• il y a 6 mois
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Clique, c'est présenté par Mouloud Achour, tous les jours à 19h45 en clair sur CANAL+ ! 

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Transcription
00:00 -Notre tête à clics du jour est Salif Keita, dit "Filas".
00:03 Il vient de sortir le 1er tome de son autobiographie
00:05 dans laquelle il nous raconte son histoire.
00:07 -Je m'appelle Esca, alias Filas.
00:10 Je suis là, 3 ans, entre 4 murs, en prison, aux Etats-Unis,
00:14 avec cette tenue orange de merde.
00:16 Je me demande qu'est-ce que je fous là ?
00:18 Où est-ce que j'ai merdé ?
00:20 -Loin de cautionner la criminalité,
00:22 son témoignage offre un regard conscient et apaisé
00:25 depuis son enfance jusqu'à sa cavale qui a duré 20 ans aux Etats-Unis.
00:28 La préface du livre, quant à elle, est signée Tommy Buddy.
00:31 -Il y a l'auteur, il y a le texte, et après, il y a la vérité du moment.
00:35 Parce que la personne qui a écrit le texte a vécu, a une vision,
00:39 a eu un passé, va avoir un futur, mais surtout un présent.
00:42 Donc, c'est la vie. Il faut faire vivre ces mots.
00:45 -Bonsoir, Salif Keita. -Bonsoir.
00:48 -Merci beaucoup d'être avec nous.
00:49 Mouloud Achour, Ellen Segarra. -Bonsoir.
00:51 -Salut. Ca va ? -Oui.
00:52 -Salif Keita, vous êtes entrepreneur
00:54 et vous venez de sortir votre autobiographie "Un style de vie".
00:57 On va revenir ensemble, Salif, sur votre vie.
00:59 Ce livre, vous l'avez écrit en prison et en avant-propos.
01:02 Vous écrivez "En aucun cas, je ne cautionne la criminalité",
01:05 bien au contraire. Pourquoi il vous a fallu l'écrire, ce livre ?
01:08 -En fait, c'était une thérapie pour moi, ce bouquin.
01:11 Quand j'étais en prison aux Etats-Unis,
01:13 j'allais perdre la tête, pratiquement.
01:15 Je me retrouvais avec moi-même en cellule, sans télé, sans fenêtre.
01:19 Du coup, je me suis dit "Mais qu'est-ce que je fais là ?"
01:23 -Et on va y revenir. -Et donc, j'ai commencé à écrire.
01:26 -Salif Keita, vous avez 50 ans, vous êtes né au Mali,
01:28 vous êtes arrivé en France à vos 6 ans.
01:30 Quelques années après, vos parents divorcent,
01:32 votre mère vous élève seul, vous êtes 5 enfants,
01:34 et à 12 ans, vous débarquez à Sarcelles.
01:36 C'est là que tout commence. Comment ça se passe ?
01:39 -Là, j'ai atterri à Sarcelles, en 6e,
01:43 et vu que je suis un enfant élevé par que notre mère,
01:49 enfant seul, donc du coup, je me fais mes amis du quartier,
01:54 ça devient ma deuxième famille, en fait.
01:56 Et crescendo, les choses, elles montent, on est dans la street,
02:00 on suit la bande, on fait suivre la bande,
02:03 et les choses vont de plus en plus dans le côté obscur.
02:08 -C'est important, ce que vous dites,
02:09 parce qu'il y a eu plein de gens qui ont glorifié ça.
02:12 Et ce livre, en fait, il sert à comprendre
02:14 que les fréquentations du quartier, c'est rarement les bonnes.
02:17 -On va faire gagner beaucoup de temps à beaucoup de jeunes, là,
02:19 en leur parlant comme ça.
02:21 -Et ça va même très loin, Salif Keita,
02:23 parce que vous avez failli mourir plusieurs fois, vous le racontez.
02:25 Vous faites vos premiers séjours en prison, vous avez 17, 18 ans,
02:28 et en parallèle, vous devenez papa très, très jeune,
02:30 vous avez 20 ans, et vous développez aussi l'entrepreneuriat.
