Avec Jean-Marie Rouart, académicien, signataire de la tribune du Figaro en soutien à Gérard Depardieu
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00:00 En toute vérité, chaque dimanche entre 11h et midi sur Sud Radio, sécurité, économie,
00:09 numérique, immigration, écologie, pendant une heure chaque semaine, nous débattons
00:12 sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:15 Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir l'académicien Jean-Marie Rouart.
00:19 Il nous parlera de son nouveau roman, La maîtresse italienne, qui paraît en tout début d'année
00:24 chez Gallimard.
00:25 La maîtresse italienne, c'est la comtesse Mignacci qui a joué un rôle dans l'évasion
00:30 épique de Napoléon.
00:31 Nous évoquerons justement avec Jean-Marie Rouart le mythe Napoléon.
00:34 Pourquoi continue-t-il de fasciner ? Pourquoi est-il également décrié ? Jean-Marie Rouart
00:38 est également signataire d'une tribune dans le Figaro qui est parue cette semaine
00:42 en défense de Gérard Depardieu alors que l'acteur est au cœur de la tourmente à
00:46 la suite d'accusations de viol mais aussi de propos graveleux jugés inacceptables,
00:51 notamment par la ministre de la Culture.
00:52 Sous couvert de féminisme, assiste-t-on au retour de la censure ? Quelle place pour
00:57 la littérature dans notre époque de politiquement correct ? La langue française elle-même
01:02 est-elle menacée ? Tout de suite les réponses de Jean-Marie Rouart en toute vérité.
01:05 En toute vérité sur Sud Radio, Alexandre de Vécu.
01:10 Jean-Marie Rouart, bonjour.
01:12 - Bonjour.
01:13 - Ravie de vous recevoir pour clôturer l'année.
01:16 C'est une belle dernière émission de l'année.
01:21 Vous sortez le 3 janvier un nouveau roman, La maîtresse italienne.
01:27 Il est question notamment de Napoléon.
01:29 Vous avez une théorie sur son évasion de l'île d'Elpe.
01:34 C'est vraiment un roman passionnant et rocambolace et qui fascinera je pense tous ceux qui apprécient
01:40 Napoléon.
01:41 Mais tout d'abord je voulais vous interroger sur l'actualité.
01:45 Vous avez signé cette semaine dans le Figaro une tribune qui a fait beaucoup de bruit en
01:52 défense de Gérard Depardieu, notamment après que la ministre de la Culture ait voulu lui
01:58 retirer sa légion d'honneur.
02:01 Pourquoi avez-vous signé cette tribune ?
02:04 - Ecoutez, c'est vraiment du bon sens.
02:07 Et d'ailleurs je suis très content de m'aligner sur la position du président de la République
02:14 qui je trouve a eu des paroles très sages.
02:17 Si on commence à mêler le comportement personnel des artistes et si on commence à le mêler
02:28 au jugement qu'on peut avoir sur eux, on rentre si vous voulez dans des malentendus.
02:34 Regardez dans notre histoire quelqu'un comme Verlaine.
02:37 Verlaine était un immense poète mais un homme épouvantable.
02:41 Il avait jeté son enfant contre un mur.
02:44 - Il s'agissait de la légion d'honneur.
02:48 On n'est peut-être pas obligé de lui donner la légion d'honneur à ce moment-là.
02:51 - Non, mais vous savez, la légion d'honneur a été faite par Napoléon, pas seulement
02:57 pour le récompenser et le mérite militaire, mais par des gens qui honoraient la France.
03:02 On peut dire que, je suis d'accord avec le président Macron, son talent honore la France.
03:11 Que l'homme ait des défauts, qu'il ait des faiblesses, vous savez, il faudrait arrêter
03:16 de juger les autres.
03:18 Il faudrait plutôt essayer de les comprendre.
03:20 Moi je trouve que c'est un grand artiste et je le défends comme grand artiste.
03:24 Ensuite, à la justice, faire son travail.
03:27 Voilà, et puis peut-être qu'on découvrira que finalement, il était beaucoup moins coupable
03:32 qu'on le pensait.
03:33 Mais la chasse à l'homme, pour reprendre l'expression du président de la République,
03:39 moi c'est quelque chose qui me dégoûte et je trouve qu'un écrivain est fait pour comprendre.
03:45 Il n'est pas fait forcément pour excuser, mais en tout cas pour comprendre, contextualiser
03:51 et être du côté de ceux qui créent.
03:54 Parce que les gens qui créent, ils embellissent la vie.
03:56 - Et justement, effectivement, il faudra laisser faire la justice pour s'il y a viol ou pas,
04:04 ça change la nature de l'affaire.
04:05 Et là, effectivement, on s'emporte pour des propos graveleux qu'on peut trouver extrêmement
04:11 vulgaires, mais est-ce que ça ne révèle pas qu'on est dans une période de politiquement
04:16 correct et de censure incroyable ?
04:19 - Toutes les époques ont eu leur défaut.
04:22 Croyez-vous que le procureur Pinar, qui voulait faire interdire Mme Bovary, que le même
04:29 procureur Pinar, qui a également attaqué les fleurs du mâle, qui aujourd'hui ont les
04:38 étudiants en classe.
04:39 Donc vous savez, il faut se méfier.
04:42 La pudibonderie a toujours existé et elle a existé dans la République, parce qu'on
04:47 croit que c'est fait dans l'ancien régime.
04:49 Et l'ancien régime était beaucoup plus ouvert.
04:51 Étrangement, regardez le 18ème, vous avez très peu de procès en pudibonderie.
04:57 - Oui, c'est-à-dire que Libertin notamment...
05:00 - Donc il y avait une acceptation des femmes nues que vous n'aurez plus, regardez, avec
05:06 l'impressionnisme, avec le déjeuner sur l'herbe de Manet.
05:09 Donc il faut se méfier.
05:11 Vous savez, la moralisation, ça appartient à tous les pays, regardez aux Etats-Unis.
05:16 - Oui justement, mais ce qui est paradoxal, c'est qu'on pensait qu'on était dans une
05:19 époque de libération et on voit un retour du puritanisme finalement.
05:25 - Mais c'est des deux.
05:26 - Venu du camp qui est censé être le plus libéral de...
05:30 - Vous avez la pornographie partout.
05:32 - Oui c'est ça.
05:33 - Vous êtes envahis.
05:34 - Qui est étonnant, par la pornographie et en même temps, il y a la pudibonderie.
05:38 Mais ça, c'est vraiment une époque qui est cue par-dessus tête, qui est une époque...
05:43 - C'est le cas de le dire.
05:44 - Oui.
05:45 - Je vous laisse finir là, votre phrase.
05:49 - Non, non, non, mais c'est l'incohérence de notre époque.
05:53 Mais toutes les époques ont été un peu incohérentes.
