• il y a 6 mois
100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:00 [Générique]
00:00:10 Bonjour à tous, très heureux de vous retrouver pour un nouveau numéro de 100% Sénat,
00:00:14 l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17 Avec une émission spéciale aujourd'hui, puisque la commission d'enquête du Sénat sur le trafic de drogue remet son rapport.
00:00:23 Après des mois d'audition, les sénateurs présentent leurs mesures pour mieux lutter contre le narcotrafic.
00:00:28 Je vous laisse écouter leur conférence de presse.
00:00:30 Mesdames et messieurs, bonjour. Merci d'être présents à cette conférence de presse de remise de notre rapport
00:00:39 de conclusion de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.
00:00:46 Nous sommes très heureux avec Étienne Blanc et très fiers de vous présenter le travail des 23 membres de notre commission.
00:00:53 Nous allons remercier tous ceux qui ont contribué à sa rédaction, l'équipe d'administrateurs du Sénat qui a œuvré pour que nous puissions produire ce travail.
00:01:08 Je veux dire en préambule de notre propos que nous avons découvert l'ampleur, l'enracinement, la complexité, les risques d'un fléau qui touche notre pays.
00:01:25 Et nous avons essayé d'apporter une vision globale. Le rapport de la commission d'enquête, c'est trois tomes.
00:01:33 Le plaisir n'est pas de noircir du papier, mais ce que je veux souligner par là, c'est qu'on ne peut pas s'en tenir à quelques mesures par-ci par-là.
00:01:43 Il faut une vision globale et c'est ce que nous avons modestement, mais de façon opiniâtre, cherché à produire dans ce rapport.
00:01:50 Vous verrez qu'on parle des outre-mer, on parle des territoires ruraux, on parle du blanchiment, on parle de la prévention, on parle de la procédure pénale.
00:02:01 On parle de quantité de choses, des interventions en mer de la Marine nationale.
00:02:05 C'est extrêmement varié et je pense qu'on ne luttera pas contre le narcotrafic si on n'a pas à l'esprit cette chaîne qui le constitue.
00:02:14 La France est submergée par le narcotrafic. Nous proposons un nécessaire sursaut pour sortir du piège du narcotrafic. C'est le titre du rapport.
00:02:23 Un narcotrafic qui touche désormais l'intégralité de notre territoire jusqu'aux zones rurales et dont le chiffre d'affaires représente chaque année entre 3 et 6 milliards d'euros.
00:02:33 Notre pays subit les conséquences notamment d'une explosion du trafic de cocaïne depuis 10 ans, on parle d'un tsunami blanc,
00:02:40 et de l'arrivée massive de drogues de synthèse toxiques et peu onéreuses qui sont sans doute le danger de demain.
00:02:46 Il subit également les mutations d'un trafic ubérisé et est devenu l'exemple d'un ultra-capitalisme débridé
00:02:55 dans lequel la violence et la corruption sont les instruments de base du business.
00:03:01 Merci. Le rapport que nous allons vous présenter, que nous vous présentons maintenant, est un rapport extrêmement complet, extrêmement dense.
00:03:13 Donc vous comprendrez qu'on ne puisse pas rentrer dans les détails et en faire une lecture exhaustive.
00:03:18 Quand vous voyez la masse, nous allons vous donner quelques lignes directrices et puis ensuite répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.
00:03:26 Dans nos travaux, nous avons tout d'abord repéré un certain nombre de failles.
00:03:31 Et ces failles, les premières d'entre elles, ce sont les manqueries de moyens.
00:03:37 On n'a pas vu un seul service, que ce soit les services des douanes, de la police ou du service du renseignement ou autre,
00:03:44 qui ne nous disent aujourd'hui que les moyens qui sont mis à leur disposition sont insuffisants.
00:03:50 Insuffisance des moyens humains, c'est vrai aussi pour l'institution judiciaire.
00:03:55 Insuffisance des moyens techniques. Aujourd'hui, les narcotrafiquants utilisent des techniques de pointe.
00:04:03 Les moyens techniques mis à disposition des services ne sont pas forcément adaptés et calés sur les moyens techniques utilisés par les narcotrafiquants.
00:04:13 Et puis aussi, un certain nombre de manques de moyens juridiques.
00:04:17 Nous avons des faiblesses dans notre code de procédure pénale et dans notre code pénal que nous avons repérées.
00:04:25 Alors pour nous, ces faiblesses, elles démontrent l'insuffisance de la prise en compte de ce phénomène du narcotrafique par la puissance publique au sens large.
00:04:34 Pour être clair, si vraiment on avait pris la mesure du risque, on aurait d'ores et déjà doté la France de moyens beaucoup plus puissants.
00:04:43 Donc comme je l'ai dit, notre rapport est particulièrement dense. Mais il a eu le mérite, par rapport aux différents textes ou aux différentes commissions qui ont été créées,
00:04:57 à la fois à l'Assemblée nationale et au Sénat, c'est sans doute la première fois que l'on a réussi à construire un rapport qui s'intéresse au bas du spectre pour remonter jusqu'au haut du spectre.
00:05:11 Il en pointe les points faibles et il donne un certain nombre de moyens d'y remédier.
00:05:15 C'est la première fois que nous avons cette vision d'ensemble du narcotrafique et aussi des moyens affectés pour y remédier.
00:05:28 Un certain nombre de questions, je ne les aborderai pas, mais je peux répondre tout à l'heure à vos interrogations.
00:05:36 C'est notamment toute la question de la coopération internationale ou aussi, j'imagine, parce que vous poserez des questions sur ces opérations place nette.
00:05:46 Moi, je voudrais commencer ma présentation de ce rapport à parler d'une procédure pénale qu'il convient désormais de rénover.
00:05:56 Les magistrats, qu'ils soient du siège ou du parquet, les forces de police, nous ont expliqué que la complexité de nos codes, notamment du code de procédure pénale,
00:06:08 ouvrait la porte à un certain nombre de failles qui permettent à des dossiers entiers de tomber.
00:06:18 Je voudrais citer un exemple qui est un exemple flagrant. C'est celui de l'infiltration et de la fragilité qui encadrent aujourd'hui la technique de l'infiltration.
00:06:30 Au même titre que nous avons repéré une faiblesse juridique dans les techniques qui permettent d'utiliser les informateurs.
00:06:41 C'est très, très simple. Le constat est très, très simple. Un informateur est efficace quand il s'approche de l'infraction.
00:06:51 Et pour bien s'approcher de l'infraction, il faut qu'il participe à l'infraction. Plus il participe à l'infraction, plus il donne des moyens de comprendre l'architecture du réseau dans lequel il est infiltré
00:07:05 et ensuite d'apporter les moyens pour lutter contre ce réseau. Mais à partir du moment où il pénètre ce réseau,
00:07:13 ceux qui l'instrumentalisent n'ont pas la possibilité de continuer à l'instrumentaliser. Sinon, ils peuvent être considérés comme complices de l'infraction.
00:07:23 Et il y a aujourd'hui les procédures pénales qui ont été ouvertes contre des agents des forces de l'ordre.
00:07:28 Ou pire encore, ils peuvent être considérés comme provoquants l'infraction, puisqu'ils ne la font pas cesser.
00:07:35 Donc nous avons là des faiblesses juridiques. C'est vrai pour les informateurs. C'est vrai pour les personnes infiltrées.
00:07:44 Et donc nous avons formulé un certain nombre de propositions sur ce sujet-là.
00:07:52 Nous avons proposé aussi que soit réformé le statut des repentis. Le garde des Sceaux l'a annoncé depuis un peu plus d'un an.
00:08:01 Pour l'instant, nous n'avons rien vu venir. Mais nous avons formulé des propositions de manière à ce que ces dispositifs soient améliorés.
00:08:12 Une deuxième proposition, un deuxième axe de proposition concerne l'égalité des armes dans les procédures pénales.
00:08:20 Ce que nous avons repéré, c'est l'usage par les forces de l'ordre d'un certain nombre de techniques, qui sont des techniques de pointe.
00:08:28 Une fois les personnes traduites devant les tribunaux, dans le cadre de l'instruction, il y a obligation, en respect du principe du contradictoire,
00:08:39 d'indiquer dans le dossier pénal les moyens qui ont été utilisés pour constater les infractions.
00:08:45 Et notamment l'exposer très précis de tous ces moyens techniques, qui sont des moyens techniques très innovants.
00:08:51 Évidemment, en communiquant ces informations, on donne des billes, par l'expression, au réseau de narcotrafiquants qui connaissent les procédés
00:09:01 qui sont utilisés par la puissance publique. Donc nous avons proposé que soit construit un dossier coffre,
00:09:09 un dossier qui ne relèverait pas du contradictoire, qui serait placé sous le contrôle de magistrats,
00:09:16 mais dont l'essentiel des moyens techniques ne serait pas communiqué aux personnes qui sont mises en cause.
00:09:22 Et puis, une troisième proposition qui est importante, régulièrement, vous vous faites l'écho dans les médias,
00:09:33 de l'utilisation de mineurs qui sont inclus dans des réseaux de narcotrafiquants.
00:09:40 Les mineurs sont utilisés par ces réseaux parce que le code pénal est ainsi fait que les peines qu'ils encours sont diminuées du fait de l'excuse de minorité.
00:09:52 Nous pensons qu'aujourd'hui, on aurait la possibilité, en modifiant notre code pénal, mais surtout en donnant des instructions au parquet,
00:10:07 pour que tous ceux qui instrumentalisent les mineurs, et notamment ceux que l'on appelle les recruteurs de jobbeurs,
00:10:16 et ces petites activités qu'on propose à des mineurs, qui sont rémunérées parfois pour des sommes qui ne sont pas très importantes,
00:10:26 mais qui font rentrer les mineurs dans un réseau dont ils ne peuvent pas s'extraire.
00:10:30 Nous pensons que la sanction de 7 ans d'emprisonnement, pour ceux notamment qui utilisent les réseaux sociaux pour faire ces recrutements,
00:10:38 c'est un moyen absolument redoutable qu'il faut utiliser. Le code pénal le permet.
00:10:42 C'est quelque chose qui n'est pas utilisé ou peu utilisé, en tout cas sur les réseaux sociaux, il ne l'est pas ou insuffisamment.
00:10:48 Donc c'est une des propositions que nous avons formulées.
00:10:51 Deuxième axe que nous voulons présenter ce matin devant vous, c'est celui de l'organisation, de la coordination, de l'animation, de la mise en réseau, de la mise en cohérence.
00:11:06 Vous l'appellerez comme vous voulez, mais dans le narcotrafic, dans la lutte contre le narcotrafic, qui est le patron aujourd'hui ?
00:11:14 Il y a un hiatus assez important entre la détermination et l'engagement des acteurs de terrain, les gendarmes, les policiers, les douaniers,
00:11:25 et une réponse publique globalement désorganisée, avec des acteurs éparpillés façon puzzle, et une stratégie qui est plutôt tournée vers les petites mains et les seconds couteaux
00:11:39 que vers ceux qui structurent les réseaux, à savoir le haut du spectre, les logisticiens, les argentiers.
00:11:45 En gros, on s'intéresse aux fantasains, et on arrive parfois à les prendre, mais on a du mal à capturer les généraux.
00:11:57 Le projet de plan STUP rénové que la Commission a obtenu de Haute-Lutte, et qui est annexé au rapport,
00:12:04 constitue l'exemple type d'un document assez flou, assez désincarné, avec des objectifs qu'on peut même considérer comme en recul
00:12:12 par rapport à ce que le plan actuel de 2019 propose sur la lutte contre le blanchiment et sur l'international.
00:12:19 Donc nous formulons trois propositions principales. Il faut un pilotage du côté magistrature avec un parquet national antistupéfiant.
00:12:32 Nous avons la conviction que c'est un modèle qui a démontré son efficacité en matière financière au terrorisme,
00:12:38 et que le narcotrafic doit faire l'objet d'un traitement distinct de celui des autres infractions rattachées à la criminellité organisée,
00:12:46 car c'est une menace directe pour les intérêts fondamentaux de la nation.
00:12:50 Ce nouveau parquet permettra de spécialiser les acteurs de la lutte, qui traitent de sujets particulièrement techniques, en procédure pénale,
00:12:59 de faire émerger un interlocuteur visible pour l'ensemble de la sphère judiciaire,
00:13:04 et de fluidifier les liens entre l'autorité judiciaire et les services d'enquête.
00:13:09 Corollaire de cette organisation, côté répressif, il nous faut renforcer l'office antistupéfiant, le FAST,
00:13:19 qui a été créé en 2019 pour être le chef de file en matière de narcotrafic du côté répressif,
00:13:26 mais qui aujourd'hui ne l'est qu'en titre, notamment auprès des douanes, qui gardent une très forte autonomie.
00:13:35 Et nous avons l'ambition, dans cette proposition, de faire de le FAST une DEA à la française.
00:13:42 Ça implique trois choses. Une véritable autorité sur tous les services d'enquête, un pouvoir d'évocation,
00:13:50 qui permet à le FAST de se saisir des affaires les plus lourdes ou les plus complexes, et des moyens à la hauteur de cette ambition.
00:13:59 PNAST, au FAST, et puis, pour faire fonctionner tout ça, il faut un plan d'urgence,
00:14:09 et donner les moyens de la lutte à tous les acteurs qui sont aujourd'hui dans une guerre asymétrique.
00:14:16 Une des formules que nous avons le plus souvent entendues, c'est les moyens illimités d'un narcotrafiquant.
