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Mardi 28 mai 2024, SMART BOURSE reçoit Alain Bokobza (Responsable de la stratégie d'allocation d'actifs mondiale, Société Générale CIB)

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00:00Le dernier quart d'heure de Smartboard. Chaque soir, c'est le quart d'heure thématique, le thème de ce soir, c'est celui de la stratégie d'investissement et de l'allocation d'actifs global qu'on peut imaginer pour les prochains mois et les prochains trimestres, comprenez, pour le deuxième semestre de cette année 2024 et c'est Alain Bocopza qui est à mes côtés, le responsable monde de la stratégie d'allocation d'actifs de Société Générale.
00:29Alain, bonsoir.
00:31Bonsoir Clément.
00:32Merci d'être là, on essaye de prendre un peu de distance avec vous sur le day-to-day des marchés.
00:37C'est vrai que si je reprends la séquence des derniers mois, on a eu quand même un puissant mouvement de revalorisation des actifs risqués à partir de fin octobre, début novembre,
00:46qui a été un mouvement assez global en Europe, aux Etats-Unis notamment, la Chine, les actifs chinois se sont mis à suivre également ces derniers mois.
00:56Une conversation toujours très animée entre les marchés et les banques centrales sur le tempo et le calendrier des baisses de taux à venir.
01:05Tout ça nous amène à des marchés d'ailleurs qui peut-être patinent un petit peu aujourd'hui, en tout cas depuis quelques semaines.
01:11Quels enseignements vous tirez de cette séquence pour la suite Alain et comment est-ce que vous voyez se développer devant nous pour les prochains mois,
01:19le cycle sur le plan macro, monétaire et bien sûr ce que ça implique pour les investisseurs et les allocations d'actifs en portefeuille ?
01:27On a déjà une toile de fonds conjoncturel où les Etats-Unis sont sortis de surchauffe qu'ils avaient l'an dernier, mais avec des rythmes qui restent robustes.
01:42Et ça va être compliqué pour la banque centrale de commencer trop tôt à baisser ses taux.
01:47Ce n'est pas pour ça que la tonalité n'est pas à la baisse des taux peut-être au début de l'an prochain.
01:53Donc pour les Etats-Unis, pour faire courte une histoire longue, on est no landing no cut, mais on est sortis de la surchauffe.
02:02Et c'est très important parce que le biais de la politique monétaire, il est plutôt à la baisse des taux avec une question sur le timing d'occurrence,
02:10qu'est-ce qu'il y aura baisse des taux ou hausse des taux.
02:13Ce scénario alternatif extrême d'un prochain mouvement qui serait une hausse de taux aux Etats-Unis, vous l'écartez à ce stade ?
02:21Ou en tout cas vous le minorez en termes de probabilité ?
02:24L'impossible n'est pas français ou américain, mais en parallèle au maintien des niveaux de taux d'intérêt banque centrale à des niveaux plutôt élevés,
02:33la banque centrale américaine a réduit la quantité de son bilan qui se réduit.
02:40La réduction du bilan s'atténue.
02:44C'est officiel, montrant par là même que la banque centrale est particulièrement vigilante sur le risque systémique d'acteurs endettés
02:54qui pourraient ne pas supporter des taux d'intérêt élevés trop longtemps, même si on a besoin pour contrôler l'inflation au niveau macroéconomique.
03:01Mais au niveau microéconomique, certains acteurs pourraient souffrir.
03:04Ça peut être dans l'immobilier, ça peut être des acteurs importants, cotés ou pas, qui peuvent connaître des difficultés.
03:10Donc là-dessus, la banque centrale est très claire qu'elle a un biais vigilant sur le risque systémique pour ne pas que ça se produise.
03:18Et s'il ne bouge pas pour l'instant les taux d'intérêt avec un biais baissier sur les taux d'intérêt,
03:23donc ça c'est pour les actifs obligataires, pour les actifs actions, c'est un message qu'on écoute quand même.
03:29Quel est le biais à partir du plateau plus long que prévu ?
03:33Et elle est vigilante sur le fait qu'il ne faut pas retirer trop de liquidités parce qu'on a besoin pour aider tous ces acteurs-là.
