"Nous lançons un ultimatum à l'exécutif sur les aides de la PAC pour le bio" : la colère gronde toujours chez les agriculteurs et les difficultés demeurent. 93 % des territoires ruraux ont placé Jordan Bardella et le Rassemblement national en tête lors des élections européennes, du jamais vu. Arnaud Rousseau, le Président de la FNSEA est l'invité de Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 18 juin 2024
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 18 juin 2024
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00:007h-9h30, RTL Matin avec Yves Calvi et Amandine Bégaud.
00:06RTL 8h21, bonjour Arnaud Rousseau.
00:08Bonjour Yves Calvi.
00:09Vous présidez la FNSEA, le premier syndicat agricole français.
00:12Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur RTL.
00:14Vous avez lancé un ultimatum au gouvernement.
00:16Vous réclamez notamment le paiement des aides de la PAC pour les agriculteurs qui font du bio.
00:21Vous avez des nouvelles ?
00:23Oui, malheureusement pas suffisante.
00:26Les aides bio ont été déclarées par ceux qui produisent de l'agriculture biologique il y a maintenant un an et un mois.
00:31Et au moment où je vous parle, il y a encore un certain nombre d'exploitations de l'ordre d'une vingtaine de pourcents
00:35qui n'ont pas touché leurs aides et qui les mettent dans des situations très inconfortables.
00:39Le sujet de fond concerne aussi les aides aux mesures agro-environnementales.
00:43Le sujet de fond, c'est le fait qu'entre ce qui a été promis et ce qui se réalise,
00:46il y a un décalage et dans le moment dans lequel on est, ça n'est pas tenable.
00:49Alors vous venez de citer ce chiffre de 20%, mais on parle de quelle somme pour combien d'agriculteurs ?
00:53Alors il y a 60 000 agriculteurs qui pratiquent l'agriculture biologique en France.
00:58Donc aujourd'hui, il y a environ 5 à 10 000 dossiers qui ne sont toujours pas payés ou partiellement payés.
01:07Il y a des grosses sommes qui sont en cause ?
01:09Ça peut aller de quelques milliers d'euros à quelques dizaines de milliers d'euros.
01:12Ce qui pèse énormément.
01:13En tout état de cause, quand vous attendez ces sommes depuis plusieurs mois et qu'en face vous avez des engagements,
01:17comme toute entreprise dirais-je, ça vous met dans une situation qui est totalement inacceptable.
01:22Et donc on réclame ça, parce qu'au-delà du contexte, on a besoin que maintenant les choses se cristallisent.
01:27On a besoin que cet engagement soit respecté.
01:29Vous nous dites qu'il y a vraiment urgence ?
01:30Oui, mais on le dit depuis plusieurs semaines.
01:32D'où cet ultimatum que nous avions d'ailleurs lancé avant les événements politiques.
01:37Pour nous, c'est la volonté de répondre au concret des agriculteurs.
01:41Et cette demande, elle est ancienne.
01:43Elle doit maintenant prendre corps.
01:45C'est urgent.
01:46Alors, Gabriel Attal disait ici, même hier, que toutes les aides de base pendant les mois de la Pâques avaient été versées.
01:51Mais effectivement, pas sur le bio.
01:53Vous appelez à la mobilisation, on l'entend.
01:55Elle va prendre quelle forme ?
01:57Écoutez, dans le contexte politique, nous n'avons évidemment pas envie de surajouter de la complexité.
02:04Pour autant, elles ont pris forme...
02:05Vous venez de nous dire gentiment que vous ne voulez pas ajouter du bordel au bordel ?
02:07Oui, c'est exactement ça.
02:09Et pour autant, on a besoin d'être payé de ces engagements, de ces sommes qui sont attendues dans les fermes.
02:16Dès hier, nous avons interpellé un certain nombre de directions départementales des territoires.
02:20Le ministère de l'Agriculture lui-même, l'agence spéciale de paiement.
02:23Autant d'organismes d'État qui aujourd'hui sont ciblés pour tout simplement faire le travail dans les délais.
02:28Est-ce que ça veut dire pas de tracteur à Paris ou sur nos autoroutes ?