00:14:23 Pour que chaque service puisse jouer pleinement son rôle, encore faut-il qu'il en ait les moyens,
00:14:28 et ce plan d'urgence, à tous les niveaux, il peut être financé grâce à la lutte contre le blanchiment.
00:14:34 On n'en fait pas assez en matière de saisie, de confiscation, et on peut récupérer une manne financière de plusieurs centaines de millions d'euros.
00:14:43 L'État peut financer son action répressive et son action judiciaire en allant chercher l'argent chez les criminels.
00:14:52 – Effectivement, c'est l'argent qui est le motif du narcotrafique.
00:14:59 Nous avons été frappés de constater, et ça nous a été dit à plusieurs reprises,
00:15:04 que la prison, finalement, c'est une sorte d'accident du travail. C'est un impondérable.
00:15:12 Mais qu'elle est considérée comme faisant partie du risque. En tout cas, elle ne fait plus peur.
00:15:18 Qui plus est, nous avons constaté que dans les prisons, on peut aujourd'hui,
00:15:21 parce qu'on dispose de téléphones, de complicités diverses, on peut continuer à exploiter son réseau.
00:15:27 On peut même commanditer des crimes et des assassinats.
00:15:31 Non, ce qui frappe le narcotrafique à la racine, c'est la lutte contre l'argent et contre les avoirs
00:15:39 qui sont constitués par ces trafics. L'argent, c'est le nerf de la guerre.
00:15:47 D'ailleurs, ceux qui en disposent le plus sont de véritables flambeurs.
00:15:51 On les voit dans des villes d'Europe, mais aussi dans des villes d'Afrique du Nord,
00:15:56 où Dubaï notamment dépensait des sommes absolument considérables,
00:16:00 qui sont le fruit de ce narcotrafique. Un chiffre tout simple.
00:16:05 Il nous a été donné par Robert Saviano. Lorsqu'on investit 5 000 € dans un trafic de cocaïne,
00:16:14 cela peut rapporter un an après 1 million d'euros.
00:16:18 Il n'y a pas d'autre activité criminelle qui puisse rapporter autant que celle-là.
00:16:24 Le chiffre d'affaires d'ensemble, ça a été répété à plusieurs reprises, confirmé par Bruno Le Maire.
00:16:30 Il s'établit entre 3 milliards et 6 milliards d'euros.
00:16:34 Difficile de le chiffrer précisément, et surtout difficile de chiffrer le chiffre d'affaires
00:16:38 et le résultat net, la bottom line du compte d'exploitation.
00:16:42 Parce que ce chiffre d'affaires permet de corrompre, de transporter, de renseigner.
00:16:48 Mais grosso modo, on est dans cette fourchette-là.
00:16:52 Et sur ces 3 à 6 milliards d'euros, seulement 100 millions d'euros ont été saisis
00:16:59 au titre des procédures de saisie et de confiscation.
00:17:07 Donc nous estimons que c'est nettement insuffisant.
00:17:09 Et comme le disait excellemment le président Durand il y a quelques instants,
00:17:14 quand on se pose la question des moyens à donner au service,
00:17:17 il y a là des marges de manœuvre absolument considérables.
00:17:20 Si on arrive à perfectionner nos systèmes de saisie et de confiscation,
00:17:25 et si l'on parvient à récupérer ces avoirs illégalement constitués.
00:17:30 Et là nous avons fait 3 propositions qui sont les plus significatives.
00:17:35 La première, il s'agit de systématiser l'enquête patrimoniale
00:17:40 dans toutes les enquêtes relatives au narcotrafic.
00:17:43 Point de clair, on a repéré un dealer qui est dans un petit réseau,
00:17:49 on fait tomber ce petit réseau, on va organiser une enquête patrimoniale
00:17:55 pour comprendre comment a été utilisé l'argent résultant du trafic
00:18:02 pour toute une série d'achats, notamment achats de produits de luxe.
00:18:08 Parfois ça peut être un paiement de loyer, ça peut être des locations de voitures.
00:18:13 Et ce que nous avons constaté c'est que dans ces procédures là,
00:18:16 celles qui sont au bas du spectre, cette enquête patrimoniale ne se réalise pas.
00:18:20 Alors ça veut dire se donner des moyens très importants,
00:18:24 il faut s'associer à la DGFIP, il faut s'associer à l'URSAF,
00:18:28 il faut bien sûr utiliser nos services de renseignement et notamment TRACFIN.
00:18:33 Mais rendre systématique, dans toutes les enquêtes, un volet patrimonial.
00:18:40 La deuxième chose qui nous a frappés c'est le développement du blanchiment
00:18:45 à travers l'acquisition de commerce et leur exploitation.
00:18:48 Pour être clair, on achète un commerce, parfois il a été déclaré
00:18:54 dans une procédure collective en liquidation, le fonds de commerce est à vendre,
00:18:59 il est acheté et avec l'argent sale qui est de l'argent liquide,
00:19:03 on va constituer un chiffre d'affaires, on va payer des cotisations,
00:19:07 on va faire fonctionner avec de l'argent liquide un commerce qui ensuite sera revendu.
00:19:12 C'est la mécanique de blanchiment.
00:19:14 Les maires dans les petites communes l'ont constaté et ils constatent aussi
00:19:18 que nos moyens de lutte contre ce phénomène sont nettement insuffisants.
00:19:21 Ils ont proposé que ces commerces de façade fassent l'objet d'une fermeture administrative.
00:19:30 L'autorité administrative, le traité préfectoral, sur demande d'un maire,
00:19:34 sur demande aussi de services de police, pourrait fermer ces commerces
00:19:39 pour mettre un terme à ce blanchiment.
00:19:44 Et puis la troisième proposition que nous avons faite,
00:19:48 c'est la création d'une injonction pour richesse inexpliquée.
00:19:53 Lorsqu'un réseau de narcotrafic en tombe, que l'on constate la situation confortable,
00:20:01 un certain nombre de membres de ce réseau, l'idée c'est de faire en sorte
00:20:05 qu'on puisse leur demander comment ils ont constitué leurs avoirs.
00:20:08 C'est-à-dire d'inverser le système.
00:20:10 Ce n'est plus à la puissance publique de prouver que les avoirs ont été illégalement constitués.
00:20:14 C'est à la personne mise en cause dans le réseau de narcotraficants
00:20:19 de justifier la manière dont elle a constitué ses avoirs.
00:20:22 Évidemment c'est une arme qui est absolument redoutable.
00:20:27 Car s'il ne parvient pas à justifier, évidemment il s'expose à des poursuites pénales,
00:20:32 mais surtout il s'expose à des saisies et à des confiscations.
00:20:37 Peut-être un petit complément, nous l'avons trouvé, l'idée nous a été suggérée
00:20:43 lorsque nous sommes rendus à Anvers en Belgique et que nous avons interrogé
00:20:46 l'autorité de police et du parquet en Belgique.
00:20:49 Il y a une procédure pénale qui aboutit à une décision, on va condamner des narcotraficants,
00:20:55 mais le tribunal qui condamne peut ensuite rouvrir une procédure
00:21:00 qui porte exclusivement sur le patrimoine.
00:21:04 Cela veut dire que la procédure pénale ne fait pas tomber l'enquête sur l'aspect patrimonial.
00:21:10 C'est une arme là aussi absolument redoutable, cela veut dire aussi que cette enquête doit
00:21:16 mobiliser tous les services que je mentionnais tout à l'heure,
00:21:19 des GFIP, douane, traque-fins, etc.
00:21:23 Voilà les trois propositions essentielles que nous avons formulées.
00:21:27 Quatrième et dernier point que nous voulions évoquer devant vous,
00:21:31 c'est celui de la corruption.
00:21:34 Alors entendons-nous bien, il ne s'agit pas de décrire un pays gangréné à tous les étages
00:21:42 de la base au sommet par une corruption massive.
00:21:46 Mais ce phénomène corruptif, il est extrêmement inquiétant.
00:21:51 D'ailleurs, pour qualifier les choses, il y a la part du gain, la tentation,
00:21:58 il y a aussi l'adhésion forcée, la criminalité forcée, les menaces qui entrent en ligne de compte.
00:22:05 Quand on parle de corruption dans notre rapport, c'est bien de cela dont on parle.
00:22:10 Cette corruption est insidieuse, lancinante, occulte.
00:22:15 On la détecte d'ailleurs de manière souvent assez fortuite.
00:22:18 C'est-à-dire que ce n'est pas au travers d'une enquête qu'on la découvre.
00:22:21 On la découvre de manière un peu latérale à la faveur d'une autre enquête.
00:22:27 Elle prend la forme de consultation illégale de fichiers de la police
00:22:33 pour prévenir par exemple les trafiquants des surveillances, des perquisitions,
00:22:37 en cours contre eux, des achats de services auprès de Docker
00:22:43 pour des montants qui vont jusqu'à 100 000 euros.
00:22:46 Une consultation de fichiers, ça peut être 25 euros.
00:22:49 Un déplacement de conteneurs, c'est 100 000 euros.
00:22:51 Vous voyez que c'est un registre assez large.
00:22:54 Et il nous semble qu'il est temps de réagir
00:22:57 avant de connaître le même sort que certains pays voisins.
00:23:00 Oui, la corruption aujourd'hui, elle n'est pas généralisée,
00:23:04 mais le risque, lui, il est immense.
00:23:07 Une corruption qui est mal recensée, mal identifiée,
00:23:11 pas systématiquement signalée.
00:23:13 La sphère publique, à part quelques administrations
00:23:16 qui commencent à s'en saisir, a du retard en matière d'identification de cette corruption.
00:23:20 Et c'est un risque pour l'existence même de nos institutions.
00:23:26 C'est-à-dire que si la chaîne de réponse face au narcotrafic est corrodée,
00:23:31 si certains maillons ne répondent plus,
00:23:33 on voit bien le risque que cela fait peser.
00:23:35 On pense à ce qui a pu se passer dans certains pays du nord de l'Europe.
00:23:39 Nous réfutons la notion de corruption de basse intensité.
00:23:43 C'est-à-dire qu'il ne faut pas s'accommoder de l'idée
00:23:45 que finalement, au bas de la chaîne, il existe ici ou là de la petite corruption.
00:23:52 C'est sans doute une petite corruption pour les administrations concernées,
00:23:55 mais elle est extrêmement importante pour le profit des criminels et des narcotrafiquants.
00:24:02 Il faut prévenir, il faut détecter, il faut réprimer.
00:24:05 Nous avons trois propositions.
00:24:07 D'abord, modifier l'organisation du travail dans les administrations les plus exposées
00:24:10 pour rendre matériellement impossible la corruption des agents.
00:24:14 Travail en binôme, turnover régulier, poste de travail tournant et imprévisible.
00:24:19 Ce sont des pistes qui ont déjà été exploitées dans certaines administrations
00:24:23 et qui donnent des résultats.
00:24:25 Détecter les usages anormaux des fichiers de police
00:24:29 grâce à des outils techniques qui signalent des accès inhabituels en nombre ou en nature.
00:24:35 C'est extrêmement important.
00:24:36 Et d'ailleurs, cela nourrit une prévention qu'on a sur la création de certains grands fichiers,
00:24:41 parce que la faiblesse est humaine.
00:24:44 Le fichier peut être parfait, mais si devant l'écran vous avez quelqu'un
00:24:48 qui est sensible, accessible à la corruption,
00:24:51 alors vous lui donnez encore plus d'informations.
00:24:54 Troisième proposition, c'est lutter contre la présence des organisations criminelles
00:24:58 dans les infrastructures sensibles.
00:25:00 On pense évidemment aux zones portuaires qui ne sont pas encore suffisamment sécurisées,
00:25:05 les ports principaux, mais aussi les ports secondaires,
00:25:07 avec par exemple la mise en place d'une liste noire de compagnies maritimes liées au narcotrafic.
00:25:14 Voilà ces trois points sur la corruption.
00:25:18 Avant de terminer, je vous indique que vous avez dans les documents qui vous ont été remis
00:25:24 35 propositions qui couvrent l'ensemble de l'éventail que nous avons décrit en début d'intervention.
00:25:30 Et puis terminer sur deux considérations territoriales.
00:25:33 Cette commission d'enquête est née de Marseille, d'une certaine manière,
00:25:38 des narcomycines.
00:25:39 Et vous voyez qu'aujourd'hui, jusqu'à ce que je prononce le nom de cette ville,
00:25:43 nous n'en avions pas parlé parce que le phénomène, c'est un phénomène qui est désormais national,
00:25:48 qui concerne tous les territoires, les grandes villes, les quartiers, la France des sous-préfectures.
00:25:56 Et puis je veux dire un deuxième mot sur les Outre-mer.
00:25:59 Nous consacrons, je parle sous le regard de mes deux collègues de Martigny et de Guyane,
00:26:03 beaucoup d'importance à la situation des Outre-mer qui ne sont pas seulement une zone de rebond,
00:26:08 parce qu'on les considère souvent finalement comme le point d'entrée de la drogue.
00:26:13 Il est temps aussi qu'on consacre la place qu'ils reviennent à ces territoires pour ceux qu'ils sont,
00:26:19 pour ceux qu'ils vivent, dans leurs difficultés face au narcotrafic, qui est réel, qui est particulier
00:26:25 et qui mérite notre considération.
00:26:27 Nous sommes avec Étienne Blanc disponibles pour répondre à vos questions.
00:26:30 Présentez-vous s'il vous plaît.
