Avec Ismaël Saidi, comédien, metteur en scène et auteur de "Ma lasagne d'identités" - Ed. Lumière
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NewsTranscription
00:00En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sur Sud Radio, sécurité, économie
00:09numérique, immigration, écologie, pendant une heure chaque semaine, nous débattons
00:12sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:15Cette semaine, j'ai le plaisir de recevoir l'auteur, comédien et metteur en scène Ismaël
00:20Saïdi.
00:21Il vient nous parler de sa nouvelle piège, Jérusalem, et surtout de son nouveau livre,
00:26Ma lasagne d'identité, aux éditions Lumière, et c'est dans lequel il explore ce que signifie
00:31être français d'origines diverses dans la société contemporaine.
00:35Comment être marocain, français et belge à la fois ? Peut-on être musulman, laïque
00:41et de culture chrétienne en même temps ? A l'heure des identités meurtrières, comment
00:45échapper au communautarisme ? Tout de suite, les réponses d'Ismaël Saïdi, en toute vérité.
00:51En toute vérité, sur Sud Radio, Alexandre de Vécu.
00:55Ismaël Saïdi, bonjour.
00:56Bonjour.
00:57Ravi de vous recevoir sur ce plateau.
01:01Vous êtes auteur, comédien, metteur en scène, on se souvient de votre pièce, Djihad, qui
01:07a été un véritable phénomène de société.
01:10Vous allez jouer à Avignon, vous me rappelez les dates, c'est entre juin et juillet ?
01:16C'est du 29 juin au 21 juillet, dans tout le festival.
01:19Une pièce qui s'intitule Jérusalem, on en parlera.
01:22Décidément, vous aimez mettre les pieds dans le plat, Ismaël Saïdi.
01:27Vous venez aussi nous parler de votre nouveau livre, Ma lasagne d'identité, qui sort cette
01:34semaine.
01:35C'est aux éditions Lumière et c'est un livre dans lequel vous vous racontez, puisque Ismaël
01:43Saïdi, non seulement vous êtes belge et marocain, mais vous avez décidé récemment
01:49de prendre la nationalité française.
01:52Donc vous racontez un peu votre voyage identitaire, comment vous êtes devenu français.
01:59Mais d'ailleurs, première question, pourquoi avoir voulu devenir français ?
02:03Ça ne vous suffisait pas, belge et marocain ?
02:05Ce n'est pas du tout pour rajouter l'identité.
02:11C'est fascinant parce que j'ai fait tout le parcours classique qu'on fait quand on demande
02:15la nationalité française.
02:16Pour celles et ceux qui nous écoutent qui l'ont fait, c'est quand même un long parcours.
02:19Il y a un dossier à préparer, etc.
02:20Et puis, il y a cette fameuse rencontre avec quelqu'un à la préfecture qui vous pose
02:24plein de questions.
02:25D'abord, les plus loufoques, du genre, combien de rivières traversent la France, etc.
02:29Mais moi, quand je suis arrivé avec mon dossier et qu'elle a vu que j'étais belge, elle
02:33n'a pas trop compris.
02:34Donc elle m'a dit pourquoi vous voulez devenir français ?
02:36En général, c'est dans l'autre sens.
02:38Les français qui ont beaucoup d'argent veulent devenir belges.
02:40Donc ça prouve que je n'ai pas beaucoup d'argent.
02:43Et en fait, je lui ai répondu ce que je voulais répondre.
02:46Moi, je suis né à Bruxelles, j'ai grandi à Bruxelles.
02:48Et déjà, enfant, mon seul rapport au monde extérieur, mon seul rapport à tout, de la
02:54littérature à la télé, c'était la France.
02:55Il faut savoir qu'à Bruxelles, à l'époque, on avait une chaîne de télé publique qui
03:01était la RTBF.
03:02On ne regardait pas parce que c'était beaucoup trop intérieur pour nous.
03:04Et ce qu'on regardait en face, c'était les seules chaînes qu'on captait, à savoir
03:07TF1, La Une, Antenne 2 et FR3 à l'époque.
03:10Donc mon premier rapport au monde a été la France.
03:12Puis mon premier rapport au monde littéraire a été la France.
03:15Puis mon premier rapport aux arts a été la France.
03:17Puis quand j'ai commencé à écrire, à mettre en scène, etc., mes premiers succès
03:21sont arrivés de France.
03:22Puis je me suis installé en France depuis sept ans maintenant.
03:25Et à un moment donné, je me suis dit, ce pays fait tellement partie de moi et de ma
03:29vie que j'ai envie, moi, de faire partie de lui.
03:33Et vous parlez des identités, ce qui est assez intéressant, ce que j'ai dit à cette
03:36dame, c'est que Belge, je suis né en Belgique, je n'ai pas trop choisi.
03:41Le Maroc, c'est la nationalité de mes parents, je n'ai pas trop choisi.
03:43Par contre, la France, je l'ai choisie.
03:45C'était une volonté, c'était un choix, c'était je veux faire partie du package.
03:50Donc voilà pourquoi je suis devenu Français.
03:52Ma lasagne d'identité, vous avez choisi ce titre parce que vous vous décrivez comme
03:57une lasagne composée de plusieurs couches.
04:00Vous dites je suis belge, d'origine marocaine, de confession musulmane, de culture
04:04judéo-chrétienne et laïque.
04:06On peut être tout ça à la fois, Ismaël, c'est à dire.
04:09Cette image de lasagne m'est venue un jour, c'était un débat que je faisais après mes
04:13pièces. Il y a toujours un débat avec le public.
04:15Et comme je fais quand même pas mal de scolaires, il y a toujours un débat avec les
04:17jeunes. Et j'ai souvent parlé avec des jeunes qui avaient, surtout quand ils sont
04:22d'origine étrangère, qui avaient du mal à accepter le fait d'être Français.
04:25Ils avaient cette impression que s'ils disent je suis Français, j'aime la France.
04:30Ils trahissent leur autre facette d'identité comme un vrai problème d'allégeance.
04:36Et en parlant, j'ai sorti cette histoire de lasagne.
04:38La lasagne, tu peux additionner plein de couches.
04:41Déjà, on mélange plein d'ingrédients qu'on n'aurait jamais dû mélanger, de la
04:43tomate, de la viande, du lait, de la farine.
04:45Et finalement, ça marche et c'est bon parce que tu as tout additionné.
04:48Et je me suis rendu compte que cette image leur parlait énormément.
04:51Et en me présentant à chaque fois, comme ils me demandent très vite, est-ce que
04:55t'es musulman, est-ce que tu l'es pas ?
04:56Je leur dis, moi, musulman, si je dis que je suis juste musulman, c'est une insulte à
05:00toutes les autres facettes. Donc, laissez-moi vous expliquer tout ce que je suis.
05:03Et effectivement, je décline toutes ces couches-là parce que c'est ce qui m'a créé.
05:07Je suis belge parce que je suis né et que j'ai grandi en Belgique.
05:09D'origine marocaine, c'est le pays de mes parents.
05:11De culture judéo-chrétienne, j'ai fait huit ans d'école catholique au catéchisme et
05:15église le vendredi.
05:16Donc, du coup, ça fait partie de moi.
05:18Je ne peux pas rejeter ça.
05:20Laïc parce que je pense que je ne peux être tout ça que parce qu'on est dans un pays
05:24laïc. Sinon, j'aurais dû choisir et leur parler avec cette image-là.
05:28Je vois, j'ai chaque fois vu leurs yeux briller.
05:31Ça marche. Pour une fois, il y a un truc qui marchait.
05:34Pour une fois, on leur disait tu ne dois pas choisir.
05:36T'es une addition de tout ça. Et il n'y a pas de honte à ce que tu brandisses le
05:40drapeau français. Ça ne va pas faire disparaître le drapeau de tes parents.
05:44Pas du tout, en fait. Il vient en plus.
05:45Et du coup, je me suis dit pourquoi pas lui donner le titre du bouquin comme ça.
05:49C'est un livre aussi qui vous est venu d'une conversation par après un spectacle
05:52durant une de vos interventions dans un lycée, je crois, où une élève
05:57vous interpelle.
06:00Justement, quand vous expliquez que vous êtes faite de couches multiples et elle
06:05vous dit vous êtes musulmans et vous dites ça.
06:07Non, franchement, on n'est pas de la même religion, vous et moi.
06:10Cette petite phrase qui vous a mis en colère et qui vous a donné
06:15envie d'écrire ce livre. Pourquoi ça vous a mis en colère?
06:18Au début, je n'ai pas compris parce que moi, j'ai déjà eu des discussions beaucoup
06:22plus véhémentes avec des détenus, avec des prisonniers.