05:55 Il ne faudrait pas aussi se dire que nous sommes dans la pire des époques.
05:59 Je crois qu'il y a eu des époques en effet de...
06:02 Mais tout ce qui va dans le sens de mêler le comportement des artistes ou leurs opinions
06:10 et leurs oeuvres, je trouve que c'est lamentable.
06:13 - Justement, en tant que créateur, est-ce que malgré tout vous êtes inquiet pour la
06:20 culture parce qu'il y a le cas de Pardieu, mais au-delà du cas de Pardieu, effectivement,
06:24 certains veulent décrocher les tableaux de Gauguin des musées parce qu'il était avec
06:29 une jeune vainée de 14 ans.
06:32 D'autres veulent réécrire certains livres parce que les propos ne sont pas politiquement
06:38 corrects.
06:39 Bientôt, on s'en prendra à Molière qui avait une femme de 20 ans de moins que lui.
06:43 Donc, est-ce que ça, c'est particulièrement inquiétant malgré tout pour la liberté
06:48 de créer ?
06:49 - Bien sûr.
06:50 C'est surtout ridicule.
06:52 Ça nous vient d'Amérique.
06:54 C'est ce puritanisme qui touche des choses qui touchent l'art.
06:58 Moi, je crois que l'art a apporté à l'humanité une compréhension extraordinaire et un embellissement
07:07 de la vie.
07:08 Voilà, c'est ce qu'il faut voir.
07:09 C'est en cela que nous avons besoin de l'art.
07:11 Et en plus, je dirais que l'art défend la loi naturelle contre la loi sociale.
07:17 Donc, c'est profondément, en plus de la beauté, vraiment, c'est une vérité éternelle.
07:24 Et donc, tout ce qui peut vraiment contraindre l'art, l'empêcher d'être libre, pour moi,
07:31 c'est condamnable et c'est ridicule.
07:32 - C'est intéressant parce qu'on a un académicien qui est incroyablement rock'n'roll.
07:38 On dit parfois que les académiciens sont conformistes, mais en fait, non, pas du tout,
07:43 Jean-Marie Roux.
07:44 Ils ont la liberté, la liberté totale.
07:45 Et j'ai horreur des gens qui jugent facilement, qui jugent moralement.
07:50 - Vous êtes le seul académicien à avoir signé cette tribune, je crois, Jean-Marie
07:54 Roux.
07:55 - Je pense que beaucoup d'autres, si on leur avait présenté, l'auraient signé également.
07:58 Vous savez, je n'ai pas peur du candidatant.
08:04 Je me suis battu pour Omar Haddad.
08:05 J'ai d'ailleurs été condamné.
08:06 Et d'ailleurs, j'ai eu des problèmes avec ma Légion d'honneur parce qu'on voulait me
08:10 la retirer parce que j'avais été condamné à 100 000 euros de dommages à l'intérêt.
08:13 Mais si vous voulez, je crois qu'il faut tenir compte, pas trop tenir compte de la société.
08:19 Les avis de la société changent tout le temps.
08:21 Et c'est ça qui est bien dans l'art.
08:23 C'est que l'art cherche l'homme éternel, l'homme éternel qui veut être libre et qui
08:28 veut justement satisfaire ses aspirations profondes, les aspirations humaines contre
08:34 les dictates de la société.
08:36 - Merci Jean-Marie Roux.
08:38 On va faire une courte pause et on va parler, je vous sens trépigné, de votre livre "La
08:43 maîtresse italienne".
08:44 Un livre qui rend hommage à la beauté des femmes, justement.
08:49 A tout de suite avec Jean-Marie Rouart, en toute vérité sur Sud Radio.
08:53 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
08:57 - Nous sommes de retour sur Sud Radio avec Jean-Marie Rouart, l'écrivain et académicien.
09:03 Nous fait le plaisir de venir pour cette dernière émission de l'année avant une nouvelle saison
09:08 d'En toute vérité.
09:09 Elle vient nous parler de son nouveau livre "La maîtresse italienne" qui paraît le 3
09:14 janvier aux éditions Gallimard.
09:16 Livre autour de la figure de Napoléon.
09:20 On parlait également avant la pause de la culture.
09:26 Jean-Marie Rouart a également signé une tribune pour défendre Gérard Depardieu.
09:31 Et ça fait partie de vos combats.
09:33 Pour une fois, vous étiez en accord avec le président de la République, Jean-Marie
09:36 Rouart, mais ce n'est pas toujours le cas.
09:37 Vous avez également signé d'autres tribunes dans le Figaro pour dire qu'il se moquait
09:42 un peu du monde en matière de défense de la langue française.
09:45 - Oui, j'admire assez le président de la République.
09:49 C'est un homme très intelligent, mais je ne suis pas d'accord avec lui.
09:52 Et d'ailleurs, en effet, j'avais fait une tribune dans laquelle j'attaquais Villercotteret
09:58 parce que je lui reproche d'avoir développé le franglais avec "Choose France", avec "Startup
10:05 Education", de n'avoir rien fait pour sauvegarder ce chef d'œuvre en péril qui est la langue
10:11 française.
10:12 Moi, je me bats pour la langue française.
10:13 - C'était quand même une belle initiative, un musée à Villercotteret.
10:16 - Non, à mon avis, c'est une opération de communication qui ne servira strictement
10:21 à rien et qui plombera les budgets culturels dans le monde entier, les instituts culturels.
10:28 - Oui, parce qu'on met de l'argent sur ce musée-là, mais on en enlève aux instituts
10:33 culturels.
10:34 - On va conserver la langue française.
10:36 Qu'on cesse de parler en franglais.
10:38 On est en train de tuer la langue française.
10:40 Alors, on dit que je suis pessimiste, mais dans 20 ans, la langue française, telle que
10:45 nous l'avons connue et qui ressemblait à celle que parlait Voltaire, enfin pour les
10:49 meilleurs d'entre nous, celle que vernait Châteaubriand, aura disparu.
10:53 Ce sera une langue morte.
10:55 Alors, on l'étudiera comme le grec ancien.
10:57 On dira "quelle belle langue", mais les gens parleront, regardez maintenant, comme c'est
11:01 incompréhensible.
11:02 Les gens en matière économique, et même les journalistes, regardez comme le live.
11:08 Est-ce qu'on a besoin du live ? Est-ce que le direct, c'était pas mieux ? Enfin, c'est
11:12 invraisemblable.
11:13 Et la syntaxe, Sorbonne Université, au lieu d'Université de la Sorbonne.
11:18 Non, c'est un scandale qui choque beaucoup d'écrivains, et je dois dire, dont l'académie,
11:26 l'académie ne se révolte pas assez.
11:28 Moi, je hurle à la mort, mais je dois dire, je suis dans une grande solitude.
11:31 Vous êtes un peu seul.
