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Mardi 7 novembre 2023, SMART BOSS reçoit Philippe Martinez (Président, Adecco France)

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00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Boss, le rendez-vous des patrons et des patronnes.
00:12 Je suis ravie d'accueillir aujourd'hui Philippe Martinez, président à Déco France.
00:17 Bonjour Philippe.
00:18 Bonjour.
00:19 Merci d'avoir accepté cette invitation.
00:21 Avec plaisir.
00:22 Alors au sommaire de l'émission, une première séquence.
00:24 David rencontre Goliath où tu feras face à une start-up et vous parlerez de vos points
00:28 communs.
00:29 Ensuite, on aura la séquence en coulisses où on reviendra un peu sur tes mouvements
00:32 forts de ta et de tes vies de dirigeant et aussi de ton quotidien.
00:37 Et on terminera avec une interview top chrono.
00:40 Comme son nom l'indique, il y aura une série de questions-réponses assez rapides.
00:44 Ça te va ?
00:45 C'est parfait.
00:46 Merci encore d'avoir accepté l'invitation et on passe tout de suite à la séquence
00:50 David rencontre Goliath.
00:51 Et la start-up qui te fait face, c'est Kirae, un jeu vidéo qui développe les soft skills.
01:02 Je suis ravie d'accueillir sa PDG, Lisa Ferrer.
01:06 Bonjour.
01:07 Bonjour.
01:08 Merci d'être venue.
01:09 Alors déjà Lisa, est-ce que tu peux nous expliquer rapidement ce qu'est ce fameux
01:12 jeu ?
01:13 Kirae, c'est un outil d'accompagnement, de formation, de sensibilisation aux soft skills
01:18 qui va s'appuyer du coup en partie sur le jeu vidéo pour finalement accéder à la
01:22 réalité de la compétence et permettre à chacun, quel que soit son profil, quelles
01:25 que soient ses expériences, d'identifier, de développer et de valoriser ces fameuses
01:30 compétences transverses, ces soft skills.
01:32 Alors est-ce que c'est un sujet que toi tu regardes un petit peu, tout ce qui est soft
01:37 skills ?
01:38 Bien sûr, c'est un sujet parce qu'aujourd'hui, nos clients, les clients recherchent avant
01:47 tout des soft skills.
01:48 Alors est-ce qu'ils recherchent des soft skills ou ils recherchent peut-être moins
01:51 des hard skills ? Parce qu'on sait que la réalité aujourd'hui, c'est que le diplôme,
01:55 le savoir est complètement disrupté par les technologies et ça va de plus en plus vite.
02:01 Donc finalement, ce qui reste, peut-être, ce qui est le plus important, c'est l'humain
02:05 et l'humain, c'est toi, c'est moi, c'est la manière dont on est constitué.
02:09 Alors c'est plus de soft skills et moins de hard skills, tu es d'accord ?
02:14 C'est sûr que de toute façon, c'est complémentaire.
02:16 On ne peut pas réduire quelqu'un à ses soft skills de la même façon qu'il faut arrêter
02:19 de réduire les gens à leurs compétences techniques.
02:21 Par contre, la vérité, c'est que les derniers chiffres de l'OCDE, ils nous disent que la
02:24 durée de vie d'une compétence technique aujourd'hui, c'est deux ans.
02:27 Donc en fait, bien sûr que quand on recrute quelqu'un, même sur des missions courtes,
02:31 on recrute quelqu'un qui est dans un monde qui est en train de changer, dans un cadre
02:35 de travail qui est en train de changer, avec des outils qui sont en train de changer.
02:38 On a eu l'accélération évidente et le coup de projecteur au moment du Covid, mais c'est
02:42 quelque chose qui reste aujourd'hui très d'actualité.
02:45 Et je dirais que c'est aussi en train de se décentrer.
02:49 C'est-à-dire qu'on parlait beaucoup des soft skills pour les managers, pour les cadres
02:51 et pour les dirigeants.
02:52 Et ça y est, on arrive aujourd'hui à en parler aussi pour les métiers opérationnels
02:57 qui sont en fait les plus concernés finalement par les transformations à court terme et
03:00 qu'on oublie souvent quand on parle de soft skills.
03:03 Et quand même, un dirigeant aujourd'hui, ça doit avoir presque que des soft skills
03:07 en fait.