06:25Oui, parce que vous intervenez aussi en prison.
06:27C'est l'occasion de le rappeler.
06:29Oui, j'interviens aussi là avec mes spectacles.
06:32Mais donc, du coup, j'ai déjà eu des vraies discussions véhémentes, limite
06:36violente. Mais là, c'était une élève, une lycéenne.
06:40Elle me balance ça après. J'avais joué un spectacle.
06:42Donc après, il y avait un débat avec.
06:44Et elle me lance ça. Et je ne sais pas pourquoi, ça réveille des trucs en moi.
06:47En fait, je suis en colère.
06:49Sa colère est contagieuse. Je suis en colère.
06:51Elle est en colère. On se parle, on se répond.
06:53Les autres élèves interviennent.
06:54Certains l'engueulent. Certains sont d'accord avec elle.
06:56Elle vous interdit d'être musulman en quelque sorte.
06:58Oui, en fait, elle traduit une pression communautaire.
07:01Exactement. Elle refuse.
07:04Non seulement elle refuse que je sois musulman, parce qu'elle considère qu'il y a
07:07une manière de l'être, mais en plus, elle veut me mettre dans une case.
07:11Et je pense que c'est ça qui m'a bouleversé.
07:14Du coup, on a beaucoup parlé.
07:15Puis après le débat, elle est venue me voir.
07:16Elle s'est excusée. On a parlé, etc.
07:18Et l'histoire était, pour moi, le chapitre était clos.
07:21Mais ça rentre en chez moi.
07:22Je me dis, mais ce n'est pas normal, mon garçon.
07:23Tu ne peux pas être en colère comme ça face à ce genre de réaction là.
07:27Tu ne l'as jamais fait. Pourquoi?
07:29Il y a un grattant, c'est ce que je dis dans le bouquin.
07:31Je me rends compte qu'elle a réveillé la dos que j'étais.
07:33J'étais elle, en fait.
07:34J'étais vraiment elle quand j'avais 15 ans.
07:35Vous avez été comme ça, enfermé dans une identité.
07:39C'est difficile de choisir quand on a plusieurs identités
07:43ou difficile de les accepter toutes.
07:46Il y a une forme de tiraillement.
07:48Je pense que d'abord, je pense que oui,
07:50et je pense que toute personne qui vient d'ailleurs,
07:52quelle que soit l'origine ou même qui vient d'une région
07:55autre que celle dans laquelle elle vit, a ce déracinement.
07:57Et il y a toujours cette problématique de l'allégeance et de la loyauté.
08:01D'abord, il y a la loyauté humaine de vous vis-à-vis de vos parents,
08:03quelle que soit votre origine.
08:05Un moment donné, il y a une rupture qui se fait.
08:06Et c'est bien sûr que c'est compliqué.
08:08Et je pense que si j'arrive à avoir
08:12autant de succès avec les ados,
08:13parce que je fais partie de ces auteurs qui arrivent à leur parler,
08:16ça m'étonne toujours.
08:16Moi, j'ai 47 ans, bientôt 48.
08:18Et j'arrive à les faire rire, à les parler alors qu'ils ont l'âge d'être mes gosses.
08:22C'est que je pense que l'adolescent qui est en moi, il est toujours là.
08:25Et donc, j'arrive à comprendre ce qu'ils disent et j'arrive à leur parler.
08:28Et oui, c'était dur.
08:30Maintenant, avec du recul, oui, c'est dur parce que vous venez au monde
08:32dans un pays qui n'est pas censé être le vôtre.
08:35Et là où les gens se trompent,
08:36c'est que ce n'est pas nécessairement le pays qui vous rejette.
08:38C'est que chez vous, on vous dit que ce n'est pas chez vous.
08:40Et donc, en fait, vous expliquez que votre père vous reprochait
08:44ou reprochait même à l'école de vous transformer,
08:47de faire que vous n'étiez pas assez marocain.
08:49Oui, alors pas à l'école.
08:50Le débat qu'on avait, le débat qu'on entendait,
08:52ce n'était pas à l'école qu'on le reprochait.
08:53C'était l'Europe est en train de transformer nos enfants, etc.
08:56Quand on allait en vacances au Maroc,
08:57on n'était pas assez bien par rapport aux autres parce qu'on parlait un arabe
09:01paraguiné comme une chèvre espagnole.
09:03Et donc, du coup, on n'était rien, en fait.
09:05Et là où on a souvent voulu pointer du doigt des problèmes sociétaux,
09:09à savoir c'est la société qui les a rejetés.
09:11Il y a un peu de vrai là dedans, mais il y a l'autre côté,
09:14l'autre versant qui est en fait, on ne leur a pas permis d'être autre chose
09:18parce qu'à l'intérieur de leur famille, de leur foyer, de leur maison,
09:21de mon foyer, de ma maison, il y avait ce problème d'allégeance.
09:25Et donc, du coup, vous grandissez en ne sachant pas trop ce qui va se passer.
09:27Vos parents pensent qu'ils vont retourner un jour chez eux.
09:29Ils ne retournent jamais.
09:30Vous, vous ne savez pas ce que ça veut dire chez eux.
09:32Et je parle beaucoup dans mon livre du pacte social.
09:34C'est quelque chose qui m'avait bouleversé à la fac.
09:37Cette notion de pacte imaginaire, de pacte social que nous signons
09:41avec notre nation en aliénant certains droits et en en recevant d'autres.
09:45En fait, vous ne le signez pas, vous, vu que ce n'est pas chez vous.
09:48Et ça crée de la colère.
09:50Et dans le livre, j'explique aussi que parfois, cette colère,
09:53souvent même cette colère, ce vide identitaire
09:56est comblé par d'autres choses, par l'islamisme, par le communautarisme.
10:01Ça commence aussi par ce qui est intéressant,
10:03c'est que vous expliquez, bon, il peut y avoir
10:06et vous y revenez dans le livre, du racisme, etc.
10:10Mais ce n'est pas forcément la majorité de la société française,
10:13même pas du tout. On en reparlera.
10:15Par contre, il y a une forte pression communautaire.
10:18Alors de la famille déjà, avec des parents peut être même déracinés,
10:21la pression de la cité, du quartier.
10:23Oui, tout ça, il faut tout additionner.
10:26Vous savez, dans le livre, j'en parle.
10:28J'explique qu'on a ramené des gens pour bosser il y a très longtemps.
10:31Très bien, ils viennent bosser.
10:32Et le deal qu'il y avait entre ces gens et les pays
10:35qui les ont accueillis, c'est vous partez.
10:37Tout le monde était d'accord.
10:37Bon, ils ne partent pas, ils font des gosses.
10:39Et par facilité, tout le monde s'installe dans les endroits près des gares
10:45ou là où un cousin est venu.
10:46Enfin, c'est vieux comme le monde. Les Italiens l'ont fait, les Grecs l'ont fait.
10:48Le regroupement communautaire se fait naturellement.
10:50On dit souvent la France parcle les gens.
10:52En fait, les gens se regroupent par affinité, tout simplement.
10:55Mais enfin, vous n'allez pas me dire que les Bretons,
10:57c'est une immigration étrangère.
10:59Ils sont tous installés autour de la Gare de Montparnasse.
11:01Il y avait une raison, en fait, c'est qu'à un moment donné, il y a des facilités.
11:03Il y a le fait que vous connaissez un tel qui habite tel quartier
11:06et vous vous sentez moins en danger, plus en sécurité à vous regrouper.
11:09Et c'est humain, les gens se regroupent.
11:11C'est comme ça, en fait, dans le monde entier.
11:13Et ils se regroupent.
11:14Et puis, en fait, comme rien n'est fait pour que cette immigration
11:18s'installe durablement parce que personne ne pensait qu'il allait rester.
11:21Finalement, il crée des communautés.
11:23La nature a horreur du voodoo.
11:24Et vous, vous naissez dans cette communauté là qui a ses propres règles,
11:28qui a ses propres lois, finalement.
11:30Et comment faire pour en sortir ?
11:33C'est hyper compliqué.
11:35Je dis toujours que le ghetto, il est rarement physique, il est moral.
11:39Sortir d'un ghetto, c'est facile.
11:40Vous prenez l'RR, vous prenez le métro, vous en sortez.
11:42Sortir mentalement d'un ghetto, c'est plus compliqué.
11:45Quand vous réussissez, vous vous sentez coupable par rapport aux autres, etc.