11:32 Je crois que pour en revenir à Villers-Cottrell, vous expliquiez dans cette tribune que la
11:38 lettre de mission était justement le plurilinguiste, que le fondement de la langue française était
11:42 le plurilinguiste.
11:43 Vous pouvez nous expliquer ça ?
11:45 Oui, c'est-à-dire que je crois que ça tient à une conception, si vous voulez, on dit
11:55 que la langue française est une langue parmi d'autres.
11:57 Mais ce qui est intéressant, ce sont les langues en général.
12:00 Et bien, moi, je suis pas d'accord.
12:01 Je trouve que la langue française, alors on va dire, c'est pas parce que je suis Franck
12:05 Julliard, c'est parce que je suis pour l'universalisme de la langue française, et que la langue
12:10 française à laquelle je suis attaché, c'est ce que disait De Gaulle, c'est l'idée
12:15 de la France.
12:16 Cette langue française véhicule toute une tradition extraordinaire de grandes œuvres,
12:22 des œuvres magnifiques, mais aussi la vérité par la beauté et un contenu moral dans la
12:28 langue française.
12:29 C'est-à-dire, pourquoi est-ce que la France a occupé une telle place dans le monde ? Parce
12:35 que justement, il y a une civilisation française, et cette civilisation qui est une civilisation
12:42 de tolérance, alors bien sûr, elle n'a pas toujours été tolérante, la France, mais
12:47 c'est extraordinaire de se dire que depuis toujours, la France est apparue comme le pays
12:52 de la liberté.
12:53 Et cette liberté, contrairement à ce qu'on pense, contrairement à ce qu'en pense M.
12:57 Manin, elle ne remonte pas à 1789, elle est de 1315, par un édit du roi de l'époque,
13:05 qui était Louis le Pieux, je crois, qui est "Le sol de France affranchit l'esclave
13:13 qui le touche", 1315.
13:15 Donc ces idées de liberté, ils font partie, ils ont été véhiculées par la langue française,
13:21 et c'est en cela que je suis attaché à cette langue, pour les valeurs qu'elle transporte.
13:26 Vous vous attaquez au franglais, on ne peut qu'être d'accord avec vous, mais j'ai
13:32 presque l'impression qu'on a d'autres menaces peut-être encore plus inquiétantes
13:37 pour la langue française, je dirais, le sabir technocratique, dont le président de la République
13:41 d'ailleurs est un fervent adepte, si je puis me permettre, mais la classe politique
13:47 en général, et puis la volonté de féminiser la langue, mais en allant jusqu'à l'écriture
13:53 inclusive, on a l'impression, vous parliez d'une langue de liberté, on a l'impression
13:56 que certains veulent faire rentrer le politiquement correct jusque dans la langue.
14:00 Oui, mais l'écriture inclusive, il y a eu des réactions, le président de la République
14:05 s'est exprimé justement à Villers-Cotterêts, donc là-dessus on va dans le bon sens.
14:09 Mais en ce qui concerne le franglais, vous n'avez aucune réaction, au contraire, il
14:14 y a une forme d'abaissement, on rentre dans une civilisation, pour reprendre l'expression
14:19 de Régis Debray, nous devenons des galorricains.
14:22 Et le président de la République, certes, s'est exprimé sur l'écriture inclusive,
14:27 mais c'est quand même un grand adepte du "celles et ceux", vous trouvez ça joli ?
14:31 Je sais pas, on va pas faire l'émission là-dessus, mais ça m'amuse de vous poser
14:34 la question.
14:35 "Celles et ceux", pour tout le monde, c'est...
14:38 Enfin, beaucoup de gens en savent, quelques personnes en savent, qu'il suffirait de dire
14:44 "français", "français", ça comprend.
14:46 Le général Léonard disait "française", "français", c'était joli.
14:49 Et le général de Gaulle le disait aussi déjà, voyez, alors qu'il aurait pu dire
14:52 "français", "français", "français".
14:53 Oui, il disait "français", "français", "français".
14:54 C'était quand même plus joli que "celles et ceux", quoi.
14:57 Oui, mais enfin, disons, ça c'est les politiques, ils ont besoin de mettre les points sur les
15:02 lits, voilà.
15:03 Mais disons, c'est vrai que, d'ailleurs vous dites, le musée de l'homme, il a pas encore
15:10 été débaptisé musée de l'homme et de la femme.
15:12 Non, pas encore.
15:13 Ne leur donnez pas des idées, s'il vous plaît, Jean-Marie, on va parler de votre livre.
15:19 Du coup, sans transition, "La maîtresse italienne", sans transition, oui et non, puisque vous
15:26 rendez honneur à la langue française, Jean-Marie Roy.
15:31 "La maîtresse italienne", histoire de cette comtesse miniaturiste qui est au cœur de
15:37 l'évasion de Napoléon de l'île d'Elbe.
15:40 Voilà, vous nous faites des révélations historiques ce matin, Jean-Marie Roy.
15:44 Je dois dire, là, c'est pour la première fois, j'ai écrit pas mal de romans et des
15:49 livres d'histoire, mais pour la première fois, je crois que j'apporte quelque chose
15:52 qui n'avait pas été vu par les historiens, ou plutôt, je ne suis pas un concurrent des
15:57 historiens, je suis un complément des historiens, puisque ça n'avait pas intéressé les historiens
16:05 qu'une femme ait servi à ce point l'évasion de Napoléon de l'île d'Elbe.
16:09 Parce que, disons, ils s'intéressent plus aux grandes batailles, et voilà.
16:13 Et moi, j'avais vu ce personnage qui a réellement existé, et cette femme a été la maîtresse
16:21 du colonel Campbell.
16:22 Le colonel Campbell, c'était un peu le jolier que les Anglais avaient adressé à Napoléon
16:28 de l'île d'Elbe, qui était chargé de le surveiller.
16:30 Et puis, il a commencé par faire son travail, très admiratif de Napoléon, et puis, il
16:38 a eu, pour son malheur, il est allé à Florence, qui était juste à côté, pas très loin
16:42 de l'île d'Elbe, et là, il est tombé sur cette femme dont on ne sait pas grand-chose.
16:48 Et c'est là la partie romanesque de mon livre, puisque, je dois dire, j'ai inventé, c'est
16:53 parce qu'il n'y avait rien.
16:55 Mais tout le reste, tout le contexte, c'est-à-dire le Congrès de Vienne que j'étudie, parce
17:01 que Napoléon était au centre de tout.
17:04 Il était au centre du Congrès de Vienne, où on était en train de réformer l'Europe,
17:11 de la transformer, de vouloir la remettre sur les rails de la légitimité et d'éviter
17:16 tous les poisons de la Révolution.
17:18 Et ce Congrès de Vienne, en lui-même, il est très amusant, parce que vous avez le
17:22 ministre de la Police, qui s'appelait M.
