Mardi 17 septembre 2024, SMART BOURSE reçoit Alain Bokobza (Responsable de la stratégie d'allocation d'actifs mondiale, Société Générale CIB)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui de la stratégie d'allocation d'actifs dans un monde de cycle
00:18de baisse de taux qui est en train de prendre forme devant nous.
00:21On va sortir un peu du débat à 25 ou 50 points de base pour la Fed.
00:24On est à 24 heures, je le précise, de la décision historique de la réserve fédérale
00:28américaine demain, donc le 18 septembre.
00:31Prenons un peu de hauteur et un peu d'avance d'ailleurs sur ce qui va se jouer demain
00:34soir du côté de la Fed.
00:35C'est Alain Bocopza qui est avec nous en plateau, responsable de la stratégie d'allocation
00:39d'actifs de Société Générale CIB.
00:40Bonsoir Alain.
00:41Bonsoir Grégoire.
00:42Merci beaucoup d'être là.
00:44Il y a peut-être trois dimensions d'analyse qui permettent de comprendre un petit peu
00:48les enjeux de marché devant nous, ce qui se passe du côté des politiques monétaires.
00:53Je viens d'en donner un exemple avec la Fed demain soir, mais il n'y a pas que la réserve
00:57fédérale américaine et il y a un cycle devant nous.
00:59Qu'est-ce qu'on peut en dire ? Ce qui se passe du côté des politiques fiscales et
01:03budgétaires, les anglo-saxons utilisent le terme fiscal, nous on appelle ça des politiques
01:08budgétaires, avec la notion de fiscalité bien sûr, là aussi, terrain un peu mouvant.
01:12Et puis il y a l'enjeu aussi des politiques de long terme, structurelles.
01:16L'exemple ou la boussole du moment en Europe étant le rapport remis par Mario Draghi par
01:22exemple.
01:23Qu'est-ce que vous analysez à travers ces trois dimensions aujourd'hui Alain et comment
01:28est-ce que ça se traduit dans les enjeux de marché devant nous ?
01:32Sur la première dimension, ça va être la fête aux banques centrales, puisque finalement
01:41toutes les banques centrales, y compris la BCE qui avait commencé en juin mais qui s'était
01:45mise en mode pause en attendant la Fed, donc la Fed va bouger demain, et toutes les banques
01:51centrales du monde, dans les pays développés, les pays émergents, à la notable exception
01:55du Japon, vont accompagner la Fed dans un long mouvement de baisse des taux courts.
02:00Il est probable que la Réserve fédérale fasse plus de baisse des taux qu'ailleurs, et ça
02:07c'est un élément discriminant dans ce qui a déjà commencé mais qui peut se poursuivre
02:12qui est la baisse du dollar.
02:13En parallèle, si on se dit que la Banque du Japon a commencé à resserrer sa politique
02:22monétaire, elle a commencé à monter ses taux courts, la croissance des salaires accélère
02:28très fortement, ils vont devoir continuer.
02:30Donc les quarts de taux qui permettaient d'être à découvert sur le Yen, avec l'accident
02:36qu'on a connu de plus de 10% sur le Yen en quelques heures début août, incite à penser
02:42que le Yen va continuer à monter fortement, et plus que l'euro.
02:47Ça c'est le premier point, c'est compliqué d'imaginer, dans un monde où il n'y a pas
02:55de récession, où il y a un ralentissement économique aux Etats-Unis, mais on est loin
02:58de la récession pour le moment, que ça provoque des dégâts majeurs dans les marchés et
03:03puis avoir des réallocations, mais ce n'est pas des dégâts majeurs.
03:05Deuxièmement, aux Etats-Unis, les deux grands partis, au-delà du nom des candidats
03:15ou de la candidate, sont des gros dépensiers, et l'état des finances publiques américaines,
03:22de la dette publique, n'autorise pas, pas plus qu'en Europe, beaucoup d'excès, sinon
03:27ça pourrait terminer comme un moment dit listreuse qu'on a connu pendant quelques dizaines
03:32de jours, un accident au moment où Mme Presse a pris les rênes du Royaume-Uni, ça peut
03:36se terminer comme ça, j'espère qu'ils sont au courant de l'incombe.
03:38Donc là-dessus, on est autour de 5% de déficit aux Etats-Unis, c'est une norme, je ne pense
03:44pas qu'on ira beaucoup s'éloigner de ça dans les 2-3 ans qui viennent post-élection.
