• il y a 4 mois
Le social, parent pauvre de l’ESG ? C’est ce que constatent et regrettent André Coisne, membre du comité d’éthique de Kaori, et Pierre Valentin, conseiller spécial chez Amadeis. Avec ces deux invités, SMART IMPACT s’intéresse aux enjeux et leviers d’une meilleure intégration de la composante sociale de l’investissement ESG. L’occasion aussi d’évoquer les réflexions autour d’une taxonomie sociale.

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Transcription
00:00Retrouvez le débat de Smart Impact avec Veolia.
00:06Générique
00:12Le débat de Smart Impact, on parle d'investissement responsable avec André Kwan. Bonjour, bienvenue.
00:17Bonjour.
00:18Vous êtes membre du comité d'éthique de Kaori Pierre-Valentin. Bonjour.
00:21Bonjour.
00:22Conseiller spécial dans le cabinet de conseil Amadeïs, deux mots de présentation pour démarrer.
00:26Kaori, André Kwan, c'est quoi ? Une association d'épargnants, c'est ça ?
00:29Absolument. Une association d'épargnants qui a été créée par le Secours catholique en vue d'offrir des produits qui sont éthiques, responsables.
00:38Et le premier produit qui a été créé, c'est un contrat d'assurance vie qui s'appelle Kaori Vi.
00:43Ça a été créé il y a longtemps, Kaori ?
00:45Trois ans.
00:46Trois ans, d'accord. C'est une préoccupation qui a fini par prendre tellement d'ampleur que vous avez dit il faut y aller ?
00:53Je pense que la volonté du Secours catholique, c'est d'être présent dans tout ce qui est responsable, fraternel.
01:00Et l'épargne peut jouer un rôle par rapport à la lutte de la pauvreté autour de ce sujet.
01:05Bien sûr. C'est même un levier majeur. On va en prendre conscience grâce à vous. Présentez-nous Amadeïs, Pierre-Valentin.
01:10Amadeïs, c'est une société de conseil en investissement, 20 consultants, plus de 100 clients, 15 milliards d'actifs conseillés.
01:19C'est une société de conseil en investissement très impliquée dans l'ISR et qui a conseillé Kaori dans la conception du produit d'assurance vie
01:28et qui sélectionne aussi les fonds qui sont offerts à travers le contrat d'assurance vie de Kaori.
01:35Il y a toujours une question autour de l'investissement socialement responsable et plus généralement l'investissement ESG dans le monde.
01:42On a trouvé ce chiffre, près de 3 000 milliards d'encours dans le monde, donc 84% de fonds européens.
01:48Déjà, est-ce que la progression est forte ou pas aujourd'hui, Pierre-Valentin ?
01:53La progression des fonds ISR en général a été très forte jusque dans les années 2020.
01:59Ça s'est un peu tassé, mais on constate quand même que les fonds les plus engagés,
02:05ce qu'on appelle l'article 9, c'est-à-dire les fonds les plus engagés dans l'investissement responsable,
02:10continuent de collecter trimestre après trimestre. En tout cas, c'était le cas jusqu'à la fin 2023.
02:15André Kouane, est-ce que ça reste ultra minoritaire, ces fonds ISR, par rapport à l'ensemble des encours qui sont disponibles dans le monde ?
02:25Ah non, je pense que c'est devenu plutôt majoritaire.
02:29Il y a 27 000 milliards...
02:31En Europe.
02:33Majoritaire, je vous trouve...
02:35Ah, pour l'Europe ?
02:37Sur la totalité de l'argent disponible, bah non !
02:42Moi, je discutais avec un ancien ministre il y a quelque temps qui disait qu'il y a 27 000 milliards d'argent disponible dans le monde
02:50et c'est moins de 1% qui sont vraiment fléchés vers les investissements, notamment environnementaux.
02:57Donc, où est la vérité ? Vous voyez ce que je veux dire, Pierre-Valentin ?
03:01Si on regarde la France, il y a un peu plus que 2 000 milliards de fonds d'investissement, je crois.
03:06Et je pense qu'effectivement, on doit être... ça progressait quand même assez vite, je n'ai pas les derniers chiffres,
03:12mais je pense qu'on ne doit pas être loin de 50% qui sont classifiés...
03:16Alors après, on peut être plus ou moins exigeant...
03:19Il y a différents labels et différentes classifications.
03:21Par rapport à la classification européenne, avec une prise en compte des critères ESG.
03:25Je ferme cette parenthèse parce qu'il y a beaucoup de choses à dire.
03:27Et je m'appuie notamment, André Kouane, sur votre expérience de fondateur, de dirigeant d'un PAC,
03:31qui est une agence indépendante de notation extra-financière, qui est spécialisée dans le domaine du social.
03:36Parce que le S de ESG, c'est souvent le parent pauvre de ses investissements responsables.