02:33 Il se passe tout ça dans cette vie si jeune.
02:35 Vous montez un label de musique, une marque de vêtements
02:37 que beaucoup d'artistes s'arrachent, et là, vous êtes au top.
02:40 Racontez-nous un petit peu comment ça se passe, tout ça, en même temps.
02:43 -En fait, dans la street, il y a beaucoup d'entrepreneurs,
02:48 mais on n'a pas les options nécessaires
02:52 pour suivre la "bonne voie".
02:55 On connaît ce qu'on apprend sur le terrain.
02:59 En fait, dans la street,
03:03 moi, j'ai eu la chance d'avoir cette envie
03:09 de vouloir avoir mes propres affaires, mes propres business, en fait.
03:13 Mais je savais pas quelle porte taper pour y accéder.
03:19 Il y avait que la street.
03:20 Et donc, du coup, ça a commencé avec les petits...
03:24 Les petites... -Les petits larcins.
03:26 -Les petits larcins, les petits deals...
03:30 Mais maintenant, attention, quand je dis ça,
03:32 il faut que je prenne le recul pour expliquer que,
03:35 là, avec mon âge, à 50 ans,
03:39 je connais mieux.
03:40 Le savoir est une arme, et c'est vrai.
03:42 Quand t'as entre 17 et 20 ans,
03:44 tu sais pas exactement ce qui se passe,
03:45 t'es vraiment dans une matrix,
03:47 et tout autour, tout le monde est dans la même matrix.
03:50 Donc, du coup, on fait à peu près tout ce que tout le monde font.
03:54 Et à côté, c'est un peu les stups, c'est un peu les vols,
03:59 c'est des choses qu'on t'apprend pas forcément, en fait.
04:02 -Je peux poser une question ? -Vas-y.
04:04 -Ta mère, elle a vu ta réussite aujourd'hui ?
04:06 -Ouais, hier, d'ailleurs, j'ai fait mon événement,
04:08 la sortie du bouquin, et elle était là, la maman.
04:10 -Je trouve que c'est la plus belle...
04:12 -Elle était très joie, elle était vraiment...
04:13 Et c'était un événement qui a très, très bien réussi.
04:16 Et il y avait carrément pas mal de personnes de Sarcelles,
04:20 c'était full plaine.
04:21 Et du coup, pour répondre à ta question,
04:23 elle a vraiment, vraiment aimé.
04:24 -Oui, parce qu'elle a dû passer par tous les stades.
04:26 -Partout, partout.
04:28 Entre les portes cassées par la police,
04:29 entre les cauchemars qu'elle a eus...
04:33 -J'imagine, pour une maman,
04:34 et là, aujourd'hui, ça doit être une telle libération pour elle.
04:37 -Carrément, carrément.
04:39 -Et justement, vous avez beau réussir,
04:41 un jour, suite à une affaire de drogue,
04:42 vous retournez au tribunal, et là,
04:46 et c'est là que vous nous amène votre livre,
04:48 vous êtes condamné à six ans de prison,
04:49 et vous prenez une décision assez folle,
04:51 et justement, vous appelez votre maman pour avoir son aval.
04:53 C'est quoi, cette décision ?
04:55 -En fait, j'appelle ma mère. Pourquoi ?
04:56 Parce que, encore une fois, j'ai vécu qu'avec elle.
04:58 Mon père, il est parti assez tôt.
05:00 Et le lien d'une maman à ses enfants, c'est spécial.
05:04 Que les papas soient là, c'est très bien,
05:06 mais une maman, c'est spécial.
05:08 Donc du coup, je sors du tribunal,
05:10 j'appelle la vieille, j'appelle ma mère...
05:12 -Oh, dis donc !
05:13 -Il y a bien des gens qui vous appellent "le vieux", maintenant.
05:16 -Exactement !