03:08 Oui, en tout cas, c'est la partie visible.
03:12 Ce que moi, potentiellement, j'ai pu acquérir en quelques décennies, c'est mon histoire.
03:18 Mais la manière dont on agit, où on interagit, c'est la partie visible de l'iceberg.
03:23 Et c'est, comme on disait, c'est super important que ça soit arrivé.
03:28 Et maintenant, clairement, au niveau des emplois peu qualifiés.
03:32 Parce que justement, sur un emploi peu qualifié, quand même le cœur métier d'Adéco, par
03:38 définition, c'est ça qui va faire la différence.
03:39 C'est ma capacité à interfacer avec mes collègues, avec mon patron, de jouer l'équipe.
03:47 C'est vraiment ça qui va faire la différence aujourd'hui.
03:51 C'est ce que nos clients nous demandent avant tout.
03:53 Et toi, c'est ce que tu vois chez tes clients aujourd'hui ?
03:55 Oui, exactement.
03:56 Et puis, vraiment sur les métiers opérationnels, les soft skills, c'est à la fois un enjeu
04:00 de productivité.
04:01 C'est-à-dire, est-ce que je suis capable de rester concentré sur ma tâche ? Comment
04:04 je réagis quand il y a un imprévu ? Comment est-ce que justement je m'insère dans une
04:07 équipe qui est peut-être déjà constituée ? Ça, c'est des choses qui vont changer
04:10 à la fin de ma journée, la quantité de travail que j'ai pu faire.
04:14 C'est aussi des notions de bien-être face justement aux transformations.
04:18 Et donc, du coup, le fait de bien vivre ces transformations, ça demande aussi d'avoir
04:23 des compétences qui ne soient pas centrées sur la technique.
04:26 Parce que quand la technique change, je suis un peu démunie sinon.
04:30 Et donc, on le voit aujourd'hui.
04:33 Nous, quand on échange avec nos clients, on commence à voir émerger la prise de conscience
04:41 qu'effectivement, il faut élargir les outils de formation soft skills, qu'il faut plus
04:45 simplement les réserver à des managers ou à des cadres et que ça concerne vraiment
04:49 tout le monde, de l'opérateur de production à une personne qui va faire des ménages
04:56 ou qui fait du service à la personne.
04:58 Ça a un impact chez tout le monde.
05:01 Donc, Adeko pourrait travailler avec Yarae ?
05:03 C'est déjà, le mariage est déjà largement entamé parce qu'effectivement, on s'est
05:11 croisé un peu par hasard et on a un certain nombre de pilotes en place.
05:15 Parce que ce qui est sympa dans cette startup, c'est le côté gaming, le côté ludique.
05:22 Et nous, évidemment, la fidélisation de nos intérimaires, c'est clé.
05:27 Puisque aujourd'hui, avant tout, il faut trouver des gens.
05:33 Et donc, nos intérimaires, tous les gens qui sont dans nos bases de données et qui
05:37 ont fait travailler, c'est notre capital.
05:40 Et d'être différencié avec nos intérimaires en leur proposant ce jeu, finalement, c'est
05:48 les former, leur faire prendre conscience de qui ils sont.
05:51 Mais aussi, c'est valorisant parce qu'on a une techno qui est assez sexy.
05:55 Et du coup, on pense pour nous que c'est un avantage compétitif dans la fidélisation
06:00 de nos intérimaires.
06:01 Est-ce qu'il y a des soft skills qui sont très, très recherchés aujourd'hui ?
06:04 La numéro un, celle qu'on a beaucoup vu après le Covid, justement, c'était l'adaptabilité.
06:08 Parce qu'on demandait aux gens de bouleverser leur cadre de travail, leur organisation.
06:12 Et tout d'un coup, on se retrouvait effectivement à des gens qui étaient plus ou moins rigides
06:16 face à l'imprévu.
06:17 Et donc, ça, on en a beaucoup parlé.
06:19 Et alors, c'est marrant parce qu'on a vu émerger là très récemment d'autres sujets,
06:23 et notamment le sujet de la capacité à rester concentrée.
06:25 On sait quand on travaille avec des partenaires plus industriels, notamment, qu'il y a des
06:30 enjeux de sécurité derrière.