03:41Ah oui, ça fait plus de 5 ans que j'essaie de changer la donne en fournissant des données sociales,
03:49au niveau France ou au niveau Europe. Mais visiblement, l'environnement a tout emporté.
03:55Je pense que c'est une discipline qui est préférée parce que c'est plus simple, c'est scientifique.
04:00Il y a des métriques.
04:01Il y a des métriques, etc. Alors que dans la partie sociale, il y a des politiques.
04:06Il y a aussi des métriques, il y en a pas mal. Notamment en France, il y en a beaucoup.
04:10Mais visiblement, il n'y a pas une volonté politique, ou en tout cas des différents participants, de développer cet ESG.
04:19Les métriques, quelles sont-elles ?
04:21Quand on veut objectiver un investissement socialement responsable, sur quoi on s'appuie ?
04:26On peut s'appuyer sur la création d'emplois, on peut s'appuyer sur les écarts de salaire hommes-femmes,
04:32l'écart de salaire entre les dirigeants et les salariés, le nombre d'accidents.
04:37Il y a donc bien des métriques qui arrivent à caractériser des politiques sociales.
04:42Vous êtes d'accord pour dire que l'urgence climatique a d'abord tout emporté ?
04:46Oui, il y a effectivement un sentiment d'urgence. Je pense que c'est la raison principale.
04:51Parce que finalement, l'urgence climatique, c'est une préoccupation récente, ça a 30 ans.
04:55La question sociale, c'est beaucoup plus ancien, ça a 200 ans.
04:59Donc on se dit, finalement, d'abord il n'y a pas cette échéance de l'urgence climatique,
05:04et puis on se dit qu'on a le temps de traiter la question.
05:07Effectivement, il y a la question des indicateurs, il y a finalement quasiment un seul indicateur,
05:13en tout cas c'est celui qui a dominé le reste dans le domaine environnemental,
05:16qui est la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
05:19Et dans le domaine social, il y a beaucoup d'indicateurs.
05:21André en citait quelques-uns, mais on peut aller plus loin même.
05:24Allez-y.
05:25À l'intérieur de l'entreprise, l'absentéisme, le taux de turnover,
05:30mais aussi tout ce qui concerne la sous-traitance,
05:33donc il y a des indicateurs sur le caractère social de ce qui se passe dans la sous-traitance.
05:37Et puis il y a quand même aussi tout l'aspect produit et service rendu,
05:42sont-ils ou pas accessibles aux plus grands noms, et en particulier aux plus pauvres.
05:47Je vais vous poser une question volontairement provoquante.
05:50Est-ce que ça a du mal à s'imposer parce qu'on est face à des interlocuteurs
05:54qui sont dans un milieu capitalistique, qui n'ont pas forcément la fibre sociale ?
06:01Je ne sais pas s'ils ont la fibre sociale ou pas,
06:04mais en tout cas dans leurs investissements, ils ne l'ont pas privilégié.
06:08C'est une façon de répondre à la question.
06:10C'est la seule auxquelles je pense.
06:13Est-ce qu'il y a des labels en France, Pierre Valentin, qui imposent des critères sociaux ?
06:18D'une façon générale, la plupart des labels sont généralistes ouverts en France et en Europe.
06:24Mais la France fait un peu exception puisqu'elle a un label qui s'appelle FinanSol,
06:29qui finalement récompense les fonds qui ont au moins 5% de leurs actifs
06:38destinés à des entreprises à forte utilité sociale.
06:42A quel point il est valorisé, utilisé ce label aujourd'hui ?
06:46Quelle est sa place d'une certaine façon ?
06:49Il y a à peu près 17 milliards d'euros de fonds qui ont cette structure.
06:58La plupart sont labellisés FinanSol sur à peu près 2 000 milliards de fonds.
07:03Donc c'est un peu moins d'un pour cent.
07:06Le label ISR qui a été créé en 2016, vous diriez quoi ?
07:11Il donne la part belle aux deux autres lettres de SG, c'est ça ?
07:15C'est-à-dire environnement et gouvernance ?
07:18Non, il est agnostique.
07:20Il considère que c'est aux sociétés de gestion de définir la pondération
07:25des trois piliers environnemental, social et gouvernance.
07:28Je crois d'ailleurs que dans la dernière version du label,
07:31il impose quand même qu'on n'aille pas en dessous d'un certain niveau pour chacun des piliers.
07:35Mais on ne peut pas dire qu'il impose quoi que ce soit.
07:37Comment vous expliquez, ça reprend un peu la question que je posais tout à l'heure,
07:40le fait que ce pilier social, ça va changer, on l'espère,
07:47ait pris moins d'importance finalement dans ces investissements responsables,
07:52au moins dans la première phase ?
07:53Je pense qu'il y a cette question du nombre d'indicateurs
07:57qui finalement rend les choses un peu plus...