11:49Et ça, on n'en parle pas assez parce que je pense que c'est une des clés
11:53du problème, c'est de comprendre la pression que les communautés,
11:56quelles qu'elles soient, exercent sur les leurs, qu'elles soient religieuses,
11:59qu'elles soient ou autres.
12:01Elles exercent une pression.
12:02J'en ai beaucoup parlé dans le djihad, qui fait que c'est dur d'en sortir.
12:07Merci Ismaël Saïdi.
12:08On se retrouve après une courte pause en toute vérité sur Sud Radio.
12:12On continue à parler de cette pression communautaire,
12:15de la difficulté d'être français parfois quand on a des origines diverses,
12:18mais aussi de la richesse que ça peut être.
12:21A tout de suite en toute vérité sur Sud Radio.
12:24En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio.
12:27Alexandre Desvecquiaux.
12:28Nous sommes de retour sur Sud Radio avec Ismaël Saïdi,
12:31auteur, comédien, metteur en scène.
12:35Vous êtes l'auteur d'une nouvelle pièce après Djihad, Jérusalem.
12:40Vous êtes aussi l'auteur d'un livre qui paraît cette semaine.
12:44Ma lasagne d'identité, c'est aux éditions Lumières.
12:48Vous expliquez comment vous êtes devenu peu à peu un nouveau français,
12:51comment ça n'a pas été facile.
12:52Vous nous disiez, vous nous parliez à la pose de tiraillements identitaires,
12:58de pressions communautaires.
12:59Est-ce que cet enfermement identitaire à l'heure des sociétés multiculturalistes,
13:05c'est vraiment le poison de la société française ?
13:09Vous nous avez parlé de vous, de la société française ou de la société belge,
13:13mais de manière plus large.
13:15Est-ce que ça explique ce qu'on appelle la crise de l'intégration ?
13:19Oui, parce qu'en fait, l'intégration,
13:22moi je dis toujours que ce n'est pas un bon mot,
13:23parce que c'est mes parents qu'on aurait dû intégrer,
13:27parce qu'ils viennent d'ailleurs.
13:28Mais leurs gosses, vous les intégrer nulle part.
13:31Ils sont nés, ils ont grandi ici.
13:32Et comme personne n'avait les clés, personne n'a géré ce problème.
13:35Et je me retrouve aujourd'hui, moi, du haut de mes 47 ans,
13:38à parler avec des adolescents, des adolescentes qui ont le même problème
13:41que moi j'ai eu quand j'avais 15, 16 ans.
13:43Ce n'est pas normal.
13:44Ils sont déjà la troisième ou la quatrième génération.
13:46Ils sont souvent nés de parents français
13:49qui eux-mêmes sont nés de parents nés ici.
13:51Et on se retrouve avec les mêmes problématiques.
13:54Donc c'est clair, rien n'a été réglé.
13:56Rien n'a été réglé parce que,
13:57et j'en parle beaucoup dans le livre aussi,
13:59ce qu'on peut reprocher aux différentes sociétés européennes,
14:02c'est que ces enfants issus de n'importe quelle immigration
14:05ne deviennent un sujet que quand les élections s'approchent
14:08ou ne sont un sujet que quand il y a des émeutes.
14:10En dehors de ces moments-là, ce n'est pas un sujet.
14:13On essaie de ne plus en parler.
14:14Vous savez, il y a eu des émeutes l'année passée en France.
14:17On en a beaucoup parlé pendant les émeutes.
14:19On a essayé de trouver une solution, enfin trouver une solution.
14:21On a essayé de gérer le truc de la manière la plus radicale possible.
14:24Est-ce qu'on en parle encore maintenant ?
14:25Est-ce qu'on a fait quelque chose depuis ?
14:26Est-ce qu'on a essayé de trouver des solutions ?
14:28À part le sécuritaire.
14:29Et il le faut le sécuritaire, très bien.
14:30Mais du coup, on a fait quoi ?
14:32Oui, mais il y a eu beaucoup de plans banlieue en même temps, Ismaël.
14:35Ça veut dire qu'on ne peut pas dire que rien n'a été fait par la société française.
14:38Alors je les connais, je les ai vécus.
14:40Les tables de ping-pong, les murs de Graff.
14:43Tiens, si on leur faisait une fête du rap.
14:44J'ai connu ça en fait.
14:46Tous les ans, on nous faisait ça.
14:47Pour vous, ce n'est pas un problème d'urbanisme ?
14:48Non, enfin, c'est une blague.
14:50C'est un problème culturel.
14:52Mais bien sûr, tous les ans, on nous faisait ça.
14:54Ah, ils ont pété des magasins.
14:55Très bien, on va leur créer une MJC.
14:57Super, on va demander à leur grand frère.
14:58D'ailleurs, comment vous expliquer quand même qu'ils pètent
15:01ou qu'ils cassent, qu'ils détruisent leurs propres biens ?
15:04Parce que ce sont des choses qui sont pour eux, des écoles, etc.
15:09On ne peut pas dire que la société française ne fait rien.
15:12Mais ce n'est pas leur bien.
15:13Ce n'est pas chez eux.
15:14Ils n'ont pas signé le pacte social.
15:15Ce n'est pas leur bien.
15:16Ce n'est pas chez eux.
15:17Et ce n'est pas une question de société française, là.
15:19Ce n'est pas chez eux, dans leur tête.
15:21Je parle de leur tête, attention.
15:22Je me mets d'accord.
15:23Je sais bien, j'ai lu votre livre, mais c'est bon, pour préciver,
15:26pour ceux qui nous écoutent.
15:28Ce n'est pas chez eux.
15:29Quand ce n'est pas chez moi, moi, je pète tout.
15:32Pourquoi ?
15:33Ce n'est pas chez moi.
15:34Même si c'est mon école.
15:35Ce pacte social n'est pas signé.
15:36Vous pouvez être invité quelque part, Ismaël Saïdi, sans tout péter.
15:40C'est même pire que ça.
15:41Ça veut dire qu'ils considèrent que non seulement ce n'est pas chez eux,
15:45mais qu'ils sont hostiles à l'endroit où ils sont nés.
15:49Oui.
15:50Oui.
15:51Oui.
15:52Et encore une fois, parce que j'insiste, et je sais qu'on va me reprocher
15:54de dire qu'il y a eu un milliard de plans banlieue.
15:56Rien n'a été fait.
15:57Vous savez, quand vous avez une maison qui est en ruine,
16:00qui est en train de tomber, et que vous me dites,
16:01chaque année, on a repassé de la peinture,
16:03moi, je vais vous dire, vous n'avez rien fait.
16:04Vous avez peint.
16:05Vous avez mis de la poussière sous le tapis.
16:07Quel plan banlieue ?
16:08Vous savez, moi, je vais voir des gosses qui sont dans des villages.
16:11Il n'y a pas de plan banlieue dans les villages et qui ont les mêmes problématiques.
16:15En fait, le problème de fond n'a pas été travaillé.
16:20Et alors, c'est de la surface.
16:21Et on le voit avec les émeutes.
16:22Moi, je parle de ces émeutes parce que c'est flagrant.
16:24C'est plus proche de nous.
16:26Si je parle le truc que j'ai vécu en 90,
16:27il y a beaucoup d'auditeurs et auditrices qui ne savent pas de quoi je parle.
16:30Mais là, c'est proche de nous.
16:31Très bien.
16:32Ils ont tout pété, ils ont tout brûlé.
16:33On l'a vu.
16:35Il y a eu la mort tragique de ce jeune homme.
16:41L'enquête est encore en cours, donc je ne vais pas en parler.
16:43Mais la raison est fallacieuse.
16:44On ne brûle pas tout un pays pour ça.
16:45Oui.
16:46Les violences policières, tout ça, vous n'y croyez pas tellement.
16:49Non.
16:50Attention.
16:51Je crois qu'un policier peut être violent.
16:53J'ai été policier, moi.
16:54Alors, je n'ai pas été violent.
16:56J'ai été policier 16 ans.
16:57Donc, je pense que je suis assez bien placé pour parler de la police.
17:00Bien sûr qu'un policier peut être violent comme n'importe quel être humain dans une
17:03société peut être violent.
17:05Mais les violences policières, c'est autre chose.
17:06Mais pourquoi je vais aller brûler un magasin ?
17:08Quel rapport ?
17:09Je veux juste qu'on comprenne.
17:12Où est le rapport ?
17:13Où est le rapport entre la bibliothèque de mon quartier ?
17:15Non, mais ma question était effectivement, il peut l'être, les bavures, ça a toujours
17:19existé.
17:20Mais est-ce que vous croyez qu'il y a, pour la poser clairement, qu'il y a une violence
17:23particulière des policiers à l'écart des jeunes de banlieue aujourd'hui ?