06:31 Mais avec l'arrivée de nouvelles générations et les transformations un peu là qui sont
06:38 arrivées récemment, on a une vraie demande et une vraie problématique qui est liée
06:43 à est-ce que je suis capable de rester concentrée sur ma tâche ?
06:45 Est-ce que je suis capable de ne pas me laisser distraire par le bruit ambiant, mais aussi
06:48 le bruit numérique ?
06:49 Et donc, du coup, c'est quelque chose qu'on n'avait pas forcément vu venir, puisque
06:54 la concentration, ça paraît un peu…
06:55 Et en fait, qui est en train de devenir un vrai gros sujet de productivité pour les
07:01 boîtes aujourd'hui.
07:02 Tu es d'accord ?
07:03 Oui, bien sûr.
07:04 C'est absolument clair.
07:05 C'est un sujet.
07:06 Et alors, pour ou contre le CV ?
07:08 Je pense qu'on ne peut pas s'abstraire, on ne peut pas décider qu'on n'utilise
07:15 plus un outil qui est tellement rentré dans les mœurs.
07:18 Et puis, c'est intéressant, puisque le CV, c'est aussi la sélection que je fais
07:21 moi-même de toute mon expérience, de la somme de mon expérience, et la façon dont je choisis
07:25 de la présenter.
07:26 Donc, c'est intéressant.
07:27 Par contre, quelle place on donne au CV dans un processus de recrutement ?
07:30 C'est là où, en fait, il y a d'autres choses aujourd'hui qui rentrent en jeu.
07:34 Et puis, un CV, c'est quelque chose d'assez figé, alors qu'on est aujourd'hui dans
07:36 des environnements de travail plus mouvant.
07:38 Et c'est là aussi où avoir de la micro-certification, avoir d'autres dispositifs plus numériques,
07:46 plus flexibles, peut-être, ça permet de mieux s'adapter, de mieux répondre à un
07:52 monde du travail qui est aussi plus mouvant, plus flexible, et qui n'a peut-être plus
07:56 le même cadre que ce qu'il était il y a encore 5-10 ans.
08:00 Pour ou contre ? Même question.
08:02 Non, je pense que ça va rester, et ça va rester un des éléments, mais je pense que
08:06 c'est plutôt quelque chose qui tend à devenir moins important, puisque justement, les soft
08:10 skills, par définition, qui deviennent plus importantes, ne sont pas dans le CV.
08:14 Et donc, je crois que c'est la beauté de notre industrie, c'est que l'humain va rester
08:18 très présent.
08:19 Après, on va faire des CV de plus en plus, qui utilisent de plus en plus l'intelligence
08:25 artificielle générative, donc les CV vont être de plus en plus extraordinaires.
08:30 On a chez nous, on a créé et développé un outil qui s'appelle le CV Maker, qui permet
08:36 justement à des gens qui sont peu qualifiés, peu lettrés, finalement, de dicter à une
08:42 machine leur expérience, et le CV se constitue automatiquement.
08:47 Impressionnant.
08:48 Merci beaucoup Elisa d'être venue aujourd'hui.
08:52 Et maintenant, on va passer à la séquence en coulisses.
08:56 On va commencer par ton passé dirigeant chez Xerox, qui est un acteur bien connu, surtout
09:07 sur les imprimantes, on va dire multifonctions.
09:08 Alors en 2002, tu es devenu président de Xerox en Italie.
09:12 Alors j'ai lu dans une interview que ces deux années passées ont été les plus marquantes
09:16 de ta carrière.
09:17 Tu disais l'expérience la plus passionnante et la plus difficile.
09:21 Pourquoi ? Parce que quelque part, c'est votre premier
09:28 job de General Manager.
09:31 Donc quand on est patron d'un pays, on a un patron, mais il est un peu loin, et vous
09:36 arrivez dans une compagnie où, si vous êtes là, c'est parce que la compagnie ne va pas
09:41 très bien, et les Italiens sont des vendeurs absolument exceptionnels, ils vendent, mais
09:47 ils n'encaissent pas.
09:48 Il y a eu un petit problème de cash, et donc la situation est vraiment mauvaise d'un point
09:54 de vue profitabilité, mais d'un point de vue trésorerie, donc il faut faire le propre.
