Anne Fulda reçoit Rachel Khan pour son livre «Encore debout» dans #HDLivres
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00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Rachel Kahn.
00:02 On est ravis de vous recevoir.
00:03 Alors, on vous connaît, vous êtes juriste, vous êtes essayiste,
00:06 vous avez déjà écrit plusieurs essais, dont le fameux "Racé".
00:09 Là, vous venez de publier "Encore debout, la République à l'épreuve des mots".
00:13 C'est paru aux éditions de l'Observatoire.
00:15 C'est un livre salutaire entre pamphlet, profession de foi.
00:20 Bon, évidemment, on a envie de vous dire pourquoi ce livre ?
00:24 C'est comme un cri d'alarme quand même face à la montée des périls.
00:29 Absolument.
00:30 C'est vrai que c'est un livre qui s'est complètement imposé à moi.
00:34 J'étais en train de travailler sur complètement autre chose,
00:36 sur un roman, donc rien à voir.
00:38 Et puis, il s'est passé ce qui s'est passé cet été,
00:42 avec notamment des propos assez honteux dont j'ai été accablée sur Twitter.
00:48 Par contre, oui.
00:49 Voilà.
00:51 Au moment des journées d'été d'Europe Ecologie Les Verts
00:53 et de la France Insoumise par un influenceur.
00:57 Et puis ensuite, il y a eu cette rentrée,
01:01 une rentrée aussi douloureuse avec l'histoire de la baïa
01:05 dans l'école de la République.
01:07 Et puis le 7 octobre.
01:09 Et là, je me suis dit, rien ne va plus.
01:12 Nous ne parlons plus le même langage.
01:14 Et donc, j'ai voulu rentrer, en fait, finalement,
01:18 dans cet échiquier politique pour tenter de maintenir cette République
01:25 encore debout.
01:27 - Alors, vous dédiez votre livre à Arnold Beltrame.
01:30 Vous évoquez souvent la figure de Camus, d'Albert Camus, comme un phare.
01:35 Est-ce que, justement, on ne manque pas aujourd'hui de héros,
01:38 de modèles, comme ça, de référents qui s'imposent à tous ?
01:41 - Oui et non.
01:43 C'est-à-dire que de temps en temps, et on l'a encore vu, en fait,
01:46 avec ce jeune officier de police qui s'est imposé à Rouen,
01:52 de par son courage, il est venu finalement éviter le pire,
01:57 encore pire que de brûler une synagogue.
01:59 Donc, on a des héros citoyens, mais c'est vrai qu'il y a tellement de bruit
02:04 aujourd'hui, toutes ces polémiques qui tuent finalement le débat public
02:08 et surtout qui tuent la création d'une pensée construite,
02:13 avec des nuances, une pensée qui nous fait avancer
02:15 dans un humanisme qui construit.
02:19 Aujourd'hui, c'est plus une ode à... comment dirais-je ?
02:22 À la déconstruction, quoi.
02:25 À la déconstruction de tout, une ode au lait,
02:28 une ode à pointer du doigt les gens, à les disqualifier, à les humilier.
02:32 Et c'est vrai que ce livre, je l'ai écrit aussi pour ça,
02:37 peut-être pour permettre à certains héros de se révéler.
02:40 - Alors, je reviens à Camus, qui est souvent cité pour son désir,
02:44 cette fameuse phrase sur la nécessité de bien nommer les choses.
02:48 Or, certains mots, écrivez-vous, sont annonciateurs
02:51 d'un basculement du monde vers l'immonde,
02:53 et certains de ces mots-là reviennent.
02:56 Auxquels faites-vous allusion, par exemple ?
03:00 - Je fais allusion à tout ce qui relève de la victimocratie.
03:06 Par exemple, dire que la France est raciste, par exemple,
03:11 dire que la police tue, par exemple,
03:14 dire que nous serions tous islamophobes,
03:17 dire que la laïcité est raciste.
03:20 Tout ça fait partie d'une manipulation du réel
03:24 qui entache la République en profondeur,
03:27 parce qu'elle fait croire aux jeunes
03:29 que finalement, ils ne vivent pas dans un pays
03:31 où on peut réussir, où il y a un rêve français aussi,
03:34 qui est celui de la République et de l'école républicaine, notamment.
03:37 - Oui, ce sont comme des mots un peu pavloviens, en fait.
03:40 - Complètement, complètement.
03:42 - C'est ça qui est très étonnant.
03:43 Et avec ce triomphe de l'émotion en toile de fond,
03:47 qui est favorisé par les réseaux sociaux,
03:49 qui ont un rôle absolument incroyable.
03:52 Une caisse de résonance.
03:53 - Une caisse de résonance.
03:54 Et puis, c'est très particulier, les réseaux sociaux,
03:57 parce qu'à la fois, et on l'a vu à partir du 7 octobre,
04:00 comment la haine en ligne s'est déployée,
04:04 et en plus, sur une absence de connaissance.
04:07 C'est-à-dire qu'on peut dire à peu près tout et n'importe quoi
04:10 comme un spécialiste de quelque chose le ferait.
04:12 Donc, il n'y a plus du tout de hiérarchisation de l'information.
04:16 Et puis surtout, il y a une valorisation
04:18 par les algorithmes de la haine.
04:20 Donc, ça ne permet pas, finalement,
04:22 de construire un pays où nous sommes unis.
04:25 Il n'y a plus de limites.
04:26 Et d'ailleurs, le fait d'être...
04:28 Parce que j'ai été pointée du doigt par Rima Hassan dernièrement,
04:31 qui me traite d'ordure.
04:32 Le fait de pointer comme ça des personnalités,
04:36 leur mettre des cibles dans le dos,
04:38 gloire à la haine, au fond,
04:40 ça entache ce que nous sommes dans l'unité,
04:43 et puis ça engorge aussi nos tribunaux.
04:45 - Oui. Alors, dans votre livre,
04:47 vous mettez en scène quatre plaidoiries,
04:49 celle d'une extrême gauche victimaire,
04:50 celle d'une extrême droite obsédée par la crise de la civilisation,
04:54 celle des pas de vaguistes,
04:55 et puis celle des partisans d'une république universaliste.
04:58 Alors, justement, cette dernière, et on termine là-dessus,
05:01 est-ce qu'elle ne peine pas à renouveler son vocabulaire
05:04 ou en fait, les mots semblent usés aussi ?
05:07 - Exactement, les mots semblent usés.
05:08 Et c'est vrai que moi-même,
05:09 j'ai semblé un humaniste universaliste,
05:11 mais réincarner ces mots, redonner corps à ces mots,
05:15 leur redonner une vie en réalité,
05:18 et je pense que le travail que nous faisons,
05:19 notamment, vous faites ce travail pour valoriser des auteurs
05:23 qui incarnent ces mots,
05:25 c'est-à-dire comprendre que nos principes républicains,
05:29 ce ne sont pas simplement des utopies,
05:31 ce sont des principes qui s'incarnent au jour le jour.
05:35 - En tout cas, c'est à lire, je vous conseille,
05:36 ça s'appelle "Encore debout, la République à l'épreuve des mots".
05:40 - Merci Rachel Kanz et au revoir aux éditions de l'Observatoire.
05:42 - Merci.
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