17:27Est-ce que c'est quelque chose de systémique ou pas ?
17:29C'est génial parce qu'en fait, le systémique, on peut le faire dans un certain sens.
17:32C'est-à-dire qu'on va dire, oui, il y a une violence systémique chez les policiers.
17:38Mais alors du coup, il n'y a pas de violence systémique chez les jeunes.
17:40Ça ne marche pas.
17:41On ne peut pas essentialiser.
17:42Est-ce qu'il y a de la violence chez les flics ?
17:44Oui, il y en a toujours eu.
17:45C'est un métier que j'ai fait très longtemps.
17:47C'est un métier qui est très dur.
17:48C'est un métier qui est compliqué.
17:49C'est un métier qui est utilisé politiquement.
17:51C'est-à-dire que quand un homme ou une femme politique veut montrer ses gros bras, elle
17:55envoie les flics taper sur des gens.
17:56C'est un métier qui vous prend aux tripes au point que vous le ramenez chez vous à
18:01la maison.
18:02On avait des taux de suicide énormes à l'époque et je pense encore aujourd'hui chez les policiers.
18:06C'est un métier qui est très compliqué.
18:08Est-ce que parfois, parce que vous pétez un câble en tant que policier, parce que toute
18:13la journée, vous voulez la passer à aller arrêter des gens, il y en a un ou une qui
18:16finit par être violente, bien sûr que ça existe.
18:18Est-ce qu'on va renvoyer ça sur tout un corps de métier ?
18:21Mais enfin non.
18:22Je veux dire, on ne peut pas refuser l'essentialisation pour certains et pas pour d'autres.
18:28Donc pour revenir à ces histoires des meutes, le problème de fond n'a pas été réglé.
18:32On a un problème d'éducation.
18:33On ne sait pas à l'état de le faire.
18:34On a un problème d'éducation.
18:35On a un problème d'enseignement.
18:36On a un problème de collèges et de lycées où il n'y a pas beaucoup de moyens qui sont
18:39mis là-dedans.
18:40On les met ailleurs encore une fois.
18:41On les met en surface.
18:42Encore une fois, je prends toujours cette blague de la table de ping-pong, mais on leur
18:45offre les tables de ping-pong et entre-temps, il y a des lycées et des collèges qui sont
18:49en ruine quasi.
18:50Oui, mais est-ce que c'est un problème de moyens ou de transmission ?
18:54C'est ce qu'on est emmené à prendre, l'idéologie.
18:56C'est un problème d'idéologie.
18:57Alors je ne pointe personne du doigt parce que et gauche et droite ont tout foiré.
19:00Donc ça, c'est pas et extrême gauche et extrême droite qu'on se mette d'accord.
19:04C'est l'idéologie.
19:05En fait, c'est l'idéologie.
19:06Certains vont considérer qu'ils sont tout le temps victimes.
19:07Du coup, il va falloir offrir tout le temps les tables de ping-pong.
19:09D'autres vont considérer que ce ne sont que de la racaille, donc il ne faut rien faire.
19:13Et en fait, la réalité, comme d'habitude, elle est au milieu quelque part.
19:16Et là, je le répète, si on ne fait rien, on aura des émeutes cycliques de trois ans.
19:21Et quand je dis faire quelque chose, c'est un travail de fond.
19:24Il y a une question dont vous ne parlez pas dans votre livre, mais je vous avais reçue
19:28déjà sur Sud Radio.
19:29Vous l'avez dit aussi très clairement.
19:30Il y a la question de l'immigration qui continue et d'ailleurs, selon les mêmes modalités,
19:36il n'y a pas plus de pacte qui est signé.
19:39Les gens arrivent, s'installent, parfois en situation irrégulière et ça ajoute à
19:44des problèmes qui ne sont déjà pas réglés depuis plusieurs générations.
19:49Vous l'avez dit vous-même.
19:50Est-ce que c'est bien raisonnable, dans ce contexte-là, de continuer à faire venir
19:54les gens ?
19:55Le problème, c'est que ce genre de sujet-là, que je ne connais non pas parce que je suis
19:59un spécialiste, mais parce que je suis un des cobayes de ce sujet-là, c'est qu'en
20:03fait, dès que vous en parlez, on vous menotte avec des menottes et écrits à l'extrême
20:08droite.
20:09Voilà, si vous parlez de ce sujet-là.
20:10Et donc, tout le monde en a peur.
20:11Les journalistes en ont peur parce qu'ils se disent, oh là là, je ne vais plus vendre
20:12de billets de spectacle si j'en parle.
20:13Mais en fait, il va falloir qu'on en parle.
20:14Est-ce que c'est un problème ? Est-ce que l'immigration est un problème ? Non.
20:15Je pense que vous êtes issu aussi d'immigration.
20:16Je ne peux pas dire que c'est un problème.
20:17Pas en soi.
20:18C'est ça que je veux dire.
20:19Donc, on peut décomposer le problème.
20:20On peut être très cartésien.
20:21C'est le pays de Descartes.
20:22Est-ce que l'immigration est un problème ? Non.
20:23Est-ce qu'une immigration non gérée, non contrôlée est un problème ? Ben oui.
20:24Mais pour tous les pays du monde.
20:25Pas que pour la France.
20:26Quand des gens viennent, que ce soit parce qu'ils fuient la misère, que ce soit pour
20:44des raisons économiques, quelles que soient les raisons, quand ils arrivent, soit on
20:47a une méthode d'acceptation et en même temps une méthode de frein, parce qu'il
20:52dit acceptation, dit frein.
20:53On ne peut pas effectivement accepter toute la misère du monde dans tous les pays du
20:57monde, pas qu'en France.
20:58Soit on ne fait rien.
20:59Vous savez, le premier endroit où j'ai habité quand je suis venu à Paris et j'y suis
21:02resté quand même 7 ans, c'est la porte de la chapelle.
21:04Donc, je pense que j'étais aussi très bien placé pour voir un peu ce que ça donnait
21:08un flux migratoire non géré.
21:10Et le problème est double, j'ai envie de dire.
21:13Il va falloir travailler sur les pays d'origine, qu'on arrête des exploités, qu'on arrête
21:18– alors c'est très vieux comme système – de placer des dictateurs parce que ça
21:21nous arrange et qui spoilent complètement le pays, parce que je pense que personne sur
21:24terre n'a envie de quitter chez lui quand il est bien chez lui.
21:27On va être honnête.
21:28Je veux dire, si vous êtes bien chez vous, vous ne partez pas pour aller habiter à la
21:31porte de la chapelle.
21:32Et en même temps, en Belgique, je me souviens, quand j'étais beaucoup plus jeune, il y
21:36avait tout le débat sur ce qu'ils appellent les parcours d'intégration, c'est-à-dire
21:40quand quelqu'un vient en Belgique, il faut quand même pendant un an qu'il suit des
21:43cours, etc.
21:44Très vite, ça a été envoyé au visage d'extrême droite.
21:46Ouais, c'est horrible, c'est dégueulasse ce que vous faites, etc.
21:48Ils ont fini par le faire depuis quelques années.
21:50Et là, on se rend compte que les immigrés eux-mêmes sont hyper contents.
21:53Parce qu'ils arrivent et pendant un an, ils n'ont pas de carte de séjour.
21:56Ils ont une carte de séjour provisoire, mais ils ne reçoivent leur carte de séjour qu'une
21:59fois qu'ils ont passé tout un processus.
22:01Apprendre la langue, ils les emmènent au théâtre, ils les emmènent voir la culture
22:06belge, ce qu'on mange.
22:07Et à la fin, quand moi, je posais la question à deux, trois personnes qui l'avaient vécu,
22:11ils me disaient, c'est super, parce que du coup, on connaît le pays maintenant.
22:13On comprend les règles, on comprend tout le truc.
22:16Et le fait d'avoir dit tu suis ces cours-là, tu as un parcours d'intégration pendant
22:21un an, six mois, que sais-je.
22:22En échange, tu as une carte de séjour.
22:23Il est là le pacte social.
22:24Et ça, ça fonctionne vraiment en Belgique, puisque je regarde ça de l'extérieur.
22:28J'ai parfois l'impression de me dire s'il y a un pays qui a plus de problèmes que nous.
22:32Parfois, c'est la Belgique.
22:34Alors, j'ai peut-être que la vision caricaturale de Molenbeek.
22:36Non, non, non, ils ont plus de problèmes, mais c'est récent.
22:41Ça veut dire qu'on n'a pas encore, ils n'ont pas encore un retour sur investissement après
22:45dix ans.