05:17 J'appelle la vieille, et tout,
05:19 et je fais un moment, c'est chaud,
05:20 là, ils ont demandé une peine que, pour moi,
05:23 c'était hors proportion, en fait.
05:25 À l'époque, il faut remettre dans le contexte,
05:27 ça remonte à 20 ans, 22 ans.
05:28 -Vous prenez six ans de prison.
05:30 -Je prends... Je sais pas exactement ce que j'ai pris ce jour-là,
05:33 mais ils demandent six ans.
05:35 Quand je parle à la vieille, elle me dit...
05:39 Mon fils part en bambard, elle me dit "Fataga".
05:41 Et donc, du coup, je raccroche, je dis à mes gars,
05:43 "Écoutez, moi, je me barre, je pars, je reste pas ici."
05:45 -T'as fait ta cavale ? -Ouais.
05:47 Et c'est là que ma cavale a commencé, en fait.
05:49 Le même jour, le même soir. -Condamné pour quoi ?
05:51 -Stupéfiant, hachiche. -OK.
05:53 -C'est du hachiche, ouais.
05:54 -Et vous pensiez passer quelques jours, vous mettre un peu de côté,
05:57 et en fait, vous allez y passer 20 ans,
05:59 vous devenez livreur de pizzas,
06:00 vous recommencez tout, en fait, depuis le début.
06:02 -En fait, avant de partir... Excuse-moi, je te coupe.
06:05 Avant de partir en cavale, j'avais déjà entrepris.
06:06 J'étais déjà sorti de la criminalité,
06:08 j'étais déjà sorti du côte obscur,
06:09 je commençais à faire des deals avec le secteur A,
06:12 avec pas mal d'artistes,
06:13 et du coup, quand je vais au tribunal et ils me demandent cette peine,
06:17 je venais tout de perte, déjà.
06:20 Je suis sorti en prévisoire, je repère tout encore.
06:22 Je fais "Non, c'est pas possible."
06:23 -C'est le moment où tu veux te relever.
06:25 -Exactement. -On sent qu'on veut te replonger
06:27 dans le passé, quoi. -Exactement.
06:29 Donc du coup, c'est là que je prends la décision de partir.
06:32 Un temps, un an, deux ans, voire trois ans,
06:35 pour que les choses marchent bien en France
06:37 et revenir faire ma peine.
06:39 -Vous partez aux Etats-Unis, vous y passez 20 ans.
06:42 Qu'est-ce qui est le plus difficile quand on est en cavale ?
06:44 -Bah c'est... On dort, mais on ne se dort jamais tranquille.
06:47 Même au fin fond du monde,
06:50 t'as toujours cette...
06:52 Cette petite...
06:54 Dans ta conscience qui dit...
06:56 "Tu vas te faire attraper, tu vas te faire attraper."
06:57 De toute façon, tôt ou tard, on se fait toujours attraper.
06:59 -Et vous finissez par vous faire attraper.
07:00 -Et je finis par me faire attraper, en 2017.
07:02 -Dans quel état tu étais ?
07:04 -Je suis dans un état financier assez bien.
07:06 J'ai gouverné le commerce.
07:07 -Dans quel état d'Amérique ?
07:08 -Dans l'État ? OK. J'étais à New York, Harlem.
07:11 -Ah, d'accord. OK. -En plein Harlem.
07:13 Et...
07:15 J'ai fait 9-20 ans, c'est Harlem.
07:17 -Et comment tu survivais, là-bas, à ce moment-là ?
07:19 -Au départ, comme t'as dit tout à l'heure,
07:21 là, je livrais les pizzas pendant 5 ans.
07:23 Donc c'est une dépression totale.
07:24 En sachant ce que j'avais laissé là-bas...
07:26 -Vos enfants. -Les enfants...
07:28 J'arrive dans un pays que je connais pas, là, je connais personne.
07:31 -En tout cas, pour connaître l'histoire de cette cavale incroyable,
07:33 il faut le lire, ce livre s'appelle "Un style de vie".
07:36 -Et on...
07:37 [SILENCE]