17:24 Ager, et qui notait toutes les frasques, parce que les gens du Congrès de Vienne, tous ces
17:30 ministres et tous ces chefs d'État, eh bien, ils passaient des journées très studieuses,
17:35 mais le soir, ils s'envoyaient en l'air absolument, c'est-à-dire vraisemblable,
17:38 le nombre de partisans de Jean-Claude...
17:40 L'esprit de la Révolution avait pénétré le Congrès de Vienne.
17:43 Non, c'est l'esprit du 18e.
17:45 Oui, remarquez, c'est vrai, puisque Robespierre était moins libertin, oui, effectivement.
17:51 Et Talleyrand, qui était à l'hôtel Konitz, magnifique hôtel, toujours avec énormément
17:57 de domesticité, eh bien, avait une jeune maîtresse qui était sa nièce, la duchesse
18:03 de Dinault, et ils avaient...
18:04 Alors là encore, on va faire bondir, parce qu'il avait 40 ans de différence d'âge avec
18:09 elle, il avait 61 ans, elle en avait 21, et non seulement elle était sa maîtresse, mais
18:14 en plus, elle le trompait, elle avait quatre amants, enfin, c'était pas du tout, disons,
18:17 dans les mœurs d'aujourd'hui, dans les mœurs admises d'aujourd'hui, mais c'est passionnant,
18:22 et tous ces gens-là n'avaient qu'une obsession, c'était Napoléon.
18:25 Napoléon, allez le dire, mais qu'est-ce qu'on va en faire ? Et lui-même observait
18:30 ce qui se passait au Congrès de Vienne, parce qu'à un moment, il était en question d'une
18:34 guerre entre l'Autriche et la Russie.
18:36 À ce moment-là, on aurait eu besoin de lui, vous voyez, et puis à la fin, quand il a
18:39 vu que, en effet, le Congrès de Vienne s'était entendu, et pour vraiment assurer la légitimité,
18:50 à ce moment-là, il a décidé de partir.
18:51 Mais il n'a pu partir que parce que, au moment où le Colonel Campbell était avec sa maîtresse.
18:57 - Maîtresse, oui, que vous décrivez comme jeune, légère, belle, vous aimez les femmes,
19:04 Jean-Marie Roy, est-ce que vous êtes inspiré, finalement, comme on en sait très peu, de
19:09 vos propres maîtresses, si je peux me permettre ?
19:11 - Alors, une bonne question ! Écoutez, je ne veux pas dire, moi, j'ai d'abord, il y a
19:20 une femme que j'ai adorée, c'est ma mère.
19:22 Et quand on a aimé sa mère, forcément, on a une conception d'une femme qui est peut-être
19:28 plus douce, plus tendre, parce que j'ai une mère qui est plus merveilleuse.
19:31 Mais ma position vis-à-vis des femmes, ça m'a amené, en effet, à aimer tout le romanesque
19:39 de l'amour, parce que c'est formidable, rencontrer une femme dans l'autobus, et puis savoir
19:46 qui elle est, découvrir son univers, sa grand-mère, ses parents, c'est un roman.
19:51 Et comme j'aime beaucoup le roman, c'est vrai que j'ai aimé aussi le roman réel de
19:56 la vie amoureuse.
19:57 Mais par rapport à Depardieu, si vous voulez, moi, j'ai cette conception, en effet, dans
20:07 une forme de raffinement chevaleresque.
20:10 Je crois que c'est formidable.
20:12 La chevalerie a été un grand progrès par rapport à la barbarie du premier Moyen-Âge.
20:17 Et il y a une phrase que j'aime beaucoup, qui est d'Alfred de Vigny, qui aimait lui
20:23 aussi les femmes, et il disait "après avoir étudié les conditions des femmes, dans tous
20:30 les temps et dans tous les pays, je suis arrivé à la conclusion qu'au lieu de leur dire
20:36 bonjour, on devrait leur dire pardon".
20:38 Eh bien, c'est ce qui m'a amené à me battre en faveur des prostituées, parce que je considère
20:44 que vraiment le malheur du malheur, c'est la prostitution.
20:47 Et donc pas que je sois contre moralement, je suis contre socialement, parce que c'est
20:54 pour ça que l'ONU avait condamné la prostitution et le mal qui l'accompagne.
20:58 Eh bien, les prostituées, pour moi, c'est le summum de la misère humaine et de la misère
21:03 des femmes.
21:04 - Merci Jean-Marie Rouart, on se retrouve après une courte pause, on continue de parler
21:08 de votre maîtresse italienne, ou plutôt celle du général Campbell, et puis on parle de
21:16 Napoléon puisqu'il est au cœur de votre livre.
21:20 A tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité, avec Jean-Marie Rouart.
21:23 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
21:27 - Nous sommes de retour sur Sud Radio avec Jean-Marie Rouart, académicien, grand écrivain
21:34 qui sort un nouveau livre, la maîtresse italienne autour de la comtesse Mignacci, qui était
21:40 au cœur de l'évasion de Napoléon de l'île d'Elle, parce qu'elle a séduit notamment
21:46 son géolier, le colonel Campbell, ce que nous expliquait Jean-Marie Rouart avec la pause.
21:52 C'est aussi un personnage romanesque, cette comtesse, comme les aime Jean-Marie Rouart,
21:58 il nous faisait cette confession qu'il aimait beaucoup les femmes.
22:02 Est-ce que c'est possible aujourd'hui d'aimer les femmes de la même manière dans la littérature ?
22:08 Est-ce que finalement un certain féministe n'est pas devenu le pire ennemi des femmes
22:12 et de la littérature, Jean-Marie Rouart ?
22:15 - Vous savez, ce qu'il y a de merveilleux dans la littérature, c'est la liberté.
22:18 Et dans la vie aussi, la liberté.
22:20 Moi, je ne m'en tiens pas compte.
22:22 J'essaie de vivre avec un sentiment d'être l'homme universel, universel dans tous les pays.
22:32 Parce que je pense qu'on aime son enfant, on aime sa femme, aussi bien en Chine qu'au Japon,
22:38 qu'à l'autre bout du monde, et aussi dans le temps.
22:42 Vous savez, quand vous lisez ce qui se passait à l'époque de la Grèce antique ou à l'époque de Rome,
22:48 les grands sentiments, c'était les mêmes.
22:50 On souffrait quand son enfant était malade, quand on était trompé, on souffrait également.
22:56 Donc, vous voyez, je crois qu'il ne faut pas croire dans notre progressisme
23:00 que nous avons complètement évolué, que nous sommes très différents.
23:03 Non, les sentiments sont éternels.
23:06 Et les sentiments, les grands sentiments qui, à la fois, nous donnent du bonheur ou nous font souffrir, sont éternels.
23:13 - Et alors le colonel Campbell, est-ce qu'il souffre de son amour pour la comtesse Minyatchi ?