10:00 Et il n'y a personne dans le solution plan de la mafia italienne, donc voilà, on débarque
10:04 un Français, et effectivement, le 15 décembre, le patron de l'Europe me dit "il faudrait
10:10 que tu sois là-bas le 3 janvier".
10:12 Alors ok, le contrat était sympathique, les conditions étaient sympathiques, mais je
10:17 lui dis quand même "Jean-Noël, c'est dans trois semaines".
10:22 Je ne parle pas italien.
10:24 Oui.
10:25 Je suis gay et tu m'envoies au pays du pape.
10:26 Oui.
10:27 Et donc effectivement, ça a été deux années et demie exceptionnelles, où j'ai découvert
10:35 finalement les Italiens.
10:39 On parle souvent du choc de culture entre un Français et un Anglais, mais finalement
10:45 il y a les Alpes au milieu, c'est très très différent un Français et un Italien.
10:49 Et puis finalement on a réussi, moi avec mes trois mots d'Italien, on a réussi à
10:55 faire une équipe et on a réussi à faire ce qu'il fallait faire.
10:58 Donc ça a été vraiment dur humainement au début parce que j'ai douté de comment
11:05 on allait le faire, comment avoir l'adhésion d'une équipe qui quelque part ne vous attend
11:11 pas avec un grand bienvenu.
11:15 Tu as dû apprendre l'italien, j'ai lu.
11:18 C'était pourquoi ? Parce que les Italiens, il faut faire attention à ne pas faire de
11:25 généralité qui pourrait choquer, mais je pense que les Italiens ont la même carence
11:28 avec les langues étrangères que les Français.
11:31 Et donc il vaut mieux être assez rapidement en tant que patron capable de synthétiser
11:38 en fin de meeting ce qui a potentiellement été discuté et décidé pour éviter les
11:44 surprises.
11:45 Et donc il y a beaucoup de différences, manager des Italiens et manager des Français ?
11:48 Pareil, c'était qu'une expérience.
11:53 Les Italiens sont extrêmement créatifs.
11:55 Donc dans mon expérience c'est passionnant parce qu'il y a des idées, ça fuse partout.
12:03 Mais de cette créativité fait qu'il y a le pendant, c'est-à-dire qu'on a une nouvelle
12:08 idée l'après-midi donc du coup on n'a pas toujours implémenté l'idée du matin.
12:11 Donc essayer de mettre un peu de rigueur anglo-saxonne et de processus chez les Italiens
12:20 c'est un challenge.
12:21 Mais si on arrive à cadrer cette créativité avec des processus, on a une recette gagnante.
12:28 C'est un peu ce qu'on a fait.
12:29 Et puis le deuxième facteur, c'est que les Italiens sont très très sur la balance.
12:36 C'est très très agréable de travailler en Italie, de vivre à Milan, pour le plaisir
12:44 des yeux c'est très agréable.
12:45 Mais un petit défaut c'est qu'effectivement bien souvent sur un changement de job, sur
12:52 une proposition de job, sur des cross-géographies ou des cross-fonctions, ce n'est pas "est-ce
12:58 que c'est bien pour moi ?" c'est "qu'est-ce que les autres vont dire de ce mouvement ?"
13:01 Voilà, c'était les deux choses qui m'ont vraiment interpellé en Italie.
13:06 Et après tu es passé chez Xerox France, là où tu as aussi pris la direction.
13:11 Tu avais le mal du pays, fallait rentrer ?
13:14 Non mais Xerox France c'était la deuxième opérative de compagnie du groupe derrière
13:20 les Etats-Unis, la première, la plus grosse compagnie en Europe.
13:23 J'avais commencé tout petit vendeur de porte à porte il y a 25 ans, et puis voilà c'était
13:28 un peu le graal d'être parti tout en bas et d'arriver tout en haut.
13:31 Je ne dis pas que je me suis levé pendant 25 ans avec cette idée-là, mais voilà,
13:37 je suis arrivé là et c'était quelque part un aboutissement.
13:41 Et puis peut-être qu'une fois qu'on a l'aboutissement, on se dit "what's next ?"
13:45 C'est peut-être pour ça que j'ai quitté Xerox derrière, parce que c'était tiqué.
13:50 Et d'ailleurs tu as passé 27 ans là-bas, 25, chez Xerox.