03:48Il y a une limite quand même, même si on ne voit pas, et on est en pleine campagne
03:52électorale, dans le discours des candidats ou de la candidate, de volonté marquée de
03:56consolidation budgétaire, vous dites qu'il y a un principe de réalité qui s'imposera
04:01aux dirigeants qui font face à des situations budgétaires un peu hors normes.
04:06Pour deux raisons, la première c'est que les quantités de dettes ont beaucoup augmenté
04:10sur les dernières décennies, les accidents après l'Eman, pendant la pandémie ça a
04:16coûté très cher aux finances publiques, donc les ratios de dettes sur PIB ont beaucoup
04:19monté, ils sont souvent à 3 chiffres au-delà de 100%, donc ça laisse moins de place, et
04:24deuxièmement et presque surtout, on a connu un très long moment pendant lequel les banques
04:29centrales étaient à taux zéro, et en plus elles injectaient, et les injections des banques
04:34centrales, ce qu'on appelait le quantitative easing, c'était l'utilisation du bilan des
04:37banques centrales pour acheter des obligations d'Etat à l'émission partout sauf en Europe
04:42où on achetait sur le secondaire, mais de toutes les façons ça revenait au même.
04:45Donc il y avait des achats, tout ce qui était émis par les Etats a été acheté par la
04:49banque centrale.
04:50Le monde il a bien changé, où les banques centrales sont plutôt soit neutres, soit
04:54à vendre, restrictives.
04:56Donc là il y a un enjeu, c'est le fait que l'Istrus quand elle est arrivée au Royaume-Uni
05:01elle avait mis 2,3% de dépenses en plus de ce qu'il y avait avant, non financée, sans
05:07aucune ambition de financer correctement ça, ça s'est mal passé.
05:10C'est un drapeau rouge, tous ceux qui auraient envie d'aller dans cette direction, qu'ils
05:15soient en Europe, qu'ils soient aux Etats-Unis ou ailleurs, il y a des limites à ce que
05:19les marchés obligataires sont capables d'encaisser à l'émission sans justification.
05:24Donc ça c'est les politiques fiscales, on est plutôt à bout de souffle sur les quantités,
05:29maintenant d'imaginer de la restriction c'est compliqué, parce qu'il y a des énormes
05:32besoins.
05:33Et il y a un nouvel élément qui apparaît à l'horizon, compte tenu des élections qu'on
05:40vient de vivre en Allemagne, on parle beaucoup des incertitudes liées à la politique française
05:44mais en Allemagne il y a eu des élections, il y a des élections septembre 2025 au parlement
05:48allemand, élection pendant laquelle il est probable que suite à cette élection, la
05:53règle d'or en Allemagne soit remise en cause, c'est-à-dire que l'Allemagne avance sur des
05:57dépenses structurelles pour se réinventer.
06:00Ça c'est une conviction forte, ça marche dans les deux sens, les pays qui ont aujourd'hui
06:06des déficits hors normes vont devoir se confronter à une réalité, un principe de réalité,
06:13mais des pays qui sont peut-être en sous-investissement, en sous-dépense, là aussi il y a un principe
06:26de réalité qui devra à un moment se matérialiser, donc l'enjeu c'est, et donc ça provoque
06:32quelque part dans le couple franco-allemand qui doit se réinventer, et peut-être qu'au
06:39moins une partie du rapport Draghi, ce serait bien qu'on l'applique, parce qu'on parle
06:43du troisième élément, que sont les réformes de structure, et de retrouver de la croissance
06:48et de la dynamique, c'est par de l'investissement et des réformes de structure, la politique
06:52fiscale est à bout de souffle, même si elle peut continuer à contribuer, et la politique
06:57monétaire ne résout pas vraiment les problèmes de croissance, elle peut apaiser des douleurs,
07:01mais c'est pas ça qui résout les problèmes.