00:26:36 Bonjour, Julien Sartre, Consantie.
00:26:39 Précisément, vous parliez de l'Outre-mer dans la synthèse de votre rapport.
00:26:45 Vous dites que ce sont des territoires sacrifiés. Pourquoi ?
00:26:48 Le sentiment que nous avons eu, c'est que la France et l'Europe se sont dotés d'un bouclier
00:26:56 pour se protéger de l'importation de produits, et notamment de cocaïne, qui proviennent d'Amérique du Sud.
00:27:02 Donc on se protège. Comment est-ce qu'on se protège ? On surveille les ports.
00:27:05 On saisit dans le golfe de Guinée, parfois sur les côtes françaises,
00:27:10 avec ce phénomène que l'on appelle le drop-off, c'est-à-dire de la drogue qui est jetée en mer
00:27:16 avec des balises, qui ensuite est récupérée par toute une série de dispositifs divers.
00:27:21 Donc l'Europe se protège. Mais l'Europe, en tout cas la France, aux Antilles,
00:27:31 a insuffisamment pris en compte les conséquences de cette protection.
00:27:35 C'est-à-dire que les réseaux s'organisent aux Antilles pour exporter.
00:27:39 Se protéger, c'est bien, mais s'intéresser à ce qui se passe en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, c'est aussi important.
00:27:46 Parce que sur ces territoires, nous avons des réseaux qui s'organisent, nous avons des armes qui circulent,
00:27:53 il y a un nombre d'homicides, de violences physiques qui se développent,
00:27:59 il y a des entreprises de narcotrafic extrêmement puissantes qui se livrent à la corruption
00:28:07 et qui se livrent à ces agissements violents.
00:28:10 Et ce que nous disons dans notre rapport, c'est que bien sûr que la protection est importante,
00:28:14 mais parallèlement, il faut qu'on s'intéresse à ce qui se passe dans ces territoires.
00:28:19 Et aujourd'hui, nous constatons que c'est insuffisamment pris en compte.
00:28:22 – Je vous en prie.
00:28:26 – Oui, bonjour Aurélien Poivret, Groupe de presse Cébras.
00:28:29 Est-ce que vous avez travaillé sur la réforme de la police nationale,
00:28:32 et particulièrement la police judiciaire, pour voir les incidences que ça avait sur la lutte contre les trafics de stupéfiants ?
00:28:38 Merci.
00:28:39 – Alors, j'étais l'auteur pour la commission des lois du Sénat avec ma collègue Nadine Belluro,
00:28:46 d'un rapport d'information sur la réforme de la police judiciaire dans la réforme de la police nationale.
00:28:54 Évidemment, cette réforme, elle est encore jeune, elle est encore récente.
00:28:58 Pour autant, je peux vous dire que beaucoup de nos interlocuteurs
00:29:04 ont manifesté une inquiétude sur les conséquences de cette réforme,
00:29:10 qui ne semble pas, peut-être même à l'inverse,
00:29:17 encourager et forcer l'attractivité des métiers de l'investigation.
00:29:25 Et une des grandes faiblesses, la faiblesse principale,
00:29:29 mais vous le verrez en lisant le rapport, c'est la question financière,
00:29:34 c'est l'investigation économique et financière.
00:29:36 Et malgré nos réflexions, malgré nos échanges,
00:29:41 on voit qu'il y a des zones blanches de la connaissance par les administrations,
00:29:47 les services répressifs, la magistrature, des circuits de financement.
00:29:52 Or, comment voulez-vous qu'on aille taper les criminels au portefeuille ?
00:29:56 Ce qu'on peut dire assez facilement, on va aller taper les criminels au portefeuille,
00:29:59 si vous n'avez pas des policiers qui sont spécialisés
00:30:02 dans les questions économiques et financières, qui se dédient à ça,
00:30:06 qui ont un lien étroit et particulier avec les magistrats
00:30:11 pour essayer de calibrer les enquêtes.
00:30:14 Et ça, on ne l'a pas aujourd'hui.
00:30:16 Nous avons l'exemple, dans certains départements,
00:30:19 de responsables administratifs qui nous disent
00:30:23 qu'on a beaucoup de policiers, plusieurs centaines,
00:30:26 on en a quelques dizaines sur les stups, sur les coffies, pas grand-chose.
00:30:29 Et cette connaissance, cette spécialité économique et financière, elle fait défaut.
00:30:34 Et à cette heure, au vu de la préoccupation qu'on a exprimée sur le blanchiment
00:30:41 et sur la question de la saisie des avoirs,
00:30:44 la réforme de la police nationale ne semble pas porter des fruits,
00:30:48 de ce côté-là, plutôt au contraire.
00:30:51 — Antoine Calmet, Public Sénat.
00:30:54 Est-ce que vous allez écrire une proposition de loi
00:30:56 ou est-ce que vous appelez l'exécutif à porter un projet de loi,
00:30:59 notamment pour la création d'un parquet national ?
00:31:02 Est-ce qu'il faut passer par le législatif ?
00:31:04 Et une deuxième question sur la façon dont l'exécutif a accompagné
00:31:08 ou a parfois semblé essayer de doubler votre commission.
00:31:11 Qu'est-ce que vous dites de l'action du gouvernement
00:31:13 ces derniers mois sur le sujet ?
00:31:15 On a vu que ça s'était tendu lorsque vous aviez auditionné
00:31:17 des magistrats marseillais.
00:31:19 Il y avait eu une convocation de la part du garde des Sceaux
00:31:21 de ces magistrats du siège.
00:31:22 Est-ce que vous avez senti une pression particulière
00:31:24 de la part du gouvernement sur vos travaux ?
00:31:26 — Oui, cette affaire, l'audition des magistrats marseillais,
00:31:29 ou plutôt les suites qui ont été données,
00:31:31 est une affaire assez regrettable, assez malheureuse.
00:31:34 Et d'ailleurs, on peut estimer que la commission
00:31:38 et ce qu'on vous présente aujourd'hui
00:31:40 auraient eu une autre allure
00:31:43 si le remontage de bretelles un peu sévère
00:31:46 était intervenu plus tôt.
00:31:48 Ça aurait sans doute inhibé la parole des magistrats.
00:31:52 Donc passons sur cette affaire fâcheuse.
00:31:55 Si nous avons pu inspirer l'exécutif,
00:31:59 c'est le rôle du Parlement.
00:32:01 On est là pour contrôler, on est là pour produire
00:32:03 de l'initiative parlementaire.
00:32:04 Et il est évident que certaines prises de parole
00:32:06 ne seraient pas intervenues si on n'avait pas conduit
00:32:08 ces travaux et ces auditions publiques.
00:32:10 Tant mieux, ça va dans le bon sens.
00:32:12 Il faut qu'on ait du coup une vision globale.
00:32:15 On ne peut pas avoir...
00:32:17 Je parlais tout à l'heure d'une désorganisation façon puzzle.
00:32:20 On ne peut pas avoir un ministre de l'Intérieur
00:32:23 qui dit "place nette, place nette, le bas du spectre,
00:32:25 la consommation", et puis un ministre de la Justice
00:32:28 qui s'intéresse au haut du spectre,
00:32:30 et un ministre de l'Economie,
00:32:32 qui a quand même 2 services de renseignement,
00:32:34 TRACFIN et la DNRED, qui regardent ailleurs.
00:32:36 À quel moment se parle-t-il ?
00:32:39 Donc il y a une priorité d'organisation,
00:32:41 de coordination, de mise en cohérence.
00:32:43 Et effectivement, ça doit passer par un texte.
00:32:46 Alors si le gouvernement en prend l'initiative,
00:32:49 c'est parfait, mais je crois qu'Étienne Blanc
00:32:51 a des choses à nous dire sur le sujet du texte.
00:32:54 Oui, je crois que ce travail extrêmement important
00:32:57 que nous avons fait,
00:32:59 de ce travail ressortent un certain nombre de points saillants.
00:33:02 J'ai parlé tout à l'heure de questions procédurales,
00:33:05 de la question des repentis, de la question de l'infiltration,
00:33:08 qui sont des outils absolument redoutables
00:33:10 pour nous lutter contre le narcotrafic.
00:33:12 Alors le garde des Sceaux a annoncé
00:33:14 qu'il s'intéressait à la question des repentis.
00:33:16 Il a annoncé ça il y a plus d'un an.
00:33:19 Et en l'état actuel, il n'y a pas eu de proposition de loi.
00:33:22 Ma connaissance de sujet n'a pas été travaillée précisément
00:33:26 pour déboucher sur un texte.
00:33:28 Donc évidemment, nous allons suivre cela de très près,
00:33:31 le rapport publié,
00:33:33 et essayer de comprendre ce que souhaite le gouvernement.
00:33:36 Et nous sommes disposés, le cas échéant,
00:33:38 à présenter une proposition de loi
00:33:40 pour apporter ses réponses.
00:33:42 Je voudrais revenir sur ce qui s'est passé
00:33:44 et sur les annonces faites par le gouvernement
00:33:46 alors que notre commission d'enquête était en cours.
00:33:49 Il y a eu des annonces, notamment ce que je viens de dire,
00:33:54 par le garde des Sceaux, le parquet financier,
00:33:58 et les repentis.
00:34:01 Je pense que le garde et son cabinet
00:34:03 ont suivi de très près nos auditions,
00:34:05 parce que nous avons posé des questions
00:34:07 très précises sur ce sujet-là.
00:34:09 Alors on était un peu surpris de voir que ça surgissait
00:34:12 alors que nous étions en plein travail.
00:34:14 Enfin, c'est la politique, et on peut comprendre
00:34:16 que le gouvernement cherche à anticiper les choses,
00:34:18 et se dit « Tiens, je vais prendre un coup d'avance ».
00:34:20 C'est un peu un jeu d'échec.
00:34:22 Mais je crois que le sujet le plus important,
00:34:24 ce n'est pas cela.
00:34:25 Nous sommes des parlementaires.
00:34:26 Sous la Ve République, nous avons des moyens
00:34:28 qui sont relativement restreints.
00:34:30 Est-ce que la Ve République est un régime
00:34:32 plutôt présidentiel, plutôt parlementaire ?
00:34:35 Les constitutionnalistes ont beaucoup écrit sur ce sujet-là.
00:34:38 Mais c'est vrai que nous avons une constitution
00:34:40 qui donne des moyens très importants à l'exécutif,
00:34:42 et particulièrement au président de la République,
00:34:44 par rapport aux moyens qui sont donnés aux parlementaires.
00:34:47 Et nous avons un moyen, c'est l'article 51
00:34:50 de la constitution qui nous le donne,
00:34:52 c'est la possibilité de constituer des commissions d'enquête.
00:34:55 Eh bien, quand nous enquêtons,
00:34:57 quand nous auditionnons des magistrats,
00:34:59 ces magistrats, ils sont magistrats, d'abord.
00:35:02 C'est-à-dire qu'ils ont prêté serment
00:35:05 de répondre à des critères d'honneur, de probité,
00:35:08 donc de vérité.
00:35:10 Quand, devant notre commission, ils prêtent serment
00:35:12 de dire la vérité, et quand ensuite,
00:35:14 ils sont convoqués par le garde des Sceaux
00:35:16 qui a semblé leur dire que ce qu'ils avaient dit,
00:35:19 ce n'est pas ce qu'ils auraient dû dire,
00:35:21 alors qu'ils le disent au parquet,
00:35:23 il a autorité sur les parquets, mais qu'ils le disent
00:35:25 à des magistrats du Ciel sur lesquels il n'a aucune autorité,
00:35:27 nous, ça nous a quand même choqués.
00:35:29 En tout cas, ça nous a interpellés.
00:35:31 C'est pour ça que nous avons cru utile
00:35:33 de le dire, de l'exprimer publiquement.
00:35:35 C'est une question notamment au gouvernement
00:35:37 et que nous l'avons dit très clairement,
00:35:40 et de manière très explicite.
00:35:42 Je résume les choses.
00:35:44 On a relativement peu de pouvoir.
00:35:46 Quand nous les avons, il faut que nous les exercions.
00:35:48 Et nous ne pouvons pas tolérer
00:35:50 que l'on fasse une pression, directe ou indirecte,
00:35:53 sur nos travaux.
00:35:55 - Un mot en complément de ce que dit Étienne Blanc
00:35:58 sur ce sujet-là.
00:36:00 Vous aurez observé que...
00:36:03 On a parfois des mots un peu sévères
00:36:05 sur l'action gouvernementale.
00:36:07 Mais nous nous sommes soigneusement tenus à l'écart
00:36:10 de propos partisans,
00:36:12 de petites formules assassines.
00:36:16 Et d'ailleurs, notre travail, il est transpartisan.
00:36:19 23 membres,
00:36:21 tous les groupes du Sénat,
00:36:23 avec un rapport voté à l'unanimité.
00:36:25 Je crois que chacun des membres de cette commission
00:36:27 a le souci de faire réussir l'équipe française,
00:36:29 contre le narcotrafic.
00:36:31 On y arrivera en équipe, tous ensemble,
00:36:33 on n'y arrivera pas.
00:36:35 Donc si le gouvernement s'en saisit, c'est parfait.
00:36:37 Si il ne s'en saisit pas, nous, on dépose une PPL.
00:36:39 En tout cas, avec ce rapport, on a posé le problème.
00:36:42 C'est à l'ensemble de la société politique
00:36:44 de s'en saisir.
00:36:46 - Monsieur.
00:36:50 Vous avez un micro ?