03:39Donc le double message qu'on a, il est quand même assez clair.
03:43En Europe, on a évité la récession.
03:47C'est un combat entre les baissiers qui nous prédisent tout le temps demain, c'est la catastrophe qui ne veut pas arriver.
03:53On n'arrive pas à avoir deux trimestres consécutifs d'une croissance négative sur les différents pays, y compris en Allemagne, y compris en France,
03:59donc montrant bien qu'il y a de la résistance.
04:01Et aussi des indicateurs avancés qui montrent qu'à priori, l'Europe va accélérer un petit peu son rythme à elle dans la deuxième partie de l'année.
04:11Et en parallèle, des régimes d'inflation qui se comportent mieux qu'aux Etats-Unis,
04:18donc qui continuent à décélérer alors que les Etats-Unis c'est plutôt étal,
04:23ouvrant la porte pour la première fois de son histoire à une BCE qui va bouger avant la fête.
04:28C'est aussi, je pense, dans les messages politiques, toute banque centrale est un animal politique,
04:34un message à la veille de la présidentielle américaine en disant s'il devait y avoir des écarts de politique économique post-élection,
04:42ça peut arriver avec l'un ou l'autre des candidats, la banque centrale américaine serait obligée de réagir,
04:47et si l'Europe ne suit pas le même chemin, il faut de l'indépendance.
04:51D'accord, donc il y a un élément de décorrelation où la banque centrale européenne prend son indépendance,
04:58ce qui est un message politique très important pour la première fois.
05:01Un 6 juin en plus.
05:03Un 6 juin, c'est pas le 8, et donc ça c'est une configuration...
05:09Mais c'est aussi pour la baisser, petite parenthèse, un moyen de se couvrir contre un ou des risques issus de l'élection américaine du 5 novembre.
05:18Elle prend son indépendance, c'est une grande fille ou un grand garçon qui a pris son indépendance.
05:22L'âge de la maturité quoi.
05:23L'âge de la maturité, elle a été créée en 1999, ça fait 25 ans, et il y a des possibilités puisque la croissance est là mais pas très forte,
05:32l'inflation c'est une victoire politique aussi, d'avoir jugulé un rythme d'inflation qui était très élevé, c'est une bonne nouvelle pour nous tous,
05:39et ça ouvre la porte à un petit peu de baisse des taux, elle pourra pas aller trop loin si la Fed ne fait rien,
05:44mais ça explique aussi le bien meilleur comportement des obligations européennes que les obligations américaines.
05:51Il y a une croissance douce et un régime d'inflation qui est mieux contrôlé, donc les obligations se comportent mieux, c'est tout à fait normal.
05:58Ça c'est un peu ce qui s'est passé. Dans un contexte, et ça c'est peut-être le deuxième point, je comparais un peu les deux grands blocs,
06:06le deuxième point c'est que s'il n'existe pas beaucoup de débats sur le fait que les Etats doivent rester dépensiers parce qu'il y a de l'indépendance économique,
06:17il y a de l'indépendance énergétique, il y a aussi des dépenses militaires, il y a tout un tas de blocs qui sont non pas incompréhensibles
06:25mais qui peut-être doivent continuer à monter, donc les Etats, c'est très compliqué en matière de dépenses publiques,
06:31quelque soit d'ailleurs de part et d'autre de l'Atlantique, et on a une configuration dans laquelle les entreprises qui ont des marges qui se tiennent très très bien,
06:44le tout dernier trimestre on avait des chiffres d'affaires qui ne montent plus pour la plupart des entreprises européennes,
06:50mais des marges qui continuent, donc les entreprises maintiennent un haut niveau de contrôle de leurs marges et de leurs coûts,
06:57et ça se traduit par des profits qui restent élevés, ça se traduit par des dividendes qui montent,
07:03et quand il y a une rentabilité du capital élevé, des rachats d'actions qui vont se redistribuer sur les secteurs qui en ont besoin.
07:10Donc là on a un phénomène d'extrêmement bonne gouvernance des entreprises qui quand elles sont rentables ne font pas, c'est pas n'importe quoi,
07:20elles ne sont pas dispendieuses sur l'utilisation des ressources dont elles disposent, elles sont très disciplinées, elles sont extrêmement disciplinées.
