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Les électeurs suivront-ils les consignes de vote ? À quoi ressemblerait l'Assemblée plurielle que Gabriel Attal appelle de ses vœux ? Emmanuel Rivière, politologue, directeur associé de l'agence Grand Public, est l'invité de Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 03 juillet 2024.

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Transcription
00:00Amandine Bégaud et Yves Calvi, RTL Matin, jusqu'à 10h.
00:04Il est 8h21, bonjour Emmanuel Rivière.
00:06Bonjour.
00:06Merci de nous rejoindre dans la matinale d'RTL.
00:08Vous êtes politologue, enseignant à Sciences Po et directeur associé de l'agence Grand Public.
00:12Des triangulaires qui se transforment finalement en duel.
00:15La gauche s'efface dans la plupart des cas, 127 candidats se retirent, 81 dans le camp macroniste.
00:19Objectif, faire barrage à l'extrême droite.
00:21Est-ce que ça change vraiment l'arithmétique de ce second tour ?
00:24Alors ça change forcément dans les circonscriptions qui passent d'une triangulaire à un duel.
00:28Tout simplement parce que pour gagner dans un duel, c'est simple, il faut faire plus de 50% des voix.
00:34Alors que dans une circonscription où il y a trois candidats,
00:37le candidat qui était arrivé en tête au premier tour a de fortes chances de l'être à nouveau,
00:42si on prend les mêmes et qu'on recommence.
00:44Et le candidat rassemblement national, qui souvent est arrivé en tête, peut être élu avec 40%, voire 35%.
00:51La limite c'est possible.
00:52Donc les cartes sont rebattues par définition ?
00:54Les cartes sont tellement rebattues qu'à mon avis ce n'est plus la même élection.
00:57D'ailleurs c'est même extraordinaire la manière dont le paysage politique s'est simplifié au cours de ce mois de juin.
01:03Rappelez-vous, il y a un mois, on s'apprêtait à voter pour des européennes,
01:05il y avait 37 listes, plein de questions parasites, qui seraient en tête à gauche,
01:09est-ce que Glusman serait adoré ?
01:11Au premier tour des législatives, on a finalement le choix quasiment entre trois forces,
01:16le rassemblement national en position de force,
01:19mais est-ce que finalement il y a une alternative avec le nouveau Front Populaire
01:22et puis est-ce que la majorité sortante a des sens ?
01:24Je ne m'éconnais pas les républicains, mais on ne peut pas dire qu'ils se sont mis en très bonne situation.
01:27Et là on arrive au deuxième tour, où finalement, visiblement, pour une grande partie de la classe politique,
01:33la question essentielle c'est rassemblement national au pouvoir dans une semaine, ou pas.
01:38Et finalement, une grande partie de la classe politique s'organise pour l'empêcher.
01:42Et d'ailleurs pour la majorité des électeurs, ce sera ça, le choix du second tour,
01:46ils engerront le choix au second tour entre le RN et un autre candidat.
01:49Est-ce que ça peut empêcher le RN d'avoir la majorité absolue ?
01:52Je fais bien entendu référence à l'arithmétique à laquelle on vient d'assister.
01:56Oui, il y a eu un papier très intéressant du Grand Continent,
01:59qui a très bien montré comment finalement, avec la configuration de départ,
02:03où le RN était dans les circonscriptions qui restaient à pourvoir,
02:07en tête dans à peu près 280, il y a une quarantaine d'élus.
02:12Donc mécaniquement, avec la reconduction des triangulaires là où elles étaient,
02:16c'était compliqué de l'empêcher d'accéder au pouvoir.
02:18Là les cartes sont vraiment rebattues.
02:20C'est-à-dire qu'il y a une plus grande difficulté pour le RN,
02:24qui a fait d'énormes progrès par rapport à l'époque où il avait 8 députés,
02:28parce que la barre des 50% était très souvent inatteignable.
02:31On peut dire encore que la dynamique est de leur côté ?