02:31Est-ce qu'on peut éviter une nouvelle crise agricole avant les Jeux Olympiques ?
02:34Oui, ça n'est pas l'objet à ce stade.
02:36Même si on a dit qu'on ferait le point à l'automne, dans un contexte politique qui est d'une incertitude totale.
02:42Mais ce qui demeure, c'est les revendications du monde agricole,
02:45qui sont toujours celles que nous avons portées depuis le mois de novembre, puis en janvier,
02:48et qui au moment où je vous parle ne sont pas du tout satisfaites, ou loin d'être satisfaites.
02:52Le ministère de l'Agriculture affirme que les paiements se poursuivent, je cite, à un rythme accru.
02:57Alors, soit c'est pas vrai, soit c'est pas assez rapide.
03:00Je réexplique pour vos auditeurs.
03:02Vous savez, les agriculteurs, en agriculture biologique, mais d'une manière générale,
03:05ont déclaré cette demande d'aide en mai, le 15 mai 2023, il y a un an et un mois.
03:12Ces aides sont d'abord payées pour les aides de base, normalement, le 15 octobre et le 1er décembre.
03:16Le Premier ministre a dit, on aura tout payé au 15 mars, pour nous dire ensuite, tout sauf les aides bio.
03:21Et au moment où je vous parle, elles ne sont pas totalement payées.
03:24Ça n'est pas tenable. On nous parle d'histoire de logiciels.
03:26Enfin, tout ça n'est pas à la hauteur des enjeux.
03:28Ce qui est sûr, c'est qu'en face, il y a des hommes et des femmes,
03:30qui sont dans des difficultés financières majeures en agriculture biologique,
03:33et on a besoin de l'aider, parce que par ailleurs, il y a une crise en agriculture biologique,
03:36qui impacte très largement ceux qui les produisent.
03:38Alors, ceci explique peut-être cela.
03:40Arnaud Rousseau, 93% des territoires ruraux ont voté pour le rassemblement national aux élections européennes.
03:45C'est du jamais vu. Comment l'expliquez-vous ?
03:47C'est un sentiment de paupérisation, de déclassement.
03:51Le sentiment d'être une forme de souffrance, sans mauvais jeu de mots.
03:56Et du coup, l'idée qu'une espèce de cri d'alarme, d'appel au secours, à travers ce vote.
04:05Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, on sent bien, moi qui suis maire d'un petit village rural de 250 habitants,
04:11le décalage qu'il existe entre les grandes villes de France et la réalité vécue dans les territoires.
04:16Je vous prends un exemple, la voiture.
04:19Quand vous habitez dans un petit village rural français, vous avez besoin d'une voiture.
04:23Et aujourd'hui, les gens ont besoin de pouvoir circuler.
04:26Pourquoi l'ERN spécifiquement, puisque vous observez ça de très près ?
04:29Alors, parce que les gens disent finalement...
04:31On a tout essayé, pourquoi pas ?
04:32Exactement. C'est exactement ce qu'ils disent.
04:34Ils disent, on a tout essayé, nous n'avons pas essayé le rassemblement national.
04:38Après tout, pourquoi pas ?
04:40Sans d'ailleurs vraiment connaître ce que sont les contenants ou les tenants et les aboutissants des programmes politiques.
04:45Il y a une forme de déclassement et c'est un cri d'alarme qui est lancé.
04:49On est quand même en pleine législative.
04:52Est-ce que vous avez jeté un oeil au programme des candidats ?
04:54Et est-ce qu'on y parle, l'agriculture ?
04:56Alors, j'ai d'abord une première préoccupation.
04:58C'est que depuis le dimanche soir des élections, à 20h45, l'annonce du président de la République, on ne parle plus du tout d'Europe.
05:03Or, vous savez, quand on est agriculteur, on dépend évidemment du sujet européen.
05:07Et je me désole de voir que depuis dix jours, tous ces sujets ont été totalement écartés.
05:12Or, vous l'avez compris, nous, on est dans un vrai problème qui dure depuis six mois et sur lequel on attend des réponses.