22:46Mais en tout cas, ils ont essayé de faire un truc.
22:48Après, est-ce que la Belgique est un exemple pour la France?
22:51Pas du tout.
22:52Mais je me dis, ce genre de processus où on se dit tu viens dans un pays, OK, immigration
22:58illégale, je ne parle pas d'immigration illégale parce que là, c'est compliqué à gérer.
23:01Tu viens dans un pays, il faut apprendre à quoi ressemble ce pays.
23:04En fait, on ne l'a pas fait.
23:06La preuve que ça pourrait peut-être marcher, c'est qu'on n'a rien fait en fait.
23:10Depuis le début, on n'a rien fait.
23:12On a parqué des gens qui sont effectivement parqués eux-mêmes dans certains endroits
23:15et puis on a laissé tomber.
23:17Pourquoi on n'essaierait pas un truc?
23:19Pourquoi on n'essaierait pas de faire aimer aux gens ce pays?
23:24On va essayer, Ismaël Saidi, on continue à en parler après une courte pause sur
23:28Sud Radio. A tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité avec Ismaël Saidi.
23:33En toute vérité, onze heures midi sur Sud Radio, Alexandre Devecchio, nous sommes de
23:37retour en toute vérité avec Ismaël Saidi, auteur, comédien, metteur en scène.
23:43Vous faites paraître cette semaine un nouveau livre autobiographique.
23:47Ma lasagne d'identité, c'est aux éditions Lumière.
23:51Vous expliquiez avant la pause que pour essayer de résoudre, même si ça prendra du
23:58temps, ce problème d'intégration que nous avons, il faut d'une part mettre toutes les
24:03questions sur la table, y compris celle de l'immigration.
24:05Il faut mettre en place une politique, on peut l'appeler comme on veut, mais peut-être
24:09d'assimilation, en tout cas d'essayer de faire aimer la France.
24:12Est-ce que vous nous expliquez, Ismaël Saidi, est-ce qu'on ne s'y est pas très, très
24:18mal pris ? Ce que vous nous disiez aussi, on a laissé les gens finalement vivre dans
24:24leur ghetto qui est aussi un ghetto mental.
24:27Il n'y a pas eu de parcage parce que les gens se regroupent, mais il n'y a pas eu de
24:29politique volontariste depuis des années d'assimilation ou d'intégration.
24:34J'ai envie de vous dire, c'est peut-être pire que ça parce qu'il y a une chose que
24:37vous dénoncez finalement dans votre livre, dans vos spectacles, c'est une forme d'antiracisme
24:43qui a été au final délétère.
24:46Vous n'aimez pas beaucoup la victimisation, Ismaël Saidi.
24:49Alors moi je suis entré très jeune chez les flics, j'avais 19 ans, et donc j'ai eu
24:53le temps de bourlinguer.
24:54Et je me rappelle la blague à l'époque, c'était les flics, on disait entre nous
24:58à l'époque, c'était nous, tant qu'il y a des voyous, on existe, donc on a peut-être
25:01besoin qu'il y ait encore des voyous pour qu'on ait du boulot.
25:04C'est le même principe.
25:05L'antiracisme a besoin du racisme pour exister, je suis désolé, je suis pour toutes les
25:13associations qui luttent contre le racisme, je lutte tous les jours contre le racisme
25:16et je pense que sans ces associations-là, on serait morts, donc on a besoin de lutter
25:21contre le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie, c'est mon combat tous les jours.
25:24Mais ça ne doit pas devenir un business, et quand je dis que ça ne doit pas devenir
25:27un business, je ne reproche pas ça aux associations, encore une fois, parce qu'elles font un travail
25:32fantastique que je vois très à la France, je reproche ça à une espèce de bruit d'ambiance,
25:39de musique d'ambiance, où on se dit que c'est ce qu'on va leur dire à ces petits jeunes-là,
25:43déjà pour les calmer, et te dire que si tu ne réussis pas dans la vie, tu ne pourras
25:49pas parce que finalement dans ce pays, c'est un pays de racistes, et déjà pour moi c'est
25:54criminel, c'est criminel à l'égard de mes propres enfants, on empêche des jeunes de
25:59pouvoir évoluer, on vous sort un milliard, moi je me suis fait bouffer après une interview
26:05chez Léa Salamé à France Inter.
26:07Oui, on allait en parler, parce que vous y revenez dans votre livre, donc Léa Salamé
26:12vous explique à vous que quand on s'appelle Mohamed, c'est plus difficile de trouver
26:17du travail, et vous lui répondez en gros qu'est-ce que vous en savez, qu'est-ce qui vous fait
26:22dire cela ?
26:23Ce truc que je regrette c'est de ne pas lui avoir dit à l'époque, on s'appelle Léa
26:27Salamé, ses parents viennent du Liban, et on est dans une des plus grandes radios de
26:31France, et plus tard elle présente des émissions sur le service public, donc en fait, ce que
26:36j'ai essayé de vouloir dire dans cette émission, et qui a très bien été compris par la majorité
26:40des gens, mais j'ai eu droit à mon petit groupe de haters, c'est qu'en fait, bien
26:44sûr que je peux vous citer plein de cas de gens pour qui ça ne marche pas, mais quelle
26:48que soit leur origine, ou même leur orientation sexuelle, mais en fait on est quand même
26:51dans un pays qui est un pays qui a le record de mariage mixte, donc moi je regarde la population,
26:56parce qu'on dit que la France est raciste, c'est le terme, et donc raciste ça veut
27:00dire du racisme systémique, et ça veut dire que la population est raciste, c'est un pays
27:04qui a le record absolu de mariage mixte, c'est un pays où, je le cite, où on a des ministres
27:10qui s'appellent Rachida, Najat, Pape, où Omar Sy est l'une des personnalités préférées
27:17des français, où je regarde moi la télévision, les chaînes d'infos en continu, où on voit
27:21un délégué qui représente la police qui est d'origine étrangère, une autre, enfin
27:25ça n'arrête pas, et à chaque fois que je cite ces exemples-là, on me dit oui mais
27:28vous citez des exemples particuliers, alors moi je fais le tour de France, j'ai rencontré
27:31des préfets aux origines diverses, j'ai rencontré des ministres, enfin partout, et
27:35donc qu'est-ce qu'il faut, il faut absolument dire, c'est ça, c'est une mode, il faut dire
27:39que ce pays est raciste, quel est le but ? Je comprends pas, le but, il n'y a pas de
27:44loi raciste en France, au contraire il n'y a que des lois antiracistes, il n'y a pas
27:48d'institution raciste en France, alors est-ce qu'il y a, et vous êtes bien placé pour
27:53le savoir et moi aussi, est-ce qu'il y a des difficultés par rapport au niveau social
27:57dont on vient, on n'a pas les bons codes, je veux dire je sais pas si on vient de province
28:00et qu'on veut travailler à Paris, dans les médias, mais tout le monde vit ça, tu veux
28:04dire...
28:05Et puis oui, et puis vous êtes gros, vous êtes ceci, vous êtes cela, c'est la vie
28:08à un moment donné.
28:09Exactement, et puis il y a le concept qui est très français aussi de faire partie
28:13d'une certaine famille, par exemple si je fais partie d'une certaine famille, je peux
28:16rentrer dans tel endroit, mais ça n'a rien à voir avec l'origine, c'est du social, c'est
28:20des codes sociaux.
28:21Mais venir dire tout le temps aux gosses, tout le temps, on passe notre journée à
28:23leur dire qu'en fait il y a du racisme systémique dans ce pays, mais je veux juste savoir c'est
28:29quoi le but.
28:30Parce que si on dit ça, si c'était un pays où il y avait de la ségrégation raciale,
28:33on pourrait dire on se bat pour que ça s'arrête et pour mettre en place des lois contre ça.
28:38Mais on les a déjà.
28:39Donc du coup c'est quoi le but de dire ça ? Je veux juste comprendre, c'est quoi le
28:42but de dire ça ? Et j'arrive pas à comprendre.
28:46Et je voudrais juste ouvrir une parenthèse, j'ai fait tout un chapitre là-dessus dans
28:50mon bouquin à la fin, avant de demander la société française, quand je sors du studio
28:54de France Inter et que je vois les résultats sur Twitter au point que moi j'ai bloqué
29:00mon Twitter, c'était trop pour moi, je me dis peut-être qu'ils ont raison.
29:03Je vois des messages qui disent « ouais il connait rien ce Belge, il vient de ces quartiers
29:08huppés de Bruxelles ». Alors déjà, cool, on croit que je viens des quartiers huppés,
29:12donc j'ai réussi ma migration sociale, mais je me dis peut-être qu'ils ont raison.
