Anne Fulda reçoit Claude Guittard pour son livre «Lipp est une fête» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Claude Guitard.
00:01Alors, on est ravi de vous recevoir.
00:03Pour ceux qui ne connaissent pas votre moustache inimitable,
00:07vous avez été le directeur pendant des années de la brasserie Lippe
00:11et vous venez de publier vos souvenirs dans un livre qui s'appelle
00:14Lippe est une fête, un livre qui est paru aux éditions du Rocher,
00:17un livre dans lequel vous racontez un peu l'histoire de cette brasserie
00:20connue dans le monde entier, mais aussi des anecdotes.
00:23Vous parlez de personnalités et de personnes célèbres et moins célèbres
00:27que vous avez croisées.
00:28Alors, quand vous arrivez, vous y arrivez un peu par hasard.
00:31Il y a plus de 30 ans, vous êtes un jeune homme.
00:37Vous vous retrouvez donc dans cette maison qui est en plein coeur de Saint-Germain-des-Prés.
00:41Est ce que vous pensez que cette localisation est une des explications
00:45de cette longévité incroyable ?
00:48Parce qu'il n'y en a pas beaucoup des institutions comme Lippe.
00:51Ah oui, je crois.
00:52Je crois que le quartier fait pour beaucoup dans la réputation
00:54et dans la durabilité de l'établissement.
00:57C'est un quartier très vivant.
00:58Au Moyen-Âge, c'était le quartier des maisons d'édition,
01:02parce que c'est là où on commençait à imprimer des livres,
01:04plutôt religieux, bien sûr.
01:05Et tout est resté dans ce quartier.
01:08Et c'est un quartier où beaucoup de gens habitent.
01:10Donc, il y a une vraie vie de quartier à Saint-Germain-des-Prés.
01:13Alors, est ce qu'il y a aussi dans les raisons,
01:15ça s'explique peut être aussi par une sorte de caractère immuable
01:19de certaines choses qui existent chez Lippe, qui sont demeurées.
01:23Chez Lippe, il faut être bien habillé.
01:25Le décor n'a pas vraiment changé.
01:27Le menu non plus. Des choses comme ça.
01:29Oui, c'est vrai.
01:30Et depuis le début, depuis sa création en 1880,
01:33la maison a eu trois propriétaires,
01:35ce qui, je pense, a beaucoup aidé dans la pérennité du lieu,
01:39dans la conservation des habitudes et du respect des clients
01:42et des coutumes de l'établissement.
01:44Alors, des clients, ce qui est intéressant,
01:45c'est qu'il y en a de toutes sortes.
01:46Il y a des touristes, bien évidemment.
01:49Il y a des habitués du quartier, célèbres ou pas célèbres.
01:52Des gens de l'édition, vous le disiez à l'instant.
01:55Des écrivains aussi.
01:56Il y a tout un chapitre sur Jacques Laurent, par exemple.
01:59Il y a eu aussi Marguerite Duras, des politiques aussi.
02:04Moins qu'à une époque.
02:05Alors, vous donnez une explication, d'ailleurs,
02:07à cette moindre fréquentation des politiques.
02:10Oui, moins qu'à une époque, parce que les temps ont changé.
02:13On est à l'époque des réseaux sociaux, on n'est plus scrutés.
02:18Il y a 25 ans en arrière, des hommes politiques
02:20pouvaient venir déjeuner ou dîner de bord totalement opposés.
02:24Ils pouvaient dîner ensemble.
02:25Ça ne transpirait pas dans la presse.
02:26Rien ne sortait.
02:27Aujourd'hui, c'est très compliqué.
02:29Et la nouvelle génération, en plus, je pense,
02:31d'hommes politiques ou de femmes politiques,
02:33ont moins envie de se montrer et ils viennent moins chez l'IP.
02:37Parce que vous racontez une époque où Valéry Giscard d'Estaing
02:41et Georges Pompidou mettaient en scène leur réconciliation
02:45en allant chez l'IP, par exemple, en s'affichant chez l'IP.
02:47Exactement.
02:48Mais c'était le général de Gaulle qui avait monté tout ce stratagème
02:51parce qu'on savait qu'ils ne s'entendaient pas tous les deux.