00:36:52 Prenez un micro aussi.
00:36:54 Et puis appuyez sur le bouton.
00:36:58 - Excusez-moi.
00:37:00 Pierre Garcia pour la Gazette des communes.
00:37:02 Le 29 février dernier, vous avez interrogé
00:37:04 les associations d'élus, AMF, AMRF notamment.
00:37:06 Comment, là, dans votre rapport,
00:37:08 vous comptez impliquer les collectivités territoriales
00:37:11 à la lutte contre le narcotrafic,
00:37:13 sachant que vous avez décrit
00:37:15 une expansion territoriale inquiétante ?
00:37:17 Merci.
00:37:19 - Ce qu'on a observé dans cette audition,
00:37:24 c'est que les différentes strates de collectivités
00:37:27 ne sont pas toutes au même niveau de conscience
00:37:30 des difficultés.
00:37:32 Et notamment chez les associations de maires ruraux,
00:37:35 c'est un problème émergente,
00:37:37 ce qui est assez naturel
00:37:39 vu le paysage du narcotrafic en France.
00:37:42 Dans notre rapport, on propose, par exemple,
00:37:45 que les capacités qu'ont déjà les élus
00:37:48 de signalement de sociétés éphémères,
00:37:51 en vue d'une fermeture administrative,
00:37:54 qui a été décrite par Étienne Blanc,
00:37:57 soient renforcées.
00:37:59 Et d'ailleurs, je fais une insiste sur le rapport,
00:38:02 il n'y a pas que des propositions nouvelles
00:38:05 en matière de droit.
00:38:07 Il y a des dispositifs qui existent déjà,
00:38:10 qui ne sont pas utilisés.
00:38:12 Et on le dit dans le rapport.
00:38:14 Donc sur cet aspect, il y a le signalement.
00:38:17 Et puis il y a l'association des maires
00:38:20 à un certain nombre de dispositifs qui existent déjà.
00:38:23 Par exemple, il y a un CRSPD,
00:38:26 un dispositif de lutte contre un local
00:38:29 de sécurité et de prévention de la délinquance.
00:38:32 Il peut être utile, parfois,
00:38:34 d'envoyer les policiers municipaux
00:38:36 en complément de ce que fait la police nationale.
00:38:39 Parce qu'un point de deal a été démantelé,
00:38:42 et avoir une présence de terrain, c'est bien.
00:38:45 A l'inverse, de temps en temps,
00:38:47 parce qu'il y a une enquête en cours,
00:38:49 il peut être utile de ne pas bouger.
00:38:51 Les investigateurs ont besoin d'être un peu tranquilles
00:38:54 pendant la phase d'investigation.
00:38:56 Donc il faut des lieux pour que ces coordinations s'opèrent.
00:39:00 Et ça fait partie des recommandations
00:39:02 que nous formulons au niveau des collectivités.
00:39:05 Je vous renvoie aux bonnes pages qui y sont consacrées.
00:39:08 -Ce qui nous a interpellés,
00:39:10 c'est la disponibilité des îles locaux
00:39:12 et la disponibilité des maires
00:39:14 pour participer à un système et un dispositif d'information.
00:39:17 Le maire est proche de sa population.
00:39:19 Il connaît sa ville, il connaît les commerces, il connaît les rues,
00:39:22 il connaît les pratiques et les habitudes des habitants de la cité.
00:39:26 Donc il y a toute une série d'informations.
00:39:28 Et dans ce rapport, ce que nous avons jugé important,
00:39:31 c'est que ces informations circulent.
00:39:33 Parce que parfois, sur une information minime,
00:39:36 vous pouvez lever un très gros lièvre
00:39:39 et aboutir à remonter une filière.
00:39:42 Et sans doute, c'est le point faible des dispositifs actuels.
00:39:46 Ils existent, mais ils sont peu utilisés ou insuffisamment utilisés.
00:39:50 Ils ne favorisent pas forcément
00:39:52 complètement cette circulation d'informations.
00:39:54 En tout cas, les îles locaux le disent.
00:39:56 Ils sont disponibles pour ça.
00:39:58 -Pierre-Yves Baudet, West France.
00:40:01 Que pensez-vous des opérations PlaceNet ?
00:40:04 Est-ce que vous estimez qu'elles sont utiles, finalement,
00:40:08 pour lutter contre les narcotrafics
00:40:11 dont vous faites l'état des lieux dans votre rapport ?
00:40:15 Ou est-ce qu'elles ne permettent que de toucher le bas du spectre ?
00:40:20 On ne s'attendait pas du tout à cette question.
00:40:23 -Oui, c'est surprenant. Merci de l'avoir posée.
00:40:26 Les opérations PlaceNet,
00:40:28 dans le droit fil de ce que j'ai dit il y a 2 minutes,
00:40:31 c'est bon à prendre.
00:40:33 Tout ce qui contribue à ramener l'ordre républicain,
00:40:37 l'ordre public dans les territoires,
00:40:39 permettre aux habitants de s'affranchir
00:40:41 de la contrainte des dealers,
00:40:43 de couvre-feu imposé par des narcotrafiquants dans les quartiers,
00:40:46 c'est bon à prendre.
00:40:48 Et il faut le faire.
00:40:50 Mais les opérations de bas du spectre,
00:40:54 ces opérations XXL,
00:40:57 qui ont fait l'objet d'une communication XXL,
00:41:00 c'est le bonne guerre,
00:41:02 il ne faut pas les surestimer dans leur efficacité.
00:41:06 Et tout notre rapport dit qu'il faut s'attaquer au haut du spectre.
00:41:11 Quand vous prenez,
00:41:13 et les chiffres de saisie sont assez modestes,
00:41:17 on le dit dans le rapport,
00:41:19 les opérations PlaceNet,
00:41:21 c'est chatoyant comme ça,
00:41:23 on a l'impression que ça fait de l'effet,
00:41:26 mais quand on rapporte la mobilisation
00:41:28 des plus de 50 000 fonctionnaires de police et de gendarmerie
00:41:32 qui ont été associés à ces opérations
00:41:34 pour le total des saisies financières,
00:41:37 armes et drogues,
00:41:39 c'est assez modeste.
00:41:41 C'est utile, mais c'est modeste.
00:41:43 C'est peut-être même d'ailleurs moins bien
00:41:45 que certaines opérations de pilonnage qu'on avait eues avant.
00:41:48 Donc c'est bon à prendre,
00:41:50 il faut le relativiser,
00:41:52 et surtout, il ne faut pas que ça cache,
00:41:54 par une politique du chiffre
00:41:56 qui témoigne d'un souci de l'exécutif
00:41:58 de lutter contre le narcotrafic,
00:42:00 et ça c'est bon à prendre,
00:42:02 mais il ne faut pas que ça cache
00:42:04 la nécessité de s'intéresser au haut du spectre.
00:42:06 Quand vous chopez un jobber
00:42:08 qui n'est personne du réseau,
00:42:10 que vous aurez du mal à faire condamner
00:42:12 parce qu'il est mineur,
00:42:14 et qui ne vous apportera pas beaucoup d'informations,
00:42:16 que vous aurez eu un petit peu de produit,
00:42:18 très peu d'argent,
00:42:20 et aucune information sur les réseaux,
00:42:22 tout le travail reste à faire.
00:42:24 Donc PlastNet, oui, mais pas seulement.
00:42:26 PlastNet, ça fonctionne bien
00:42:28 si vous avez une très bonne articulation
00:42:30 entre la police et la justice.
00:42:32 Vous voyez dans le rapport
00:42:34 que dans un certain nombre de cas,
00:42:36 les opérations PlastNet ont été lancées,
00:42:38 et que les procureurs de la République,
00:42:40 que les parquets,
00:42:42 n'ont pas été associés très en amont
00:42:44 à ces opérations.
00:42:46 Donc c'est une occasion manquée
00:42:48 de démanteler un réseau.
00:42:50 Si la justice est associée,
00:42:52 elle peut, elle,
00:42:54 enquêter ensuite pour remonter
00:42:56 au plus haut du spectre.
00:42:58 C'est si vrai que le garde des Sceaux
00:43:00 a émis une circulaire
00:43:02 qui a été mise en place
00:43:04 pour dire aux parquetiers
00:43:06 "soyez proches de vos préfets
00:43:08 parce qu'il va y avoir des opérations PlastNet".
00:43:10 Très clairement, pour l'écrire dans une circulaire,
00:43:12 ça veut dire que le système,
00:43:14 il ne marche pas naturellement
00:43:16 aussi bien que ça.
00:43:18 Donc c'est ce que nous écrivons dans le rapport.
00:43:20 Nous disons "oui, PlastNet, c'est utile".
00:43:22 Quand vous habitez dans une barre d'immeubles
00:43:24 et qu'en bas de chez vous, vous avez des attroupements,
00:43:26 vous avez de la violence, etc.,
00:43:28 vous êtes satisfait de constater
00:43:30 que sur le domaine public,
00:43:32 sur la banche, sur la lutte contre le narcotrafic lui-même,
00:43:34 sur la remontée au plus haut des réseaux,
00:43:36 là, il y a un certain nombre de lacunes.
00:43:38 Bonjour, Arthur Conant pour l'AFP.
00:43:40 Oui.
00:43:42 Merci.
00:43:44 Est-ce que vous pourriez préciser
00:43:46 en quoi le plan de stupe
00:43:48 proposé par le gouvernement
00:43:50 est famélique
00:43:52 et pas à la hauteur des enjeux, s'il vous plaît ?
00:43:54 Je vous laisse le lire.
00:43:56 Oui, si vous voulez,
00:43:58 c'est une suite de déclarations d'intention.
00:44:00 Ce sont des titres,
00:44:02 mais qui ne sont pas
00:44:04 des titres de la réforme.
00:44:06 Ce sont des titres,
00:44:08 mais qui ne sont pas suffisamment rentrés dans les détails.
00:44:10 On peut même constater
00:44:12 que par rapport au plan précédent,
00:44:14 il est un peu en recul.
00:44:16 On fait ici un certain nombre de propositions
00:44:18 qui sont a priori pas prises en compte
00:44:20 dans le nouveau plan.
00:44:22 Donc on l'a jugé famélique,
00:44:24 on a même utilisé le terme d'indigent.
00:44:26 Et pour revenir
00:44:28 au début de notre propos,
00:44:30 ça semble démontrer
00:44:32 que la question du narcotrafic
00:44:34 n'a pas été évaluée à sa juste mesure
00:44:36 par l'exécutif.
00:44:38 Compte tenu de ce qui se passe,
00:44:40 je pense que la France
00:44:42 attend un plan extrêmement puissant,
00:44:44 en tout cas beaucoup plus puissant
00:44:46 que celui qui nous a été
00:44:48 remis après une
00:44:50 foule de relances.
00:44:52 Pour dépasser la plaisanterie,
00:44:54 vous allez voir que
00:44:56 ce que dit Étienne Blanc est tout à fait fondé.
00:44:58 On a même cru qu'il y avait eu un caviardage,
00:45:00 parce que c'était
00:45:02 une version bêta.
00:45:04 Donc je pense que c'est un
00:45:06 défaut d'anticipation,
00:45:08 qu'il n'était pas prêt tout simplement.
00:45:10 Et puis surtout,
00:45:12 il n'est pas interministériel.
00:45:14 Je le redis, mais comment on peut
00:45:16 avoir l'Intérieur qui
00:45:18 s'occupe
00:45:20 de la place Net-XXL
00:45:22 qui fait un plan
00:45:24 stup de son côté,
00:45:26 avec un service de renseignement
00:45:28 au ministère de l'Intérieur peu concerné
00:45:30 par la lutte contre le
00:45:32 narcotrafic, le ministère des Finances
00:45:34 qui lui a deux services de renseignement
00:45:36 qui s'occupent du narcotrafic, qui sont
00:45:38 peu ou pas convoqués dans le plan stup,
00:45:40 le ministère de la Justice
00:45:42 qui élabore quelque chose sur les repentis.
00:45:44 Il faut une vision
00:45:46 globale, il faut une vision d'ensemble, il faut
00:45:48 quelque chose de panoramique. Or là,
00:45:50 on n'est pas du tout à cette échelle.
00:45:52 Donc ce n'est pas au niveau.
00:45:58 Bonjour, Sébastien Dumoulin pour Les Echos.
00:46:00 Dans votre présentation, vous
00:46:02 insistez sur
00:46:04 l'offre et pas tellement sur la
00:46:06 demande. Est-ce que vous êtes
00:46:08 intéressé à la consommation
00:46:10 de stupéfiants et est-ce que vous faites des propositions
00:46:12 qui iraient sur un spectre assez large
00:46:14 depuis la répression
00:46:16 jusqu'à la légalisation ?
00:46:18 Alors, on a fait un choix
00:46:20 politique,
00:46:22 méthodologique,
00:46:24 de répondre
00:46:26 à la commande qui nous a été passée.
00:46:28 La commande qui nous a été passée, c'est celle
00:46:30 de travailler
00:46:32 sur le narcotrafic.
00:46:34 Le narcotrafic,
00:46:36 il existe
00:46:38 parce que
00:46:40 on est dans un système prohibitionniste,
00:46:42 mais on peut imaginer qu'il y aurait du narcotrafic
00:46:44 aussi dans un système légalisé. Il existe
00:46:46 des biens,
00:46:48 des produits qui sont légaux
00:46:50 et pour lesquels il y a des trafics. Donc, la question
00:46:52 par exemple de la légalisation
00:46:54 n'épuise pas le sujet du trafic.