29:16Donc je vais aller tester la France et je suis allé faire des...
29:20Vous avez demandé la naturalisation ? Avant ça, ça c'est plus facile.
29:24J'ai d'abord demandé la carte de séjour.
29:27Donc je suis allé demander une carte de séjour à la préfecture de police.
29:30Je suis rentré au milieu de tous les étrangers, demander une carte de séjour.
29:34Alors j'ai pas une tête connue, les gens me connaissent pas, donc j'ai fait la queue
29:37avec tous les étrangers.
29:38Pour une raison qui m'échappe, je le dis dans le bouquin, je suis passé dans le service
29:42Asie-Pacifique, je sais pas pourquoi, j'étais avec les Pakistanais etc.
29:46Donc j'ai pu tester, j'ai regardé comment les fonctionnaires traitaient les gens autour
29:50de moi.
29:51J'ai passé 2-3 heures, donc je peux vous garantir que j'ai eu le temps.
29:53Pas de racisme systémique, de la gentillesse, les gens avaient le droit de venir avec un
29:56interprète etc.
29:57De nouveau, je me fais rabrouer parce que la dame me dit « mais pourquoi un Belge demande
30:01une carte de séjour ? ». J'ai tellement insisté que je l'ai eue.
30:04Parce que la loi européenne permet à un Européen de vivre en France sans carte de
30:08séjour.
30:09Je l'ai eue.
30:10Oui, vous avez pas besoin en plus de carte de séjour.
30:11Non, vous avez pas besoin, c'était vraiment un texte de la part.
30:13Une expérience sociologique.
30:14Après ça, je me dis « je vais faire pire, je vais aller demander la carte vitale ».
30:19Et j'habite Porte de la Chapelle, donc Porte de Quignancourt, au milieu des réfugiés.
30:24C'était le Covid, j'avais un masque, un bonnet, il pleuvait, on aurait dit un réfugié
30:29syrien.
30:30Et bien j'ai fait la queue pendant 3 heures, pas de racisme systémique, pas de rejet,
30:33de la gentillesse, des interprètes, j'ai eu ma carte vitale.
30:36J'ai été aux impôts, j'ai fait tous les services pour être sûr que je ne me trompais
30:40pas, que peut-être qu'il y avait du racisme systémique dans l'administration que je
30:44n'avais pas vu.
30:45J'ai fait tous ces services en tant qu'étranger, et avec la tête que j'ai, avant de rentrer
30:49dans ces services, ils ne pouvaient pas savoir que j'étais belge, je ne pense pas avoir
30:52une tête de belge.
30:53Je ne l'ai jamais vécu.
30:55Alors vous allez me dire « c'est un cas personnel », mais c'est mon cas.
30:57J'ai fait les tests, je peux répondre, si demain les SNA m'invitent, je pourrais dire
31:01« moi j'ai fait tous vos services et en fait il n'y a personne qui m'a rejeté ».
31:04Et même la naturalisation, ça c'est…
31:06J'ai fait le même dossier que tout le monde, je suis rentré dans un service où plein de
31:10gens demandaient la société française, et où les gens étaient hyper sympas, hyper
31:14gentils.
31:15Et encore une fois, masque, c'est pas dans le Covid, donc ils ne voyaient pas ma tête.
31:17On vous pose des questions, on vous traite gentiment, on vous traite avec respect.
31:20Je ne sais pas, alors dites-moi, où est-ce qu'on peut le voir ? Je me suis fait contrôler
31:24plein de fois par la police en prenant le train, etc., il n'y a jamais un flic qui
31:29m'a engueulé, qui m'a insulté.
31:30Alors je ne dis pas que ça n'existe pas.
31:32Ça existe.
31:33Ça existe, je passe ma vie…
31:35Effectivement, c'est peut-être pas systémique, mais ça fait du bien de le rappeler de temps
31:40en temps.
31:41Votre livre et votre discours sont souvent intéressants parce que vous dites effectivement
31:45« arrêtons d'essentialiser le racisme, de jeter l'opprobre sur tout un peuple,
31:51le peuple français ».
31:52Et vous dites aussi que le racisme existe partout, dans toutes les communautés, que
31:56vous-même, vous le reconnaissez, quand vous étiez jeune, le blanc, vous le perceviez
32:02comme un ennemi ?
32:03Oui, c'était l'autre, bien sûr.
32:04Le blanc, le mécréant, appelez-le comme vous voulez, et ça existe encore aujourd'hui,
32:08bien sûr.
32:09On parle beaucoup de racisme anti-blanc, ça existe, ça n'existe pas, parce qu'apparemment,
32:13il n'y a que le blanc qui est raciste, donc du coup, ça ne peut pas exister.
32:15Mais pour moi, le racisme, c'est dès que vous considérez que quelqu'un est inférieur
32:17à vous, ou qu'il n'est pas assez bien pour vous.
32:19Le racisme existe partout, le racisme existe entre les Maghrébins et le Noir.
32:25On en parle ou pas ? Ça n'existe pas, ce truc.
32:27On regarde ce qu'il se passe en Tunisie, là, ou au Maroc, ou en Algérie, le racisme,
32:30c'est une saloperie, excusez la vulgarité, de l'être humain, qui existe partout.
32:35Donc, à un moment donné, c'est un peu trop facile.
32:38Moi, je regarde parfois les débats à la télé, et je suis fasciné quand on parle,
32:41par exemple, de l'esclavage, et qu'on parle de l'Europe, bien sûr, et la France, etc.
32:46Alors moi, en plus, j'ai découvert récemment que j'étais arrière petit-fils d'esclave,
32:50mais de l'esclavage, arabo-musulmans, on les oublie ceux-là, en fait, eux, ils n'ont
32:54jamais géré ce truc-là.
32:56Donc, le but, c'est de ne pas dire que ça n'a pas existé.
32:59Le but, c'est de dire que c'est l'humain.
33:01L'humain a fait ça partout, l'humain a un problème avec ça, l'humain a un problème
33:05avec l'altérité, l'humain a un problème avec la différence.
33:07Mais quand on analyse les textes de loi en France, la constitution française, quand
33:11on regarde ce qu'il se passe, on est quand même bien lotis.
33:14Il y a quand même des choses qui sont mises en place pour qu'on y arrive.
33:17Donc, allons-y, en fait, creusons pour y arriver, mais arrêtons avec ce débat qui ne sert strictement
33:23à rien.
33:24Maintenant, ce qui est assez fascinant, c'est que la plupart des gens sur les réseaux sociaux
33:27qui parlent de racisme systémique, c'est souvent des gens qui ont des super belles
33:30places, en fait.
33:31Si vous analysez un peu, ce sont des gens qui sont journalistes, c'est-à-dire professionnels
33:36de l'anti-racisme.
33:37Vous dites, moi, j'aimerais bien que quelqu'un qui l'a vraiment vécu toute la journée,
33:40qui n'a pas un poste important puisse me dire, mais moi, je l'ai vécu, c'est compliqué
33:44pour moi.
33:45Et encore une fois, je le répète parce que je sais ce qui va arriver après cette émission,
33:49je le répète, je ne dis pas que ça n'existe pas, je dis que ça existe, mais je ne crois
33:53pas à l'opprobre qu'on jette sur tout le monde.
33:56Il n'y a pas de racisme systémique, il y a du racisme qu'on peut appeler parfois structurel,
34:01parce que dans une société, on s'est habitué, et ça, ça peut être de l'homophobie aussi,
34:05ça peut être de la misogynie.
34:06Ça peut être de l'antisémitisme aussi, vous avez eu le courage de le dénoncer, pour
34:11le coup, au moment du 7 octobre, vous avez dénoncé une forme d'antisémitisme structural
34:20dans l'islam, disons les choses clairement, encore une fois, ça ne veut pas dire que
34:24tous les musulmans, évidemment, sont antisémites, mais pour le coup, il y a un problème important
34:32dans la communauté musulmane, pourquoi avoir ressenti le besoin de faire ce texte et de
34:37dire les choses ?
34:38Déjà parce que l'antisémitisme, c'est un strike, tout le monde est d'accord pour être
34:41antisémite, c'est le strike absolu, et je n'ai pas parlé d'antisémitisme dans l'islam
34:47parce que les mots ont leur importance, je n'ai pas parlé d'antisémitisme au sein
34:50des communautés musulmanes, parce que n'importe quel historien qui analyse le Coran pourra
34:55vous dire, vous expliquer pourquoi on retrouve tous ces éléments-là, on ne va pas refaire
34:58le tout.