07:59De méconnaissance du fait que les indicateurs existent ?
08:02Oui, ça rend l'analyse un peu plus complexe.
08:04Il y a la réglementation qui a quand même été très en faveur du pilier environnemental.
08:10Et puis il y a un aspect culturel.
08:12Enfin, André le citait, je pense qu'il y a une certaine résistance.
08:18On ne voit pas de grande initiative pour créer un fonds social de place, par exemple.
08:23Et donc dès sa création, vous nous avez expliqué, André Kouane,
08:25Kaori a privilégié ces aspects sociaux.
08:28Mais ce n'est pas le social contre l'environnemental.
08:31Je pense que c'est important de dire ça.
08:33Ce n'est pas « nini », c'est « et ».
08:35Au sein du contrat, le souscripteur peut choisir selon ses valeurs
08:43entre ce qu'on appelle l'humain, donc le social,
08:45et puis la terre, l'environnement.
08:47Et vous faire un mix des deux.
08:49Et il va quoi, le ventiler, si on rentre un peu dans le détail ?
08:52Il peut faire ça.
08:53Et puis le mettre même dans des unités gérées en fonction de la version risque.
08:59Après, cet argent qui est disponible, vous l'utilisez,
09:04il est mobilisé dans quel cadre ?
09:06Est-ce que c'est vous qui listez un certain nombre de projets d'investissement
09:10proposés aux clients ?
09:12Comment ça fonctionne ?
09:13En réalité, cet argent est investi dans des fonds, dans des SICAV.
09:18C'est investi dans des fonds, d'ailleurs,
09:21qui nous ont été communiqués et avec lesquels nous discutons avec Amadeis.
09:27Et ça permet de maintenir, puisque nous les remettons en cause tous les trimestres,
09:33de vérifier que vraiment ils ont un impact.
09:36L'impact attendu est là.
09:38Donc c'est un travail permanent de surveillance et d'interaction avec…
09:43En réalité, il y a 27 fonds et 20 sociétés de gestion.
09:47On a beaucoup parlé, notamment dans cette émission,
09:49de taxonomie, de taxonomie environnementale au niveau européen.
09:54Comment aider à flécher les investissements vers des projets environnementaux ?
10:02Est-ce qu'il y a une taxonomie sociale ?
10:04Ça existe, ça va exister ? On en est où ?
10:06Alors, il y a eu un projet au niveau de l'Union européenne,
10:09mais il y avait eu pas mal de difficultés pour mettre en place la taxonomie environnementale.
10:13Un peu trop libéral, l'Europe, telle qu'on l'a conçue,
10:15pour avoir l'idée d'une taxonomie sociale ?
10:17Il a été suspendu.
10:18Mais bon, ça serait très intéressant, parce que ça permettrait…
10:21Parce qu'en fait, l'idée de la taxonomie, c'est quand même de publier pour chaque fonds
10:25le taux d'alignement avec la taxonomie.
10:27Donc, ça permet de comparer des fonds de sociétés de gestion différentes,
10:31et donc, ça objective quand même le caractère environnemental ou de main sociale.
10:35Oui, et puis ça permet aux entreprises, quand on parle d'environnement,
10:38de se comparer, de savoir si elles sont dans la bonne direction.
10:42Donc, ça pourrait être vraiment un levier pour vous, une taxonomie ?
10:44Oui, je pense que ce serait une assez bonne chose.
10:46D'ailleurs, il y a en France un groupe de travail
10:48qui essaye de ressusciter en quelque sorte la taxonomie sociale.
10:51Est-ce qu'il y a des projets, si on est très concret,
10:54des projets un peu balbutiants en la matière,
10:56des projets d'innovation, par exemple, sociale ou sociétale,
10:59qui passent à l'échelle grâce à une action comme la vôtre,
11:03grâce au fait de finalement pousser l'investissement socialement responsable ?
11:08En réalité, l'impact est obtenu par les entreprises dans lesquelles investissent les fonds.
11:13Donc, notre travail, c'est de vérifier que les entreprises ont cette action,
11:17et on a parlé déjà de pas mal de sujets sur la réduction des écarts de salaire,
11:22des choses comme ça.
11:23On peut parler de l'insertion des personnes en situation de handicap,
11:27on peut parler de l'emploi des jeunes, etc.
11:29Et donc, le fait de poser des questions sans cesse aux entreprises
11:34forge une ambition plus forte parmi les meilleures d'entre elles.
11:40C'est un aiguillon pour progresser.
11:42Exactement, c'est comme ça que ça marche.
11:44Ce n'est pas direct.
11:45Très intéressant.
11:46Merci beaucoup.
11:47Merci à tous les deux et à bientôt sur Bsmart.
11:49On passe à notre rubrique Start-up tout de suite.
11:51C'est parti.

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