00:46:56 Et d'ailleurs, quand on parle de légalisation,
00:46:58 on parle de légalisation du cannabis,
00:47:00 or, quand on fait l'inventaire des
00:47:02 stupéfiants qui sont
00:47:04 consommés en France, on est bien
00:47:06 au-delà de ce seul sujet.
00:47:08 Donc, premier point,
00:47:10 c'est celui-là. Deuxième point,
00:47:12 on n'est pas tous d'accord dans la commission sur le sujet.
00:47:14 Et il y a une variété de positions.
00:47:16 Certains ont signé
00:47:18 des textes favorables à la légalisation,
00:47:20 j'en suis, d'autres
00:47:22 non. La question peut être
00:47:24 posée. On constate les limites de la prohibition.
00:47:26 Il faut avoir l'honnêteté
00:47:28 de dire aussi que
00:47:30 les exemples de légalisation
00:47:32 ne sont pas tous hyper probants.
00:47:34 Donc, ça mérite, ce sujet-là,
00:47:36 le sujet de la consommation,
00:47:38 de son statut, un débat à part entière.
00:47:40 Et nous, on a essayé de faire bien le boulot
00:47:42 sur cette question du narcotrafic qui suffisait
00:47:44 déjà à notre
00:47:46 agenda.
00:47:48 - Qu'est-ce que nous avons dit sur ce
00:47:50 sujet-là ? C'est à la fin de notre
00:47:52 rapport. Nous avons
00:47:54 constaté que la France était capable,
00:47:56 quand il le fallait, de se
00:47:58 lancer dans de vastes opérations
00:48:00 de communication de prévention.
00:48:02 Ce qui a été fait sur l'alcool,
00:48:04 ce qui a été fait sur le tabac,
00:48:06 on ne peut pas reprendre tous les dispositifs,
00:48:08 mais l'inscription
00:48:10 dans les publicités du risque
00:48:12 qu'encoure le consommateur, etc.
00:48:14 Ça lui montre que
00:48:16 quand la puissance publique le veut, elle peut lancer
00:48:18 des campagnes de communication extrêmement
00:48:20 puissantes. Alors, est-ce qu'elles sont
00:48:22 efficaces ? On dit que sur la consommation d'alcool,
00:48:24 ça l'a été,
00:48:26 sur la consommation de tabac aussi, a priori.
00:48:28 Et ce que nous disons
00:48:30 à la fin de notre rapport, c'est que la France
00:48:32 serait bienvenue à
00:48:34 lancer une campagne de communication
00:48:36 de cette nature sur la consommation
00:48:38 des stupéfiants.
00:48:40 Mais on s'en est arrêté là.
00:48:42 Parce que si nous étions allés plus loin,
00:48:44 et le président Durand vient de le dire
00:48:46 précisément, à ce moment-là,
00:48:48 il fallait travailler sur toute une série de thématiques
00:48:50 qui ne rentrent pas dans
00:48:52 le champ de
00:48:54 l'intitulé de notre commission.
00:48:56 C'est toutes les questions sociales,
00:48:58 toutes les questions sanitaires,
00:49:00 ce sont toutes les questions de santé,
00:49:02 santé publique,
00:49:04 quels sont les produits les plus
00:49:06 toxiques, quels sont ceux
00:49:08 qui, entre guillemets, peuvent
00:49:10 être qualifiés de produits doux, etc.
00:49:12 On se lançait à ce moment-là dans un travail
00:49:14 absolument considérable. Et ce que nous
00:49:16 constatons, c'est que dans le monde,
00:49:18 il n'y a pas de certitude absolue.
00:49:20 En tout cas, entre
00:49:22 médecins, communauté
00:49:24 médicale mondiale, il n'y a pas
00:49:26 de certitude absolue. Quand on suit les travaux
00:49:28 de l'OMS, par exemple,
00:49:30 c'est oui, c'est non sur la légalisation,
00:49:32 sur la toxicité, etc.
00:49:34 Donc on n'a pas voulu rentrer dans
00:49:36 ce travail-là.
00:49:38 On s'est "contentés"
00:49:40 de dire, si on veut être
00:49:42 efficace, il faut lancer un énorme
00:49:44 plan de communication. Alors se pose
00:49:46 à ce moment-là la question de son financement,
00:49:48 parce qu'on entend souvent dire "mais si vous légalisez,
00:49:50 vous ferez du produit fiscal,
00:49:52 et en faisant du produit fiscal, vous pourrez faire de la prévention."
00:49:54 Dans notre rapport,
00:49:56 on laisse entendre, mais
00:49:58 on a voulu être consensuel,
00:50:00 donc on n'est pas rentré dans le détail, mais
00:50:02 on a laissé entendre que la confiscation
00:50:04 des avoirs criminels,
00:50:06 elle pouvait permettre largement de financer des
00:50:08 campagnes de communication particulièrement
00:50:10 puissantes.
00:50:12 - Monsieur, et puis après on prendra des demandes d'intervention en ligne.
00:50:14 Je vous fais un prix.
00:50:16 - Oui, bonjour monsieur, les sénateurs,
00:50:18 Jacques Serret, Europe 1.
00:50:20 Faut-il retenir
00:50:22 de votre rapport, qu'est-ce qu'il faut
00:50:24 y lire finalement ?
00:50:26 Est-ce que ce que vous dénoncez,
00:50:28 c'est assez accablant pour l'exécutif,
00:50:30 c'est une absence de volonté politique
00:50:32 à lutter véritablement
00:50:34 contre les narcotrafiques, ou c'est un problème
00:50:36 d'incompétence pour les ministres
00:50:38 ou pour le président ?
00:50:40 Comment vous jaugez tout cela ?
00:50:42 Absence de volonté politique,
00:50:46 est-ce que vous diriez ça, ou ce n'est
00:50:48 pas le problème aujourd'hui ?
00:50:50 - Aimer Jaquet, les yeux dans les bleus,
00:50:52 1998, il faut muscler ton jeu,
00:50:54 Robert. C'est-à-dire, on n'est pas
00:50:56 au niveau de l'enjeu.
00:50:58 Il y a
00:51:00 un sous-dimensionnement des moyens
00:51:02 parce que, sans doute,
00:51:04 on n'a pas pris l'ampleur de la menace.
00:51:06 Alors, notre travail
00:51:08 n'est pas à ce stade de...
00:51:10 Je file la métaphore,
00:51:14 donner des cartons jaunes ou des cartons rouges,
00:51:16 et puis ce n'est pas intéressant parce que
00:51:18 ce que réclament les gens qui sont dans des endroits où il y a du trafic,
00:51:20 c'est qu'il y ait moins de trafic, c'est qu'il n'y ait pas des gamins
00:51:22 qui soient dépecés,
00:51:24 jambisés ou victimes
00:51:26 d'actes de barbarie parce qu'ils
00:51:28 ont le mauvais goût d'être au mauvais endroit,
00:51:30 au mauvais moment et impliqués de force dans les trafics
00:51:32 auxquels ils n'ont rien à faire.
00:51:34 La question, c'est une question
00:51:36 de priorité.
00:51:38 C'est-à-dire qu'il faut que
00:51:40 on sache
00:51:42 que cette menace, elle est réelle.
00:51:44 Elle est puissante,
00:51:46 que les risques sont immenses, et du coup, maintenant,
00:51:48 il faut que ce soit une priorité.
00:51:50 Tout est sur la table.
00:51:52 Il y a trois tomes, 600 pages
00:51:54 de rapport principal qui l'indiquent.
00:51:56 Il faut passer à la vitesse supérieure. Et après,
00:51:58 que les ministres soient bons ou pas bons, si on veut,
00:52:00 on y arrivera. Il nous semble que la volonté,
00:52:02 elle doit être présente à tous les étages.
00:52:04 - Puisque vous filez la métaphore footballistique,
00:52:06 est-ce que vous avez le sentiment,
00:52:08 vous qui avez travaillé durant des semaines sur ce sujet,
00:52:10 d'avoir la bonne équipe sur le terrain
00:52:12 pour gagner ce match
00:52:14 contre les narcotrafics ?
00:52:16 - Ce que l'on ressent, c'est que vous avez
00:52:18 des hommes et des femmes engagés dans nos services
00:52:20 qui sont absolument passionnés.
00:52:22 Ils ne comptent pas leur temps, ils ne comptent pas leurs heures,
00:52:24 ils prennent des risques, ils font un travail absolument considérable.
00:52:26 Ils le font ici en métropole,
00:52:28 ils le font aussi dans nos territoires d'outre-mer.
00:52:30 Ils sont exposés.
00:52:32 Mais pour répondre très précisément
00:52:34 à votre question,
00:52:36 je pense que la conclusion
00:52:38 de ce rapport,
00:52:40 c'est de dire "Attention,
00:52:42 nous avons un certain nombre de signes
00:52:44 qui laissent entendre
00:52:46 qu'on n'est pas un narco-Etat,
00:52:48 le président l'a dit tout à l'heure,
00:52:50 mais par un certain nombre de signes,
00:52:52 on s'approche d'un affaiblissement
00:52:54 de la puissance publique, et ça,
00:52:56 c'est le signe d'un narco-Etat.
00:52:58 Quand les institutions sont attaquées,
00:53:00 attention,
00:53:02 je vais citer un exemple simple,
00:53:04 quand au tribunal de Valence,
00:53:06 le président du tribunal nous dit "Attendez,
00:53:08 nous on rend des décisions, il y a 300 personnes
00:53:10 qui sont à la porte du tribunal,
00:53:12 qui hurlent, qui font pression.
00:53:14 Ça peut être faire une pression sur la justice,
00:53:16 c'est l'affaiblissement de l'institution judiciaire.
00:53:20 Dans les affaires de corruption,
00:53:22 on a constaté,
00:53:24 alors c'est mal
00:53:26 aujourd'hui identifié,
00:53:28 référencé, mais on a constaté
00:53:30 que c'était des services névralgiques,
00:53:34 quand il y a un greffier
00:53:36 qui, par un manquement,
00:53:38 par un retard,
00:53:40 va provoquer une libération,
00:53:42 c'est l'institution judiciaire
00:53:44 qui est fragilisée.
00:53:46 Notre rapport dit ça,
00:53:48 il dit "Attention, dans toute une série
00:53:50 de dispositifs publics,
00:53:52 il y a un risque et il y a un affaiblissement.
00:53:54 Alors la question qui se pose,
00:53:56 est-ce que l'État en a pris la mesure ?
00:53:58 On dit, il n'est pas forcément très bien évalué.
00:54:00 Et quand il s'agit de mettre en place
00:54:02 des dispositifs en France,
00:54:04 on va être très clair, ça va nécessiter des moyens.
00:54:06 Alors dans une France qui est un peu
00:54:08 à la peine pour équilibrer son budget,
00:54:10 ça c'est un véritable sujet.
00:54:12 Nous terminons en disant, ça doit être une priorité.
00:54:14 Parce qu'il y a un risque majeur
00:54:16 pour la nation.
00:54:18 - Alors on va prendre une série
00:54:20 d'interventions en ligne.
00:54:22 Nous vous écoutons.
00:54:24 - Oui, bonjour.
00:54:26 - Parlez bien fort s'il vous plaît.
00:54:28 - Oui, vous m'entendez ?
00:54:30 Oui, allô ?
00:54:32 - Oui, allez-y.
00:54:34 - Le journal La Marseillaise, Mireille Roubeau,
00:54:36 j'avais une question sur les familles
00:54:38 des victimes que vous avez vues à Marseille.
00:54:40 Est-ce que vous faites des propositions
00:54:42 notamment pour leur protection ?
00:54:44 - Oui, on a,
00:54:46 merci de cette question,
00:54:48 on a traduit
00:54:50 d'ailleurs intégralement
00:54:52 le compte-rendu d'une rencontre
00:54:54 qui a été faite à Marseille
00:54:56 avec les familles de victimes
00:54:58 qui est
00:55:00 citée dans le rapport
00:55:02 pour traduire notre
00:55:04 préoccupation
00:55:06 vis-à-vis de ces familles,
00:55:08 pour la douleur qu'elles ont connue,
00:55:10 et puis pour une stigmatisation
00:55:12 parfois dont elles sont l'objet.
00:55:14 On a une
00:55:16 dernière
00:55:18 partie du rapport qui s'intéresse
00:55:20 à la prévention, avec
00:55:22 des questions de gestion
00:55:24 notamment des mineurs,
00:55:26 avec une attention
00:55:28 toute particulière à la question des fratries.
00:55:30 Comment on peut,
00:55:32 par les dispositifs sociaux existants,
00:55:34 l'aide sociale à l'enfance,
00:55:36 par exemple,
00:55:38 avoir
00:55:40 une prise en charge
00:55:42 rapide
00:55:44 de ceux qui sont,
00:55:46 qui commencent à mettre le doigt dans le trafic,
00:55:48 pour éviter que ça contamine toute une fratrie.
00:55:50 Il y a le sujet aussi de la priorité
00:55:52 à l'exfiltration des quartiers
00:55:54 pour ceux qui commencent
00:55:56 à avoir des difficultés liées au narcotrafic.
00:55:58 C'est un sujet
00:56:00 qui a été pris en considération
00:56:02 et notamment grâce
00:56:04 aux échanges que nous avons eu à Marseille.
00:56:06 Vous trouverez nos propositions
00:56:08 en fin de rapport.
00:56:10 Une autre question ?