34:59Oui, comme on peut le retrouver dans d'autres textes sacrés, des éléments de...
35:02Par contre, certaines communautés musulmanes ou certaines personnes au sein des communautés
35:06musulmanes vont utiliser ces textes-là pour justifier un antisémitisme, en fait, qui
35:11est là, qui est latent.
35:12Et ce qui est fascinant, c'est que du coup, il s'est additionné à un antisémitisme
35:16européen qui existait déjà, il s'est imbriqué en son sein, et on a créé un nouvel antisémitisme.
35:20On a rajouté à ça la problématique Israël-Palestine, et en fait, aujourd'hui, taper sur les juifs,
35:26c'est cool.
35:27Alors, on a trouvé un nouveau terme pour ça, parce que ce n'est pas très très cool,
35:31il y a eu plein de films qui nous ont montré...
35:32L'antisionisme.
35:33Voilà.
35:34On en parle après une courte pause, Ismaël Zahedi.
35:37Je suis désolé de vous couper dans votre...
35:39Il n'y a pas de soucis.
35:40Ça fait un peu de teasing, malheureusement, sur un sujet sérieux.
35:46On se retrouve pour terminer cette conversation, c'est la dernière partie d'En Toute Vérité.
35:50A tout de suite avec Ismaël Zahedi.
35:52En Toute Vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Desvecquiaux.
35:56Nous sommes de retour sur Sud Radio avec Ismaël Zahedi qui nous parle de son nouveau livre,
36:03Malazane d'identité, c'est aux éditions Lumière.
36:06On va parler également de son spectacle Jérusalem qui va être joué fin juin et tout le mois
36:12de juillet, je crois, à Avignon.
36:15On parlait avant la pause, avant de parler de Jérusalem, de la question de l'antisémitisme
36:23des banlieues, de l'antisémitisme des communautés musulmanes.
36:28Je vous ai interrompu, vous nous expliquez un peu d'où il venait et comment il prenait
36:33le fauné de l'antisionisme.
36:35Moi, je passe mon temps à demander à des ados ce que ça veut dire, antisionisme, déjà.
36:41Je leur demande de me situer Israël sur la carte et là, on l'a déjà foutu.
36:44Mais en fait, c'est quoi l'antisionisme ? C'est assez fascinant quand même.
36:48C'est quoi ? Parce qu'alors, on vous sort tout, oui, je suis contre la poétique, mais
36:52en fait, au départ, le sionisme, c'est quoi ? C'est cette idée, idoligie, appelez-ça
36:55comme vous voulez, que le peuple juif peut avoir une terre quelque part et de préférence
36:59dans cet endroit-là du monde, à savoir la région qu'on va appeler Israël aujourd'hui.
37:04Du coup, tous les juifs sont sionistes, quasi.
37:06On va être honnête, moi, tous les juifs que je connais sont sionistes.
37:09Donc finalement, venir me dire je suis antisioniste, il n'y a rien à faire, il y a un petit glissement
37:13qui te pousse tout doucement vers l'antisémitisme.
37:15On le sait.
37:16On va arrêter avec ces discours de faux intellectuels, on sait que c'est une manière détournée
37:20de dire antisémitisme.
37:21C'est une manière détournée de le faire, en fait.
37:23De dire qu'on ne veut pas d'État juif, tout simplement.
37:26Oui, voilà, voilà, exactement, en fait.
37:27Et d'oublier l'histoire et d'effacer l'histoire.
37:30Bien sûr qu'aujourd'hui, ce qui se passe à Gaza est une horreur absolue et je le dis
37:34et je le répète, je pense que le gouvernement israélien aura des comptes à rendre à un
37:38moment donné.
37:39Et encore une fois, le peuple israélien a déjà prouvé par le passé qu'ils sont
37:42capables d'envoyer leur propre président en prison, ils l'ont déjà fait.
37:44Donc un jour ou l'autre, ce gouvernement qui commet des crimes là à Gaza devra rendre
37:49des comptes.
37:50Mais cette séquence de tous ces crimes commis à Gaza, même s'ils sont injustifiables,
37:56a commencé avec cet octobre où une bande de sauvages, de terroristes a kidnappé, tué
38:02et violé des gens.
38:03Et donc venir me dire aujourd'hui, moi je ne suis pas antisémite, je suis antisioniste,
38:07qu'est-ce que ça veut dire ? Allons jusqu'au bout.
38:09Je suis très naïf, allons au bout du raisonnement, ça veut dire quoi ? Si moi demain je vous
38:13dis que je suis antisioniste, je veux quoi ? Qu'est-ce que je veux en fait ?
38:16C'est de l'antisionisme que les juifs doivent se cacher à Paris, c'est de l'antisionisme
38:20que les juifs n'osent plus mettre leur prénom ou leur nom sur Uber, c'est de l'antisionisme
38:24que les juifs cachent leur Mézouza, on a un réel problème.
38:28Et en fait, l'antisémitisme, c'est pour ça que c'est un sujet sur lequel je travaille
38:33depuis très longtemps, se cache, revient, se cache, revient, c'est comme ça en fait.
38:38Tant qu'on ne travaille pas sur la racine et sur la problématique.
38:41Donc pour moi aujourd'hui dire je suis antisioniste, comme dirait les Belges, c'est une vaste blague en fait.
38:46Et la racine de tout ça, qu'est-ce que c'est justement ? Est-ce que vous l'avez vu monter
38:50quand vous avez grandi en banlieue ? Vous avez parlé tout à l'heure du racisme anti-biondaire.
38:55L'antisémitisme a toujours été là, moi je ne l'ai jamais vu disparaître.
38:58Rien à voir avec le 7 octobre ? Non, non, il était là avant, je vais déjà
39:01avoir envie de vous dire qu'Israël était là avant, Israël a juste rajouté une petite
39:05couche pour donner un côté géopolitique aux problèmes, etc.
39:09Mais il a toujours été là, et c'est d'ailleurs parce que je travaille sur ce sujet-là que
39:13j'ai eu envie d'écrire Jérusalem il y a deux ans.
39:16Parlons-en Jérusalem, votre nouvelle pièce, décidément vous aimez les problèmes, vous.
39:20Djihad la dernière fois, maintenant Jérusalem, et c'était il y a deux ans.
39:25Et vous allez voir à quel point je suis un poisseux moi, parce qu'en fait...
39:28Avant que tout ça...
39:29Enfin, j'allais dire que tout ça commence, mais vous l'avez rappelé, ça fait bien longtemps
39:31que ça a commencé.
39:32Djihad, c'était bien avant les attentats, et donc Djihad a été suivi de Géhenne et
39:35puis d'Éden qui a clôturé le cycle, et je me dis j'ai envie de passer à autre chose,
39:39j'ai envie d'écrire une pièce sur une problématique qui n'est pas dans l'actualité et qui peut
39:44me permettre d'en parler tranquillement.
39:46Et donc je propose ça au théâtre de Liège il y a deux ans, j'écris Jérusalem, qui
39:49raconte l'histoire d'un palestinien qui doit remettre les clés de sa maison à une juive
39:54canadienne, parce qu'elle a prouvé que la maison lui appartenait avant 48, et il se
39:58passe un truc bizarre, c'est qu'ils sont tous les deux possédés, lui par l'âme de son
40:01grand-père, elle par l'âme de sa grand-mère, et grâce à ça on va traverser toute l'histoire
40:06de la Shoah, tout ce qui s'est passé avant, de 39 jusqu'à l'arrivée de la grand-mère
40:11en Palestine, et son départ après au Canada, et on va vivre la Nakba aussi.
40:16Et donc l'idée de la pièce c'est de parler des douleurs, parce que je pense qu'il faut
40:19écouter la douleur de l'autre, sans la juger.
40:20Des deux côtés ?
40:21Des deux côtés, c'est deux douleurs qu'on écoute, on ne juge pas.
40:25Je propose ça au théâtre de Liège qui me dit génial, bingo, effectivement on ne parle
40:29plus beaucoup trop d'Israël, Palestine, donc on le fait, et puis il y a le 7 octobre,
40:32et moi j'appelle le théâtre pour dire qu'on annule parce que je ne sais pas ce qui va
40:35se passer, on garde quand même le spectacle, on le crée début avril, et on est soldo
40:40deux fois par jour.
40:41Et je me rends compte avec les scolaires qu'on a faits et les tout-publics, comme il y avait
40:44un débat après, qu'on n'a plus parlé de ça, que la méconnaissance elle est totale
40:49sur cette région du monde, que quand vous parlez à des jeunes ou même des adultes
40:52de l'Empire Ottoman, du mandat britannique, du fait qu'il y avait quand même déjà des
40:57juifs avant, de tout ça, ils ne savent pas ce que vous parlez.