07:26Après des années de chocs multiples.
07:28Alors on a connu dans les décennies passées, dans certains cas, dans des cycles où il y avait beaucoup de profits dans les entreprises,
07:34une utilisation de cette richesse excédentaire qui parfois n'était pas très disciplinée, ça s'est terminé dans une crise du marché du crédit.
07:42Le marché du crédit est très sage aujourd'hui, les spreads de crédit, le taux de financement des entreprises est sage,
07:48qui est quelque part un indicateur avancé d'un régime de volatilité sur les marchés d'actions qui reste faible, qui était faible et qui reste faible,
07:57par la bonne gouvernance. Là on fait de l'ESG, on fait du G de la gouvernance, mais plutôt au niveau macro qu'au niveau micro.
08:05C'est un lien direct entre la gouvernance des entreprises et le niveau de volatilité faible qu'on observe aujourd'hui.
08:09Évidemment, parce qu'une utilisation inconsidérée d'un bilan en faisant des acquisitions bambait parfois des entreprises en danger,
08:17parfois ça se termine mal. S'il y a de la discipline, c'est un terme que je reprends et que je trouve très approprié, le régime de volatilité reste faible.
08:25C'est une des raisons. Il y a beaucoup de débats sur c'est quoi ce VIX, c'est quoi ce régime de volatilité sur les marchés d'actions.
08:32Une partie des sources historiques de volatilité des marchés d'actions, c'est l'endettement ou le sur-endettement de certaines entreprises qui provoquent des crises régulières.
08:42J'entends l'argument. Est-ce qu'on reste, pour les mois, si on se projette sur la deuxième partie d'année, Alain, vous avez décrit ce qui s'est passé ces derniers mois,
08:50vous avez même utilisé vous-même ce terme de Goldilocks pour les investisseurs. Est-ce que c'est un schéma qui perdure,
08:58avec la description que vous avez pu nous faire de ce qui nous attend devant nous, ou est-ce qu'en termes d'investissement,
09:04il y a des choses qui doivent bouger dans les allocations par rapport à l'allocation qu'il fallait avoir, encore une fois, ces derniers mois ?
09:12Il y a peut-être deux idées. La première, c'est qu'après un tel rallye qu'on a connu depuis septembre, octobre, l'an dernier avait été très compliqué.
09:23Depuis novembre, on a un rallye qui est continu. De temps en temps, il y a besoin de pause. Il est probable qu'on soit dans une pause qui a déjà commencé,
09:32juste pour souffler, pour faire un peu l'état des lieux. Et puis, il y a beaucoup de choses anticipées. Je vous disais, il paraît que l'ABCE va baisser ses taux le 6 juin.
09:40Je change de métier. On ne serait pas les seuls. Et les marchés sont rationnels. Les marchés sont efficients. Ils ont tendance à intégrer dans leurs prix
09:50les éléments qui sont connus, voire certains. Donc il faut passer à l'étape d'après. La baisse des taux ne sera pas énorme. Il ne faut pas attendre des centaines de points de base.
09:59On était à 4. On va baisser un peu. Mais on ne va pas aller très vite, trop fort. On a besoin aussi de la fête pour se faire.
10:05Et donc, il y a un premier phénomène qui est le phénomène de pause. Une pause, ça ne veut pas dire qu'on va faire un retracement. Ce n'est pas notre anticipation nécessairement.
10:17Et deuxièmement, dans le cadre de cette pause, il serait rationnel de réduire un peu les écarts entre ceux qui ont pris beaucoup d'avance et les autres.
10:25Et ça, ça a déjà commencé. En franglais, on appelle ça le broadening, l'élargissement des comportements des différents actifs à l'intérieur des marchés d'action.
10:35Ce qui est en retard, ça va dépendre d'un marché. Au Japon, ce n'est pas tout à fait pareil que ce qui est en retard en Europe ou aux Etats-Unis.