23:21 Est-ce qu'il y a un complot dans l'ère où vous avez fait parler votre imagination d'écrivain ?
23:27 Parce qu'on n'en sait pas grand-chose, mais on sait effectivement que Napoléon a réussi à s'évader.
23:33 La comtesse n'y était pas pour rien ?
23:36 - Alors, c'est la question que je me suis posée, mais personne ne peut y répondre,
23:39 parce que même à Florence, il y a très peu de documentation sur elle.
23:44 Alors, il est possible qu'elle ait été téléguidée par Pauline Bonaparte,
23:49 puisque Pauline Bonaparte a dit que si le nez de la comtesse Minyatchi avait été plus long,
23:52 le sort du monde aurait été changé.
23:54 Parce que l'évasion de l'île d'Elbe, ça a été colossal,
23:57 parce que c'est ce qui a amené la reconquête des 100 jours et puis Waterloo.
24:01 - Et effectivement, il y a les conséquences sur l'Europe tout entière.
24:04 - Et on se penche beaucoup plus... - Tout ça est partie d'une histoire d'amour.
24:08 - Et on se penche beaucoup plus sur les 100 jours, c'est la reconquête de la France par un seul homme,
24:13 que sur cette période tout aussi extraordinaire, c'est-à-dire l'évasion.
24:17 L'évasion était invraisemblable, il y avait toutes les raisons d'échouer, et pourtant il réussit.
24:22 - Ça se passe comment ? Racontez-nous ça, racontez-nous l'évasion de Napoléon.
24:25 On va parler tout à l'heure du film de Ridley Scott, elle n'y est pas du tout.
24:29 Il se dit "Tiens, je reviens", et puis on le voit revenir, mais ça a l'air très simple.
24:37 - Toute la vie de Napoléon est entourée de miracles.
24:41 Il a dit "Nous naissons, nous vivons, nous mourons dans le merveilleux",
24:45 et il a tout à fait raison, et c'est extraordinaire.
24:48 Et donc, son évasion de l'île d'Elpe, c'est un miracle, sa reconquête de la France, c'est un miracle,
24:53 mais tout dans sa vie est miraculeux. C'est un homme qui a la baraka, enfin la baraka, il est protégé.
25:02 - Et donc, ça se passe comment ?
25:06 - L'évasion, il attend patiemment que Campbell aille retrouver sa maîtresse,
25:14 et il fait exprès, il organise une fête pour l'inviter, et il voit bien que Campbell ne viendra pas à sa fête.
25:20 Donc il se dit "La voie est libre", et il quitte l'île d'Elpe avec 1300 soldats,
25:30 et la vieille garde, et là, il se passe un phénomène tout à fait inouï, il est sur son bateau,
25:39 et au moment de sortir de la rade de Portoferraio, le vent tombe, il n'y a plus de vent.
25:47 Alors vous imaginez l'angoisse ! Eh bien lui va se coucher, il va dormir,
25:53 et à une heure du matin, le vent se lève, et voilà, et la flotte peut partir.
25:57 - Il est convaincu de son destin, absolument.
25:59 - C'est extraordinaire, c'est un homme, et ça c'est peut-être ce qu'on n'a pas vu Ridley Scott,
26:05 c'est un homme qui sent, il l'avait dit d'ailleurs, "La balle qui me tuera sera faite pour moi",
26:15 c'est-à-dire vraiment il a toujours eu ce sentiment de son invincibilité,
26:20 parce qu'il était protégé, il y avait une protection dans les astres.
26:25 - Une protection divine d'une certaine manière, même si c'était aussi un enfant de la Révolution.
26:30 On va en venir au film de Ridley Scott et à la figure de Napoléon de manière plus générale,
26:35 mais restons sur votre livre, votre histoire.
26:39 Donc l'histoire d'amour avec le colonel Campbell, c'est une histoire d'amour sincère,
26:45 ou c'est une grande manipulation ?
26:47 Parce que les femmes peuvent être belles, légères, mais elles peuvent aussi être manipulatrices,
26:51 on l'oublie, comme les hommes d'ailleurs.
26:53 - Ce qui est merveilleux avec les femmes, comme avec les hommes, c'est qu'on ne sait jamais.
26:57 Alors c'était peut-être intéressé, c'était peut-être simplement de la séduction,
27:01 parce que c'est un beau garçon, on ne sait pas.
27:04 C'était vraiment... C'était peut-être une courtisane, c'était peut-être une courtisane amoureuse,
27:09 il y en a eu beaucoup, comme dit Nondelanto.
27:12 Donc les raisons qui ont poussé cette femme à avoir cette liaison avec cet homme,
27:20 moi j'ai imaginé qu'elle avait beaucoup souffri, parce que son attachement, en général,
27:25 les femmes tiennent plus les hommes parce qu'elles ne leur donnent pas, que parce qu'elles leur donnent.
27:32 [Rires]
27:34 - Je vous rejoins là-dessus.
27:36 - Mais ça c'est peut-être un peu une expérience personnelle.
27:40 - Voilà, on en parlera au déjeuner après cette interview, je ne vais pas rien voir.
27:46 Oui, très plaisanterie et mise à part,
27:52 votre livre évoque aussi cette figure de Napoléon,
27:58 on va en parler.
28:00 Non, j'ai perdu le fil, je voulais vous interroger sur les îles.
28:04 Vous avez été sur l'île d'Elbe pour écrire ce roman,
28:08 où est-ce que vous écrivez habituellement ?
28:10 Est-ce que vous écrivez chez vous ? Moi ça m'intéresse de savoir où vous écrivez.
28:14 - J'ai une maison en face de l'île d'Elbe, en Corse, près de l'herbe Alunga,
28:20 et je vois l'île d'Elbe tous les jours.
28:22 Mais ce n'est pas la raison pour laquelle j'ai écrit ce livre,
28:25 c'est amusant, bien sûr je suis allé à l'île d'Elbe,
28:27 mais parce que Napoléon a toujours occupé une place dans ma vie,
28:30 depuis que j'ai 18 ans, j'avais raconté, il m'a sauvé la vie.
28:34 Il m'a sauvé la vie parce que j'ai lu à ce moment-là,
28:37 j'ai échoué dans tous les domaines, c'était effrayant, j'étais un de mauvais élève,
28:41 je ratais mon bac, ma petite amie me quittait, c'était incroyable.
28:45 Et à ce moment-là, j'ai découvert Napoléon,
28:47 j'ai découvert qu'il avait souffert des mêmes problèmes que moi.
28:51 C'est sa petite amie, il le trompait, comme Joséphine,
28:55 il avait tout raté au début, il a tout raté,
28:58 et puis finalement il s'en est sorti.
29:00 Et donc ça m'a donné des vitamines de courage.
29:03 Et je recommande à tous les adolescents de lire le Mémorial de Sainte-Hélène,
29:11 et de lire tous les textes concernant Napoléon,
29:13 vraiment ça fait du bien.