13:55 C'est quoi, tu es quelqu'un de fidèle dans le travail ?
13:58 Je pense que je fais partie d'une génération où nos parents nous avaient appris le mythe
14:07 de l'entreprise et on avait peut-être d'ailleurs une croyance un peu naïve en l'entreprise,
14:12 mais en toute et à toute cause, oui je suis fidèle.
14:14 J'ai fait deux entreprises en 40 ans et je vis avec la même personne depuis 40 ans,
14:20 donc oui je dois avoir une sorte de fidélité.
14:22 Il se transperce.
14:24 Et alors pourquoi tu quittes là au bout de 27 ans ?
14:27 C'est quoi, une petite crise personnelle ?
14:29 Ou fallait changer ?
14:31 Il y a plusieurs raisons.
14:33 Il y a qu'on parle d'un smart boss ou on parle de "qu'est-ce que c'est qu'un bon patron ?"
14:40 Les entreprises, si on regarde les entreprises, à part quelques exceptions,
14:44 les entreprises qui ont marqué le siècle et qui marquent le siècle,
14:47 c'est les entreprises qui sont dirigées par des gens visionnaires,
14:51 qui amènent dans leur foulée des gens qui sont les meilleurs.
14:58 Et on se retrouve avec la meilleure équipe et on gagne.
15:02 Chez Xerox, c'était une belle entreprise, mais voilà, Xerox a tout inventé,
15:07 mais Apple a tout pris et c'est une entreprise qui, au fil des années,
15:11 comme d'ailleurs l'ensemble de l'industrie de la bureautique,
15:15 aujourd'hui on n'imprime plus quand même, beaucoup,
15:18 donc il y avait ce fait de, voilà, c'était une entreprise d'une époque
15:22 et puis il y avait, c'est peut-être le moment de changer.
15:25 Et donc quand c'est le moment de changer, on n'est pas actif sur le marché,
15:29 mais on est passif sur le marché et c'est là où les chasseurs de tête font leur boulot.
15:33 Alors je fais un petit saut dans le temps, donc là tu arrives dans la grande maison à déco.
15:37 Directeur Donange, directeur général de la région Asie-Asie-Pacifique,
15:41 est-ce que c'est facile ou pas d'être patron français en Asie ?
15:46 C'est assez facile, oui. C'est assez facile.
15:51 D'abord, en fait, on se rend compte que les entreprises du Five Android 500
15:54 ont énormément de cadres dirigeants européens ou américains.
16:03 Et particulièrement sur des hubs ou des headquarters qui sont souvent à l'époque,
16:10 à Hong Kong, à Singapour et en Chine, mais finalement de plus en plus à Singapour
16:13 avec ce qui s'est passé à Hong Kong.
16:16 En fait, on est accueilli parce qu'on représente un savoir-faire professionnel.
16:24 Après, les Asiatiques en règle générale, pareil, ils font très attention.
16:29 C'est comme si je disais, les Européens, un Suédois, ce n'est pas un Portugais.
16:34 Et un Japonais, ça n'a rien de commun avec un Malais.
16:36 Mais en règle générale, c'est quand même des dictatures démocratiques
16:43 qui ont cadré leur population.
16:48 Donc l'éducation est très cadrée, l'enseignement supérieur est très cadré.
16:53 Donc il reste ce côté un peu envoûtant parce que c'est des pays
16:59 qui se sont construits sur quelque part l'ordre.
17:04 Ils n'ont pas guillotiné Marie-Antoinette.
17:06 Et donc du coup, c'est très relax d'être patron là-bas
17:10 parce que le patron, a priori, il est là pour faire le bien.
17:12 Donc il a les bonnes décisions, il fait le bien.
17:15 Et donc il y a une sorte de respect, d'être attendu comme le Messie,
17:19 d'être écouté avec beaucoup de respect.
17:21 Ça peut dans certains cas friser la complaisance,
17:24 mais en tout cas, c'est confortable.
17:26 - Alors au cours de ta carrière, tu as occupé plusieurs postes,
17:29 donc directeur commercial, directeur service client.
17:32 Est-ce que n'importe quel patron de business unit,
17:35 de département peut devenir aujourd'hui PDG
17:38 ou s'est réservé plutôt aux directeurs commerciaux ?