00:56:14 Oui, si vous m'entendez.
00:56:16 Raphaël Tual pour Actu.fr.
00:56:18 Allez-y, monsieur.
00:56:20 Bonjour.
00:56:22 Bonjour. Fait-on assez pour protéger
00:56:24 les ports français, petits et moyens,
00:56:26 de l'afflux de cocaïne, pour éviter
00:56:28 de nouvelles portes d'entrée, je pense notamment à la Bretagne ?
00:56:30 Dans la première partie de notre rapport,
00:56:32 on a bien identifié le risque portuaire.
00:56:34 L'essentiel de la cocaïne
00:56:36 qui provient d'Amérique du Sud,
00:56:38 entre en France par les ports.
00:56:40 Alors, on a toute une série de dispositifs.
00:56:42 La protection d'espace
00:56:44 dans les ports, nous pensons qu'il faut l'améliorer.
00:56:46 La surveillance des ports,
00:56:48 des mouvements des ports, notamment avec des dispositifs
00:56:50 de drones
00:56:52 qui permettent de bien renseigner
00:56:54 les mouvements de containers et les mouvements
00:56:56 anormaux. La surveillance
00:56:58 des côtes par
00:57:00 la gendarmerie, par nos forces
00:57:02 militaires, par nos forces navales
00:57:04 et qui
00:57:06 permettent de contrôler l'arrivée
00:57:08 des bateaux sur les ports.
00:57:10 Et puis, dans les ports eux-mêmes,
00:57:12 ce que nous avons constaté, c'est évidemment
00:57:14 un manque de moyens
00:57:16 et notamment
00:57:18 un manque de scanners.
00:57:20 On a aujourd'hui des dispositifs parfaitement performants
00:57:22 avec l'utilisation d'intelligence
00:57:24 artificielle pour interpréter les images.
00:57:26 Mais ces scanners sont
00:57:28 peu nombreux. Il y a des scanners fixes.
00:57:30 Les ports français sont en train de se doter
00:57:32 de scanners fixes. L'Europe, d'ailleurs, les accompagne
00:57:34 dans les financements. Et puis, il y a des
00:57:36 scanners mobiles.
00:57:38 Mais pareil, nous constatons qu'ils sont
00:57:40 aujourd'hui
00:57:42 en nombre insuffisant.
00:57:44 Et puis, enfin, il y a tout un système de
00:57:46 circulation dans les ports. Les ports sont
00:57:48 très actifs. On est allé
00:57:50 au Havre. On est allé à Anvers.
00:57:52 On a des
00:57:56 portes-containers
00:57:58 qui arrivent dans les
00:58:00 ports avec, je crois, ces 3 000 containers
00:58:02 sur le bateau.
00:58:04 Donc, la surveillance est
00:58:06 extrêmement compliquée. Ça veut dire
00:58:08 qu'il faut que la circulation
00:58:10 à l'intérieur des ports et que les mouvements
00:58:12 anormaux de containers
00:58:14 puissent être repérés
00:58:16 pour favoriser
00:58:18 la tension des douanes et ensuite fouiller
00:58:20 ces containers en question. Donc, là encore,
00:58:22 nous avons toute une série de dispositifs
00:58:24 d'amélioration que nous avons
00:58:26 proposés.
00:58:28 - Sans oublier tous les
00:58:30 domaines liés à
00:58:32 la corruption et aux difficultés
00:58:34 particulières liées à ces
00:58:36 infrastructures portuaires.
00:58:38 Autre question en ligne ?
00:58:40 - Bonjour, Louis Fauran pour le
00:58:42 journal spécial des sociétés. Une question
00:58:44 sur le statut des repentis.
00:58:46 Est-ce que l'inspiration est
00:58:48 ce qui existe déjà en Italie ?
00:58:50 Et si c'est le cas,
00:58:52 quel point commun relevez-vous entre
00:58:54 la situation du narcotrafic en France
00:58:56 et ce qu'a pu connaître l'Italie avec
00:58:58 la mafia il y a quelques années ?
00:59:00 - Alors, sur la
00:59:02 deuxième partie de votre question,
00:59:04 certains experts que nous avons auditionnés
00:59:06 contestent le rapprochement avec la mafia
00:59:08 et sa structuration.
00:59:10 On est aujourd'hui dans quelque chose
00:59:12 qui s'apparente beaucoup plus à
00:59:14 une hyper spécialisation
00:59:16 du taylorisme, du toyotisme,
00:59:18 vous l'appelez comme vous voulez,
00:59:20 avec des entités
00:59:22 dédiées à certaines
00:59:24 tâches, les producteurs, les
00:59:26 logisticiens, les brokers,
00:59:28 les équipes feu,
00:59:30 et des réseaux qui sont
00:59:32 protéiformes, dont
00:59:34 les modalités d'association sont assez
00:59:36 opportunistes. Donc
00:59:38 comparer ce qui se passe aujourd'hui en
00:59:40 terme de narcotrafic en France
00:59:42 à la mafia est sans doute
00:59:44 une mauvaise comparaison,
00:59:46 une mauvaise idée. En revanche, il est évident
00:59:48 que le dispositif qui a été mis en place
00:59:50 pour la mafia sur le repenti,
00:59:52 qui a permis de traiter plusieurs milliers de cas,
00:59:54 est efficace, et que le nôtre
00:59:56 ne l'est pas.
00:59:58 Je me souviens que l'ancien président de la CNPR
01:00:00 qui gère les repentis
01:00:02 a indiqué que
01:00:04 le dispositif était
01:00:06 défaillant structurellement, d'ailleurs il a mis
01:00:08 beaucoup de temps, il a été créé en 2004,
01:00:10 il n'a été mis en oeuvre qu'en
01:00:12 2014, ses résultats
01:00:14 sont modestes, même si ça marche un peu mieux
01:00:16 ces dernières années. Structurellement, il y a
01:00:18 une espèce de bivalence
01:00:20 entre
01:00:22 le SIAT
01:00:24 qui opère
01:00:26 pour le compte de la police
01:00:28 la sélection, l'organisation
01:00:30 du dispositif et le choix des repentis
01:00:32 et puis les magistrats
01:00:34 qui le président. Donc il y a quelque chose
01:00:36 qui ne fonctionne pas dans sa conception,
01:00:38 il faut l'améliorer. Deuxième sujet,
01:00:40 c'est que
01:00:42 ceux qui entrent dans le dispositif
01:00:44 n'y entrent que parce qu'ils veulent
01:00:46 sauver leur peau. Parce que sinon
01:00:48 s'il s'agit d'un
01:00:50 coup d'opportunité, d'un arbitrage
01:00:52 entre ceux qui risquent
01:00:54 devant la justice
01:00:56 avant de passer par le dispositif ou en passant
01:00:58 par le dispositif, alors ce n'est pas intéressant pour eux
01:01:00 puisqu'on voit que certains qui ont joué le jeu ont été
01:01:02 plus lourdement condamnés que
01:01:04 d'autres qui ne l'ont pas fait. Donc
01:01:06 il y a beaucoup à faire et on fait
01:01:08 des propositions très concrètes sur l'organisation de ce dispositif
01:01:10 qui est essentiel et dont
01:01:12 nous souhaitons, dans la cohérence de la vision
01:01:14 que nous proposons, qu'il soit rattaché
01:01:16 au PNAST que nous avons évoqué
01:01:18 tout à l'heure. - Surtout, ce que
01:01:20 nous lisons dans le rapport, c'est que
01:01:22 le système des repentis
01:01:24 à lui seul,
01:01:26 il n'est pas suffisant.
01:01:28 Il faut le compléter
01:01:30 par un système d'infiltration.
01:01:32 Ce qui marche, c'est infiltration
01:01:34 plus repentis.
01:01:36 On aura plus de personnes
01:01:38 infiltrées que nous n'aurons de repentis.
01:01:40 Donc le système sera plus efficace. Puis la deuxième
01:01:42 chose, si on veut rapprocher
01:01:44 les politiques italiennes
01:01:46 de lutte contre la mafia
01:01:48 et le problème du
01:01:50 psychotrafic en France, il y a un sujet
01:01:52 sur lequel il faut que nous
01:01:54 travaillions, mais je crois qu'on l'a déjà exposé de manière très
01:01:56 précise, c'est la question du blanchiment.
01:01:58 Parce que l'argent
01:02:00 qui ressort du trafic
01:02:02 de stupéfiants,
01:02:04 il est blanchi et il est notamment blanchi
01:02:06 dans des entreprises.
01:02:08 On rentre au capital,
01:02:10 on finance des
01:02:12 marchés publics, avec tout ce que ça veut dire,
01:02:14 de corruption et autres.
01:02:16 Et là, il faut reconnaître que
01:02:18 l'Italie,
01:02:20 sur l'interconnexion
01:02:22 entre le crime
01:02:24 et l'économie
01:02:26 légale, est assez
01:02:28 performante. Donc on aura
01:02:30 sans doute une inspiration
01:02:32 dans les dispositifs
01:02:34 particuliers qui sont les dispositifs italiens.
01:02:36 Une autre
01:02:38 question en ligne ?
01:02:40 Oui,
01:02:42 bonjour, Hugo Francesse de BFM Lyon.
01:02:44 Une question pour Étienne Blanc.
01:02:46 Comment vous expliquez
01:02:48 le nombre de fusillades liées au trafic qui a
01:02:50 augmenté significativement
01:02:52 ces dernières semaines dans la métropole ?
01:02:54 Et comment vous analysez aussi
01:02:56 ce fait de jambisation
01:02:58 qui est donc
01:03:00 mis en place par
01:03:02 les tireurs et par les trafiquants ?
01:03:04 Sur l'augmentation
01:03:08 de ces violences,
01:03:10 elles traduisent l'augmentation du trafic
01:03:12 et la métropole, la grande métropole de
01:03:14 Lyon, n'est pas épargnée.
01:03:16 La métropole de Lyon, elle est située sur un couloir
01:03:18 nord-sud. Elle a
01:03:20 ensuite un débouché sur le bassin
01:03:22 Lémanic et
01:03:24 sur l'Italie, on est une région
01:03:26 qui est une région frontalière. Évidemment, dans
01:03:28 ces régions frontalières, il y a un trafic
01:03:30 qui est un trafic particulier. C'est l'histoire
01:03:32 de Lyon. C'est une histoire
01:03:34 d'ouverture sur la Méditerranée,
01:03:36 sur l'Europe du Nord, par le couloir
01:03:38 rhodanien. Donc le trafic
01:03:40 y est
01:03:42 extrêmement important.
01:03:44 Sur
01:03:46 la jambisation et sur
01:03:48 les violences,
01:03:50 ce que l'on peut dire, c'est que
01:03:52 en soi, le
01:03:54 narcotrafic utilise la violence pour faire
01:03:56 fonctionner l'entreprise libérale
01:03:58 de narcotrafic.
01:04:00 Si
01:04:02 tu ne
01:04:04 renseignes pas, si tu ne vends pas
01:04:06 assez, si tu détournes de l'argent,
01:04:08 tu affaiblis l'entreprise.
01:04:10 Donc j'utilise la violence.
01:04:12 C'est ce que nous disons dans notre rapport. Il n'y a pas
01:04:14 de limite. Mais
01:04:16 ce qui nous a le plus frappés,
01:04:18 c'est la menace,
01:04:20 notamment la jambisation,
01:04:22 c'est-à-dire blessé
01:04:24 au genou ou en dessous du genou.
01:04:26 Un jeune de 15 ans ou
01:04:28 de 16 ans, en soi, c'est
01:04:30 gravissime. Mais ce qui
01:04:32 est, on ne peut pas dire plus grave,
01:04:34 mais ce qui est aussi grave, c'est l'utilisation
01:04:36 de ces images sur les réseaux sociaux.
01:04:38 Et c'est la démonstration
01:04:40 que nous faisons dans ce rapport,
01:04:42 c'est que la violence,
01:04:44 elle sert à solidifier
01:04:46 un réseau
01:04:48 qui va de la distribution
01:04:50 à la collecte
01:04:52 du produit financier.
01:04:54 Et dès qu'il y a un manquement,
01:04:56 dès qu'il y a un détournement,
01:04:58 dès qu'il y a quelqu'un qui veut quitter le réseau,
01:05:00 à ce moment-là, on utilise l'image
01:05:02 de la violence pour faire une pression.
01:05:04 Et notamment une pression sur les jeunes.
01:05:06 Donc, à Lyon,
01:05:08 nous n'échappons pas à ce phénomène-là,
01:05:10 d'où la nécessité
01:05:12 de développer les enquêtes.
01:05:14 Une jambisation
01:05:16 dans un quartier, une opération place nette,
01:05:18 elle permet de nettoyer le quartier
01:05:20 et pendant des semaines ou des mois,
01:05:22 tant que la police est là, il n'y en a pas.
01:05:24 Mais ça ne permet pas de répondre complètement
01:05:26 à la nécessité
01:05:28 de lutter contre un réseau qui a
01:05:30 abouti à cette jambisation,
01:05:32 qui a donné l'ordre,
01:05:34 qui a exécuté,
01:05:36 et pour quelle raison.
01:05:38 Je prends une question écrite
01:05:40 de Tanguy Olivier du groupe Centre France.
01:05:42 Peut-on détailler ce phénomène de livraison
01:05:44 de drogue dans les zones rurales évoqué dans le rapport ?