07:02On a été dix ans à taux zéro, j'ai pas l'impression que ça a résolu beaucoup de
07:05problèmes, ça a empêché des catastrophes, mais les réformes de structure sont dans
07:08la politique publique, on a trois volets, sont essentielles, il y a aussi dans les réformes
07:14de structure, je crois qu'elles ont été largement évoquées à cette antenne, un
07:18peu partout, donc c'est important d'en parler, il y a 400 pages de rapports dans deux rapports,
07:22mais il y a aussi l'interventionnisme d'Etat, on est sorti d'un monde dans lequel il y avait
07:27un laisser-faire, avec une volonté explicite, et la façon dont on intervient peut différer
07:32d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre, donc la quantité de régulation, c'est un
07:36des débats qu'a lancé M. Draghi dans son rapport, est-ce que l'Europe, à vouloir
07:40tout réguler, ne bride pas sa croissance inutilement, est-ce que toutes les régulations
07:44qui existent ont leur utilité au total, avec des effets secondaires parfois plus néfastes
07:49que ce qu'on veut réguler, et il y a un débat entre Trump et Harris, sur le degré
07:54là aussi de régulation, partant de beaucoup plus bas, on parle des réformes de structure,
07:59mais aussi, donc ça, ça ravive la croissance, mais aussi la quantité optimale, ni trop
08:03peu, ni pas assez, c'est un peu comme le boucle d'or, donc travail à faire, et c'est
08:08une des idées que lance M. Draghi dans son rapport, c'est est-ce qu'on pourrait réfléchir
08:11collectivement sur la quantité totale de régulation pour débrider un peu la croissance
08:17et pouvoir investir et prendre des risques dans les industries de demain ? Donc ça,
08:22en allocation d'actifs, c'est très important, parce qu'une zone dans laquelle on est très
08:26bridé fait moins de croissance, donc l'Europe, en tant que telle, sur les marchés d'action
08:31par exemple, est une zone merveilleuse en ce moment, parce qu'il y a plein de rendements,
08:35il y a des valeurs plutôt matures, c'est un peu plus compliqué sur les valeurs de croissance,
08:39dont le luxe, qui sont à avoir des avertissements sur les profits, donc ça commence, donc là,
08:44ils sont écartés au moins temporairement, et il y a beaucoup de valeurs de rendement
08:48qui performent bien en ce moment, dans un contexte de baisse des taux, c'est une économie
08:53mature, donc il y a des valeurs de rendement, et ça, ça m'intéresse, donc voilà.
08:57Donc si on cherche des valeurs de rendement, l'Europe reste effectivement une zone d'investissement
09:01prioritaire, de ce point de vue-là.
09:02Ah oui, parce qu'on a des bons rendements, dits sécurisés, c'est important quand on
09:07fait le ratio du dividende sur le cours de bourse, ce qu'on appelle le rendement, il
09:12faut que le cours de bourse, il est celui observé du jour, mais le dividende, il n'est
09:15pas nécessairement sécurisé, parfois, les valeurs ont des gros rendements, parce que
09:18le dividende va être coupé, donc ça, il faut éviter, donc c'est les rendements sécurisés,
09:22et il y en a pas mal en Europe, les marges des entreprises sont élevées, donc c'est
09:26un regard qu'on apporte, qui est un peu nouveau dans le panorama, après tant d'années où
09:31ce sont les valeurs de croissance qui ont eu le dessus dans ce qu'il fallait avoir
09:34dans les portefeuilles sur la partie actions, et donc là, on est en train de migrer, c'est
09:38la réallocation, vers un peu le reste du marché, dont une partie offre des gros rendements sécurisés.
09:45Oui, c'est ce que vous appelez, c'est effectivement réallocation, redistribution, l'idée étant,
09:51alors j'imagine l'idée n'étant pas de déserter les actifs américains ou en dollars,
09:56mais de se dire que peut-être que ces actifs sont très largement détenus, suffisamment
10:00détenus aujourd'hui, et qu'il y a d'autres actifs ailleurs dans le monde, les valeurs
10:04de rendement en Europe par exemple, qui méritent de l'attention aujourd'hui, c'est ça, on
10:07est à ce point d'inflexion, peut-être qu'on l'a passé même déjà dans vos recommandations.
10:12On l'a déjà passé, parce qu'on a déjà de la réallocation à l'extérieur des valeurs
10:17de croissance, au plus haut qu'on avait courant juin-juillet, les grandes valeurs des technologies
10:24au sens large représentaient à peu près la moitié de la capitalisation des actions
10:28américaines, qui elles-mêmes représentent 70% des actions mondiales, ça fait un peu
10:32beaucoup.
10:33Donc c'est pas qu'elles ne sont pas belles, il y a des valeurs de technologies extraordinaires,
10:36mais peut-être qu'à côté, il y a des ratios entre la qualité, les rentements et le prix,
10:43l'évaluation qui sont en relatif plus attrayants et plus sécurisés.
10:46Donc c'est ça la redistribution qui est en cours, il y avait peut-être trop de concentration,
10:50notre façon d'exprimer trop de concentration sur un petit nombre de très belles valeurs,
10:54et ce qu'on appelle les belles valeurs, pour ne pas être trop technique volontairement,
10:58il y a des moments où elles performent bien, il y a d'autres moments où elles performent
11:01un peu moins bien, elles resteront belles.