17:41 - C'est difficile de répondre à cette question.
17:45 Je pense que c'est l'ADN de l'entreprise qui...
17:50 Les Américains et les entreprises américaines dans les années 82 000
17:54 ont réellement créé beaucoup de carrières internes.
17:57 Et je pense que j'ai eu beaucoup de chance chez Xerox
17:59 parce que j'ai fait 12 jobs en 25 ans.
18:03 Et donc, ça veut dire que les Américains étaient très bons très tôt
18:07 pour manager la diversité, manager la mobilité et projeter les gens.
18:13 Ce qu'on appelait les "early hypotension" dont j'étais peut-être.
18:18 Et donc, effectivement, je crois qu'il faut regarder l'entreprise.
18:22 Si aujourd'hui, on est jeune et qu'on veut se projeter,
18:25 ou si on a 30 ans et qu'on veut se projeter,
18:27 quand on se dit finalement, il faut...
18:30 Effectivement, il y a sans doute des entreprises où c'est plus facile que d'autres.
18:33 Donc, la géographie, la mentalité, l'ADN...
18:37 Et je pense que Xerox, c'était relativement facile.
18:41 À partir du moment où on était mobile,
18:46 et à des causes, l'écosystème est assez large.
18:49 Donc, il y a 60 pays.
18:52 Voilà, donc on peut aussi, à mon avis, progresser.
18:56 On creuse géographie ou on creuse fonction assez facilement
18:58 à partir du moment où on le dit.
19:02 - Quel est un peu ton...
19:03 Alors, ton ou peut-être tes styles de...
19:06 Voilà, ton style de management ?
19:09 - Ça, c'est difficile.
19:12 Fidèle... Oui, fidèle.
19:15 J'ai vu authentique.
19:17 C'est vrai que je pense qu'on est tous nés au même endroit
19:22 et on mourra tous au même endroit.
19:23 Donc, je crois que c'est, pour moi, important de...
19:27 J'ai toujours été curieux et intéressé.
19:32 Donc, voilà, je suis curieux.
19:34 Je suis...
19:37 Et si on est curieux, ça veut dire qu'il faut savoir ce qui se passe sur le terrain.
19:39 Et s'il faut savoir ce qui se passe sur le terrain, il faut y aller.
19:42 Et s'il faut y aller, il faut y aller avec les mots du terrain
19:45 et avec une proximité.
19:48 Voilà, donc est-ce que c'est une attitude forcée
19:51 ou c'est une attitude naturelle ?
19:53 Je pense que j'ai la chance que ce soit plutôt une attitude naturelle.
19:55 Mais si elle n'est pas naturelle, il faut la forcer.
19:57 Parce que sinon, de toute façon,
19:59 on n'aura pas la substantifique moelle de ce qui se passe dans son entreprise.
20:02 Et je pense qu'aujourd'hui, le risque majeur,
20:05 le plus gros risque pour un dirigeant ou pour un politique,
20:07 c'est de se couper de sa base et de ne pas comprendre ce qui se passe
20:09 dans son entreprise ou dans son pays.
20:12 - D'ailleurs, j'ai lu plusieurs interviews portrait aussi de toi
20:17 ces dernières années.
20:19 Et il y a quelque chose qui revient souvent,
20:21 c'est que tu es quelqu'un d'humble.
20:23 Est-ce qu'on peut vraiment être humble
20:25 quand on a la tête d'une grande entreprise ?
20:28 - Pareil, je pense que c'est pas une question de...
20:35 Je pense que la manière dont on vit,
20:38 je ne fais pas que des choses humbles,
20:39 mais je ne les étale pas, ce que je ne fais pas d'humble.
20:42 Mais en tout état de cause,
20:46 j'ai plutôt une approche de pragmatisme.
20:52 Si je suis basé à Lyon, je suis à Paris très souvent.
20:59 Quand on arrive à la gare de Lyon pour aller à la Défense,
21:04 le plus pragmatique et le plus efficace, c'est le RER A.
21:08 Donc après, est-ce que je suis humble parce que je prends...
21:10 Non, je pense que dans mes traits de caractère,
21:14 j'en ai de les deux, mais il y a l'exigence.
21:16 Je pense que je suis un dirigeant exigeant,
21:21 sympathiquement chiant, quoi.