05:18Que ce soit avant les législatives ou après, nos demandes sont les mêmes.
05:22Ensuite, évidemment, on a produit une plaquette avec 27 mesures qu'on met à disposition de la totalité des candidats
05:28qui finalement regroupent nos demandes autour de trois choses.
05:31D'abord, comment on défend le revenu des agriculteurs ?
05:33Ce n'est pas nouveau, on le réclame depuis plusieurs mois.
05:36Ensuite, comment on fait pour simplifier la vie des entreprises ?
05:40Trop de papier, trop de contrôle.
05:42Ça aussi, ça participe à un sentiment de défiance vis-à-vis des voix publics.
05:45Et puis enfin, qu'est-ce qui redonne du sens et de la dignité à ce métier ?
05:49C'est tout le sujet de la souveraineté alimentaire.
05:50C'est comment on fait demain pour continuer à nourrir les Français avec une alimentation de qualité ?
05:55Exactement ce que vous demandiez en début d'année, donc on en est toujours au même point.
05:58Nous y sommes toujours, Yves Calvi.
06:00Certains points ont avancé, beaucoup de choses ont été suspendues,
06:03notamment tout le volet législatif, avec cette décision du Président de la République,
06:07et un certain nombre de demandes ne sont pas avancées.
06:09Je pense aux territoires ultramarins, je pense à des décisions, par exemple,
06:13sur les contrôles uniques dans les exploitations,
06:15je pense à des sujets autour de la trésorerie.
06:17Vous voyez, ce sont des choses qui n'ont pas avancé.
06:19Je reconnais aussi qu'un certain nombre de choses, pour le coup, ont progressé,
06:22quand on parle des sujets autour de l'eau, notamment,
06:25quand on parle des sujets à Bruxelles, avec un certain nombre de contraintes.
06:29Voilà, donc on essaie de rester équilibré,
06:31dans ce moment de forte tension dans lequel on est,
06:33vous voyez, pour nous, syndicats, corps intermédiaire,
06:35ce qui compte, c'est de garder une ligne,
06:37c'est de rester dans une forme, d'abord de clarté,
06:40et ce sont nos propositions, ensuite d'équilibre,
06:43parce qu'on voit bien qu'on est dans un monde très troublé.
06:45Dans 15 jours, soit on a une majorité absolue,
06:48soit on sera dans une forme de crise de régime.
06:50Et pour le monde agricole, dans le moment dans lequel on est,
06:52et je vous l'ai expliqué, on a besoin de réponses immédiates.
06:55Et donc, notre rôle, c'est de rester cette espèce de vigie
06:58qui fait en sorte qu'on porte l'ambition du monde agricole,
07:00sans parti pris politique, avec une exigence qui est reconnue.
07:04— Sans parti pris politique, ça veut dire que vous ne donnerez jamais de consignes de vote ?
07:07— Non, on n'a pas souhaité donner de consignes de vote,
07:09on l'a d'ailleurs rappelé depuis le mois de janvier.
07:12En revanche, on rappelle très clairement qu'on est pro-européen,
07:15parce que l'avenir de l'agriculture se fait en Europe, je vous l'ai indiqué,
07:18qu'on a besoin de continuer à échanger en agriculture,
07:21alors certes avec de la réciprocité, certes avec des contrôles,
07:24certes en exigeant des importations, ce qu'on exige des productions européennes,
07:28mais on ne peut pas se refermer sur nous-mêmes.
07:30Quand on parle des vins espiritueux, quand on parle du blé,
07:32quand on parle des produits étiers transformés,
07:34on ne peut pas avoir une France qui se referme.
07:36Même en élevage, on a un certain nombre de sujets,
07:38donc on a besoin d'être moins naïf, et surtout,
07:40on a besoin de rappeler que la souveraineté, elle, se défend en Europe,
07:43et que la France est un grand pays agricole,
07:45et que si elle ne veut pas perdre sa contribution à cet avantage qu'elle a dans la main,
07:48la France doit se battre pour son agriculture.
07:50— Les enjeux sont européens, nous dites-vous ce matin.
07:52Merci beaucoup, Arnaud.