02:33Il y a une dynamique, en fait, ce qui est caractéristique,
02:36si on prend un peu de recul et qu'on regarde l'état d'esprit des Français
02:38par rapport à ces élections, le RN est le parti aujourd'hui autour duquel il n'y a plus de désir.
02:44C'est-à-dire qu'il y a pas loin de 40% des gens qui disent
02:47que c'est leur tour, il faut qu'ils y aillent,
02:49et qui pensent d'ailleurs que ça va arriver.
02:51Mais aussi un des partis autour duquel il y a le plus de révulsion et de rejet.
02:56Ce qui fait que ce rassemblement de l'ensemble des forces a du sens
03:01pour une partie de ceux qui se disent qu'il ne faut surtout pas le rassemblement.
03:04Désir et répulsion.
03:05Au second tour, les électeurs amplifient-ils leur choix
03:07ou ont-ils tendance à le modérer, Emmanuel Rivière ?
03:09Traditionnellement, les électeurs ont eu tendance à modérer.
03:13La dernière élection où il y a eu amplification du premier tour,
03:15c'est l'élection, une des solutions aussi, de 1997,
03:19où la gauche avait amplifié ses chances de victoire du premier tour.
03:23Là, la question, finalement, elle n'est plus la même élection, très nettement.
03:28Donc c'est vrai que les électeurs qui sont un petit peu hésitants,
03:31et c'est tout ce qui va se jouer dans les tout derniers débats,
03:34c'est finalement est-ce que les raisons de voir peur du RN vont être réactivées
03:41ou est-ce que d'autres vont se dire, après tout, est-ce que c'est si important que ça ?
03:45Est-ce qu'on ne devrait pas les essayer ?
03:46Justement, alors, le Front Républicain, est-ce que ça peut encore marcher ?
03:49Est-ce qu'on fait encore peur en agitant la menace de l'extrême droite ?
03:53A moins que le parti se soit effectivement normalisé dans la tête des Français aussi.
03:58Pour être vraiment très schématique,
04:00la limite, c'est-à-dire la barrière entre ceux qui,
04:04je mets de côté évidemment ceux qui désirent que le Rassemblement nationaliste,
04:08ceux qui vraiment se disent qu'il faut absolument empêcher ça,
04:10elle s'est déplacée.
04:11Les électeurs des Républicains, les électeurs de la droite traditionnelle,
04:16n'ont plus peur du RN.
04:18Une partie significative d'entre eux d'ailleurs pense qu'il faudrait s'allier.
04:22Si on regarde les électorats à la gauche, c'est-à-dire le centre et la gauche,
04:26là il y a encore une majorité qui d'ailleurs s'est réjouie,
04:29enfin plutôt désirée qu'il y ait ce désistement.
04:32Lorsqu'ils ont été interrogés vendredi par l'Institut de sondage Cluster17,
04:37on avait une majorité des électeurs de gauche,
04:39près des trois quarts qui disaient désistement,
04:42et un peu plus de la moitié des électeurs d'ensemble.
04:44Alors justement, Gabriel Attal souhaite une assemblée plurielle
04:47et promet en cas de victoire une gouvernance nouvelle.
04:49Bon, la chef des écologistes Marine Tondelier estime elle, je cite,
04:52qu'il faudra sûrement faire des choses que personne n'a jamais faites auparavant
04:55si aucun parti n'obtient la majorité absolue.
04:57Cette notion d'assemblée plurielle, vous croyez que ça touche les Français,
05:00les gens qui vont voter demain ?
05:02Marine Tondelier a raison de dire qu'il va falloir être très très inventif.
05:06En fait, probablement la question fondamentale qui reste pour la plupart des Français,
05:11c'est rassemblement national ou pas ?
05:13Pour ceux qui le désirent ardemment et pour ceux qui le redoutent.
05:16L'alternative, je ne pense pas qu'elle soit très installée dans la tête des Français.
05:21C'est vrai que quand on y réfléchit,
05:23quand on regarde ce qui sépare tous ceux qui aujourd'hui font alliance,
05:27on peut se poser la question de la manière dont ils pourraient se mettre d'accord.