40:59Beaucoup de gens ont l'impression qu'il y avait un pays qui s'appelait Palestine, avec
41:02les mêmes frontières qu'aujourd'hui, avec que des arabes, et que des juifs de Pologne
41:07sont arrivés, leur ont botté les fesses et ont pris le pays.
41:10Et bien, ce n'est pas ça qui s'est passé.
41:11C'est un peu plus compliqué que ça.
41:12Exactement, et remettre de l'histoire dans une pièce qui est drôle et qui en même
41:16temps est triste, ça me permet de parler de la Shoah, parce que c'est très compliqué
41:18d'en parler avec des jeunes, et grâce à cette pièce j'arrive à le faire, ça me
41:21permet de parler de la Nakba aussi, et de reconnaître une autre douleur.
41:24Du coup, ça m'a permis vraiment de parler de ces sujets-là, au théâtre et quand même
41:30à un espace où les gens sont obligés d'attendre pendant une heure et quart ou une heure vingt,
41:33et de souligner le fait qu'encore une fois, toute forme de racisme est une honte, est
41:38une opprobre, et il faut lutter contre ça.
41:40L'antisémitisme a ceci de particulier, qu'en fait ça n'arrête jamais, en fait ça revient
41:45tout le temps, ça revient tout le temps, pour différentes raisons, et c'est Delphine
41:48Orvilleur qui disait que le racisme c'est reprocher à quelqu'un de ne pas avoir ce
41:54que vous avez, d'être inférieur, alors que l'antisémitisme c'est reprocher à quelqu'un
41:57d'avoir plus que vous en fait finalement.
41:59Et je pense qu'il y a ça, je pense vraiment qu'il y a ça, et je pense que c'est important
42:02aujourd'hui, dans un pays comme la France qui a une énorme communauté musulmane et
42:06qui a une énorme communauté juive, et qui de part sa laïcité permet à tout le monde
42:09de vivre ensemble, de trouver des outils, dans mon cas à moi, artistiques, pour essayer
42:13de recoudre le tissu social.
42:16C'est tout ce que je sais faire moi, c'est de l'art, donc j'essaye de le faire avec ça.
42:19Vous avez évoqué la laïcité dans votre livre, vous expliquez que vous arrivez à
42:25jongler avec votre identité musulmane, même votre identité chrétienne, judéo-chrétienne,
42:31vous vous sentez en partie, ou même complètement d'ailleurs, de culture chrétienne en même
42:37temps que de culture...
42:38Ah oui, vous avez vu, j'ai répondu avant même que vous finissiez la phrase tellement
42:41c'est... 8 ans de catéchisme, j'ai fait les églises tous les mercredis moi, j'avais
42:47une bible à la maison, c'est ma vie en fait, donc à un moment donné, qu'est-ce que vous
42:51voulez que je fasse ? Que je fasse semblant ? Je passe devant une église, je vibre, j'ai
42:55envie de rentrer.
42:56Je rentre, je m'assois, je me revois en fond de cœur là devant, ça fait partie de ma
43:00vie.
43:01On fait quoi ? On efface ? On fait semblant ? Ben non.
43:02Ça fait partie de ma vie.
43:03Et c'est parce que, même si la Belgique n'est pas laïque, c'est un pays neutre...
43:06C'est ce que je voulais vous dire, c'est la laïcité qui vous permet de conjuguer tout ça ?
43:09Bien sûr, dans un pays qui n'aurait qu'une seule religion, prenons l'islam, ben je pourrais
43:14pas dire ça, je pourrais pas faire ça, j'aurais peut-être pas connu ça en fait.
43:17Finalement, Gad Elmaleh d'ailleurs, dans son dernier film, le disait très bien, en tant
43:21que marocain juif, lui qui a grandi au Maroc, il disait que lui il avait pas le droit de
43:25rentrer dans une église, et qu'il a vu la Vierge Marie en l'entrouvant la porte et qu'il
43:29a vécu cette espèce d'amour charnel qu'il a avec l'église catholique, qu'il assume
43:33maintenant et que je trouve super beau, mais il pouvait pas le faire, alors que moi j'ai
43:38eu la chance, en grandissant dans un pays, même s'il n'est pas laïc et il est neutre
43:41la Belgique, mais on peut dire que ça ressemble à la laïcité à la française, c'est parce
43:45que j'ai grandi dans un pays où je pouvais être les deux que j'ai pu découvrir ça.
43:48Vous avez dit que ça ressemblait à la laïcité à la française, mais je me demandais, j'allais
43:52vous poser la question, est-ce que c'est aussi la laïcité à la française qui vous
43:55a attiré chez nous ? Et est-ce que la Belgique justement est en panne de modèle là-dessus,
44:03de façon que c'est encore plus compliqué que chez nous ? Je pense au film qui est sorti
44:09récemment dont le titre m'échappe, ça s'appelait Un Esprit Libre, notamment sur cette professeure
44:16qui est confrontée à la bonté de l'intégrisme dans sa classe, si vous aviez à comparer
44:23les deux modèles, qu'est-ce que l'un et l'autre vous a appris ?
44:26Alors oui, c'est Loublin Azabal je crois qu'il joue dans le film.
44:29C'est un très beau rôle, je n'avais pas de notes là, mais j'ai beaucoup aimé le film.
44:34Je crois qu'il s'appelle Amal.
44:35Amal, Amal, Amal Un Esprit Libre, tout à fait.
44:38Moi je pense, et là c'est un nouveau français qui le dit, mais je pense qu'on a toujours
44:45l'impression que l'herbe est plus verte ailleurs, mais je pense que le système français fonctionne.
44:48Alors bien sûr, il n'y a qu'à bosser et bien sûr qu'il y a des choses à revoir,
44:51mais le problème qu'on a eu en Belgique, et c'est pour ça qu'on a eu ces problématiques
44:54de Molenbeek etc, c'est que c'est un pays qui a le communautarisme chevillé au corps.
44:58Il y a déjà deux communautés à la base, il y a les flamands et les francophones,
45:01donc c'est chevillé au corps.
45:02Ça veut dire qu'il y a un petit côté à l'anglo-saxonne, et d'ailleurs quand on était
45:06petit et même ado, on nous vantait les mérites du système anglo-saxon où les communautés
45:12peuvent faire ce qu'elles veulent.
45:13Moi les rares fois où je suis allé, enfin les rares fois, je suis allé très souvent
45:15aux Etats-Unis, mais plus rarement en Grande-Bretagne, à chaque fois j'ai été choqué par ce communautarisme-là.
45:20Parce qu'au final on vous dit vous avez le droit d'être ce que vous voulez, mais sortez
45:22pas de là.
45:23Le système français est quand même un système qui tend vers l'universalisme, qui tend vers
45:27le fait de dire qu'à partir du moment où la seule chose qui importe c'est que vous
45:32et moi on a en commun notre citoyenneté, nous sommes citoyens français.
45:35Le reste, on s'en fout, dans l'absolu.
45:38Ça, ça marche.
45:39C'est une grande liberté en fait.
45:40C'est une liberté absolue, on ne s'en rend pas compte en fait.
45:43Et je vous dis, les ados, même les plus vieux, c'est quand ils voyagent que la France leur
45:48manque.
45:49Très souvent c'est le cas.
45:50C'est vraiment quand ils me le disent.
45:51C'est quand ils voyagent que la France leur manque.
45:53Parce qu'il y a ça.
45:54Alors oui, c'est parfois un peu détruit, c'est parfois un peu brisé, oui on a encore
45:59du boulot devant nous.
46:00Mais ça marche.
46:01Je vous le garantis, ça marche.
46:02Avec Djihad, j'ai rencontré 2 200 000 personnes maintenant, dont 1 200 000 ados.
46:08On peut dire que c'est quand même pas mal, franchement.
46:10Ouais, ça marche.
46:11Ça marche en fait.
46:12Même au fin fond des prisons, ça marche.
46:13Même au fin fond des prisons, vous avez des détenus qui vous disent « Non, non, en fait
46:16c'est bien que ce pays soit laïque ». Donc ça marche en fait.
46:19Merci Ismaël Saïdi, c'était passionnant.
46:23On rappelle aussi que vous avez du talent pour faire rire de sujets sérieux.
46:28Donc il faut aller voir les pièces d'Ismaël Saïdi.
46:31Lire ses livres, on était ravis de vous recevoir sur ce plateau.
46:34Je vous laisse avec les informations et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau
46:38numéro dans Toute Vérité.