21:23 En tout cas, c'est ce que j'essaie d'être.
21:25 Et donc pour ça, quand il y a deux alternatives,
21:28 deux choix et qu'il y a un choix qui me paraît plus efficace,
21:32 c'est celui que je prends.
21:35 - J'ai aussi lu, alors qu'on dit souvent de toi que tu casses les codes.
21:39 Alors, casser les codes, ça prend du temps.
21:42 On peut le faire au bout de 25 ans ou alors il faut justement le faire très vite.
21:46 - On va dire que la beauté de mon âge, c'est qu'on a l'expérience.
21:56 On a 35 ans derrière où on a fait des choses qui ont plus ou moins bien marché.
22:01 Donc on apprend de ses erreurs.
22:04 Je crois que la proximité et le fait d'être proche des gens
22:11 et donc du coup, de laisser un peu aussi paraître ce qu'on est, son vécu.
22:20 Et il y a toujours évidemment la limite.
22:23 Où est la limite pour un dirigeant de sa stature ?
22:27 Parce que je suis le président, je ne peux pas danser la nouba à poil.
22:33 Mais quand même être proche, être intéressé par les gens et montrer finalement
22:38 qu'on a tous à un moment les mêmes soucis, les mêmes peines, les mêmes histoires.
22:45 Parce que c'est la vie.
22:47 - C'est pour ça que tu vas souvent.
22:47 On a vu beaucoup de photos de toi dans des agences.
22:50 Donc tu te déplaces beaucoup pour aller les voir ?
22:54 - Oui, c'est la chose objectivement la plus agréable dans ma vie de dirigeant.
22:58 C'est d'écouter, d'écouter, de prendre des notes.
23:04 Et puis généralement, mon comex et mes directeurs, quand je rentre,
23:07 ils ne sont pas contents que j'y sois allé parce que je reviens avec pas mal de...
23:12 J'ai une to-do liste.
23:15 Une to-do liste, mais c'est super important parce que l'entreprise,
23:19 elle sera efficace si ses 6000 collaborateurs sont engagés.
23:22 Et s'ils sont engagés, c'est parce que potentiellement, je connais leurs problèmes.
23:27 Je sais ce qu'il faut résoudre et on s'y attelle.
23:30 Et on n'est pas magicien.
23:31 Donc il y a des sujets sur lesquels on va mettre des mois, voire des années.
23:35 Mais au moins, ce n'est pas faire du populiste.
23:37 C'est réellement la productivité d'une entreprise.
23:42 - Tu n'allais pas échapper dans cette interview,
23:44 mais tu as quand même un homonyme bien connu dans ce monde.
23:48 - Pas moins connu maintenant.
23:50 - Pendant plusieurs années, il a été patron de la CGT.
23:52 Est-ce qu'on t'a déjà confondu avec lui ?
23:54 - Non.
23:55 - Jamais ?
23:56 - Non.
23:57 Alors je pourrais essayer de mettre une moustache.
24:00 - Non, quand même.
24:01 - Non, non, ça ne s'est pas produit.
24:05 Par contre, je suis arrivé le 1er avril,
24:06 ce n'était pas un poisson à la tête de la déconférence.
24:09 Je suis arrivé dans vraiment la tourmente.
24:12 Après cinq ou six années du cocon disneylandais de Singapour et de la Suisse.
24:19 Donc là, effectivement, j'ai pu son nom beaucoup, beaucoup, beaucoup trop.
24:25 - J'ai vu d'ailleurs, tu avais tweeté il y a quelques années,
24:28 une tribune de Julien Leclerc, qui est un patron d'un PME dans le Figaro.
24:31 Et la tribune s'intitulait "Cher Monsieur Martinez,
24:34 arrêtez d'emmerder les Français".
24:36 Pourquoi il t'a emmerdé, Monsieur Martinez ?
24:38 - Je ne me rappelle pas l'histoire, mais...
24:42 Je ne me rappelle vraiment pas l'histoire.
24:45 Toi, tu l'as peut-être regardé, non ?
24:48 Je suis pris de coups.
24:49 - Bon, ce n'est pas grave.
24:51 J'aurais peut-être dû, d'ailleurs, te prévenir avant.
24:54 Non, écoute, dernière petite question.