29:15 Parce que quand on a une vie difficile,
29:18 tous les adolescents ont une vie difficile,
29:20 et on se rend compte que cet homme a vraiment une endurance,
29:25 et il a été construit par l'échec.
29:28 Parce qu'il ne faut pas que l'échec, la pire des choses,
29:31 c'est que l'échec vous détruise.
29:33 Mais l'échec peut être un élément, justement,
29:35 de se renforcer, de renforcer son caractère et son âme.
29:38 - Vous avez connu beaucoup d'échecs, à part quand vous aviez 18 ans ?
29:42 - Que ça !
29:43 - Qu'est-ce qui a renforcé, comment deviens-toi académicien, Jean-Marie Rouen ?
29:47 - Vous ne croyez pas ce qu'il vient de dire,
29:52 j'ai échoué 4 fois à l'académie avant d'être élu.
29:55 Et quand j'ai été élu, on s'était beaucoup manqué de moi,
29:59 ce qui est normal, parce que c'est un peu ridicule de se présenter à l'académie.
30:02 Et on m'a dit "alors vous êtes heureux ?"
30:04 Un journaliste me dit ça, "vous êtes heureux ?"
30:06 Je lui dis "non, je suis inquiet".
30:07 Il me dit "mais pourquoi êtes-vous inquiet ?"
30:09 Je lui dis "je suis inquiet, j'ai eu 16 voix de plus que Balzac".
30:12 - Balzac n'avait eu que 2 voix !
30:14 - Et il s'était présenté plusieurs fois, je crois.
30:18 - 3 fois.
30:19 - 3 fois, oui.
30:20 Vous avez eu plus de voix, mais vous vous êtes présenté plus de fois,
30:23 donc ça ne compte pas, Jean-Marie Rouen.
30:26 Donc oui, cette figure inspirante de Napoléon,
30:28 et qui continue à inspirer jusqu'au cinéma américain,
30:33 avec cette nouvelle version de Napoléon,
30:35 film américain réalisé par un Anglais.
30:38 Qu'est-ce que vous en avez pensé ?
30:40 - Je ne suis pas aussi sévère que les grands spécialistes de Napoléon.
30:45 Moi je trouve que c'est un film,
30:47 et forcément c'est une adaptation, un peu avec des gros sabots.
30:51 Mais je trouve que les batailles sont très bien rendues.
30:55 Et puis, ce que je trouve intéressant,
30:58 c'est à quel point on ne peut pas abîmer Napoléon.
31:02 C'est-à-dire qu'on a beau faire des films, en effet,
31:05 il y a des scènes d'amour, des scènes de sexe un peu ridicules,
31:09 mais on ne peut pas abîmer Napoléon parce qu'il a une telle force dans sa légende.
31:14 Et vous remarquerez que les gens qui ont été très critiques sur ce film,
31:19 au fond c'est parce que ce film avait l'impression que ça abîmait leur image de Napoléon.
31:23 Et là c'est passionnant de se dire que les Français, en fond,
31:26 sont restés terriblement attachés à Napoléon.
31:28 Les seuls qui ne sont pas attachés à Napoléon, bizarrement,
31:32 et je vais encore le citer, c'est M. Lermannin, qui préfère la Révolution.
31:35 Mais qu'est-ce que c'est que la Révolution ?
31:37 C'est atroce ! La Révolution c'est une sorte de Hamas,
31:40 ce sont des terroristes épouvantables qui égorgent...
31:44 - En 93, mais...
31:46 - Et la prise de la Bastille...
31:48 - Et en même temps Napoléon est quand même l'héritier de la Révolution.
31:51 - On les a découpés en morceaux.
31:53 Oui, mais justement c'est pour ça qu'il faudrait,
31:55 je suggère ça aux membres du gouvernement,
31:58 et à M. Macron, qui est maintenant en recherche d'idées, j'ai l'impression,
32:02 eh bien il faudrait revenir à Napoléon,
32:05 qui lui a tiré le meilleur de la Révolution,
32:08 c'est-à-dire les grands principes,
32:10 et surtout le principe du mérite.
32:12 Parce que la liberté, comme je l'ai dit, c'était plus ancien.
32:15 Mais ce mérite, et ça, on devrait honorer Napoléon.
32:19 Alors que, vous pouvez remarquer,
32:21 Macron a fait un discours sur Napoléon,
32:23 c'est vrai, il n'y a pas longtemps, pour l'anniversaire...
32:25 - Pour le bicentenaire.
32:26 - Oui, pour le bicentenaire, mais que depuis Pompidou et De Gaulle,
32:29 personne n'avait évoqué Napoléon.
32:31 C'est-à-dire que c'est le pestiféré Napoléon,
32:33 alors qu'en réalité, c'est le constructeur de la France moderne.
32:36 Mais vous voyez, ce film, ça a ravivé, au fond,
32:40 notre passion très profonde pour Napoléon,
32:44 et De Gaulle, dans un entretien avec André Malraux,
32:47 disait "Mais vous savez, si tant de gens sont venus me rejoindre à Londres,
32:50 c'est à cause de Napoléon".
32:52 Parce qu'il leur a donné une idée de la France,
32:54 une France immense, pour laquelle rien n'est impossible.
32:57 - Merci Jean-Marie Rouart, on va faire une dernière pause
33:02 avant la dernière partie de cette émission.
33:04 On continue à parler de Napoléon,
33:07 on fera peut-être aussi un bilan de l'année avec vous,
33:09 parce que vous êtes aussi un fervent observateur du monde politique.
33:13 Et puis on se projettera vers l'année 2024.
33:17 A tout de suite sur Sud Radio avec Jean-Marie Rouart.
33:19 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
33:24 - Nous sommes de retour sur Sud Radio avec Jean-Marie Rouart,
33:27 qui nous parle de son nouveau livre "La maîtresse italienne"
33:31 qui paraît le 3 janvier aux éditions Gallimard.
33:35 Livre autour de l'évasion de Napoléon de l'île d'Elbe.
33:38 On parlait de cette figure mythique,
33:41 on parlait du fameux film de Ridley Scott qui a beaucoup divisé.
33:46 Jean-Marie Rouart, vous nous disiez avant la pause
33:49 que vous parliez assez peu de Napoléon,
33:52 qu'au moment du bicentenaire Emmanuel Macron avait fait un discours,
33:55 mais enfin il n'en a pas fait trop non plus.
33:58 Pourquoi cette légende noire autour de Napoléon ?
34:01 Est-ce que ce film ne contribue pas aussi à l'entretenir finalement ?
34:05 Est-ce que ce n'est pas la vision d'un Anglais de la France
34:09 et que Napoléon est présenté comme un petit dictateur impérialiste ?
34:13 Et du reste, effectivement, les campagnes napoléoniennes ont fait beaucoup de morts.