01:05:46 Le phénomène de livraison
01:05:48 dans les zones rurales, il est
01:05:50 calqué sur ce qu'on peut trouver
01:05:52 en zone urbaine avec Uber Cheat ou Uber Coke.
01:05:54 C'est l'utilisation des réseaux sociaux
01:05:56 pour
01:05:58 organiser le trafic.
01:06:00 C'est parfois quand on est en bout de chaîne
01:06:02 qu'on n'est pas dans
01:06:04 une étape de rebond du trafic,
01:06:06 mais plutôt de dessert,
01:06:08 du dernier kilomètre
01:06:10 de livraison des consommateurs.
01:06:12 Parfois un peu coopératif aussi,
01:06:14 des groupes de copains qui s'organisent.
01:06:16 Il y a toutes les formules,
01:06:18 mais la formule qui
01:06:20 s'appuie sur les réseaux sociaux
01:06:22 fonctionne beaucoup.
01:06:24 Il faut dire quand même
01:06:26 le poids des réseaux sociaux
01:06:28 dans le trafic.
01:06:30 Comme je l'ai dit depuis le début de notre
01:06:32 intervention,
01:06:34 les moyens des trafiquants sont illimités.
01:06:36 Ils sont agiles, ils sont adaptables.
01:06:38 Les réseaux sociaux sont un outil
01:06:40 qui permettent de réorganiser le trafic
01:06:42 quand les points de deal sont démantelés.
01:06:44 Les réseaux sociaux, ça sert
01:06:46 à vendre
01:06:48 par des groupes de discussion
01:06:50 WhatsApp ou autre,
01:06:52 à créer une communauté.
01:06:54 Ça sert à recruter,
01:06:56 et nous avons prévu une peine nouvelle
01:06:58 qu'a évoqué Étienne Blanc,
01:07:00 pour lutter contre l'incitation
01:07:02 à entrer dans le trafic
01:07:04 pour les mineurs.
01:07:06 Ça sert aussi à diffuser
01:07:08 les images des règlements de comptes
01:07:10 et des actes de barbarie.
01:07:12 Il y a un sujet important autour
01:07:14 des réseaux sociaux dans l'évolution
01:07:16 du trafic.
01:07:18 Il y a un dispositif qui est particulièrement efficace,
01:07:20 c'est ce qu'on appelle le coup d'achat.
01:07:22 La possibilité de se présenter quand il y a
01:07:24 des produits stupéfiants qui sont en ligne,
01:07:26 c'est de se présenter pour les acheter.
01:07:28 Et quand on se présente pour les acheter,
01:07:30 on révèle qu'on est membre des forces de police.
01:07:32 À ce moment-là, on peut sanctionner
01:07:34 celui qui a mis en ligne
01:07:36 les produits.
01:07:38 Dans notre rapport, nous abordons
01:07:40 cette question-là.
01:07:42 Ce sont des sujets sur lesquels on est un peu limite
01:07:44 en tant que provocation à l'infraction.
01:07:46 Il y a une fragilité juridique.
01:07:48 Dans le rapport, on a apporté des réponses
01:07:50 précises sur cette question.
01:07:52 Mais le meilleur moyen de lutter, c'est bien cela.
01:07:54 On va prendre quelques dernières questions.
01:07:56 Si la moiteur tropicale vous maintient en santé...
01:08:00 Oui, Hipoli Tradisson pour AEF.
01:08:04 Vous mentionnez sur le renseignement
01:08:06 une absence d'implication
01:08:08 de la DGSI sur les sujets du narcotrafic.
01:08:12 Quel rôle aimeriez-vous donner à ce service ?
01:08:14 Est-ce que le renseignement territorial
01:08:16 doit aussi s'impliquer sur ces sujets
01:08:20 et communiquer peut-être davantage
01:08:22 avec les services du ministère de l'Economie et des Finances ?
01:08:28 La question du renseignement est centrale.
01:08:30 Elle fait l'objet de nombreuses pages
01:08:32 et de plusieurs propositions dans le rapport.
01:08:34 Elle est centrale parce qu'il y a une question d'articulation,
01:08:36 mais comme on l'a cité depuis le début
01:08:38 de la conférence de presse, entre les différents services.
01:08:40 Merci, Beauvau.
01:08:42 On voit que l'OFAS, pour travailler avec la DNRED,
01:08:44 passe une convention.
01:08:46 Il y a des choses qui sont parfois un peu surprenantes.
01:08:48 On se dit que ça devrait être un peu plus fluide.
01:08:50 On ne sait pas si chacun joue sa partition,
01:08:52 mais en tout cas, il faut articuler les services de renseignement.
01:08:54 Il y a une dimension aussi très importante,
01:08:56 et je vous renvoie aux pages qui le traitent,
01:08:58 dans l'articulation entre le renseignement et le judiciaire.
01:09:02 Comment ça s'interpénètre et comment on a un peu de renseignement
01:09:06 et ça passe en judiciaire tout de suite pour nourrir des enquêtes,
01:09:08 et comment parfois le renseignement va chercher dans les enquêtes
01:09:10 des informations qui sont utiles pour continuer à...
01:09:12 Donc il y a ce sujet de fluidité
01:09:14 qui n'est pas nouveau dans nos propos,
01:09:16 mais on l'évoque depuis tout à l'heure,
01:09:18 mais c'est un sujet qui est particulièrement important.
01:09:22 Donc le renseignement s'agissant de la DGSI,
01:09:28 c'est du service.
01:09:34 C'est un prestataire de service
01:09:36 en termes de technique de renseignement pour d'autres services.
01:09:40 Mais on sent que leur focale, c'est le terrorisme.
01:09:46 Et que finalement, le narcotrafic,
01:09:50 ce ne sont pas les intérêts fondamentaux de la nation qui sont en jeu.
01:09:54 Or, nous prétendons l'inverse.
01:09:56 Donc il va falloir articuler tout ça.
01:09:58 En tout cas, on ne peut pas dire le peu d'implication ou la non-implication,
01:10:04 mais la faiblesse de l'implication de la DGSI, c'est un véritable problème.
01:10:08 La DGSI dispose d'informations sur les réseaux de narcotrafic
01:10:12 qui pourraient être parfaitement utiles.
01:10:14 Le président l'a bien dit, la circulation de l'information,
01:10:16 la circulation du renseignement, aujourd'hui, est insuffisante.
01:10:18 Donc dans notre rapport, nous disons ouvertement
01:10:20 qu'il faut mobiliser la DGSI sur le renseignement
01:10:24 et qu'elle puisse alimenter par ce renseignement le judiciaire.
01:10:28 Madame.
01:10:30 Oui, Camille Polony pour Mediapart.
01:10:34 Vous avez évoqué déjà le risque corruptif dans certaines administrations
01:10:38 et vous avez parlé, par exemple, de la consultation illégale de fichiers de police.
01:10:42 Qu'en est-il, selon vous, du risque corruptif qui vise les élus
01:10:46 et en particulier les élus locaux ?
01:10:48 Il existe. Il existe.
01:10:52 Il y a quelques cas qui ont défrayé l'actualité.
01:10:58 Donc il faut se prémunir de la corruption chez élus,
01:11:02 comme dans toutes les autres composantes de la société.
01:11:06 Il faut revenir à l'origine de la corruption.
01:11:10 Les narcotrafiquants, c'est des businessmen.
01:11:14 Donc ils ont besoin, ils vont à l'essentiel.
01:11:18 Ce qui est utile, c'est un dossier qui est mis au fond de la pile
01:11:24 pour qu'une procédure tombe,
01:11:28 une porte qui reste ouverte pour accéder à un port,
01:11:32 un local ici qu'on utilise pour entreposer du produit,
01:11:38 des fichiers qu'on consulte pour tirer des informations importantes.
01:11:44 Donc ils vont là où c'est utile.
01:11:48 Et donc on peut imaginer que si corrompre un élu
01:11:52 ou quand corrompre un élu est utile à leur trafic, ils le font.
01:11:56 Après, comme pour le reste des cas de corruption,
01:12:00 on a peu de cas de corruption d'élus documentés.
01:12:04 Mais peut-être est-ce aussi parce que c'est moins stratégique
01:12:08 pour un certain nombre de narcotrafiquants
01:12:12 que d'autres professions ou d'autres fonctions,
01:12:16 je pense à des dockers, à des policiers.
01:12:20 Mais évidemment, il faut que la vigilance soit à 360 degrés.
01:12:24 - Juste une précision sur le plan Stup2.
01:12:28 Le projet auquel vous avez eu accès était à quel degré d'avancement ?
01:12:32 - Celui que vous trouverez dans le document, je ne peux pas vous dire.
01:12:36 C'est-à-dire qu'on l'a demandé assez longtemps, on l'a eu.
01:12:40 Il nous semble qu'il n'est pas finalisé complètement.
01:12:44 C'est peut-être pour ça qu'il a ce caractère, à notre avis, lacunaire.
01:12:48 Mais on ne peut pas savoir si c'est la version 1, la version 2.
01:12:52 - Il n'est pas tout à fait finalisé, semble-t-il.
01:12:56 Et il doit faire encore l'objet de navettes et d'arbitrages.
01:13:00 Ce que je veux obtenir, c'est que l'intérieur ne devait pas être tout à fait satisfait de la copie.
01:13:04 Pour nous, il fallait le donner. Et que ce n'était sans doute pas leur moment.
01:13:08 - Le constat de la lutte contre le narcotrafic à Marseille ne va pas vous surprendre.
01:13:12 Il est celui d'une aggravation constante de tous les indicateurs.
01:13:16 Marseille paraît sans même constituer en quelque sorte l'épicentre
01:13:20 d'un phénomène en réalité national.
01:13:24 Cette aggravation est particulièrement notable en 2023
01:13:28 et s'adresse par l'explosion des assassinats aux bandes organisées.
01:13:32 Une cinquantaine pour 2023, là où il y en avait eu 20 en 2020,
01:13:36 26 en 2021 et 33 en 2022.
01:13:40 Et cela sans parler des nombreux blessés, puisqu'il y en a eu 123 en 2023,
01:13:44 là où il n'y en avait eu que 12 en 2020.
01:13:48 Les perspectives sont donc très préoccupantes avec le sentiment d'une forme
01:13:52 de désarmement complet des institutions policières et judiciaires.
01:13:56 En quelque sorte, l'État semble mener une guerre asymétrique
01:14:00 contre le narcomanditisme, avec cette spécificité
01:14:04 que dans ce cas précis, c'est l'État qui se trouve en situation de vulnérabilité
01:14:08 face à des trafiquants qui disposent, eux, d'une force de frappe
01:14:12 considérable sur le plan des moyens financiers, humains,
01:14:16 technologiques et même législatifs. Le risque, à court terme,
01:14:20 est bien sûr de voir l'État de droit se déliter.
01:14:24 Les exemples hollandais et belges en sont des illustrations récentes,
01:14:28 particulièrement inquiétantes. Sans verser dans la stigmatisation outrancière,
01:14:32 la ville de Marseille est incontestablement le territoire au sein duquel
01:14:36 les conséquences du narcomanditisme se manifestent dans leur expression
01:14:40 la plus violente, en provoquant des troubles à l'ordre public conséquents,
01:14:44 en blessant, voire en tuant des victimes dites "collatérales"
01:14:48 et en altérant considérablement le mode de vie
01:14:52 des habitants des quartiers. En d'autres termes, le narcomanditisme
01:14:56 agit à Marseille comme une sorte de gangrène qui abîme
01:15:00 jour après jour, année après année, le tissu social.
01:15:04 Et ce n'est peut-être d'ailleurs pas tout à fait un hasard si
01:15:08 quatre d'entre vous sont des élus du Bouche du Rhône, vous mesurez
01:15:12 pleinement l'impact du narcomanditisme sur votre
01:15:16 territoire et sur le quotidien de vos administrés. L'explosion des
01:15:20 règlements de compte en 2023 s'est traduit, pour le siège et l'instruction en particulier,
01:15:24 par une augmentation considérable du nombre d'ouvertures d'informations judiciaires
01:15:28 liées à ces assassinats ou tentatives d'assassinats.
01:15:32 En 2022, il y avait eu 36 ouvertures et on est passé
01:15:36 en 2023 à 69 ouvertures d'informations judiciaires
01:15:40 liées à ces assassinats ou tentatives d'assassinats, soit
01:15:44 presque un doublement avec une moyenne de 5 ouvertures d'informations
01:15:48 judiciaires par mois, dont 80% relève du
01:15:52 conflit entre la DZMafia et la IODAS, ces deux réseaux que vous connaissez bien.
01:15:56 Or, ces instructions criminelles, ma collègue
01:16:00 vous le dira certainement mieux que moi, sont extrêmement lourdes, chronophages
01:16:04 et complexes à mener en termes d'investigation,
01:16:08 tant pour les magistrats que pour les policiers. La problématique
01:16:12 marseillaise, vous le savez, est accentuée par le fait que
01:16:16 notre compétence au titre de la JIR, c'est une compétence interrégionale
01:16:20 qui couvre 4 cours d'appel, Aix, Montpellier,
01:16:24 Nîmes et Bastia, représentant en réalité 20
01:16:28 tribunaux judiciaires et allant de la frontière italienne à la frontière
01:16:32 espagnole, Corse comprise. Il nous faut donc à la fois
01:16:36 traiter en parallèle le contentieux marseillais et celui
01:16:40 de l'interrégion, qui tend également à exploser dans ce domaine.