05:30En effet.
05:31C'est finalement, en même temps, il faut être logique.
05:33Si l'essentiel, c'est de dire que la France ne doit pas tomber dans les mains du rassemblement national
05:38et donc c'est une alternative qui serait une rupture absolue,
05:42il va falloir que les gens qui disent ça cherchent qui les rassemble,
05:46puisque c'est apparemment plus fort à leurs yeux que ce qui les sépare du Front National.
05:48Je reviens sur les propos du Premier ministre.
05:50Est-ce qu'on peut se permettre de souhaiter une gouvernance nouvelle quand on est au pouvoir depuis 7 ans ?
05:54Je ne parle pas du Premier ministre, mais au minimum du Président.
05:56Alors là, il y a sans doute un petit jeu qui consiste pour chacun
06:01à espérer être le centre de gravité de cette majorité composite.
06:05Et donc, le sous-entendu, je pense, de Gabriel Attal,
06:09c'est de dire que ça doit se faire un peu autour de nous.
06:13Ce qui était sans doute, d'ailleurs, l'espoir d'Emmanuel Macron quand il a dit ceci.
06:16Probablement.
06:17Tout de suite, ça a répliqué en disant que ça ne peut pas être quelqu'un issu de la majorité sortante,
06:22vu le résultat du premier tour, qui soit à la manette.
06:26Une vaste coalition allant, on va dire, des vers au modem.
06:29Est-ce que c'est possible dans notre pays ?
06:31Alors ça, c'est possible dans plein de pays.
06:34C'est compliqué, mais les régimes parlementaires qui fonctionnent sur la preuve personnelle...
06:38Justement, ils sont parlementaires.
06:39On a l'habitude de faire ces arcs très larges.
06:42Celui-là est vraiment très très large, il faut bien le reconnaître.
06:45Mais c'est une culture politique différente.
06:47C'est une culture du compromis.
06:48C'est une culture qui ne fonctionne pas sur le fait majoritaire.
06:51Vous êtes dans la majorité ou vous êtes dans l'opposition.
06:53C'est pour ça qu'effectivement, il va falloir passer à autre chose et être inventif.
06:57Et ce n'est pas sûr que ça marche.
06:58Passer à autre chose, est-ce que ça veut dire qu'on vient de mettre un premier pas dans la 6e République ?
07:02En tout cas, la 5e République apparaît très fragilisée.
07:05Mais je pense qu'il faut se poser des questions.
07:07Pourquoi est-ce qu'on est un des pays d'Europe où la satisfaction à l'égard du fonctionnement de la démocratie
07:11est un des plus faibles depuis des décennies maintenant ?
07:15Pourquoi est-ce que les niveaux de confiance des présidents de la République
07:18chutent de matière abyssale à peine élus ?
07:21Il y a des questions qui se posent.
07:22Et ce n'est pas tout à fait vrai de dire que les Français sont indifférents en questions institutionnelles.
07:26Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une remise en question, d'une façon ou d'une autre.
07:29Oui, et puis là, il y a vraiment une question qui pourrait se poser tout de suite.
07:32C'est la question du changement de mode de scrutin pour l'égislative.
07:34Après tout, il y a un arc assez large pour dire qu'il faudrait de la proportionnelle.
07:38Et c'est vrai que c'est un chemin, même sans changer finalement la 5e République.
07:43Cette modification-là pourrait amener à une autre culture politique.
07:47Et à la fois les institutions, et puis l'usage des institutions et la culture que ça induit.
07:51Donc, votre plaidoyer pour une dose de proportionnelle, s'il faut dire les choses simplement ?
07:55Comme mon plaidoyer, c'est pour qu'on change la manière dont les Français se sentent représentés.
07:59Merci beaucoup Emmanuel Rivière.
08:00Je rappelle que vous êtes politologue, enseignant à Sciences Po et directeur associé de l'Agence Grand Public.

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