11:03Mais dans une phase de ralentissement où les taux vont baisser, vous dites que c'est
11:08moins ces valeurs-là qu'il faut privilégier que d'autres par exemple ?
11:11Oui, c'est pas trop lié au ralentissement, c'est surtout lié au fait que dans le relatif
11:19il y avait un taux de détention des belles valeurs extraordinairement fort, c'est ce
11:23qu'on appelait il y a quelques mois la concentration des marchés, au plus haut en juillet, les
11:2815% qu'on avait fait depuis le début de l'année jusqu'en juillet sur le S&P 500, l'indice
11:32action américain, 40% de ça, presque la moitié, c'était dû à Nvidia.
11:37C'est une extrême concentration, donc là ça se redistribue, et c'est un phénomène
11:42qui est mondial.
11:43Et c'est une tendance, c'est vraiment quelque chose sur lequel on peut s'appuyer aujourd'hui
11:47pour quelque temps au moins dans une vision de marché, dans un horizon de marché, Alain,
11:53moins d'actifs américains, vous l'avez évoqué en début d'entretien, mais c'est aussi la
11:56perspective d'un dollar qui pourrait continuer de s'affaiblir dans le jeu des devises, qu'est-ce
12:01qu'on a envie d'avoir s'il faut avoir un peu moins de dollars aujourd'hui ?
12:05Un peu ou beaucoup en tout cas, sur toutes les métriques d'évaluation, le dollar est
12:12abominablement cher, mais ça faisait 5 ans qu'il était cher, et il y a 4 ans il était
12:17plus cher, et il y a 3 ans il n'était plus cher, donc l'évaluation est un outil de repère
12:23mais en aucune façon un market timing, donc là le momentum a commencé, le dollar a commencé
12:26à baisser un peu contre l'euro, beaucoup plus contre le yen, les devises émergentes
12:31se tiennent mieux, donc là on a commencé la réallocation en provenance du dollar,
12:35donc l'exceptionalisme où il fallait avoir du dollar depuis 10 ans, des actions américaines,
12:42un Nasdaq depuis 10 ans, des taux parce qu'il y avait plus de rendement aux Etats-Unis qu'ailleurs,
12:46c'était l'exceptionalisme américain en termes de stratégie d'investissement, ça c'est terminé,
12:51il y a des fissures je dirais là-dedans qui commencent par le dollar américain, ça c'est
12:56la rélocation par les marchés d'échange, il y a une deuxième fissure par des avertissements
13:01sur la profit sur l'une ou l'autre des grandes technologiques à tour de rôle, donc là c'est
13:06plus je gagne à tous les coups, et donc ça c'est important, il y a eu des profit warnings
13:11sur les grandes valeurs de croissance qui sont cotées parfois en Europe, donc ça c'est
13:15un phénomène de nécessaire réallocation.
13:17Et ça pénètre la psychologie des marchés, parce qu'on a été tellement habitué comme
13:20vous dites à cet exceptionalisme, que ce soit américain ou des grandes valeurs de
13:24luxe etc, une fois, deux fois, après la psychologie quand même est un peu abîmée ensuite.
13:29Oui mais on fait bien la distinction entre le fait que la croissance américaine reste
13:36au-dessus du monde, tout le monde décélère mais eux ils restent au-dessus du lot, mais
13:40il y a une synchronisation des politiques monétaires, donc l'Europe ne démérite pas
13:44dans son meilleur comportement des marchés de taux d'intérêt, c'est important, comme
13:48le Royaume-Uni par ailleurs, les régimes d'inflation sont plus contrôlés donc ça
13:53permet des ouvertures de détente monétaire qui a des vertus sur le reste totalitaire,
13:58voilà donc ces réallocations sont importantes, donc il y a de l'exceptionnalisme sur la
14:02conjoncture mais il y a moins d'exceptionnalisme sur les territoires d'investissement.
14:06Sur l'investissement oui c'est ça, c'est bien les deux dimensions différentes.
14:10L'heure de la réallocation et de la redistribution, alors merci beaucoup Alain, merci d'être
14:13venu nous éclairer sur les stratégies que vous recommandez effectivement pour le compte
14:17de Société Générale CIB, vous êtes le responsable monde de la stratégie de l'allocation
14:20d'actifs de SGCIB, Alain Bocopza qui était avec nous l'invité de ce quart d'heure
14:25thématique de Smart Bourse ce soir.
Recommandations
Paris: dans le 19e arrondissement, des salariés escortés par des vigiles pour regagner leur RER
BFMTV
Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l'école: la parole se libère chez les élèves
BFMTV