24:56 Alors, tu n'es pas obligé de répondre,
24:58 mais comme tu l'as dit au tout début de l'interview,
25:00 tu dis "je suis un patron gay", etc.
25:03 Ce ne sont pas des choses dont on parle souvent en France.
25:07 Est-ce que c'est tabou ou pas ?
25:11 - En tout cas, moi, j'ai eu la chance de travailler
25:15 dans une entreprise américaine où c'était facile.
25:18 Un management through diversity, c'était vraiment dans les guidance.
25:21 Et je pense que ce n'est pas un tabou,
25:24 mais je pense que finalement, la société a énormément évolué,
25:28 dans le bon sens, pas partout malheureusement.
25:33 Mais dans l'entreprise, finalement, je pense,
25:37 et je le vois aujourd'hui,
25:39 quand j'ai fait mon coming out il y a 35 ans chez Xerox,
25:44 je pense aujourd'hui, finalement, 35 ans après,
25:48 ce n'est pas nécessairement plus facile.
25:50 C'est peut-être plus facile, alors, vraiment plus facile
25:53 dans la sphère des amis, dans la sphère familiale,
25:56 mais dans l'entreprise, très étonnamment,
26:00 on a toujours, et j'en ai rencontré des collaborateurs
26:02 qui disent, finalement, et Dieu sait que ça me parle,
26:05 finalement, le lundi matin, dans la machine à café,
26:08 on féminise ou on masculise le nom de son partenaire.
26:13 Et donc, en tout cas, chez moi, il y a un gros travail
26:17 qui est engagé pour que le manager soit acteur.
26:23 On ne peut pas forcer les gens à faire leur coming out,
26:25 mais en tout cas, le management a un rôle important
26:27 pour donner un cadre de confiance,
26:31 un cadre vraiment d'ouverture pour que, justement,
26:36 les gens se disent, oui, c'est évident, il faut que je le dise
26:38 plutôt que de continuer à raconter des cracks au café le lundi matin.
26:41 - Merci beaucoup d'avoir partagé ce dernier point.
26:45 Et maintenant, on va passer à la séquence interview chrono.
26:48 Alors, tu as travaillé en Asie.
26:54 Quel est ton pays asiatique préféré ?
26:57 - La Thaïlande.
26:58 - Est-ce que tu utilises Tchad GPT ?
27:01 - Non.
27:02 - Pas du tout.
27:03 Est-ce que tu peux me citer une entrepreneuse
27:04 ou une dirigeante française que tu apprécies, qui t'inspire ?
27:10 - On va peut-être parler d'Agathe Montpé,
27:11 parce qu'elle est assez populaire en ce moment.
27:13 La nouvelle patronne de Leroy Merlin.
27:15 - Le Roy Merlin, très bon choix.
27:18 Jusqu'où tu aimais bien la moto ?
27:19 C'est quoi ton modèle de moto préféré ?
27:21 - Ducati Scramble.
27:23 - Alors, tu es plutôt télétravail ou classique au bureau ?
27:29 - Plutôt classique au bureau, mais néanmoins,
27:31 appréciant un petit peu de télétravail de temps en temps.
27:35 - Est-ce que Adéco, ce sera la dernière boîte où tu vas travailler ?
27:37 - Ah oui.
27:40 - Quelle est l'application que tu utilises le plus ?
27:43 - Radio Garden.
27:45 - Je ne connais pas du tout.
27:45 J'irai voir.
27:46 Est-ce que tu es déjà retourné en Italie depuis que tu as quitté Xerox ?
27:49 - J'ai quitté Radio du Monde sur une petite application.
27:51 Est-ce que je suis déjà retourné en Italie ?
27:52 - Oui, bien sûr. C'est un pays que j'adore,
27:55 même si je suis plutôt espagnol maintenant.
27:58 - Et enfin, tu es plutôt allé LinkedIn, Instagram ou TikTok ?
28:05 - Instagram de cœur et LinkedIn d'obligation.
28:09 - Très bien. Merci beaucoup d'avoir répondu à toutes ces questions
28:12 et puis à l'interview aussi en coulisses.
28:15 Et j'espère qu'on se reverra bientôt.
28:17 Merci à tous d'avoir regardé l'émission.
28:20 On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro.
28:23 Au revoir.
28:24 (Générique)