34:19 Il est populaire en France mais pas toujours en Europe.
34:22 Il y a plusieurs Napoléons aussi.
34:26 Je ne suis pas d'accord avec vous.
34:28 Il est très populaire en Russie, en Italie et même en Angleterre.
34:33 Il est très populaire.
34:35 Il faut revenir et dire des choses justes.
34:39 Mais vraiment, cette querelle sur les morts de l'époque napoléonienne,
34:43 mais attendez, la République, la guerre de 1914 a fait 1,5 million de morts.
34:48 Donc il ne faut pas luster la pierre.
34:50 Et lui, il faut voir.
34:52 Moi j'ai lu, vraiment, parce que ça m'intéresse à Napoléon depuis très longtemps,
34:56 mais pas seulement à Napoléon, mais à tous les hommes qui l'ont servi, tous les généraux.
35:00 Il faut voir leur mémoire.
35:01 Ils sont tous, à la fin de leur vie, même quand ils ont perdu un bras ou une jambe,
35:05 ils sont tous en admiration et ils disent que c'est la plus belle période de leur vie.
35:09 Donc ils ont connu une aventure.
35:11 Il faut bien voir que le fait militaire, le fait d'être soldat,
35:14 ça n'avait pas le même sens en 1700 à partir de la Révolution, à partir de Napoléon.
35:20 — Vous parliez du mérite.
35:22 — Vous pouviez devenir général, maréchal.
35:25 Vous voyez, c'était extraordinaire.
35:27 Il faut voir à quel point tous ces hommes en ont été reconnaissants à Napoléon,
35:31 au point que, quelques années plus tard, le neveu, les Français aussi,
35:35 donc s'ils avaient été si malheureux...
35:38 — Ils auraient pas eu Napoléon III.
35:40 En revanche, moi j'ai lu beaucoup de mémoires de soldats de la guerre de 1914,
35:45 Jünger, Driello, Rochelle, c'est effroyable.
35:48 C'est la guerre moderne, la guerre vraiment telle qu'on peut la voir maintenant en Ukraine
35:53 ou dans d'autres pays, c'est effroyable.
35:55 Donc Napoléon a laissé une légende qui...
35:59 Parce que c'était une forme de guerre à la française,
36:03 c'est cette guerre à la fois où il y a beaucoup de gloire
36:06 et relativement peu de morts à chaque bataille.
36:09 Et c'est une guerre d'aventure, c'est une guerre romanesque.
36:13 C'est pour ça que, vous savez, Napoléon est défendu,
36:16 moins par les historiens que par les écrivains.
36:19 Regardez le nombre d'écrivains qui ont parlé de Napoléon,
36:22 c'était extraordinaire.
36:23 À commencer par Malraux, à commencer par...
36:26 Vraiment, il y a eu une énorme... Léon Blois a écrit aussi.
36:29 Donc c'est une légende qui, je crois, il incarne...
36:33 Pour les Français, il incarne la France.
36:35 — Il incarne la France, et justement, malgré les mauvaises critiques,
36:38 le film a été un succès.
36:40 Est-ce que ça témoigne de l'appétit des Français pour Napoléon ?
36:43 — Oui. Moi, je crois qu'ils se disent...
36:46 Ils se rendent bien compte que leurs gouvernements sont complètement hypocrites,
36:50 qu'il n'y a pas une rue Napoléon à Paris.
36:52 Non mais attendez, il y a une petite rue Bonaparte,
36:54 alors que partout, vous avez les avenues des maréchaux de l'Empire.
36:58 Et puis ils se rendent bien compte que le Conseil d'État,
37:01 enfin, toutes les institutions, viennent de Napoléon.
37:04 Enfin, faut pas rigoler.
37:06 Donc je pense que c'est très intéressant de voir
37:11 à quel point nos grands hommes, comme De Gaulle,
37:16 ont reconnu l'apport formidable de Napoléon.
37:19 — Justement, en parlant de grands hommes,
37:22 est-ce que le succès de Napoléon, y compris aujourd'hui,
37:26 vient peut-être de la nostalgie des grands hommes ?
37:29 — Est-ce qu'ils existent encore ?
37:31 Est-ce que vous pourriez être inspirés, en tant qu'écrivain,
37:35 par les hommes politiques contemporains ?
37:37 — Alors, ça c'est une question très difficile.
37:41 C'est sûr que les hommes politiques contemporains,
37:44 d'abord, c'est très rare qu'ils aient une vision.
37:49 D'abord parce qu'il y a l'Europe, il y a beaucoup de choses.
37:52 Il faut qu'il y ait... C'est un ensemble, c'est une synthèse, au fond.
37:56 Il y a très peu d'hommes qui aient cette vision,
37:59 et qui aient compris, depuis De Gaulle, c'est vrai,
38:02 et qui aient compris l'histoire de France.
38:04 On a l'impression que De Gaulle avait complètement intégré
38:07 l'histoire de France.
38:09 Et d'ailleurs, dans la très bonne biographie de Jean-Luc Marais,
38:12 on le voit très bien, il avait une formidable culture.
38:15 C'est vrai, je suis attaché au général De Gaulle,
38:18 même si je suis très critique sur le général De Gaulle.
38:21 Mais il avait une formidable culture et une vision.
38:24 Je crois que peut-être ce qui manque le plus aujourd'hui,
38:27 et on pourrait le dire aussi pour un homme très intelligent,
38:31 comme le président Macron, il lui manque singulièrement une vision.
38:35 Et disons plutôt qu'il a une mauvaise vision.
38:39 C'est-à-dire que...
38:41 Et vous savez, j'avais écrit un livre,
38:44 qui s'appelait "Les aventuriers du pouvoir",
38:47 qui apparu juste avant son élection, sa première élection.
38:50 Et j'annonçais que son principe dû en même temps
38:54 l'amènerait à l'échec et au succès de Marine Le Pen.
38:57 C'est-à-dire, parce que j'avais vu l'expérience de Giscard d'Estaing,
39:01 qui lui aussi était un peu dans le haut en même temps.
39:05 C'est-à-dire que, vous savez, il faut prendre un parti.
39:08 Moi, je trouve très bien qu'il y ait une gauche,
39:11 très bien qu'il y ait une droite, mais pas en même temps.
39:14 Il faut choisir, sinon vous ne pouvez pas gouverner.
39:17 Et c'est dommage, parce qu'on est en train de transformer,
39:20 le président Macron est en train de transformer la Ve République,
39:24 qui avait vraiment été un grand apport sur le plan politique,
39:27 en IVe République, qui est quand même une catastrophe.
39:30 - On est dans une crise de régime, là, vous pensez ?
39:33 - Oui, complètement, puisqu'on voit bien l'impossibilité
39:37 d'avoir une majorité avec l'Euro en même temps.
