ou ça vous émerveille ?
28:03 Les deux à la fois.
28:06 C'est quelque chose qui est très innovant,
28:09 qui va induire des changements dans la conduite notamment des entreprises.
28:14 Mais je pense aussi que c'est un ressort,
28:16 et il faut s'appuyer dessus pour tirer tous les avantages de cette nouvelle technologie.
28:21 Merci beaucoup d'avoir répondu à toutes ces questions.
28:24 Merci à vous d'avoir suivi une nouvelle fois cette émission.
28:27 Je vous dis à bientôt pour un prochain numéro.
28:30 Merci, au revoir.
28:32 [Musique]