02:53Au gouvernement, il y avait vraiment une mésentente
02:55et de Gaulle leur avait dit
02:56« Allez vous montrer chez l'IP, comme ça on verra que vous êtes réconciliés. »
03:00Et en fait, c'est Gérald de Gaulle qui avait envoyé un photographe
03:02pour immortaliser ce moment.
03:03Et vous parlez aussi de François Mitterrand,
03:05qui a une drôle de réaction lorsqu'il apprend, le 2 avril 1974,
03:08la mort de Georges Pompidou et qu'il est chez l'IP.
03:10Oui, il est dans la salle du fond, il dîne chez l'IP.
03:13Et Roger Caz, qui était un fin connaisseur de la vie politique,
03:16va lui annoncer, parce qu'il a appris ça à lui de son côté,
03:19que Pompidou est mort.
03:21Et Mitterrand se lève d'une traite
03:23et part presque en courant avec l'imperméable sur l'épaule.
03:26Et Roger Caz l'arrête et lui dit
03:28« Mais Monsieur Caz, Monsieur Mitterrand,
03:29vous n'avez pas réglé votre addition. »
03:31Et M. Mitterrand lui aurait dit « Vous me l'enverrez à l'Élysée. »
03:35« Vous me l'enverrez à l'Élysée. »
03:36Alors, vous venez de parler à l'instant,
03:38vous dites que Mitterrand était dans la salle du fond,
03:40parce que le placement, c'est quelque chose de très important chez l'IP.
03:43Il y a plusieurs strates, en fait.
03:47Il y a la première salle, il y a la salle du fond et puis il y a l'étage.
03:51Expliquez-nous les différences.
03:53La maison n'est pas très grande, donc c'est vrai qu'il y a trois salles.
03:55La première salle, dite le paradis où on installe nos clients les plus fidèles.
04:00Pas forcément les plus connus, mais bien sûr, les plus connus.
04:03Mais on est plutôt attaché à la fidélité de nos clients.
04:07Donc la première salle, c'est pour eux.
04:09La deuxième salle, ce sont pour les prétendants à la première salle.
04:12C'est un peu un sas d'attente.
04:14Et le premier étage, c'est pour les gens que l'on ne connaît pas
04:17ou qui ont le malheur de prendre la porte tambour dans le mauvais sens,
04:19ce qui nous permet de voir qu'on ne les connaît pas.
04:22Et puis dans la première salle, très souvent,
04:24c'est des gens qui veulent voir et être vus aussi.
04:26Oui, on est à Saint-Germain-des-Prés.
04:27C'est très germanopratin, ça, de voir être vu.
04:30Alors, vous racontez les habitudes de certains.
04:33Là, je suis au creux de Depardieu, le cervelat rémoulat
04:36de beaucoup de touristes américains qui veulent imiter Hemingway.
04:42Est-ce que vous avez des amitiés qui sont nées ?
04:45Parce que vous en avez reçu beaucoup de personnalités,
04:49de personnes moins célèbres aussi.
04:50D'ailleurs, il n'y a pas que des gens célèbres.
04:52Oui, parce qu'à la brasserie, on parle aux clients et les clients nous parlent.
04:55On n'est pas dans un restaurant avec une attitude plus retenue.
04:59Les clients sont souvent, les deux clients sont sur la banquette.
05:02Donc, ils nous font face, on parle avec eux.
05:04Et c'est vrai qu'en 30 ans, j'ai pu nouer des amitiés.
05:09Mon meilleur souvenir, c'est Kate Moss, parce que je l'ai connue en 93,
05:13quand elle est venue faire une photo chez Lippe pour un célèbre photographe.
05:16Et le 15 janvier dernier, elle était là pour son anniversaire
05:20parce qu'elle ne raterait pas son anniversaire chez Lippe.
05:22Et alors, vous racontez aussi, on n'a pas le temps de raconter tout,
05:25mais il faut lire le livre pour ça.
05:27Comment, par exemple, Jean-Paul Belmondo venait très souvent dîner,
05:30notamment avec sa mère.
05:32Il y a plein d'autres histoires.
05:33Ça, si vous voulez les connaître, c'est à lire.
05:36Donc, ça s'appelle Lippe est une fête.
05:38C'est paru aux éditions du Rocher.
05:39Merci beaucoup, Claude Guittard.
05:40Merci.