39:41 C'est impossible. Or, le parti majoritaire, dans la Ve République,
39:45 c'était la clé de la Ve République.
39:48 - Vous avez dit qu'il était peut-être moins romanesque
39:52 que d'autres personnages, mais est-ce que c'est pas un enfant...
39:56 Il a un côté romanesque, par ailleurs, quand même.
39:59 - Ça prit le pouvoir. - Mais qui manquait peut-être
40:02 de vision par rapport à des grands personnages historiques.
40:05 Est-ce que c'est pas le loup des hommes politiques de l'époque ?
40:08 On n'est pas dans une époque où il n'y a plus tellement d'aventures,
40:12 où on est dans la technocratie, où on est dans le marché ?
40:16 - Non, mais moi, c'est drôle, parce que je l'ai vu.
40:19 - Il est confiné quand il y a un virus...
40:22 - Avant son élection, je l'avais vu, nous avions parlé,
40:26 d'ailleurs nous nous croisons de temps en temps, on se parle,
40:29 je lui avais dit "Vous attachez trop d'importance à l'économie
40:32 et pas assez au roman national".
40:34 Elle me dit "Ah, c'est juste, il faudra qu'on se reparle".
40:37 Puis on n'a jamais eu l'occasion de leur parler.
40:39 Mais c'est vrai, c'est ce qui lui manque.
40:41 Sinon, il n'aurait pas dit des sottises sur l'histoire
40:44 de l'absence de culture française.
40:47 Il a fait beaucoup d'erreurs historiques par méconnaissance,
40:52 justement, c'est pas le reproche qu'on peut faire au général de Gaulle,
40:56 ou à Napoléon, qui était un homme qui avait une culture
40:59 en profondeur de l'histoire de France.
41:02 Donc, je crois que Macron, avec beaucoup de qualités,
41:06 il lui manque cette base fondamentale pour comprendre les Français,
41:12 il faut d'abord comprendre l'histoire de France.
41:15 J'en recevais il y a quelques semaines, Franz Olivier Gisbert,
41:19 qui, comme vous, a côtoyé plusieurs présidents de la République,
41:23 qui a écrit son histoire intime de la Vème République,
41:26 et qui expliquait qu'à partir de Nicolas Sarkozy,
41:29 c'était le toboggan, en quelque sorte,
41:31 ou à partir même de Mitterrand,
41:33 que c'était le début de la tragédie française.
41:35 Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
41:38 Et vous qui avez connu plusieurs présidents de la République,
41:42 quels souvenirs gardez-vous avec eux ?
41:45 Est-ce que vous en avez une préférence pour les uns ou pour les autres ?
41:48 Écoutez, je vais tomber dans le défaut des écrivains,
41:51 je vais être très personnel.
41:53 Il se trouve que j'ai eu des liens très proches avec deux présidents,
41:58 c'est surtout Mitterrand, qui m'invitait très souvent,
42:02 avant son élection, puis m'invitait après.
42:04 C'était son goût pour les écrivains de droite.
42:06 C'est drôle, mais vraiment, on est habillé dans une grande forme,
42:09 alors que, franchement, sa politique n'est pas du tout ma conception de la politique.
42:14 Et puis Nicolas Sarkozy, avec lequel j'ai eu énormément de conversations littéraires,
42:18 sur Balzac, sur beaucoup de sujets.
42:20 Donc, c'est une vision personnelle.
42:22 Mais sur le plan de la politique, je ne peux pas dire que ce soit les hommes,
42:26 bon, ils ont commis des erreurs, mais ils sont dans des situations pas faciles aujourd'hui,
42:30 puisqu'on est dans une crise de la démocratie.
42:33 On a, en même temps, si vous me permettez cette expression,
42:38 on a abîmé les institutions de la Ve.
42:41 Le quinquennat est une fausse sottise.
42:44 On s'est arrangé pour, finalement,
42:48 ce qui est important en politique, c'est d'avoir une vision,
42:52 et les moyens pour mettre en oeuvre cette vision.
42:55 Eh bien, aujourd'hui...
42:57 - On a dit les moyens, ni la vision ?
42:59 - Non, il n'y a rien.
43:01 Après, on s'étonne que ça aboutisse à une crise démocratique extrêmement grave.
43:06 Et en même temps, j'allais dire, si vous me permettez moi aussi cette expression,
43:11 votre livre, et même pas que celui-ci,
43:15 ce sont des livres d'amoureux de la France, si j'ose dire.
43:18 Et vous savez, notamment en racontant le destin de Napoléon,
43:23 ou une partie de son destin, que la France est une sorte de phénix.
43:27 Donc, voilà, on est dans la dernière émission de l'année,
43:31 on se projette vers 2024.
43:33 Est-ce que, malgré tout, vous êtes optimiste ?
43:35 Et est-ce que la France peut se relever encore une fois,
43:39 comme elle l'a fait souvent dans son histoire ?
43:41 - Vous savez ce que disait Aragon ?
43:43 "Il n'y a pas d'amour heureux."
43:45 Eh bien, l'amour de la France est aussi un amour malheureux.
43:48 C'est vrai, parce qu'il y a un tel idéal,
43:50 et cet idéal est si peu suivi de réalisation qu'on souffre.
43:55 On souffre qu'un pays qui possède tant de choses, davantage,
44:00 eh bien, soit, malgré tout ça, un pays maintenant de plus en plus divisé.
44:05 Et qu'on se croise souvent au bord de la guerre civile.
44:08 - Au bord de la guerre civile.
44:10 Alors, moi qui voulais que vous soyez optimiste,
44:13 mais ce n'est pas la première fois qu'il l'a été, au bord de la Corée.
44:16 - Oui, mais là, ce que je trouve terrible,
44:18 ce sont les oppositions entre Français,
44:20 qui se sont ravivées.
44:22 Il y a un climat, aujourd'hui, à la fois social et moral,
44:26 qui est, à mon avis, très pénible.
44:30 Et c'est pourquoi, à travers la littérature,
44:34 à travers la langue française,
44:36 c'est ce qui réunit. La littérature, c'est ce qui réunit.
44:39 Réunit sur un idéal qui vous dépasse.
44:41 Eh bien, je crois que les gens devraient plus se pencher
44:44 sur la littérature pour se réunir.
44:46 Puisque la religion, maintenant, c'est une forme de religion, la littérature.
44:51 - Eh bien, on va terminer là-dessus, heureusement.
44:54 Il nous reste la littérature,
44:56 il nous reste les livres de Jean-Marie Rouart.
44:58 Lisez "La maîtresse italienne", son dernier roman.
45:01 Ça paraît le 3 janvier, chez Gallimard.
45:03 Merci d'avoir été avec nous.
45:05 Je vous laisse avec les informations.
45:07 Et je vous retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro, dans toute vérité.
45:09 - C'est ça, c'est la vérité.