10:40Mais il y a un phénomène d'élargissement. On n'a beaucoup parlé, voire que ça. On n'a parlé que de concentration de la performance avec un petit nombre de titres gigantesques
10:53qui contribuaient de façon majeure à la performance des indices. Là, on a un élargissement.
10:59Les retardataires ont leur chance.
11:01Ils ont déjà commencé à attraper, exprimant les choses par leur nom.
11:06Au niveau indiciel, quand les très gros animaux, ceux qui représentent des gros poids dont les indices sont un peu plus lourds, c'est compliqué de voir les indices bouger.
11:17C'est pour ça qu'on peut imaginer cette pause. Ce n'est pas pour ça qu'à l'intérieur des constituants des marchés d'action, il n'y a pas de réallocation.
11:25Et c'est notre propos aujourd'hui.
11:28Comment ça peut s'incarner ? Est-ce que ça veut dire qu'il faut peut-être aller chercher des tailles d'entreprise un peu différentes ?
11:35Vous dites que ce sont quelques valeurs gigantesques qui ont tenu et qui ont contribué majoritairement à la performance des marchés sur ces derniers mois encore.
11:43Est-ce qu'on peut aller chercher des tailles d'entreprise différentes ? En termes de secteur, de marché géographique, est-ce qu'il y a des actifs ou des pays à privilégier aujourd'hui
11:53par rapport notamment au marché américain qui a concentré une grande partie de cette performance dans un indice MSCI monde aujourd'hui ?
12:03Dans la question, il y a déjà des éléments de réponse. Dans ce qui est en retard, on peut se dire que ça fait 10 ans que le marché américain est en avance sur tous les autres.
12:13Peut-être que le Japon a déjà très bien performé depuis 18 mois. Il y a un peu les émergents. Ça comporte la Chine, ça peut être l'Europe.
12:22Même les actions au Royaume-Uni ont très bien performé sur la période récente. A priori, l'élection qui se profile ne présente pas de risque macroéconomique.
12:33Dans le nouveau pilotage de l'économie, de ce que nous en savons, a priori, ce ne sera pas un choc majeur.
12:37Ça l'a été parfois dans l'histoire du Royaume-Uni, mais là, ça ne se profile pas comme cela. C'est parfaitement justifié sur un trapage qui est en cours.
12:44Il y a un aspect géographique dans la réallocation et il y a aussi un aspect sectoriel qui va dépendre des régions.
12:51Aux Etats-Unis, c'était surtout le Nasdaq qui avait progressé avec quelques leaders par là. Ça redistribue tout secteur confondu.
12:59En Europe, les cycliques avaient plutôt bien performé. Là, c'est plutôt un peu plus les défensives. Le secteur bancaire aussi qui est en train de rattraper, c'est le deep value.
13:09Et puis, dans les émergences, c'était la Chine qui avait énormément souffert depuis l'entrée en pandémie, voire un peu avant, et qui a commencé à rattraper.
13:20Ils donnent des signaux en pilotage macroéconomique. Ils ont des velléités de faire repartir cette économie en injectant plus. Donc, c'est parfaitement justifié aussi.
13:30Juste en un mot pour finir parce qu'on a terminé. Alain, est-ce que ça veut dire qu'il faut lâcher un peu le dollar, à un certain stade en tout cas ?
13:37Il ne faut pas y aller trop tôt. Il ne faut pas lâcher le dollar trop tôt. On a besoin de la Fed.
13:43Je dis un métaux un petit peu plus longtemps que prévu. Il n'y a pas de raison que le dollar lâche, mais on sent que la direction du dollar, c'est compliqué.
13:53Ce sera difficilement haussier. Donc, le sens de l'histoire, c'est effectivement de faire attention au dollar américain et sa valeur.
13:59Le timing n'est pas évident. Pour l'instant, on met moins l'accent sur le dollar que sur d'autres actifs dans les réallocations.
14:06Merci beaucoup Alain. Merci pour être venu apporter votre analyse sur la situation des marchés et ce qu'on peut envisager en matière d'investissement et d'allocation d'actifs pour les prochains mois.
14:17Alain Bocopza, responsable de la stratégie d'allocation d'actifs de Société Générale CIB, était l'invité de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse ce soir sur Bsmart.

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