01:16:44 L'augmentation est tellement significative
01:16:48 que les renforts en effectif de magistrats et de greffiers dont a pu heureusement bénéficier
01:16:52 la juridiction en 2022, à la suite d'un contrôle de fonctionnement
01:16:56 diligenté par l'Inspection Générale de la Justice, et qui constituait
01:17:00 en réalité le rattrapage de nombreuses années de sous-dotation,
01:17:04 apparaissent aujourd'hui d'ores et déjà notoirement insuffisants.
01:17:08 Ces renforts pourtant conséquents, qui ont abouti à la création
01:17:12 de trois cabinets d'instruction supplémentaires, ont permis de mettre
01:17:16 en oeuvre le cloisonnement de la GIRS Criminalité Organisée
01:17:20 afin de dissocier le contentieux strictement marseillais,
01:17:24 qui est dévolu à ce que nous appelons la section Délinquance Organisée,
01:17:28 de la délinquance interrégionale, voire internationale,
01:17:32 qui est dévolue à la GIRS à Provence-Parlée.
01:17:36 Sur les 27 cabinets d'instruction, qui représentent le service
01:17:40 d'instruction le plus important de France, après celui de Paris,
01:17:44 sur ces 27 cabinets d'instruction, 11 sont dédiés au traitement
01:17:48 de la criminalité organisée, 4 à la délinquance organisée
01:17:52 pour les réseaux strictement marseillais, et 7 à la GIRS
01:17:56 pour les réseaux interrégionaux et internationaux, qu'on appelle
01:18:00 donc la criminalité organisée. Par ailleurs, une chambre correctionnelle
01:18:04 composée de 8 magistrats traite à temps plein de ce contentieux,
01:18:08 c'est la 7e chambre pour le tribunal judiciaire de Marseille.
01:18:12 Cela représente une proportion unique au niveau national et traduit
01:18:16 l'emprise du narcotrafic sur l'arrondissement judiciaire marseillais.
01:18:20 Or, ces effectifs, et c'est un constat que nous faisons tous, sont d'ores et déjà
01:18:24 dépassés, et cette tension se retrouve sur l'ensemble de la chaîne pénale,
01:18:28 non seulement les juges d'instruction, que j'évoquais il y a un instant,
01:18:32 et j'y reviendrai, mais aussi les juges des enfants, les juges d'application des peines,
01:18:36 le juge de la liberté et de la détention, les juges correctionnels,
01:18:40 et il ne faut surtout pas que vous oubliez dans votre réflexion, à mon sens,
01:18:44 les juges d'appel de la chambre de l'instruction et de la cour d'assises,
01:18:48 le niveau d'appel étant actuellement sans doute le niveau le plus
01:18:52 englué par le phénomène de masse de cette délinquance.
01:18:56 Nous constatons également que la surpopulation
01:19:00 carcérale à Marseille peut avoir un lien avec cette activité délinquentielle.
01:19:04 Vous le savez, une proportion importante des détenus
01:19:08 sont en détention provisoire, et ça explique en partie la surpopulation carcérale,
01:19:12 et nous atteignons au Beaumet en début de semaine 188%
01:19:16 de taux d'occupation à l'établissement
01:19:20 de Marseille, établissement des Beaumet. Face à l'importance
01:19:24 prise par les réseaux criminels, les risques d'atteinte à l'intégrité
01:19:28 physique des acteurs judiciaires qui luttent contre le narco-banditisme
01:19:32 ne doivent plus aujourd'hui être considérés comme relevant
01:19:36 uniquement du virtuel. J'avais questionné les juges d'instruction il y a environ deux ans
01:19:40 sur cette question de leur propre sécurité. Ils m'avaient dit qu'ils
01:19:44 n'en ressentaient aucun risque réel. Aujourd'hui,
01:19:48 ces risques paraissent accrus, avec de nouveaux modes de recrutement des tueurs,
01:19:52 notamment sur les réseaux sociaux, qui sont de plus en plus jeunes et donc de plus en plus
01:19:56 immatures. Monsieur le Procureur aura l'occasion d'y revenir, mais 62%
01:20:00 des tueurs ou auteurs de tentatives d'assassinat avaient moins de 21 ans
01:20:04 en 2023. Or, à Marseille, vous le savez, personne n'a oublié
01:20:08 la figure emblématique et historique du juge Pierre Michel.
01:20:12 Les freins à l'action des magistrats instructeurs et correctionnels sont
01:20:16 extrêmement nombreux. Sans se livrer à un inventaire à la prévère
01:20:20 et se vouer à une lamentation,
01:20:24 je pense néanmoins qu'il est indispensable de les recenser rapidement, mes collègues y
01:20:28 reviendront, sans misérabilisme, mais avec lucidité. Et au
01:20:32 regard de l'importance de l'enjeu vital pour notre corps social,
01:20:36 le fatalisme ne peut toutefois pas être de mise et il nous incombe collectivement
01:20:40 d'être force de proposition avec des marges d'amélioration. Ma collègue Isabelle
01:20:44 Coudert, vice-présidente à la GIRS, les détaillera dans un instant.
01:20:48 Ces constats sont des freins, des freins à l'action
01:20:52 des services de l'Etat et des services en particulier judiciaires.
01:20:56 Ces freins sont des freins en effectif, en gestion
01:21:00 des ressources humaines, en logistique et sur le plan procédural.
01:21:04 En termes d'effectifs, je vous le disais, les renforts
01:21:08 que nous avons obtenus paraissent, pour ce qui est de la lutte contre le narcotrafic, déjà
01:21:12 insuffisants. Les 7 cabinets d'instruction GIRS
01:21:16 à Marseille gèrent pour chacun d'entre eux une quarantaine de dossiers
01:21:20 là où la moyenne est communément admise entre 25 et 30.
01:21:24 Ces cabinets gèrent entre 30 et 40 détenus
01:21:28 par cabinet, ce qui est largement aussi supérieur à ce qu'il faudrait,
01:21:32 sachant que le contenu de la détention est très chronophage.
01:21:36 En ce qui concerne la délinquance organisée, alors là, les chiffres sont encore plus
01:21:40 inquiétants puisque nous sommes à 70 instructions en cours
01:21:44 à gérer par dossier de délinquance organisée qui s'occupe des réseaux
01:21:48 marseillaux-marseillais et ils ont tous entre 60 et 70
01:21:52 détenus par cabinet. Ce problème
01:21:56 d'effectifs, nous le retrouvons également au service du tribunal pour enfants. Nous
01:22:00 avons un projet sur une proposition du directeur départemental de la protection judiciaire
01:22:04 de la jeunesse de mettre en oeuvre des mesures d'assistance éducative
01:22:08 pour chaque mineur déféré en matière de stupéfiants
01:22:12 pour la famille. Le directeur départemental de la protection
01:22:16 judiciaire de la jeunesse, M. Pibarro, considère à juste titre, et nous avons
01:22:20 partagé son constat, que lorsqu'un mineur est déféré pour un
01:22:24 problème de narcotrafic, il faut s'interroger sur
01:22:28 le risque encouru par les frères et sœurs de la même fratrie et la situation
01:22:32 de la famille. Et il nous propose de mettre en oeuvre des mesures d'investigation
01:22:36 en assistance éducative à chaque fois dans la famille, à chaque fois que l'un des mineurs
01:22:40 est poursuivi sur le plan pénal pour un problème de stupéfiants.
01:22:44 On a évalué ce surcoût de dossier à environ
01:22:48 200 procédures de plus. 200 procédures, c'est quasiment la moitié
01:22:52 d'un cabinet du juge des enfants. Sur le papier, nous sommes à 12 juges des enfants actuellement.
01:22:56 Nous serons véritablement à partir du mois de septembre.
01:23:00 Et les juges des enfants estiment que si on devait renforcer le suivi
01:23:04 en assistance éducative des familles qui sont impactées par le
01:23:08 narcotrafic, il faudrait envisager un 13e cabinet.
01:23:12 Toujours en ce qui concerne les effectifs, M. Ouellet vous le dira mieux que moi,
01:23:16 mais la problématique du greffe est essentielle.
01:23:20 Ces cabinets sont très lourds, je vous le disais, à la fois en termes d'investigation mais en termes de gestion.
01:23:24 Notamment parce qu'il y a beaucoup de détenus, mais également énormément de notifications
01:23:28 de convocations. Or, la situation du greffe est loin d'être
01:23:32 résolue. Nous ne disposons pas d'un greffier volant pour les 27 cabinets
01:23:36 d'instruction. Or, sur 27 greffiers, vous êtes à peu près certain qu'il y aura
01:23:40 toujours un arrêt maladie, un congé de maternité, et c'est bien normal. Et aucun
01:23:44 greffier volant ne peut venir suppléer à la vacance d'un poste.
01:23:48 La solution que nous avons trouvée actuellement, c'est que le greffier
01:23:52 qui n'est pas là, se fait remplacer, mais à la charge des autres
01:23:56 cabinets, et donc impactant le fonctionnement des autres cabinets.
01:24:00 Nous manquons d'assistants spécialisés. Actuellement, il y a 12 assistants spécialisés
01:24:04 au bénéfice du Tribunal judiciaire de Marseille, qui sont communs, sièges parquets.
01:24:08 Au-delà de la question de l'impartialité de ces
01:24:12 assistants spécialisés, qui peuvent intervenir, vous le savez, tant en enquête de flagrance
01:24:16 ou préliminaire, qu'au stade de l'instruction, voire même au stade du jugement,
01:24:20 il nous apparaît indispensable d'envisager d'avoir des assistants spécialisés dédiés
01:24:24 pour le parquet, et ceux dédiés pour le siège. De même qu'il nous manque
01:24:28 de juristes assistants pour la section GIRS, il faudrait au moins un juriste
01:24:32 assistant pour deux cabinets GIRS, ces juristes assistants étant
01:24:36 la plupart du temps dédiés aux commissions rogatoires techniques, donc toutes les
01:24:40 techniques spéciales d'enquête, qui nécessitent là aussi une gestion administrative
01:24:44 des dossiers assez lourde. Même constat en ce qui concerne les effectifs
01:24:48 des services de police, mais vous les avez entendus, je n'y reviens pas, avec une désaffection
01:24:52 des services de police judiciaire et une
01:24:56 augmentation de ces effectifs de police judiciaire par des sorties d'école, mais dans un domaine
01:25:00 qui nécessite une grande expérience et du temps pour se
01:25:04 former à ce type de traitement de la délinquance. Nous constatons également un manque
01:25:08 d'effectifs en ce qui concerne l'administration pénitentiaire. De nombreux cabinets d'instruction
01:25:12 se plaignent de ne pas pouvoir procéder à des actes d'interrogatoire
01:25:16 ou de confrontation de détenus, car les extractions n'ont pas pu avoir lieu, faute
01:25:20 d'effectifs suffisants du côté de l'administration pénitentiaire.
01:25:24 Rapidement, des freins logistiques, vous les connaissez,
01:25:28 ce sont des freins informatiques, ma collègue pourra y revenir. Nous n'avons pas
01:25:32 d'atelier de numérisation véritablement digne de 27
01:25:36 cabinets d'instruction, tant et si bien que les greffiers numérisent eux-mêmes
01:25:40 la plupart du temps leurs procédures, sur le temps qu'ils devraient consacrer
01:25:44 plutôt à la gestion de leurs propres dossiers. Nous manquons de salles d'audience
01:25:48 spécifiquement dédiées à ces gros dossiers
01:25:52 GIRS, dans lesquels bien souvent nous avons 10,
01:25:56 15, 20 détenus, et nous n'avons qu'une salle suffisamment
01:26:00 sécurisée à Marseille pour pouvoir juger ces dossiers.
01:26:04 Ma collègue reviendra sur les freins procéduraux et législatifs.
01:26:08 Nous appelons tous de nos voeux une simplification de la procédure pénale.
01:26:12 Nous avons fait tristement le constat, par la loi
01:26:16 du 20 novembre 2023, d'une complexification grandissante,
01:26:20 encore, en matière de démise en examen.
01:26:24 Une personne mise en examen peut demander sa démise en examen très rapidement. En matière également
01:26:28 de droits étendus aux personnes entendues comme témoins assistés,
01:26:32 tout cela va plutôt dans le sens de la complexification plutôt que de la simplification.
01:26:36 Les requêtes en nullité qui sont
01:26:40 pendantes devant la Chambre de l'Instruction mettent actuellement
01:26:44 à peu près un an à être traitées. Ce sont des délais
01:26:48 qui sont totalement inadaptés par rapport à la nécessité d'apporter
01:26:52 une réponse rapide en la matière.
01:26:56 Manque également en matière de traitement du blanchiment,
01:27:00 mes collègues y reviendront, nous manquons de policiers mieux formés
01:27:04 à ce traitement, d'assistants spécialisés
01:27:08 spécifiques sur l'entraide et l'analyse
01:27:12 criminelle, et enfin, toujours en termes de freins,
01:27:16 ce sera mon dernier point, j'ai été trop long, je vous prie d'en l'excuser,
01:27:20 nous constatons un problème en termes de gestion des ressources humaines
01:27:24 pour les magistrats, ces postes hautement spécialisés
01:27:28 nécessitent du temps.
01:27:30 Voilà pour cette commission d'enquête du Sénat sur la lutte contre le trafic de drogue.
01:27:34 C'est la fin de cette émission, merci de l'avoir suivie, continuez à suivre l'actualité politique
01:27:38 et parlementaire sur notre site internet publicsenat.fr, je vous souhaite une très bonne journée sur Public Sénat.
01:27:42 [Musique]

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